Intervention de Laurence Cohen

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 27 septembre 2022 : 1ère réunion
Examen du rapport d'information sur l'industrie de la pornographie

Photo de Laurence CohenLaurence Cohen, co-rapporteur :

Il me revient maintenant de vous présenter nos principales recommandations pour lutter contre les violences pornographiques et leurs conséquences. Je me réjouis que nous soyons parvenu avec les quatre rapporteures à un consensus en la matière.

Au nombre de vingt-trois, nos recommandations se déclinent en quatre grands axes :

- premièrement, faire de la lutte contre les violences pornographiques une priorité de politique publique et pénale.

Chacun et chacune d'entre nous doit prendre conscience des conditions sordides dans lesquelles se déroulent la plupart des tournages pornographiques.

Nous recommandons notamment :

- de faire des violences sexuelles commises dans un contexte de pornographie un délit d'incitation à une infraction pénale (viol ou agression sexuelle), comme ce qui existe en matière d'apologie du terrorisme ou d'appel à la haine ;

- et d'imposer aux sites pornographiques des messages d'avertissement, concernant des contenus violents, précisant qu'il s'agit d'actes sexuels non simulés, pouvant constituer des infractions criminelles ou délictuelles. Il est temps non seulement de responsabiliser les sites mais aussi celles et ceux qui regardent ces contenus pornographiques.

Nous souhaitons aussi que les forces de l'ordre soient formées au recueil des plaintes des victimes spécifiques que constituent les femmes victimes de l'industrie pornographique.

Enfin, nous appelons à une réflexion plus globale sur l'existence même de l'industrie pornographique.

Notre deuxième axe de recommandation concerne la suppression de contenus illicites et le droit à l'oubli.

Les diffuseurs, plateformes comme réseaux sociaux, ne sauraient s'exonérer de leurs responsabilités :

- des amendes doivent être imposées aux diffuseurs dès lors qu'ils ne suppriment pas tout contenu illicite qui leur a été signalé ;

- les diffuseurs doivent établir des procédures permettant aux personnes filmées, et non plus aux seuls propriétaires des vidéos, d'obtenir gratuitement le retrait de vidéos dans lesquelles elles apparaissent. Nous insistons sur l'importance de la gratuité : aujourd'hui c'est un parcours semé d'embûches pour les femmes filmées, de qui il est exigé des sommes importantes qui dépassent la rémunération qu'elles ont perçue.

Nous recommandons également la création d'une catégorie « violences sexuelles » au sein de Pharos, la plateforme qui traite des signalements de contenus illicites en ligne, afin de faciliter et de mieux comptabiliser ces signalements.

Notre troisième axe de recommandation concerne le blocage de l'accès des mineurs aux contenus pornographiques.

Nous appelons l'Arcom à adopter une démarche davantage proactive, notamment par l'adoption de lignes directrices qui devront préciser :

- que les sites porno doivent afficher un écran noir tant que la majorité de l'internaute n'a pas été confirmée ;

- et quels critères les dispositifs de vérification d'âge doivent respecter.

À ce titre, nous appelons au développement de dispositifs de vérification d'âge ayant vocation à servir d'intermédiaire entre l'internaute et les sites consultés, avec un système de double anonymat comme proposé par le PEReN et la Cnil.

Nous pensons que, pour plus d'efficacité, pourrait également être confiée à l'Arcom la possibilité de prononcer des sanctions administratives aux montants dissuasifs à l'encontre des sites porno restant accessibles aux mineurs.

Enfin, tous les parents doivent prendre conscience de la nécessité d'installer un dispositif de contrôle parental sur les équipements de leurs enfants. Nous recommandons qu'un tel dispositif soit activé par défaut lors de la souscription d'un abonnement téléphonique pour un mineur.

Enfin, notre quatrième et dernier axe de recommandation traite des questions d'éducation.

Les trois séances annuelles d'éducation à la vie sexuelle et affective, prévues par la loi, sont encore largement absentes d'un grand nombre d'établissements. Nous avons évoqué ce sujet de nombreuses fois au sein de la délégation. Afin d'accentuer la pression pour l'application de la loi, nous demandons la publication d'une évaluation annuelle de sa mise en oeuvre au niveau de chaque académie, ainsi que la désignation d'un ou d'une délégué(e) académique à l'éducation à l'égalité et à la sexualité. Nous souhaitons que les sujets relatifs à la marchandisation des corps et à la pornographie soient abordés dans le cadre de ces séances.

Nous recommandons également le recrutement de professionnels de santé, formés en matière d'éducation à la santé et de conduite de projet, dans les établissements scolaires. Ils sont essentiels pour répondre aux interrogations des adolescents et adolescentes.

Enfin, nous appelons à une campagne de communication afin de faire connaître auprès des adolescents et adolescentes et de leurs parents les ressources accessibles pour répondre à leurs questions en matière de sexualité.

Nous sommes bien sûr à votre disposition pour développer davantage l'une ou l'autre de nos recommandations.

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