Intervention de Corinne Imbert

Commission des affaires sociales — Réunion du 5 octobre 2022 à 9h00
Proposition de loi visant à la consolidation et à la professionnalisation de la formation des internes en médecine générale afin de lutter contre « les déserts médicaux » — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Corinne ImbertCorinne Imbert, rapporteure :

Merci de vos nombreuses interventions sur ce sujet motivant, qui le mérite. Vous ne pouvez pas dire que cette proposition de loi ne sert à rien ! J'espère qu'elle sera votée et que nous irons jusqu'au bout. C'est un premier pas. Une promotion rassemble environ 3 500 internes en médecine générale. En moyenne, par département, cela revient à envoyer 36 internes en quatrième année, en autonomie supervisée et en ambulatoire. Cela irriguerait l'ensemble du territoire national, hormis les zones non prioritaires, souvent des villes. En 2010, l'Association des maires de France (AMF) avait organisé une réunion « Déserts médicaux : urbains et ruraux, tous concernés ». On ne peut pas rester à constater qu'il y a un problème d'accès aux soins, que 6 millions de Français sont sans médecin traitant, et ne rien faire. C'est une responsabilité collective. Chacun doit faire un effort : les internes, et à titre personnel, car cela n'a pas été évoqué en audition, je suis favorable à la réduction de la durée du 1er et du 2e cycle si elle est possible ; les facultés, qui devront réorganiser le cursus ; et les médecins installés, auxquels on demande d'être des maîtres de stage universitaires. Nous avons quatre ans pour former 36 maîtres de stage. Ce n'est pas impossible ! Cela soulagera les médecins, même si ces internes ne seront pas des remplaçants. C'est un partage gagnant-gagnant. Le salariat ne règle pas tout, comme on peut le voir en Suède. C'est une proposition d'exercice.

Nous avons eu des échanges apaisés avec les étudiants en médecine. J'étais désappointée lorsqu'ils m'ont dit souhaiter une troisième année d'internat de médecine générale en autonomie supervisée : c'est ce que le Sénat avait voté en 2019, alors que leurs prédécesseurs étaient vent debout contre... Quel temps perdu ! On aurait pu avoir une application au 1er novembre 2021, tandis que cette proposition de loi ne s'appliquera qu'en 2026 ! Nous avons perdu cinq ans. Oui, il y a parfois des postures. Le syndicat est sous pression des internes, mais si chacun avance dans le bon sens, on peut améliorer le système de soins.

Avec le temps travaillé choisi, il faut former plus de médecins. Désormais, les médecins veulent une certaine qualité de vie, choisir leur temps de travail. C'est un sujet sociétal global. En face, il y a des patients qui ont besoin de soins. Il faut s'adapter. Saisissons cette proposition de loi. Cela ne fait pas une année blanche.

Actuellement, lorsqu'un étudiant de médecine termine sa troisième année d'internat de médecine générale, il n'a plus que sa thèse à soutenir. Premier avantage de cette quatrième année, il aura soutenu sa thèse, et le doyen ne sera plus obligé d'accorder une dérogation pour soutenir sa thèse au bout de quatre ou cinq ans. Actuellement, il réalise des remplacements lorsqu'il le souhaite. Arrivez-vous à trouver un médecin entre Noël et le jour de l'An ? Avec la proposition de loi, une promotion entière recevrait des patients trois à quatre jours par semaine. C'est une véritable amélioration de la prise en charge, répondant aux attentes des patients et des élus. Je ne souhaite plus parler de désert médical, car sinon la France est un désert médical à 85 % ! Et c'est très péjoratif, alors que les élus locaux agissent pour rendre leurs territoires plus attractifs.

Monsieur Chasseing, allonger de six mois seulement est une façon, pour les responsables actuels des internes, de ne pas désavouer leurs prédécesseurs, en coupant la poire en deux. Ce n'est pas raisonnable de faire une demi-année universitaire. L'allongement d'un an leur permet d'être docteur junior, avec inscription au tableau de l'ordre, et donc une reconnaissance de leur titre et de leurs compétences. Même s'il s'agit d'une professionnalisation, ils détiennent déjà des connaissances remarquables et un savoir-faire.

Madame Poumirol, le statut de docteur junior est applicable. Dans l'exposé des motifs, M. Bruno Retailleau propose une rémunération à l'acte. Lors de nos auditions, l'Intersyndicale nationale autonome représentative des internes de médecine générale (Isnar-IMG) estimait qu'il y avait une inéquité par rapport aux docteurs junior en spécialité payés forfaitairement, même quand ils exercent en cabinet de ville. Il faut plus de médecins maîtres de stage en spécialité, car si demain les docteurs juniors en spécialité sont rémunérés à l'acte, il y aura de nouveau des futurs médecins capables de prendre des consultations de spécialistes actuellement sous tension. Nous espérons un tel déblocage et une attirance pour les spécialités en ville.

Madame Cohen, la proposition de loi a un objet, mais il faudra faire perdurer la réflexion, notamment sur la formation. En 2019, le Gouvernement ne voulait pas toucher à la maquette, et nous apportait comme réponse les maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP) et les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), pensant régler ainsi l'accès aux soins. Certes, elles permettent de bonnes conditions de travail et de la concertation, sans tout régler : sans médecin, on ne peut prendre en charge des patients !

Les collectivités territoriales réalisent des efforts en négociant avec les facultés de médecine afin que la formation pour être maître de stage universitaire se passe dans les départements, et non plus forcément à la faculté, au plus près des cabinets médicaux. En Charente-Maritime, en une seule formation, nous avons augmenté de 15 % le nombre de médecins maîtres de stage, nous en avons formé 15 ! Donc le chiffre de 36 par département en quatre ans est réaliste.

Concernant le statut de docteur junior, je compte sur le Gouvernement pour encourager la rémunération à l'acte. Il faut reconnaître la compétence de ces médecins.

Madame Apourceau-Poly, nous allons irriguer les territoires avec des internes en dernière année, où ils découvriront l'attractivité du métier.

Madame Doineau, en moyenne, la France a des études de médecine plus courtes et plus spécialisées que les autres pays européens. Les enseignants et les praticiens pensent que ce changement améliorerait l'attractivité de la spécialité en la rapprochant des autres. Reste à revoir la maquette.

Nous aurons 12 000 maîtres de stage universitaires en médecine générale à la fin de l'année - sur un total de 12 941 maîtres de stage -, soit une augmentation de 10 % en trois ans. Actuellement, tout le monde est prêt à faire un effort, car on se désespère un peu de la situation...

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