Mes chers collègues, nous examinons cet après-midi un rapport qui, je pense, fera date. Jamais un rapport parlementaire ne s'était penché sur les pratiques de l'industrie pornographique et sur leurs conséquences pour les femmes mais aussi pour l'ensemble de la société.
Avec mes trois collègues co-rapporteures Alexandra Borchio Fontimp, Laurence Cohen et Laurence Rossignol, nous nous sommes emparées de ce sujet, sur lequel nous avons travaillé pendant plus de six mois.
Nous avons mené des dizaines d'heures d'auditions. Nous avons entendu toutes les parties prenantes, avec des prises de position souvent différentes, parfois déroutantes, toujours enrichissantes. Ont ainsi nourri nos réflexions : des chercheurs, des associations féministes, des professionnels du secteur - producteurs, diffuseurs, actrices et réalisatrices -, des magistrats, des professionnels de santé, des associations de protection de l'enfance, ou encore, entre autres, l'Arcom, la Cnil et le PEReN. Nous avons également entendu, à huis clos, des victimes de l'affaire dite French Bukkake, cette affaire sordide révélée par Le Parisien et Le Monde, qui a permis de mettre au grand jour les pratiques de producteurs sans scrupules qui ont brisé la vie de dizaines de femmes. Une cinquantaine de victimes sont parties civiles dans cette affaire et douze individus ont été mis en examen pour proxénétisme, traite des êtres humains et viol. Par ailleurs, une deuxième affaire, dite Jacquie et Michel, a conduit à la mise en examen pour complicité de viol et traite des êtres humains en bande organisée, le 17 juin 2022, de Michel Piron, fondateur du site pornographique Jacquie et Michel et PDG du groupe ARES, aux côtés de trois autres personnes. À la lumière des révélations judiciaires, les propos qu'avaient tenus, devant notre délégation, les représentants du groupe ARES apparaissent aujourd'hui emprunts de cynisme et d'hypocrisie.
Nous avons également analysé les principaux contenus disponibles aujourd'hui sur les sites pornographiques les plus consultés, ceux que l'on appelle des tubes - des plateformes en ligne qui proposent gratuitement des dizaines de milliers de vidéos. Je pense important de le dire ici : il faut sortir de toute vision datée, faussée et édulcorée du porno. Le porno aujourd'hui ce sont des contenus violents, dégradants, humiliants. Les scènes dans lesquelles un homme - et plus souvent des hommes, parfois jusqu'à 50 - infligent des violences physiques et sexuelles à une femme sont devenues la norme.
Ce sont ces violences et leur banalisation qui nous ont amenées à des prises de position fortes au sein de ce rapport. Après tout ce travail, il n'était pas possible pour nous de présenter un rapport tiède et timide.
Nous dénonçons une industrie qui génère des violences systémiques envers les femmes, que ce soit celles qui se retrouvent dans ces productions ou celles qui subissent une sexualité calquée sur les normes de violences véhiculées par le porno.
Nous nous inquiétons également tout particulièrement de l'accès des mineurs à ces contenus. Aujourd'hui, la loi - plus précisément l'article 227-24 du code pénal - n'est toujours pas appliquée : en un clic, tout internaute, même mineur, peut accéder sans aucun contrôle aux sites pornographiques. Nous formulons des recommandations concrètes pour contrôler enfin l'âge des utilisateurs de ces sites.
Mes trois collègues co-rapporteures vont vous présenter dans le détail nos principaux constats et recommandations.
Vous avez sous les yeux L'Essentiel du rapport, qui synthétise les principaux constats et reprend l'intégralité des vingt-trois recommandations. Vous avez reçu ce document dès hier ainsi que le plan et l'avant-propos du projet de rapport.
Sachez que les quatre rapporteures que nous sommes portons collectivement ce rapport, qui a fait l'objet de nombreuses réunions et concertations.
Je laisse sans plus tarder la parole à ma collègue rapporteure Laurence Rossignol.