Monsieur le garde des sceaux, la France fait partie des pays européens qui ont vu partir le plus grand nombre de jeunes hommes et femmes pour combattre en Irak et en Syrie aux côtés de l'organisation islamiste Daech : plus de 1 400 personnes auraient fait un séjour dans cette zone entre 2012 et la chute de l'organisation terroriste en 2019.
Trois ans plus tard, le nombre de Français détenus dans le nord de la Syrie est encore de plusieurs centaines, sans que nous ne disposions de chiffres exacts. Parmi eux, des enfants sont détenus avec ou même sans leurs parents. Là encore, les chiffres exacts nous font défaut, mais vous pourrez peut-être nous communiquer ceux dont vous disposez.
La France a toujours refusé le principe d'un retour général de tous les détenus français, mais a procédé, au cas par cas, à des rapatriements de femmes et d'enfants, notamment en juillet dernier, ou encore lundi dernier.
À ce jour, les décisions de la France en la matière sont des actes de gouvernement au sens du droit public, donc insusceptibles de recours devant les juges nationaux.
Saisie par des familles de personnes ayant demandé sans succès leur rapatriement, la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a rendu le 14 septembre dernier un arrêt confortant la position française d'examen au cas par cas. Mais elle exige que les décisions prises par le Gouvernement puissent faire l'objet d'un contrôle indépendant pour prévenir tout arbitraire et garantir la prise en compte notamment de l'intérêt supérieur de l'enfant.
Les décisions de refus de rapatriement prises jusqu'à présent et qui l'ont donc été sans ce contrôle doivent, en conséquence, être réexaminées.
Quelle est l'ampleur de la situation à laquelle nous devons faire face ? Combien de Français, et parmi eux combien d'enfants, peuvent demander leur rapatriement en France depuis le nord de la Syrie ? Quelle sera la doctrine du Gouvernement, singulièrement à l'égard de ces enfants ? Enfin, comment ferez-vous face aux rapatriements qui pourraient être plus nombreux à l'avenir, au vu de la jurisprudence de la CEDH ?