Commission des affaires sociales

Réunion du 5 octobre 2022 à 9h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

Tout d'abord, je veux accueillir au sein de notre commission notre nouveau collègue M. Jean-Marie Janssens qui remplace Mme Daphné Ract-Madoux.

Nous commençons nos travaux par l'examen de la proposition de loi visant à la consolidation et à la professionnalisation de la formation des internes en médecine générale afin de lutter contre « les déserts médicaux ».

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Imbert

La proposition de loi que nous examinons ce matin a été déposée par le président Bruno Retailleau, avec une double intention à laquelle je souscris pleinement. Le texte vise à améliorer la formation en médecine générale, en allongeant le troisième cycle d'une année et en le rendant plus professionnalisant. Mais il s'agit également de trouver un moyen d'action nouveau pour s'attaquer à la problématique des « déserts médicaux » que nous connaissons bien, selon l'expression largement usitée. J'y reviendrai.

La proposition de loi comporte un article unique, qui prolonge la durée du troisième cycle des études de médecine générale à quatre ans et affecte la quatrième année à la réalisation de stages en ambulatoire en autonomie supervisée. Cette mesure était évoquée depuis longtemps.

La durée du troisième cycle de médecine générale, qui reste fixée à trois ans, fait exception. Plus courte que celles des 43 autres spécialités, elle isole la médecine générale, l'empêche de bénéficier de certaines avancées de la réforme de 2017 et ne permet pas d'assurer la professionnalisation complète des étudiants. Ainsi, les étudiants en médecine générale sont les seuls à ne pas bénéficier d'une troisième phase d'internat, dite « de consolidation », visant à consolider les connaissances et compétences acquises jusque-là. Ils ne bénéficient pas non plus du statut de docteur junior, associé à cette dernière phase et permettant aux étudiants de réaliser, pendant une année entière, des stages en autonomie progressive et supervisée, tout en bénéficiant d'une meilleure rémunération. Cette durée s'avère également plus courte que celle qui est retenue dans de nombreux autres pays européens : les médecins généralistes suivent, par exemple, un troisième cycle de quatre ans en Irlande ou en Pologne ; de cinq ans au Danemark, en Suède ou en Norvège.

Les enseignants et les médecins que nous avons auditionnés sont majoritairement très favorables à cette mesure, et nous ont parfois indiqué y travailler depuis plusieurs années. Ils ont insisté sur l'opportunité d'enrichir la maquette de formation, dans l'objectif de mieux préparer les étudiants à l'installation et de leur permettre plus facilement, s'ils le souhaitent, d'approfondir des compétences spécifiques, communes à plusieurs spécialités, au cours de formations spécialisées transversales. Ils ont, surtout, insisté sur l'opportunité de développer les stages en ambulatoire, aujourd'hui trop peu présents de manière obligatoire dans le cursus.

En améliorant la professionnalisation des internes de médecine générale, la proposition de loi vise également à favoriser leur installation rapide. Si le troisième cycle est rallongé à quatre ans, les étudiants ne pourront plus, comme aujourd'hui, soutenir leur thèse jusqu'à trois ans après la fin de leur internat et retarder d'autant leur installation. Comme dans les autres spécialités, ils seront contraints de la soutenir à l'issue de la troisième année, l'accès à la quatrième étant conditionné à la soutenance. Surtout, la réalisation d'une année entière de stages en ambulatoire et en autonomie supervisée, sous le statut de docteur junior, permettra d'améliorer largement la professionnalisation des étudiants et de mieux les préparer à l'exercice en ville. En elle-même, la mesure devrait donc être favorable à l'amélioration de l'offre de soins.

Toutefois, la proposition de loi ne s'arrête pas là. Afin de répondre plus directement aux problèmes d'accès aux soins dans de très nombreux territoires, elle prévoit que les stages en ambulatoire de quatrième année seront prioritairement réalisés dans les zones sous-denses identifiées par les agences régionales de santé (ARS). Cette mesure a concentré, ces dernières semaines, les inquiétudes des organisations représentatives des internes, qui ont souligné qu'elles ne souhaitaient pas que la formation soit instrumentalisée pour régler les difficultés d'accès aux soins de certains territoires. Je tiens donc à le dire d'emblée, la mesure n'entend pas sacrifier la qualité de l'encadrement des étudiants. Au contraire, et comme c'est déjà le cas aujourd'hui, les stages seront supervisés par des maîtres de stage formés et agréés par l'université, et devront permettre un véritable accompagnement de l'étudiant.

Afin de tenir compte de ces inquiétudes, et parce que l'expression « désert médical » ne me paraît pas décrire fidèlement la réalité contrastée des zones sous-denses, je vous propose d'adopter un amendement modifiant l'intitulé de la proposition de loi pour mieux mettre en valeur son objectif principal : l'amélioration de la formation des internes en médecine générale.

Toutefois, je crois également qu'il n'est pas possible d'ignorer entièrement les besoins de nos territoires en matière d'offre de soins dans l'affectation des internes en stage. Au contraire, les affectations doivent être cohérentes avec les besoins de santé des territoires chaque fois que cela est possible sans perte sur la qualité d'accompagnement. C'est pourquoi, afin d'assurer la pleine efficacité de cette mesure, les efforts devront être poursuivis pour augmenter encore le nombre de maîtres de stages universitaires et s'assurer que ceux-ci maillent suffisamment le territoire. Il s'agit d'un enjeu central, et bien identifié puisque leur nombre a déjà augmenté considérablement ces dernières années et de nombreuses collectivités territoriales cherchent déjà à favoriser l'agrément de maîtres de stage sur leur territoire. C'est à la condition de concilier ces deux impératifs - amélioration de la formation des étudiants en médecine générale et amélioration du service rendu à la population dans les territoires - que la réforme pourra être un succès. Cette proposition de loi constitue un pas pour apporter une meilleure réponse aux attentes de soins. Elle a plusieurs mérites, dont celui de démystifier l'installation avec une meilleure connaissance d'un cabinet, mais également de démystifier la notion de zone sous-dense : il y a une vie dans ces territoires.

Un autre motif d'inquiétude réside dans la situation matérielle des étudiants affectés dans des territoires éloignés de leur domicile. Les collectivités territoriales font déjà beaucoup d'efforts dans ce domaine. Sur ce point comme sur d'autres, je constate que le Gouvernement a souhaité ouvrir une concertation dans le cadre d'une mission interministérielle, qui devra rendre ses conclusions dans les prochains mois. Les docteurs juniors, quand bien même ils exercent en autonomie progressive des actes de prévention, de diagnostic et de soin, sont aujourd'hui rémunérés forfaitairement et, il faut le dire, assez faiblement au regard du travail qu'ils accomplissent souvent. Je souhaite que des solutions puissent être trouvées pour rétribuer justement les étudiants qui suivront cette année supplémentaire et leur permettre de la réaliser dans de bonnes conditions.

Enfin, les personnes auditionnées nous ont toutes confirmé que l'allongement du troisième cycle et la mise en place de la quatrième année ne devraient pas s'appliquer aux étudiants actuels du troisième cycle de médecine générale, pour ne pas nuire à la cohérence de leur formation et ne pas précipiter la mise à jour du référentiel de formation, dont le contenu devra faire l'objet de concertations. Je vous propose donc d'adopter un amendement prévoyant que le dispositif de la proposition de loi ne s'appliquera pas aux étudiants qui, à la date de la publication de la loi, auront déjà débuté le troisième cycle des études de médecine.

Je voudrais maintenant m'attarder sur le contexte d'intervention de cette proposition de loi. Le Gouvernement a repris l'essentiel de son dispositif pour l'inclure au projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2023 qu'il a déposé, la semaine dernière, à l'Assemblée nationale, alors même que la proposition de loi était d'ores et déjà déposée au Sénat depuis janvier.

En effet, la mesure s'inspire, d'abord, d'un dispositif adopté en 2019 à notre initiative, qui prévoyait que les étudiants de médecine générale réalisent, lors de leur troisième année d'internat, un stage d'un semestre en pratique ambulatoire en autonomie supervisée, en priorité dans les zones sous-denses. Cette disposition n'a jamais été appliquée par le Gouvernement, qui n'a pas pris les décrets d'application nécessaires. La mesure proposée s'inspire aussi d'une recommandation du rapport de la commission d'enquête relative à la situation de l'hôpital et au système de santé en France, qui recommandait de « développer les stages de médecine générale en milieu ambulatoire et renforcer la formation en médecine générale par une quatrième année d'internat [...], en priorité en zone sous-dotée [...] ».

En revanche, je crois aussi que la proposition de loi constitue le véhicule le plus sûr pour adopter de cette mesure. Non pas seulement parce qu'elle est antérieure au projet de loi du Gouvernement et qu'elle est issue de nos travaux, mais aussi parce que l'article 23 du PLFSS, qui porte cette mesure, soulève des questions de recevabilité. En effet, l'absence d'incidence financière de la mesure sur les régimes obligatoires de base est mise en évidence par l'étude d'impact transmise par le Gouvernement.

C'est pourquoi je vous demande d'adopter ce matin la proposition de loi ainsi amendée, qui permettra d'améliorer à la fois la formation des étudiants de médecine générale et l'accès aux soins dans nos territoires.

Enfin, pour clore cette intervention, il me revient, en tant que rapporteure, de vous proposer un périmètre pour l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution. Je considère qu'il comprend des dispositions relatives au contenu et à la durée de formation des médecins généralistes.

En revanche, j'estime que ne présenteraient pas de lien, même indirect, avec le texte dont nous avons à débattre des amendements relatifs à la formation des autres professions médicales et paramédicales ; au régime fiscal ou social, aux règles d'installation ou de conventionnement des professionnels de santé ; aux compétences des professionnels de santé. De tels amendements seraient donc déclarés irrecevables par notre commission en application de l'article 45 de la Constitution.

Il en est ainsi décidé.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Chasseing

Notre rapporteure a bien expliqué les enjeux. Malgré les initiatives des maires, les aides publiques restent insuffisantes pour attirer les médecins dans les zones sous-denses et rurales. L'État est pourtant le garant de l'aménagement du territoire : or sans médecin, il n'y a pas de pharmacie, ni de kinésithérapeutes, ni d'établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), etc. De même, les familles hésitent à s'installer dans ces zones dans ces conditions.

Cette proposition de loi s'inspire d'un dispositif voté en 2019 à l'initiative de notre commission. Il avait alors été négocié avec les internes pour ramener d'un an à six mois la durée du stage de pratique ambulatoire en autonomie supervisée dans les zones sous-denses. J'avais aussi déposé une proposition de loi allant dans le même sens, dont l'examen à l'ordre du jour a été retiré à la faveur de ce texte.

Les étudiants sont attachés au paiement à l'acte dès la quatrième année, car ils ont besoin d'être rémunérés pour financer leurs études. Ce texte va dans ce sens. Ils auraient aussi souhaité conserver le dispositif existant en allongeant la durée du stage de seulement six mois, ce qui aurait porté la durée passée sous le statut de docteur junior à un an. Nous pourrions sans doute les suivre dans cette voie. Certains s'inquiètent que l'encadrement ne soit pas suffisant, mais ces craintes ne sont pas fondées : les étudiants qui ont passé leur thèse après trois ans d'internat peuvent s'installer sans encadrement. Je voterai cette proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Émilienne Poumirol

Cette proposition de loi arrive au moment où le Gouvernement veut la court-circuiter en inscrivant dans le PLFSS une mesure similaire, mais dépourvue de toute précision. Il a constitué un groupe de travail sur le sujet après avoir déposé son projet de loi, mais les étudiants protestent, car ils ne connaissent pas le contenu de la mesure.

Ce texte a deux défauts, car il vise deux objectifs. Est-ce en effet le rôle du Sénat de se prononcer sur le contenu de la formation des étudiants en médecine ? Il vise aussi à régler le problème des déserts médicaux, un problème très complexe. La rédaction reste imprécise sur le statut des étudiants, qui auraient, selon les doyens de faculté, le statut de docteur junior. Mais une rémunération de 2 500 euros pour une personne à bac+10, c'est peu !

De plus, dispose-t-on d'assez de maîtres de stage universitaires pour assurer la formation pendant une année de plus à 4 000 étudiants ? Les étudiants ne sont pas opposés à la création d'une quatrième année, encore faut-il qu'elle s'accompagne d'un contenu pédagogique réel, ce qui implique de disposer de maîtres de stage bien formés en nombre suffisant.

Nous nous opposerons à cette proposition de loi dans sa rédaction actuelle ; notre position pourrait évoluer si des précisions étaient apportées sur la rémunération des internes et le contenu de la formation.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Mouiller

Il était judicieux de renommer ce texte, car l'enjeu est avant tout l'amélioration de la formation des internes, même si le texte vise aussi à répondre à la question des déserts médicaux par ce biais.

La réussite de cette proposition de loi dépendra de la capacité à trouver des maîtres de stage ainsi que des modalités d'organisation qui seront retenues. Les étudiants sont favorables à ce texte, avec deux préoccupations néanmoins, relatives à la rémunération, d'une part, et aux conditions d'encadrement par les maîtres de stage, d'autre part.

Le Gouvernement a introduit dans le PLFSS un article sur ce sujet, alors même que l'on sait très bien que le Conseil constitutionnel le censurera s'il était adopté, dans la mesure où il s'agit d'un cavalier législatif. Ceux qui choisiraient de ne pas voter ce texte au motif qu'un dispositif similaire figure dans le PLFSS doivent donc savoir que cette mesure sera in fine retoquée ! Si l'on est favorable à l'esprit du texte, il convient de le voter, sinon le dispositif ne verra pas le jour. J'appelle donc chacun à la cohérence !

Ce texte a le mérite de poser de nouveau la question de la formation, de l'accompagnement et des conditions d'installation des médecins. Je le voterai.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Je rassure M. Mouiller : nous sommes cohérents, nous voterons contre ce texte et contre le PLFSS !

Nous sommes tous confrontés à la question des déserts médicaux, sujet sensible aussi bien dans les zones rurales que dans les grandes zones urbaines, comme en Île-de-France. J'ai été atterrée par les réponses de la ministre hier dans l'hémicycle lors du débat sur les urgences hospitalières et les soins non programmés : elle ne cessait d'invoquer les 41 mesures de la mission flash menée par François Braun comme un mantra... La réalité est que l'on manque cruellement de médecins généralistes, puisque 6 millions de Français n'ont pas de médecin traitant. Je crains que cette proposition de loi non seulement ne résolve pas les difficultés, mais aussi les aggrave.

Je remercie notre rapporteure pour sa pédagogie et son travail. Je m'étonne toutefois qu'il n'y ait pas eu de réflexion sur le contenu des formations en amont. Les internes sont inquiets, car ils craignent d'être envoyés dans des zones sous-dotées, sans aucun accompagnement puisque l'on manque justement de médecins seniors dans ces territoires pour les encadrer. L'année supplémentaire de formation prévue risque d'être une année blanche en termes de formation dans ce contexte.

De plus en plus, les jeunes médecins aspirent à travailler en salariat, dans des structures collectives, pour ne pas avoir des horaires intenables. Or, il n'y a aucune réflexion sur ce sujet, non plus que sur la permanence des soins. Il n'y a pas eu d'anticipation. Le Gouvernement nous balade avec la suppression du numerus clausus : le nombre de médecins supplémentaires formés est très faible, tout simplement parce qu'on ne donne pas aux universités les moyens de former plus de professionnels.

Mieux vaudrait ainsi s'intéresser à ces sujets fondamentaux, plutôt que de s'abaisser à engager un débat de cour maternelle pour revendiquer la paternité de ce texte, qui ne réglera d'ailleurs rien, et d'accuser le Gouvernement de vouloir le récupérer.

Debut de section - PermalienPhoto de Cathy Apourceau-Poly

Comment une quatrième année d'internat permettra-t-elle de réduire les déserts médicaux ? Ce texte est muet sur le statut de ces médecins juniors, sur leur salaire. Il est question d'une rémunération à l'acte, mais comment cela va-t-il se passer concrètement avec les maîtres de stage ? Combien d'actes ces derniers les autoriseront-ils à réaliser ? Les internes sont vent debout contre ce texte.

Nous sommes régulièrement sollicités par des maires qui ont besoin d'aide pour les aider à trouver des médecins pour venir s'installer dans les centres de santé qu'ils ont construits et qui sont vides. Dans le Pas-de-Calais, le délai d'attente pour obtenir un rendez-vous en ophtalmologie est d'un an. À Paris, ces délais sont bien moindres. Six millions de Français n'ont plus de médecin traitant. C'est à ces inégalités que nous devons nous attaquer.

Un autre problème concerne le nombre des maîtres de stage et le nombre de places ouvertes en médecine dans les universités. À cet égard, une année d'études en plus ne réglera rien. Il y a quelques années, la formation durait sept ans et nous n'étions pas plus mal soignés !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

C'est vrai, mais je pense que si l'on proposait de revenir à l'ancien système les étudiants seraient aussi vent debout.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Henno

Ne nous étonnons pas que le Gouvernement reprenne le texte de cette proposition de loi dans le PLFSS.

Même s'il ne faut pas trop en attendre, elle permet d'avancer sur deux points. Premièrement, elle vise à harmoniser notre système avec ceux qui sont en vigueur en Europe en ce qui concerne les spécialistes et les docteurs juniors. Il ne me semble pas anormal que le troisième cycle dure quatre ans ; si l'on en croit les étudiants, ce sont plutôt les études qui précèdent qui sont un peu longues. Deuxièmement, elle répond au défi des déserts médicaux. En filigrane, ce texte pose la question de la liberté d'installation des médecins, un tabou qui ne tiendra plus longtemps si certains territoires, comme dans la région de Maubeuge, sont privés de médecins. Mais les étudiants en médecine originaires de Maubeuge rêvent souvent de s'installer dans le Midi...

Il faut aussi s'attaquer à la question de la rémunération, écouter et rassurer les étudiants. Le cursus qui précède le troisième cycle est sans doute un peu long et certains ont l'impression de perdre leur temps. Enfin, il est incompréhensible que la France, septième puissance mondiale, ne soit pas capable d'augmenter - pour des raisons de locaux, de nombre de formateurs, etc. - le nombre de médecins qu'elle forme, alors que la Roumanie le fait sans problème. Il est temps d'identifier les blocages, car cette situation est devenue intolérable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Fichet

Un jour ou l'autre, il faudra poser la question de la liberté d'installation des médecins. Cessons de tourner autour du pot ! Avec l'instauration de la quatrième année d'internat, l'objectif est de répondre à la problématique des déserts médicaux en envoyant des étudiants dans des endroits où ils ne veulent pas aller, mais le texte ne résout rien, car il prévoit que les stages sont effectués « en priorité » dans ces territoires : cela signifie donc que si les internes ne veulent pas y aller, ils n'iront pas ! Finalement rien ne changera.

Les internes se plaignent de la manière dont ils sont traités à l'hôpital. Nous devons nous pencher sur cette question. Il n'en demeure pas moins qu'ils ont bénéficié d'études financées essentiellement par des crédits publics. Or ils sont libres de s'installer où ils le souhaitent. Aujourd'hui, 15 % des jeunes diplômés s'installent immédiatement, tout en exerçant souvent aussi une spécialité, comme l'épilation laser ou le traitement de la chute des cheveux, qui est plus lucrative. Dix ans après la fin de leurs études, seuls 45 % des diplômés sont installés comme médecins généralistes - c'est peu. J'ajoute enfin que, si le texte est adopté, les collectivités seront sollicitées pour aider les stagiaires de quatrième année à s'installer pendant un an, en leur fournissant des locaux, du matériel, qu'elles n'ont pas forcément. Finalement on tourne autour du pot, sans régler le problème : les zones sous-denses continueront à l'être, car le nombre de médecins généralistes n'augmentera pas avant dix ans. Quant aux centres médicaux pluridisciplinaires, ils ne fonctionneront que là où ils disposeront de médecins, donc pas dans les déserts médicaux ! L'effort pour libérer du temps médical ne résout pas la question de l'éloignement des médecins : certains doivent faire une heure de route pour en trouver un, quand celui-ci peut les recevoir... Le problème est que l'on manque de médecins. L'instauration d'une quatrième année n'y changera rien.

Debut de section - PermalienPhoto de Elisabeth Doineau

Ce texte suscite bien des passions. Nous sommes souvent interpellés par les élus locaux et nos concitoyens qui ne trouvent pas de médecins. Plusieurs outils sont envisageables pour améliorer l'accès aux soins, mais entre 10 % et 12 % de la population n'ont pas de médecin traitant. Ce problème se pose partout dans le monde. Ainsi, seuls 30 % des Suédois ont un médecin traitant. Le vieillissement de la population complique encore la donne.

Peut-être devrions-nous harmoniser les études de médecine au niveau européen. On accueille de nombreux étudiants étrangers, et inversement beaucoup de Français partent à l'étranger pour faire leurs études, alors que le numerus clausus a été supprimé. Simplement, on manque de place dans les universités et on n'a pas formé assez de professeurs de médecine. En Suède, la formation pour devenir médecin généraliste dure sept ans. En France, la médecine générale a longtemps été mal valorisée. Il est à craindre qu'allonger le cursus d'un an n'aboutisse à rendre moins attractive à nouveau cette voie ; de plus, les étudiants engagés dans cette année supplémentaire ne pourront pas s'installer comme médecins immédiatement. C'est autant de médecins en moins pour le pays. Quant au paiement à l'acte, il risque de constituer une rupture d'égalité avec les internes en spécialité.

La régulation n'est pas une solution. Celle-ci est utile pour gérer un excès d'offre, mais ne peut rien contre la pénurie de médecins. Il faut plutôt parvenir à convaincre les jeunes de s'installer dans les zones sous-denses. Dans les territoires où une dynamique positive s'est installée avec les professionnels, on arrive à repousser les murs et à accueillir des jeunes. Je suis très sceptique sur ce texte. Je m'abstiendrai.

Debut de section - PermalienPhoto de Véronique Guillotin

Certes, redonner de l'intérêt à la médecine générale est une bonne idée. Le point positif du texte est que les internes devront passer leur thèse en troisième année et qu'ils pourront donc potentiellement s'installer rapidement après leur fin d'études. Toutefois, ce texte me gêne.

On comprend qu'il vise à remédier au problème de la désertification médicale. Or la création d'une quatrième année n'apporte aucune réponse à cet égard. Soyons réalistes, on manque de médecins. Il convient de multiplier les efforts pour les attirer, de créer des maisons de santé pluriprofessionnelles, de faire en sorte que les étudiants soient bien accueillis dans les zones sous-denses, bien formés avec des maîtres de stage, etc. C'est ainsi que les jeunes souhaiteront s'installer dans ces zones. Mais la solution viendra avec le temps, lorsque l'on formera plus de médecins. Je m'abstiendrai.

Debut de section - PermalienPhoto de Martin Lévrier

Je salue le travail de notre rapporteure. Comme Laurence Cohen l'a dit, il est inutile de nous écharper sur la paternité du texte. Je souscris aux propos d'Olivier Henno, même si je suis en désaccord avec lui sur la coercition. Celle-ci ne peut pas fonctionner lorsque l'on manque de médecins. Ce problème ne se pose pas qu'en France, il est mondial. Si l'on développe la coercition, les médecins partiront à l'étranger. Comme cette proposition de loi va dans le sens du PLFSS, je la voterai, de même que je voterai le PLFSS.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Évitons de parler de « déserts médicaux » : cette expression dévalorise ces territoires aux yeux des étudiants. Il s'agit de zones insuffisamment dotées en médecins généralistes, c'est tout.

Instaurer une quatrième année en troisième cycle alors que l'on manque de médecins ne semble pas être une très bonne idée a priori. Mais je suis plutôt favorable à réduire de six à cinq ans la durée des deux premiers cycles des études de médecine. Il ne semble pas utile de faire durer les études de médecine pendant dix ans, c'est beaucoup !

Le numerus clausus n'a pas disparu, il a été remplacé par un numerus apertus. Il conviendrait de le doubler.

Debut de section - PermalienPhoto de Victoire Jasmin

En vous écoutant, je suis de plus en plus inquiète pour nos territoires d'outre-mer, où la situation est déjà critique. On y manque cruellement de médecins et les évacuations sanitaires se multiplient, y compris pour des problèmes bénins.

L'université des Antilles accueille déjà un premier cycle de formation médicale. Le second cycle est en train d'être installé. Les étudiants de troisième cycle vont en métropole et ne retournent pas toujours aux Antilles. La question des maîtres de stage reste posée. Les médecins semblent sceptiques sur ce texte. Il faut tenir compte de la diversité des territoires. Ceux qui ont les moyens peuvent prendre l'avion pour venir se faire soigner en métropole, d'autres ne le peuvent pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Florence Lassarade

Merci de cet effort considérable pour essayer d'améliorer les choses. Je voterai cette proposition de loi, mais il faut aller plus loin. C'est parce qu'il y a des spécialistes sur un territoire qu'un généraliste aura envie de s'installer. Le généraliste est la plaque tournante pour orienter ses patients. Voyons les choses plus globalement. Nous devons nous interroger sur la formation des spécialistes en cabinet. J'ai été très frustrée de ne pas pouvoir transmettre : en hôpital et en hôpital périphérique, on ne nous envoyait pas d'internes, ni même d'externes, malgré du potentiel : d'anciens chefs de clinique sont formés à la pédagogie.

Nous voulons des médecins généralistes partout, mais ils sont souvent maltraités par les patients, exigeants à cause du manque de médecins, et qui exercent une forme de pression. Le généraliste qui reçoit fait de son mieux ! Il faut être bienveillants avec les médecins, et former les spécialistes au plus près de leur cabinet, en ville, et non seulement des spécialistes hospitaliers.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie Delmont-Koropoulis

Avec René-Paul Savary et Frédérique Gerbaud, je prépare un amendement pour réduire à cinq ans les deux premiers cycles, afin que les quatre années d'internat trouvent leur place dans le cursus, sans allonger les études médicales.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Imbert

Merci de vos nombreuses interventions sur ce sujet motivant, qui le mérite. Vous ne pouvez pas dire que cette proposition de loi ne sert à rien ! J'espère qu'elle sera votée et que nous irons jusqu'au bout. C'est un premier pas. Une promotion rassemble environ 3 500 internes en médecine générale. En moyenne, par département, cela revient à envoyer 36 internes en quatrième année, en autonomie supervisée et en ambulatoire. Cela irriguerait l'ensemble du territoire national, hormis les zones non prioritaires, souvent des villes. En 2010, l'Association des maires de France (AMF) avait organisé une réunion « Déserts médicaux : urbains et ruraux, tous concernés ». On ne peut pas rester à constater qu'il y a un problème d'accès aux soins, que 6 millions de Français sont sans médecin traitant, et ne rien faire. C'est une responsabilité collective. Chacun doit faire un effort : les internes, et à titre personnel, car cela n'a pas été évoqué en audition, je suis favorable à la réduction de la durée du 1er et du 2e cycle si elle est possible ; les facultés, qui devront réorganiser le cursus ; et les médecins installés, auxquels on demande d'être des maîtres de stage universitaires. Nous avons quatre ans pour former 36 maîtres de stage. Ce n'est pas impossible ! Cela soulagera les médecins, même si ces internes ne seront pas des remplaçants. C'est un partage gagnant-gagnant. Le salariat ne règle pas tout, comme on peut le voir en Suède. C'est une proposition d'exercice.

Nous avons eu des échanges apaisés avec les étudiants en médecine. J'étais désappointée lorsqu'ils m'ont dit souhaiter une troisième année d'internat de médecine générale en autonomie supervisée : c'est ce que le Sénat avait voté en 2019, alors que leurs prédécesseurs étaient vent debout contre... Quel temps perdu ! On aurait pu avoir une application au 1er novembre 2021, tandis que cette proposition de loi ne s'appliquera qu'en 2026 ! Nous avons perdu cinq ans. Oui, il y a parfois des postures. Le syndicat est sous pression des internes, mais si chacun avance dans le bon sens, on peut améliorer le système de soins.

Avec le temps travaillé choisi, il faut former plus de médecins. Désormais, les médecins veulent une certaine qualité de vie, choisir leur temps de travail. C'est un sujet sociétal global. En face, il y a des patients qui ont besoin de soins. Il faut s'adapter. Saisissons cette proposition de loi. Cela ne fait pas une année blanche.

Actuellement, lorsqu'un étudiant de médecine termine sa troisième année d'internat de médecine générale, il n'a plus que sa thèse à soutenir. Premier avantage de cette quatrième année, il aura soutenu sa thèse, et le doyen ne sera plus obligé d'accorder une dérogation pour soutenir sa thèse au bout de quatre ou cinq ans. Actuellement, il réalise des remplacements lorsqu'il le souhaite. Arrivez-vous à trouver un médecin entre Noël et le jour de l'An ? Avec la proposition de loi, une promotion entière recevrait des patients trois à quatre jours par semaine. C'est une véritable amélioration de la prise en charge, répondant aux attentes des patients et des élus. Je ne souhaite plus parler de désert médical, car sinon la France est un désert médical à 85 % ! Et c'est très péjoratif, alors que les élus locaux agissent pour rendre leurs territoires plus attractifs.

Monsieur Chasseing, allonger de six mois seulement est une façon, pour les responsables actuels des internes, de ne pas désavouer leurs prédécesseurs, en coupant la poire en deux. Ce n'est pas raisonnable de faire une demi-année universitaire. L'allongement d'un an leur permet d'être docteur junior, avec inscription au tableau de l'ordre, et donc une reconnaissance de leur titre et de leurs compétences. Même s'il s'agit d'une professionnalisation, ils détiennent déjà des connaissances remarquables et un savoir-faire.

Madame Poumirol, le statut de docteur junior est applicable. Dans l'exposé des motifs, M. Bruno Retailleau propose une rémunération à l'acte. Lors de nos auditions, l'Intersyndicale nationale autonome représentative des internes de médecine générale (Isnar-IMG) estimait qu'il y avait une inéquité par rapport aux docteurs junior en spécialité payés forfaitairement, même quand ils exercent en cabinet de ville. Il faut plus de médecins maîtres de stage en spécialité, car si demain les docteurs juniors en spécialité sont rémunérés à l'acte, il y aura de nouveau des futurs médecins capables de prendre des consultations de spécialistes actuellement sous tension. Nous espérons un tel déblocage et une attirance pour les spécialités en ville.

Madame Cohen, la proposition de loi a un objet, mais il faudra faire perdurer la réflexion, notamment sur la formation. En 2019, le Gouvernement ne voulait pas toucher à la maquette, et nous apportait comme réponse les maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP) et les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), pensant régler ainsi l'accès aux soins. Certes, elles permettent de bonnes conditions de travail et de la concertation, sans tout régler : sans médecin, on ne peut prendre en charge des patients !

Les collectivités territoriales réalisent des efforts en négociant avec les facultés de médecine afin que la formation pour être maître de stage universitaire se passe dans les départements, et non plus forcément à la faculté, au plus près des cabinets médicaux. En Charente-Maritime, en une seule formation, nous avons augmenté de 15 % le nombre de médecins maîtres de stage, nous en avons formé 15 ! Donc le chiffre de 36 par département en quatre ans est réaliste.

Concernant le statut de docteur junior, je compte sur le Gouvernement pour encourager la rémunération à l'acte. Il faut reconnaître la compétence de ces médecins.

Madame Apourceau-Poly, nous allons irriguer les territoires avec des internes en dernière année, où ils découvriront l'attractivité du métier.

Madame Doineau, en moyenne, la France a des études de médecine plus courtes et plus spécialisées que les autres pays européens. Les enseignants et les praticiens pensent que ce changement améliorerait l'attractivité de la spécialité en la rapprochant des autres. Reste à revoir la maquette.

Nous aurons 12 000 maîtres de stage universitaires en médecine générale à la fin de l'année - sur un total de 12 941 maîtres de stage -, soit une augmentation de 10 % en trois ans. Actuellement, tout le monde est prêt à faire un effort, car on se désespère un peu de la situation...

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Les doyens des facultés de médecine de Marseille et de Nice se plaignent qu'on ne leur envoie pas plus d'internes en médecine générale. On supprime le numerus clausus, sans augmenter l'envoi d'internes dans ces petites facultés. Ceux-ci vont prioritairement dans les grosses facultés : Paris, Lille, Bordeaux, Lyon....

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

C'est une question à poser au ministre.

J'ai cosigné cette proposition de loi. Je travaille depuis deux ans avec un membre du conseil de l'ordre sur cette quatrième année. Sincèrement, c'est du gagnant-gagnant. Il n'y a pas de sens à présenter cela comme une lutte contre les déserts médicaux, puisque la quasi-totalité du territoire est sous tension. Oui, il faut peut-être revoir la maquette du cursus et réduire les années antérieures. Nous devons y réfléchir, mais c'est un travail d'une autre ampleur.

Une quatrième année de professionnalisation avec des médecins presque de plein exercice, avec des maîtres de stage, sur tout le territoire, et organiser cela département par département, c'est positif. Il faut y réfléchir avec les territoires. On pourrait imaginer une commission de répartition, qui inclurait l'ARS, les unions régionales des professionnels de santé (URPS), le conseil de l'ordre, les doyens, mais surtout les élus locaux, pour les répartir sur le territoire. Dans les Pays-de-la-Loire, nous avons fait attention à ce que ce ne soient pas que des urbains qui fassent des études de médecine. En général, les étudiants en médecine viennent de catégories socioprofessionnelles aisées et de milieux urbains. Ils ont peu vécu à la campagne et ne connaissent pas ces territoires, donc ne veulent pas y aller. Toutefois, une fois qu'ils s'y rendent, beaucoup restent sur place. Tout le monde veut vivre à la campagne après le confinement !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

Les présidents des syndicats d'étudiants sont très favorables à améliorer les conditions d'accueil, au statut de docteur junior, à la rémunération à l'acte. Mais ils changent tous les ans... Je leur ai dit que s'ils ne faisaient pas d'effort, ils subiraient un effet boomerang plus important.

Les médecins sont en souffrance. On a voulu en faire des spécialistes en trois ans, en s'arrêtant au milieu du gué. La quatrième année est une bonne chose, au contact de professionnels. Ils apprendront aussi la gestion. Je plaide pour cette proposition de loi.

EXAMEN DE L'ARTICLE UNIQUE

Article unique

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Imbert

L'amendement COM-1 rectifié bis vise à affecter les stagiaires de quatrième année de médecine générale, en priorité, au sein du ressort territorial du centre hospitalier universitaire dont ils relèvent. Je comprends l'intention des auteurs, mais, s'il est bien nécessaire d'éviter que les internes locaux ne délaissent un territoire, l'amendement présente toutefois plusieurs difficultés. D'abord, le nombre de maîtres de stage n'est pas toujours proportionné, localement, à la population des internes : il peut être utile que des internes exercent dans d'autres régions. Même si je suis favorable à une commission qui valide les terrains de stage, il faut aussi une certaine liberté de choix.

Surtout, qu'en sera-t-il de la Corse, de la Guyane et de Mayotte, qui ne comptent pas de centre hospitalier universitaire (CHU) - même s'ils sont rattachés à un CHU ? Un tel amendement risquerait de priver ces territoires de l'envoi d'internes de quatrième année, et ce, alors que la Guyane et Mayotte ont, et de loin, la démographie médicale la plus faible en médecins généralistes !

Enfin, je m'interroge sur la seconde « priorité » qui figurerait dans le dispositif. Comment concilierait-on les deux priorités prévues par la loi, celle consistant à affecter les internes en zone sous-dense, et celle consistant à les affecter localement ? Avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Gerbaud

Même si je comprends vos objections, il faudrait définir un cadre et fixer une règle si cette proposition de loi est adoptée. Quels seraient les critères de déploiement de cette quatrième année dans les territoires sous-denses ? La région Centre-Val de Loire comprend six départements, mais un seul CHU, à Tours, contre trois dans la région Nouvelle-Aquitaine. Il n'y a plus de médecin dans l'Indre, mais un véritable renoncement aux soins. Comment obtiendrons-nous une répartition équitable sur nos territoires, et éviter qu'un médecin formé à Tours ne vienne s'installer dans une autre zone sous-dense à vingt kilomètres de notre département ?

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Imbert

Cela relève du domaine réglementaire. Ces lieux d'exercice de la professionnalisation doivent être déterminés par une commission regroupant les différents acteurs. Il faut éventuellement ouvrir un peu plus de places d'internes. Les étudiants du sud de l'Indre ont tendance à aller davantage au CHU de Limoges.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Gerbaud

Beaucoup plus d'étudiants de l'Indre vont à Limoges plutôt qu'à Tours. Nous avons obtenu du doyen de Limoges qu'en troisième cycle les étudiants puissent, par dérogation, réaliser leur stage dans l'Indre, s'ils en sont originaires. Je comptais rectifier mon amendement pour étendre le dispositif et permettre aux étudiants de s'installer dans leur département d'origine. Le dispositif réglementaire doit être bien appliqué, on ne peut revenir au point zéro.

Debut de section - PermalienPhoto de Elisabeth Doineau

Cet amendement montre la faiblesse du dispositif. Il n'y a pas seulement des manques dans les territoires ruraux, mais aussi en ville, et il n'y a pas moins de besoins à l'hôpital qu'en ville. Il manque aussi des internes à l'hôpital. C'est pourquoi je suis réticente à voter cette proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie Delmont-Koropoulis

Il y a une part de coercition. Il faut rester dans le périmètre de la faculté d'origine, sinon ce n'est plus de la formation.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Chasseing

Je voterai cet amendement. Il est logique que les étudiants réalisent leur stage dans des départements envoyant des malades vers le CHU. Quelqu'un ayant fait ses études à Limoges, mais originaire de Nice pourrait retourner à Nice, mais il est normal qu'il fasse son stage dans les départements dépendant du CHU de Limoges.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

Ce serait une quatrième année organisée avec la faculté dans laquelle ils font leur troisième année. Pourquoi l'université les enverrait-elle très loin ?

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Imbert

Il existe déjà des dispositions relevant de décrets sur l'affectation des stagiaires. Ce sont les doyens qui accordent la dérogation.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Gerbaud

J'apporterai des précisions par voie d'amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

Si l'étudiant fait son stage dans le département où se trouve le CHU, qu'en sera-t-il des départements où il n'y a pas de CHU ?

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Gerbaud

C'est pour irriguer les départements de la région.

Debut de section - PermalienPhoto de Émilienne Poumirol

Lundi, j'ai comparé deux cartes : celle indiquant les déserts médicaux se superpose avec celle des villes universitaires : il y a moins de médecins là où il n'y a pas de ville universitaire. Si les stagiaires vont uniquement près des villes universitaires, nos territoires seront toujours sous-dotés. Il est nécessaire qu'ils puissent exercer partout. Le directeur de l'hôpital de Castelnaudary a poussé un cri d'alarme : ils ont besoin d'accueillir des stagiaires. Ne pensons pas qu'aux CHU, mais aussi aux groupements hospitaliers de territoire (GHT).

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

L'amendement est intéressant, mais il faut le retravailler, et demander au ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche d'accorder des postes d'internes en médecine générale non en fonction de la taille de la faculté, mais de la population autour de la faculté. Il y a 20 internes en médecine générale à Nice, pour un million d'habitants. C'est largement insuffisant ! Oui, il y a la Côte d'Azur avec Nice et Antibes, mais dans l'arrière-pays, il n'y a pas de médecins !

Il en est de même à Marseille : on accorde 80 postes d'internes pour 1,5 million d'habitants à Marseille, 5 millions pour la région Provence-Alpes-Côte d'Azur (PACA). Il est difficile de régler cela par amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Vanlerenberghe

Je partage ce point de vue. Il y a une forte corrélation entre l'origine des étudiants et leur implantation ensuite. Le ministère lui-même développe la possibilité de favoriser l'inscription en faculté de candidats venant de secteurs en souffrance sur le plan médical pour favoriser ces territoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Gerbaud

Je retire mon amendement et le redéposerai en séance publique.

L'amendement COM-1 rectifié bis est retiré.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Imbert

L'amendement COM-2 concerne les conditions d'application du dispositif. Afin de préserver la cohérence de leur formation, il prévoit que l'allongement du troisième cycle de médecine générale ne s'applique pas aux étudiants ayant déjà, à la date de publication de la loi, débuté leur troisième cycle.

Si la proposition de loi est définitivement adoptée, les mesures s'appliqueraient en novembre 2023 et auraient un effet sur le terrain en novembre 2026.

L'amendement COM-2 est adopté.

L'article unique est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Intitulé de la proposition de loi

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Imbert

L'amendement COM-3 intitulerait ainsi la proposition de loi : « Proposition de loi visant à la consolidation et à la professionnalisation des internes en médecine générale », afin d'éviter le terme de désert médical. Il y a de la vie dans les territoires, qui ont besoin de médecins pour répondre aux besoins.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

Nos débats se poursuivront dans quinze jours en séance publique.

L'amendement COM-3 est adopté.

L'intitulé de la proposition de loi est ainsi modifié.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

TABLEAU DES SORTS

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

Nous examinons maintenant la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à faire évoluer la formation de sage-femme.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Poncet Monge

La proposition de loi que nous examinons ce matin, cosignée par 136 députés et votée à l'unanimité par l'Assemblée nationale en novembre dernier, est attendue avec impatience par les sages-femmes. Afin de permettre son entrée en vigueur rapide, j'aurais souhaité que le texte transmis soit adopté sans modification. Mais des difficultés relatives à ses délais d'application, unanimement relevés, me conduisent à vous proposer de l'amender. Je souhaite toutefois que cette proposition de loi, lorsqu'elle sera adoptée par le Sénat, puisse être rapidement inscrite - ainsi amendée - par le Gouvernement à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale afin qu'elle soit définitivement adoptée. Nous avons obtenu un engagement oral. Les mesures qu'elle porte en faveur de la reconnaissance de la profession sont, à la fois, nécessaires et urgentes. Les nombreux mouvements de grève depuis le début de l'année dernière en sont la manifestation.

Les sages-femmes ont la conviction, depuis trop longtemps, de ne pas être suffisamment légitimées, et ce malgré le caractère médical de leur activité et l'étendue de leurs responsabilités. Plusieurs fois, la question a été posée par des sages-femmes auditionnées : « Pourquoi si peu de considération, depuis si longtemps ? ». Et la question se prolongeait : « Est-ce parce que nous sommes des femmes, [...] qui prenons en soin des femmes ? »

Les 24 000 sages-femmes exerçant actuellement dans notre pays sont, à plus de 97 %, des femmes. Leur champ de compétences est le plus étendu d'Europe et n'a cessé de s'étendre ces dernières années. Au-delà de l'accouchement en salle de naissance, les sages-femmes contribuent à la santé des femmes tout au long de leur vie. Leurs compétences se sont considérablement élargies et comprennent désormais la surveillance gynécologique, le suivi prénatal puis postnatal, le suivi du nouveau-né. Ces dernières années, la loi les a autorisées à prescrire ou poser des dispositifs contraceptifs, à pratiquer l'interruption volontaire de grossesse (IVG) médicamenteuse puis à expérimenter l'IVG chirurgicale. Les sages-femmes contribuent également au développement de l'accouchement physiologique, pour les femmes qui le désirent, à travers l'expérimentation des maisons de naissance.

Malgré ces avancées majeures, contribuant à asseoir leur rôle, la profession vit un profond mal-être. Leurs conditions de travail à l'hôpital se dégradent : le taux d'encadrement y est toujours fixé par des décrets de périnatalité de 1998 qu'il est urgent de réviser. Leurs conditions de rémunération et leur statut ne correspondent pas, selon les organisations représentatives de la profession, aux responsabilités exercées. Leur formation ne s'est pas adaptée aux évolutions importantes qu'a connues la profession, et demeure établie sur un modèle hospitalier et régional correspondant à celui des formations paramédicales. Or, la profession de sage-femme est intrinsèquement liée à la santé des femmes, et donc, à la santé publique. Se pose également la question de son attractivité. Et ce, dans un contexte où le rapport de surveillance de la santé périnatale en France de Santé publique France datant de septembre 2022, juge que « l'évolution de la santé périnatale ces dix dernières années témoigne d'une situation préoccupante de façon globale en France », et le rapport de rappeler que « l'état de santé de la petite enfance et de l'enfance conditionne la santé à l'âge adulte ».

Même si cette proposition de loi ne résoudra pas l'ensemble de ces difficultés, elle pose des jalons absolument nécessaires. Lors des auditions, des sages-femmes ont parlé de « nouvel élan » permis par cette proposition de loi. En effet, il s'agit d'une étape fondamentale.

L'article 1er de la proposition de loi vise à achever le processus d'intégration universitaire des formations de sages-femmes, initié il y a plus de 13 ans par la loi « Hôpital, patients, santé et territoires (HPST) », qui autorisait l'intégration des écoles à l'université, sous réserve de l'accord du conseil régional. Ce processus est aujourd'hui à l'arrêt. D'après le ministère, 14 seulement des 35 écoles de sages-femmes sont intégrées à l'université. La majorité d'entre elles demeurent adossées à un centre hospitalier. Ce modèle, correspondant à celui des formations paramédicales, ne favorise pas le développement de la recherche en maïeutique ni le rapprochement des différentes professions médicales dès l'université, si nécessaire à l'exercice coordonné.

Le texte substitue à la faculté d'intégration une obligation, assortie d'un délai : l'intégration des écoles à l'université devra être achevée au 1er septembre 2027. Ce délai semble nécessaire pour lever les nombreux freins qui ont stoppé le processus. La loi fixe également les modalités de cette intégration : les écoles de sages-femmes seront intégrées, préférentiellement, aux unités de formation et de recherche (UFR) en santé mixtes réunissant, notamment, les autres professions médicales. Lorsque cela n'est pas possible, elles seront intégrées aux UFR de médecine. Dans ce dernier cas, les organisations souhaitent que cette intégration ait lieu dans le cadre d'un département de maïeutique. Cette intégration préférentielle aux UFR en santé mixtes est soutenue par la profession ; les auditions ont mis en lumière deux exigences : l'autonomie - financière, pédagogique et de gouvernance - et l'interdépendance.

L'article 1er bis de la proposition de loi crée un statut de sages-femmes agréées maîtres de stage des universités, à l'instar de celui des médecins généralistes, permettant de mieux encadrer les stages étudiants en ambulatoire. Les conditions d'agrément des sages-femmes maîtres de stage sont renvoyées à un décret en Conseil d'État, mais devront comprendre une formation préalable, auprès de l'université ou d'un organisme habilité.

Les sages-femmes que nous avons entendues soulignent l'intérêt de ce dispositif pour améliorer la formation et la valorisation des maîtres de stage. Toutefois, elles relèvent qu'il ne répond que partiellement au besoin exprimé par les étudiantes : alors que l'hôpital est fréquemment jugé être le terrain de stage le plus difficile, il n'est pas nommément visé par ce dispositif. L'Association nationale des étudiants sages-femmes, que j'ai auditionnée, demande à ce que soit également mis en place un statut de référent de stage à l'hôpital, supposant lui aussi une formation préalable.

L'article 2 de la proposition de loi vise à réformer la formation des sages-femmes en créant un troisième cycle d'études de maïeutique et en prévoyant la révision de l'ensemble des référentiels de formation. Les étudiantes obtiendraient désormais, à l'issue de leurs études, après soutenance d'une thèse d'exercice, un diplôme d'État de docteur en maïeutique, remplaçant l'actuel diplôme d'État. Cette mesure, qui aligne la formation des sages-femmes sur celles des pharmaciens et des dentistes, est soutenue par l'ensemble des sages-femmes que nous avons auditionnées. Elle doit permettre, selon elles, de diminuer l'intensité actuellement excessive des études, d'enrichir leur contenu en tenant compte des nouvelles compétences confiées à la profession, de diversifier les lieux de stage pour mieux préparer les étudiantes aux différents modes d'exercice et d'ouvrir sur la recherche en maïeutique très faiblement développée en France, contrairement à d'autres pays.

La proposition de loi transmise prévoit toutefois que la création du troisième cycle comme la révision des référentiels de formation interviendront dès la rentrée universitaire 2023, et s'appliqueront à l'ensemble des étudiantes qui débuteront le deuxième cycle à compter de cette date. Ces modalités d'application ont suscité des inquiétudes parmi toutes les personnes auditionnées. Elles conduisent, d'abord, à imposer la réforme aux étudiantes actuellement en deuxième et troisième années de premier cycle, qui se sont engagées dans les études de maïeutique sans savoir que celles-ci seraient allongées et surtout qui n'auront pas bénéficié de la nouvelle maquette pédagogique du 1er cycle. Elles précipitent, par ailleurs, la révision des référentiels de formation alors que celle-ci requiert un important travail de concertation et de réingénierie du cursus. Elle rend plus difficile, enfin, la gestion de l'année blanche, sans sortie de sage-femme diplômée, induite par l'allongement des études : en audition, le ministère a confirmé ne pas avoir prévu que cette année blanche se produise dès 2025 et craindre ses effets sur la démographie des sages-femmes si celle-ci intervient aussi tôt alors qu'un délai à 2028 permet de planifier des actions anticipatrices.

En conséquence, et afin de tenir compte de ces inquiétudes, un amendement aux articles 1er et 2 prévoit de reporter cette réforme à la rentrée universitaire 2024, et de ne l'appliquer qu'aux étudiantes entrant, à compter de cette date, en deuxième année de premier cycle des études de maïeutique. Ce report préservera la cohérence du cursus de l'ensemble des étudiantes et assurera que seules les étudiantes ayant choisi cette filière en pleine connaissance de la durée d'études seront concernées par le nouveau troisième cycle.

L'article 3 vise à faciliter, pour les sages-femmes enseignantes-chercheuses, la conciliation de leurs activités d'enseignement et de recherche avec le maintien d'une activité clinique, en ambulatoire comme à l'hôpital. Les modalités d'application de l'article, ainsi que les conditions de recrutement et d'exercice des sages-femmes bénéficiant de ce statut, sont renvoyées à un décret en Conseil d'État.

Actuellement, les sages-femmes concernées ne disposent d'aucun statut spécifique leur permettant de cumuler ces trois activités. Elles doivent recourir aux dispositifs de droit commun de la fonction publique permettant l'exercice d'une activité dite accessoire, et notamment de soins, sous réserve d'obtenir l'accord de leur autorité hiérarchique. À l'hôpital, elles sont le plus souvent contraintes de ne réaliser que des vacations. Certains enseignants demandent de continuer leur activité clinique.

Cet article devrait ainsi faciliter le cumul des activités d'enseignement et de recherche avec une activité clinique.

Si l'intérêt de ces dispositions a été reconnu par l'ensemble des sages-femmes auditionnées, plusieurs ont souligné qu'elles devraient donner lieu à la création d'un véritable statut de bi-appartenance permettant d'améliorer véritablement l'attractivité des carrières universitaires en maïeutique.

L'article 4, enfin, vise à reclasser les sages-femmes dans deux nomenclatures statistiques de l'Insee, au sein desquelles elles apparaissent aujourd'hui isolées des autres professions médicales. D'une part, dans la nomenclature des activités françaises (NAF), au sein de laquelle elles sont jusque-là classées avec les infirmiers, les activités des sages-femmes seraient reclassées aux côtés de celles des médecins et des dentistes. D'autre part, dans la nomenclature des professions et catégories socioprofessionnelles (PCS), au sein de laquelle elles figurent jusque-là parmi les professions intermédiaires, les sages-femmes seraient reclassées dans les cadres et professions intellectuelles supérieures, aux côtés des autres professions médicales.

La portée juridique de cet article apparaît incertaine. L'Insee a notamment signalé, lors de l'audition, que la nomenclature NAF était fondée sur une nomenclature d'activités européenne NACE à laquelle il ne lui est pas possible de déroger dans les conditions prévues par la proposition de loi. Toutefois, rien ne s'oppose à séparer les activités des sages-femmes de celles des infirmiers en deux sous-classes distinctes, nonobstant le peu d'effectifs concerné. Afin d'adresser un signal de reconnaissance à la profession et en cohérence avec le vote de l'Assemblée, je vous propose d'adopter en l'état ces dispositions.

En conclusion, si la proposition de loi que nous examinons ne traite pas de l'ensemble des difficultés soulignées par les sages-femmes, elle marque de l'avis de tous une étape fondamentale et porte des avancées ambitieuses susceptibles d'améliorer durablement l'attractivité de la profession.

L'intégration universitaire, la création d'un diplôme d'État de docteur en maïeutique permettent d'asseoir la reconnaissance des sages-femmes comme profession médicale. La création d'un troisième cycle et la mise en place d'un statut de sage-femme agréée maître de stage amélioreront nettement les conditions de formation des étudiantes. La révision des référentiels de formation permettra d'adapter les études de sages-femmes aux évolutions importantes qu'a connues la profession durant ces dernières années.

Cette proposition de loi répond d'ailleurs à la huitième proposition du Livre blanc des sages-femmes publié cette année, au titre évocateur : « Réformer les études de sages-femmes pour répondre aux attentes des étudiants et aux besoins de santé publique. »

En tant que rapporteure, il me revient de vous proposer un périmètre pour l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution. Je considère qu'il comprend des dispositions relatives à la formation des sages-femmes ainsi qu'au statut des enseignants-chercheurs en maïeutique. En revanche, j'estime que ne présenteraient pas de lien, même indirect, avec le texte dont nous avons à débattre, des amendements relatifs aux compétences des sages-femmes, aux règles d'organisation de la profession et à la formation des autres professions médicales. De tels amendements seraient donc déclarés irrecevables par notre commission en application de l'article 45 de la Constitution.

Il en est ainsi décidé.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

Je remercie Mme Raymonde Poncet Monge, dont c'est le premier rapport.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

C'est un texte intéressant. Je regrette simplement que nous ne l'ayons pas examiné plus tôt. Puisque nous avons autorisé les sages-femmes à procéder à des interventions chirurgicales, il est logique de renforcer leur formation.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Mouiller

Ce texte est une avancée ; il faut effectivement plus de formation pour les sages-femmes. Mais après cette première étape, le débat sur la reconnaissance de leur travail ne devra pas s'arrêter là. Je voterai ce texte avec vos amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Le texte est consensuel et il est très attendu par les sages-femmes. C'est une étape importante, même si elle ne règle pas tout. Nous sommes allés à Mayotte pour le compte de notre commission ; c'est un autre monde ! Nous avons été frappés lors de nos échanges avec les sages-femmes de ce département, qui ont des responsabilités énormes. Quand on leur a décrit l'encadrement par les médecins tel qu'il se pratique ici, elles se sont poliment amusées. Cela devrait nous faire réfléchir.

Debut de section - PermalienPhoto de Victoire Jasmin

Lorsque j'étais cadre de santé, j'ai beaucoup travaillé avec les cadres sages-femmes. Il faudra aussi se pencher sur l'évolution de leur statut. Il faudra également mettre en cohérence les évolutions proposées dans ce texte avec le fonctionnement des services hospitaliers.

Dans les dispensaires, il y a des sages-femmes qui assurent le suivi des femmes enceintes et tiennent des permanences. Cela répond à un besoin sur certains territoires. Un article récent du Monde rapporte qu'il y a eu beaucoup d'interruptions volontaires de grossesse pendant la crise sanitaire, en particulier en Guadeloupe. Ces sages-femmes jouent un rôle important, mais méconnu. Il faudra davantage valoriser et faire connaître leur activité.

Vous avez parlé d'organismes agréés : quels sont-ils ?

Je suis très favorable à ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Poncet Monge

Je confirme que ce texte est d'initiative parlementaire. La profession l'attend avec une telle impatience, exprimée pendant les auditions, que j'aurais souhaité qu'il soit voté conforme. À cet égard, je ne comprends pas pourquoi les problèmes de délais n'avaient pas été identifiés l'année dernière par le Gouvernement. Le conseiller de la ministre m'a toutefois assuré que la proposition de loi serait inscrite au plus tôt à l'ordre du jour des travaux de l'Assemblée nationale. C'est pour cela que j'ai parlé de « reprise » par le Gouvernement.

Cette proposition de loi était beaucoup plus ambitieuse initialement, puis le texte a été centré sur ce qui devait être déverrouillé au plus vite, tout en ouvrant la voie à d'autres avancées ultérieures. La bi-appartenance ne figure donc pas dans ce texte, qui constitue une première étape nécessaire à l'ouverture de débats sur l'extension du statut hospitalo-universitaire.

Le rapport sur la périnatalité révèle que certains indicateurs se dégradent et que d'autres ne progressent plus, alors qu'ils sont très problématiques. Les sages-femmes qui maillent le territoire pourront certainement améliorer les choses.

Je ne l'ai pas dit, mais l'année blanche serait 2028. Les promotions seraient augmentées sensiblement d'ici là pour éviter un trou dans les effectifs. Beaucoup de sages-femmes demandent le statut de praticien hospitalier. Même l'inspection générale des affaires sociales recommande un statut spécifique.

Il y a eu beaucoup d'inquiétude autour des organismes agréés. De nombreuses organisations ont réclamé que seules les universités puissent agréer des maîtres de stage. La direction générale de l'offre de soins (DGOS) m'a toutefois fait remarquer que le texte reprenait mot pour mot celui qui régit les maîtres de stage pour les généralistes. Dans 98 % des cas, pour les élèves sages-femmes, les maîtres de stage sont à l'université. Pour les autres cas, les organismes doivent être agréés par décret. Il ne semble pas possible d'être plus exigeant pour les sages-femmes que pour les généralistes, et il faut surtout éviter de créer des blocages, d'autant que les maîtres de stage sont en nombre insuffisant.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

L'ouverture aux sages-femmes du statut de praticien hospitalier me contrarierait beaucoup. Il faudrait alors faire évoluer le statut des médecins pour le différencier, mais aussi revoir le financement des hôpitaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Poncet Monge

Effectivement, il n'y a pas de consensus sur ce point, qui, rappelons-le, n'est pas abordé par ce texte. Les organisations que nous avons reçues en audition ne sont pas unanimes sur cette question. Mais pour les quelques sages-femmes enseignantes universitaires - il n'y a qu'une professeure d'université et quelques dizaines de maîtres de stage universitaires - qui ont voulu continuer leur activité clinique, cela a été le parcours du combattant, car elles devaient obtenir une autorisation des deux employeurs.

Ce texte a été compris comme une affirmation que ces deux activités n'étaient pas incompatibles, que leur cumul était presque un droit, et que si leur employeur refusait à l'avenir, il ne pourrait le faire qu'en opposant des nécessités de service.

Ce texte ouvrira ce débat et le rendra plus intelligible. Moi-même, je n'ai pas de position définitive.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Poncet Monge

L'amendement COM-1 rectifié de Mme Muller-Bronn reporte l'application du troisième cycle aux promotions qui entreront en deuxième année à la rentrée 2024, comme l'amendement COM-5 que j'ai moi-même déposé. Je formule un avis défavorable sur le premier pour des raisons purement rédactionnelles et vous propose d'adopter le second.

L'amendement COM-1 rectifié n'est pas adopté.

L'amendement COM-5 est adopté.

L'amendement COM-2 rectifié avance la date butoir fixée par la loi pour l'intégration universitaire des écoles de sages-femmes à la rentrée universitaire 2024. Afin de laisser aux acteurs locaux le temps d'organiser l'intégration, et de lever les derniers blocages, il est toutefois préférable de maintenir la date du 1er septembre 2027 prévue par la proposition de loi.

Une école grenobloise qui avait opté pour un statut universitaire est récemment revenue en arrière, notamment à cause de problèmes financiers. Cinq ans ne sont pas de trop pour lever l'ensemble des freins - c'est aussi l'avis de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS). Avis défavorable.

L'amendement COM-2 rectifié n'est pas adopté.

L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 1erbis (nouveau)

L'article 1erbis est adopté.

Article 2

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Poncet Monge

L'amendement COM-3 rectifié vise le même report de l'entrée en vigueur du texte que l'amendement COM-6 que je vous propose : le troisième cycle s'appliquerait aux promotions qui entreront en deuxième année de maïeutique à compter de la rentrée 2024, de même que la révision des référentiels de formation. L'expression « pour les étudiants entrant en études de santé en 2023 » ne permet toutefois pas de viser précisément la promotion concernée : certains étudiants intègrent les études de maïeutique après plusieurs années d'études préalables, par exemple en licence Accès santé (L.AS) ou en études paramédicales. Pour des raisons rédactionnelles, je vous invite donc à préférer mon amendement COM-6.

Ce report est important : les professeurs disent qu'ils ne seraient pas prêts avant 2024.

L'amendement COM-3 rectifié n'est pas adopté.

L'amendement COM-6 est adopté.

L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 3

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Poncet Monge

Il serait souhaitable de créer un véritable statut de bi-appartenance à la fonction publique hospitalière et à la fonction publique d'État universitaire, mais cela nécessite de poser la question du statut des sages-femmes à l'hôpital, qui n'est pas encore tranchée. L'amendement COM-4 rectifié exclurait en outre les activités exercées en libéral.

À l'inverse, la proposition de loi permet déjà de faciliter le cumul, pour les sages-femmes enseignantes-chercheuses, de leurs activités d'enseignement et de recherche avec une activité clinique, qu'elle soit hospitalière ou libérale - un cumul aujourd'hui soumis à autorisation de leur autorité hiérarchique. Conservons la rédaction actuelle.

L'amendement COM-4 rectifié n'est pas adopté.

L'article 3 est adopté sans modification.

Article 4

L'article 4 est adopté sans modification.

Article 5 (supprimé)

L'article 5 demeure supprimé.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

Bravo pour cette unanimité !

Nous faisons un pari : que l'allongement des études rende le métier plus attractif, que les conséquences en termes de rémunération en soient effectivement tirées et que les futures sages-femmes ne privilégient pas davantage l'exercice libéral au détriment de leur présence indispensable en salle de naissance. Lorsque nous avons visité l'hôpital Delafontaine de Saint-Denis, nous avons vu que les sages-femmes faisaient cruellement défaut.

TABLEAU DES SORTS

Debut de section - PermalienPhoto de Jocelyne Guidez

Permettez-moi d'abord d'évoquer le contexte tragique dans lequel cette proposition de loi a été écrite. En dépit de la mobilisation des pouvoirs publics dans le cadre du Grenelle des violences conjugales, les violences commises au sein du couple ne diminuent pas. Les chiffres du ministère de l'intérieur rendent compte d'une augmentation des cas : en 2021, 122 femmes ont été tuées par un conjoint ou un ancien conjoint, soit une hausse de 20 % par rapport à 2020. La violence au sein du couple est particulièrement prégnante dans nos territoires d'outre-mer : une étude de l'Institut national d'études démographiques (Ined) de 2018 révèle que près d'une femme interrogée sur cinq se déclare en situation de violences conjugales en Martinique et en Guadeloupe. En France hexagonale, une enquête statistique du ministère estime à 295 000 le nombre annuel de victimes de violences conjugales entre 2011 et 2018, dont 72 % de femmes. La semaine dernière encore, tandis que je menais les auditions préparatoires à ce rapport, nous avons appris qu'une femme avait été tuée par son conjoint dans mon département de l'Essonne.

Pour répondre à cet enjeu, le texte que nous examinons a pour but d'aider les victimes à quitter définitivement leur partenaire violent et à se protéger ainsi de lui. Les données issues des appels au numéro 3919 Violences Femmes Info montrent que 59 % des victimes souhaitent quitter le domicile conjugal, tandis que 18 % des victimes indiquent avoir effectué plusieurs départs du domicile. Il est donc très difficile à la femme de réussir à couper définitivement les ponts avec son tortionnaire.

Parmi toutes les raisons qui empêchent les victimes de se protéger, la précarité économique ou les incertitudes financières se retrouvent en bonne place. Cette situation de vulnérabilité provient bien souvent de la violence ou de l'emprise économique dont le conjoint violent fait preuve. Les associations aidant les femmes victimes de violences conjugales, que j'ai entendues en audition, m'ont exposé les nombreux moyens employés par les auteurs des violences pour placer leur victime dans une dépendance économique : chantage financier, confiscation des ressources financières ou des moyens de paiement, comportements visant à acculer la victime à des surendettements personnels...

Le texte que nous examinons répond donc à cet enjeu : donner les moyens financiers aux victimes pour qu'elles puissent s'extirper d'un environnement violent et ne plus y revenir. La proposition de loi choisit d'accorder une aide d'urgence débloquée en deux jours, versée par la caisse d'allocations familiales pendant trois mois.

Une proposition de loi similaire, déposée par Mme Gréaume, adaptait le régime existant du revenu de solidarité active pour permettre aux caisses d'allocations familiales (CAF) de verser des avances sur droits supposés au revenu de solidarité active (RSA), financées par le département. La proposition de loi de Mme Létard prévoit un dispositif sui generis sous la forme d'un prêt. Ce texte s'appuie sur le retour d'expérience d'une initiative menée dans le Valenciennois par le département du Nord, la CAF, le parquet et les autres acteurs, notamment associatifs. La CAF du Nord comme le département m'ont indiqué avoir envisagé puis écarté l'idée d'une avance sur droits supposés pour retenir celle d'une aide se rapprochant des prêts d'honneur que les conseils d'administration des CAF peuvent librement consentir au titre de leur politique d'action sociale.

L'article 1er de la proposition de loi prévoit donc un dispositif d'avances d'urgence octroyées par les CAF et financées par la branche famille. Ce prêt, à taux zéro, serait versé en trois mensualités dont la première devra être payée en deux jours ouvrés. Le montant du prêt sera fixé par décret. Il reviendra au pouvoir réglementaire de prévoir, et j'insiste sur cette nécessité, des montants majorés lorsque la victime quitte le domicile avec ses enfants. Le texte reste en effet silencieux sur ce point ; pourtant, les enfants sont directement des victimes des violences conjugales et les avancées récentes en matière de droit pénal l'ont expressément reconnu. Dans la majeure partie des cas, les femmes ne quittent pas le domicile en abandonnant leurs enfants et le dispositif proposé devra répondre à cet enjeu.

S'agissant du délai de deux jours, les retours de l'expérimentation menée dans le Nord font état d'une durée trop courte pour débloquer les sommes et les verser. Cependant, les associations comme le département du Nord m'ont indiqué qu'au-delà de soixante-douze heures sans solution, les victimes retournent le plus souvent chez leur conjoint violent. Je vous proposerai donc de porter de deux à trois jours le délai d'instruction de la demande.

Se pose ensuite la question des conditions permettant aux victimes de violences conjugales de faire valoir leur droit. Le texte n'évoque le dépôt de plainte ou l'ordonnance de protection délivrée par un juge qu'à titre illustratif. Un fait générateur trop souple risque toutefois de gêner la mise en oeuvre de la loi. Je vous proposerai donc par amendement de retenir des conditions d'octroi plus précises et clairement établies. À l'instar du texte de Mme Gréaume, mon amendement vous proposera de conditionner la délivrance de l'avance à une ordonnance de protection ou à un dépôt de plainte attestant de violences conjugales. Cependant, nous savons bien que beaucoup de femmes n'osent pas pousser la porte de la gendarmerie ou de la police et dénoncer les faits qu'elles subissent. De même, seules 5 800 ordonnances de protection ont été délivrées en 2021. C'est pourquoi, afin de ne pas trop restreindre l'accès à ce prêt d'urgence, l'amendement retient également les violences attestées par un signalement adressé au procureur de la République comme critère d'octroi. Certains hôpitaux ont contractualisé avec le parquet afin de faciliter, avec l'accord de la personne, les signalements des victimes prises en charge médicalement. L'avance d'urgence pourra ainsi s'appliquer à cette situation.

L'article 1er prévoit également que les allocataires de l'avance bénéficient des droits accessoires à la prestation du RSA. À côté du dispositif financier, la victime doit pouvoir être aidée, comme c'est déjà souvent le cas, par les associations ou les travailleurs sociaux des collectivités locales. Je vous proposerai par amendement de bien préciser que ces droits accessoires comprennent également un accompagnement social et professionnel adapté à leur situation, à l'instar de celui délivré aux bénéficiaires du RSA.

L'article 1er prévoit enfin les modalités de remboursement du prêt. Je vous proposerai de bien préciser par amendement ces règles qui seraient très proches des modalités déjà existantes pour les prêts consentis par les CAF. La dette pourra ainsi être remboursée en une ou plusieurs échéances si le bénéficiaire le souhaite. Sinon, elle sera récupérée par retenues sur les prestations sociales par ailleurs versées par les CAF. Ces dernières pourront décider de remises ou de réductions de créances. Les auditions nous l'ont confirmé, cette possibilité n'est pas hypothétique, et il faudra que les conseils d'administration des caisses fassent preuve de discernement pour ne pas ajouter une dette à des situations de précarité ou de surendettement.

La proposition de loi prévoit également un mécanisme original de subrogation des CAF dans les droits des victimes de se constituer partie civile pour demander, en leur nom, la réparation du préjudice subi. La récupération de la créance pourra alors se faire sur les dommages et intérêts prononcés, ce qui permettra de faire payer l'auteur des violences en lieu et place de la victime.

L'article 2 de la proposition de loi dispose que la victime déposant plainte pour des faits de violences conjugales devra être informée par l'officier ou l'agent de police judiciaire de la possibilité de demander l'avance. Plus encore, le gendarme ou policier plaintier devra enregistrer la demande de la victime et la transmettre à la CAF compétente ainsi qu'au conseil départemental, chef de file de l'action sociale. Toutefois, lorsqu'un travailleur social sera présent dans le commissariat ou la gendarmerie, cette mission lui sera naturellement assignée.

Je me suis beaucoup interrogée sur le bien-fondé de ce dispositif : ce ne sont pas des compétences naturelles pour les policiers et gendarmes. Je vous proposerai pourtant de préserver cette possibilité. Nous savons tous qu'une simple information aux victimes sur leurs droits ne sera pas suffisante - quand elle ne sera pas simplement inappliquée. Les victimes, souvent dans des états traumatiques, ne seront pas si nombreuses à aller d'elles-mêmes vers la CAF. Le texte propose donc un mécanisme nécessaire de liaison entre services de l'État et services sociaux et devra être mis en oeuvre sur le terrain par des aménagements et des coordinations.

Le troisième et dernier article de la proposition de loi gage financièrement le dispositif.

La proposition de loi que nous examinons est une opportunité de combler les déficits des dispositifs d'aide aux victimes de violences conjugales. C'est pourquoi je vous propose d'adopter la proposition de loi de Valérie Létard modifiée par les amendements qui vous sont soumis. L'expérimentation en cours dans le Nord et les autres initiatives locales - comme celle qui est menée par la CAF du Var et le barreau de Toulon visant à accélérer l'examen des droits à prestations légales des victimes de violences conjugales - apporteront peut-être des voies d'amélioration et lèveront sans doute les réserves institutionnelles que j'ai pu entendre en audition.

Bien sûr, cette aide monétaire légale devra aussi s'inscrire dans les environnements locaux formés par les acteurs de l'action sociale. Des conventions signées entre parties prenantes, comme celles qui fleurissent déjà sur le territoire, favoriseront l'identification, puis l'orientation des victimes vers le bon interlocuteur et éviteront les dispositifs redondants.

Je dois enfin vous proposer un périmètre pour l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution. Il comprendrait les dispositions relatives aux dispositifs d'aide et d'action sociale et d'information en faveur des victimes de violences conjugales, mais exclurait des amendements relatifs à la répression pénale des auteurs de violences conjugales, à l'office du juge lors de la délivrance d'ordonnance de protection, à l'exercice de l'autorité parentale en cas de violences intrafamiliales, au droit commun des prestations familiales légales et aux aides d'action sociale délivrées par les caisses d'allocations familiales et au droit commun du revenu de solidarité active et des autres prestations sociales.

Il en est ainsi décidé.

Debut de section - PermalienPhoto de Christine Bonfanti-Dossat

Il est prévu à l'article 2 que l'officier de police judiciaire qui reçoit une plainte pour violences conjugales informe la victime qu'elle peut bénéficier d'une aide d'urgence. C'est essentiel, mais comment nous assurer que ce sera bien fait ? Ne faudrait-il pas pour cela un travail spécifique dans les gendarmeries et les commissariats, comme celui qui a été mené pour l'accueil des enfants ?

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Mélot

La victime de violences conjugales a souvent les mêmes sources de revenus que son bourreau, ce qui l'empêche de quitter le domicile, ou la conduit à revenir quelques jours après être partie.

Pourquoi se limiter aux violences conjugales ? Il peut y avoir de violences au sein du couple même sans partage du domicile.

Le prêt doit être débloqué rapidement, c'est certain ; mais comment sera-t-il remboursé ? Nous ne le savons pas. Que se passe-t-il si la personne qui a obtenu un prêt n'est finalement pas reconnue comme victime ? Et si le titulaire du compte bancaire sur lequel la CAF verse ses aides est le conjoint violent ? Risquerait-on de verser une avance au coupable ? Quid en cas de fraude ? Un couple de fraudeurs pourrait déposer une plainte, puis la retirer...

Comme je l'ai rappelé dans mon rapport sur le harcèlement, il ne faut pas sous-estimer la responsabilité collective dans les problèmes de violences. Il est ainsi indispensable d'accompagner les auteurs et les témoins passifs, pour éviter qu'ils ne reproduisent ces comportements.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Henno

La proposition de loi de Valérie Létard porte sur un sujet grave. Il est rassurant que le Sénat l'aborde avec sérénité, à l'abri du tourbillon de l'actualité.

C'est aujourd'hui le cinquième anniversaire de #MeToo. Notre vote revêt dès lors une dimension symbolique. C'est aussi la condition d'homme qui est interrogée, il faut le dire avec humilité.

Nous ne pouvons pas régler tous les problèmes d'un seul coup de baguette magique. Nous sommes tous concernés : cela peut toucher une amie, une voisine, une fille, une soeur. Tout ce qui aide les victimes à se libérer de l'emprise va dans le bon sens. Celle-ci est construite sur des aspects concrets, tels que le logement et l'argent. Les victimes sont parfois dépendantes de leur bourreau. Cette proposition de loi est, de ce point de vue, une avancée concrète.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

MeToo date en effet de cinq ans, comme en témoigne le numéro spécial de L'Humanité d'aujourd'hui, si l'on me permet cette petite publicité... (Sourires)

Cette proposition de loi s'inspire d'une expérimentation menée dans le Nord et a suivi une première proposition de loi d'une autre sénatrice de ce département, Michelle Gréaume - rendons à César, ou plutôt à Cléopâtre, ce qui lui revient !

Je reste dubitative sur ce sujet. La lutte contre les violences faites aux femmes a été consacrée grande cause nationale. Les témoignages affluent. Souvent, du fait de l'emprise, il faut un temps très long aux victimes pour mettre des mots sur cette violence. Même si cette expérimentation apporte un plus - cela nous pousse à voter ce texte -, nous sommes loin du compte, au regard de ce fléau qui touche tous les milieux sociaux et n'épargne personne. On sous-estime les dégâts qu'il inflige et le fait qu'il aboutit à des dizaines de féminicides.

Écoutons la parole des associations féministes lorsqu'elles nous disent que, pour les éradiquer ces violences, il faut un milliard d'euros.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Nous voterons cette proposition de loi. Elle montre que la société avance, notamment dans la compréhension des difficultés psychiques, mais aussi matérielles rencontrées par les femmes victimes de violences lorsqu'elles veulent les fuir.

Ce texte prend en compte une réalité : une femme peut partir sans un sou en poche, soit qu'elle n'ait pas de compte bancaire autre que le compte commun, soit que les comptes aient été vidés par le conjoint violent.

Des logements d'urgence sont mis à disposition, mais pas suffisamment, comme en témoigne un rapport de la délégation aux droits des femmes.

Il y a un décalage entre l'ampleur des violences, le fait qu'on en ait fait une grande cause nationale, et cette avancée progressive, proposition de loi après proposition de loi. Si celle-ci utilise les crédits de la CAF, c'est qu'il n'y en avait pas ailleurs.

Mme Mélot parle des cas particuliers...

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Il faut surtout penser à aider les femmes.

Ce qui m'inquiète, moi, ce sont les femmes qui ne sont pas allocataires de la CAF. Comment faire en sorte qu'elles ne soient pas exclues ?

Debut de section - PermalienPhoto de Mélanie Vogel

Nous aussi, même si nous mesurons le long chemin qui restera à parcourir après l'adoption de ce texte, nous le voterons.

Que prévoyez-vous pour les allocataires qui ont un compte bancaire commun avec l'auteur des violences ?

La question financière peut constituer un obstacle pour des personnes non-allocataires de la CAF ; pourront-elles avoir recours au dispositif ?

Sachant que 90 % des plaintes pour violences sont classées sans suite, que se passe-t-il pour le paiement des frais d'avocats ? Notre système judiciaire n'est malheureusement pas équipé pour répondre convenablement aux violences...

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Chasseing

Je félicite aussi Mme Guidez. Dans nos départements, nous constatons une augmentation des violences, malgré nos efforts pour inciter les victimes à porter plainte. Cette proposition de loi aidera les victimes à partir, alors qu'elles sont souvent dépendantes de l'auteur des violences à travers le logement et le salaire.

Il s'agit donc d'un complément utile à ce que font les associations, qui manquent de moyens. C'est également une bonne idée d'y associer les départements pour qu'ils apportent un accompagnement social et professionnel. Toutefois, certains bénéficiaires du RSA reçoivent leurs aides par la Mutualité sociale agricole (MSA) à travers son réseau de caisses. La MSA est-elle mobilisée ?

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Duffourg

Je voterai cette proposition de loi qui porte sur un thème à la mode,...

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Comme les suicides, en leur temps, à France Télécom ?

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Duffourg

que certains instrumentalisent politiquement.

C'est un problème très important, mais il y a aussi des violences dans d'autres domaines - je pense aux faits liés au trafic de drogue.

Dans les affaires de violences conjugales, des dommages et intérêts peuvent être prononcés, une provision pouvant même être obtenue en référé. Mais je ne suis pas contre l'idée de verser des avances d'urgence.

Concernant les frais de justice, rassurons notre collègue : l'aide juridictionnelle fonctionne dans ce cas et les victimes peuvent en bénéficier.

Debut de section - PermalienPhoto de Jocelyne Guidez

Je ne sais pas si ce thème est à la mode, mais ce que je sais, c'est que les violences conjugales n'ont pas de parti.

L'information des victimes dans les commissariats et gendarmeries demande effectivement que le ministère de l'intérieur mène un travail dans ce sens, et mobilise les travailleurs sociaux présents en gendarmeries et commissariats. Il y a eu une avancée dans la prise en charge des violences conjugales ; je le constate notamment dans les gendarmeries de l'Essonne : chacune compte une personne particulièrement chargée de ces sujets.

Madame Mélot, toutes les violences de couple sont couvertes, y compris en l'absence de cohabitation. Une plainte diffamatoire étant une infraction réprimée par le code pénal, cela devrait dissuader les fraudeurs éventuels. Le remboursement du prêt a lieu selon les mêmes modalités, qu'il y ait ou non des suites judiciaires à la plainte. Le temps judiciaire étant plus long, il n'aurait pas été possible de conditionner l'aide aux plaintes aboutissant à une condamnation pénale.

Madame Cohen, je suis tout à fait d'accord avec vous ; les deux propositions de loi ont un objectif similaire, mais leur dispositif diffère.

Madame Rossignol, toutes les victimes sont concernées, y compris celles qui ne seraient pas déjà allocataires de la CAF - la CAF du Nord n'a en revanche indiqué que le traitement sera un peu plus long pour les non-allocataires compte tenu des démarches d'enregistrement.

Monsieur Chasseing, la proposition de loi prévoit une application uniquement par le réseau des CAF. Il faudra l'étendre à l'avenir au réseau de la MSA, mais un amendement dans ce sens serait susceptible d'être irrecevable financièrement.

Madame Vogel, il existe plusieurs possibilités, que j'ai découvertes à cette occasion, dans le cas où la victime ne disposerait pas d'un compte à son nom : on peut désormais ouvrir un compte bancaire dans un délai très court; la CAF du Nord utilise le compte pré-enregistré d'une association qui reversera les fonds ; on peut enfin utiliser les mandats postaux ou les cartes prépayées sans banque.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er

Debut de section - PermalienPhoto de Jocelyne Guidez

L'article 1er du texte ne comporte qu'une liste illustrative de critères permettant d'obtenir un prêt d'urgence. Cette absence de précision peut compromettre la mise en oeuvre du dispositif.

Mon amendement COM-2 vise donc à inscrire dans le texte des critères clairement définis. L'avance serait ainsi octroyée dans trois situations : si une ordonnance de protection a été délivrée par le juge ; si la victime a déposé une plainte ; ou si un signalement a été adressé au procureur, notamment par un professionnel de santé. En effet, certains hôpitaux, comme ceux de Lille ou de Valenciennes, ont déjà contractualisé avec le parquet pour faciliter le signalement des victimes, avec le consentement de celles-ci.

Ces critères permettront de prendre en compte la diversité des situations, donc de ne pas trop restreindre l'octroi de l'avance.

L'amendement COM-2 est adopté.

L'amendement COM-1 rectifié permet aux victimes de violences conjugales bénéficiaires de l'avance d'urgence d'élire domicile auprès d'un centre communal ou intercommunal d'action sociale ou d'un autre organisme agréé. Aujourd'hui, ces victimes peuvent déjà bénéficier de cette faculté si elles sont sans résidence stable, mais cette condition ne peut s'appliquer à toutes les situations que l'on envisage au travers de cette proposition de loi, par exemple lorsque la victime n'a pas encore décidé de quitter son conjoint. La disposition proposée me semble utile. Avis favorable.

L'amendement COM-1 rectifié est adopté.

Mon amendement COM-3 vise à porter de deux à trois jours ouvrés le délai d'instruction de la demande d'avance d'urgence.

Les premiers enseignements de l'expérimentation menée par la CAF du Nord montrent qu'un délai de deux jours est trop court pour débloquer les sommes du prêt. Toutefois, au-delà de trois jours dans l'incertitude, la victime risque de retourner vivre au domicile conjugal.

L'amendement COM-3 est adopté, de même que l'amendement rédactionnel COM-4.

Mon amendement COM-5 vise à clarifier les droits et aides accessoires au RSA accordés aux bénéficiaires de l'avance.

L'amendement COM-5 est adopté.

Mon amendement COM-6 tend à clarifier les modalités de récupération du prêt.

L'amendement COM-6 est adopté.

L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 2

L'amendement rédactionnel COM-7 est adopté.

L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 3

L'article 3 est adopté sans modification.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

TABLEAU DES SORTS

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

Nous passons à l'examen de la proposition de loi visant à accompagner la mise en place de comités sociaux et économiques à La Poste, de notre collègue Mme Denise Saint-Pé.

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Devesa

La proposition de loi déposée par notre collègue Denise Saint-Pé a pour objectif de créer les conditions nécessaires à la mise en place de comités sociaux et économiques (CSE) à La Poste.

En effet, cette entreprise hors normes par sa taille, ses missions de service public et son implantation territoriale reste aussi, pour des raisons historiques, un cas particulier en matière de dialogue social.

La loi du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et à France Télécom a profondément réformé l'administration des postes et télécommunications en créant deux entreprises publiques distinctes : La Poste et France Télécom. Le 1er mars 2010, La Poste est devenue une société anonyme à capitaux publics ayant le caractère d'un service public national.

Le personnel de La Poste se caractérise par une pluralité de statuts, fruit de l'évolution de l'entreprise : d'une part, des fonctionnaires régis par des statuts particuliers, qui représentent près d'un tiers des effectifs, ainsi que des agents contractuels de droit public ; d'autre part, des salariés de droit privé, représentant les deux tiers des quelque 170 000 collaborateurs de La Poste SA.

Pour assurer la représentation individuelle et collective de son personnel, La Poste est dotée d'instances représentatives spécifiques et adaptées aux particularités de l'entreprise.

Sur le modèle de la fonction publique, des comités techniques (CT) national et locaux exercent des attributions en matière d'organisation et de fonctionnement des services, de règles statutaires et d'égalité professionnelle. La Poste dispose également de 637 comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) qui contribuent à la santé et à la sécurité du personnel. Ces instances n'ont désormais plus d'équivalent dans le secteur privé ni dans le secteur public. Depuis l'ordonnance du 22 septembre 2017 relative au renforcement de la négociation collective, les entreprises ont regroupé leurs instances, dont les CHSCT, au sein du comité social et économique. Dans la fonction publique, la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique a substitué les comités sociaux aux comités techniques.

La représentation individuelle des salariés et agents contractuels de La Poste est par ailleurs assurée au sein de commissions consultatives paritaires (CCP), tandis que des commissions administratives paritaires (CAP) sont compétentes pour connaître des questions d'ordre individuel concernant les fonctionnaires. Enfin, la gestion des activités sociales et culturelles au sein de l'entreprise est assurée par un conseil d'orientation et de gestion des activités sociales (Cogas).

Pour l'exercice du droit syndical, La Poste applique les règles de la fonction publique à l'ensemble de son personnel. La loi du 2 juin 1990 exclut en effet l'application à La Poste des règles du dialogue social qui prévalent dans les entreprises privées, dont les règles relatives aux délégués syndicaux. Ainsi, la validité des accords collectifs conclus à La Poste est subordonnée à leur signature par un ou plusieurs syndicats ayant recueilli au total au moins 30 % des suffrages exprimés aux élections des comités techniques, et à l'absence d'opposition d'organisations syndicales parties prenantes à la négociation représentant une majorité des suffrages exprimés.

La loi du 6 août 2019 précitée a prévu que les dispositions du code du travail relatives aux CHSCT, abrogées en 2017, continueraient de s'appliquer à La Poste jusqu'au prochain renouvellement de ces instances. Or aucune disposition ne prévoit le cadre qui s'appliquera à l'issue des mandats actuels au sein des instances de La Poste. Une intervention législative est donc nécessaire pour fixer le futur cadre du dialogue social dans cette entreprise. La présente proposition de loi prévoit ainsi l'application du droit commun des relations collectives de travail, sous réserve de son adaptation aux spécificités de l'entreprise.

Les mandats des représentants du personnel aux CHSCT s'achevant le 31 janvier 2023, la proposition de loi prévoit de rendre les dispositions relatives au CSE applicables à La Poste au terme d'une période transitoire de négociation et de mise en place des nouvelles instances. À cette fin, l'article 1er du texte prévoit de prolonger les mandats en cours des membres des CT et des CHSCT jusqu'à la proclamation des résultats aux élections aux CSE à La Poste et, au plus tard, jusqu'au 31 juillet 2024.

À compter de ces mêmes échéances, l'article 2 rend applicables à l'ensemble du personnel de La Poste les dispositions du code du travail relatives au droit syndical, à la négociation collective et aux institutions représentatives du personnel, sous réserve d'adaptations justifiées par la situation particulière des fonctionnaires. Cette disposition aura pour effet de fonder la représentativité syndicale sur les résultats des élections aux CSE, avec un seuil de 10 % des suffrages exprimés, et de conférer le monopole de la négociation aux délégués syndicaux. S'appliquera également la règle de l'accord majoritaire : pour être valide, un accord devra être signé par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives ayant recueilli plus de 50 % - contre 30 % actuellement - des suffrages exprimés en faveur d'organisations représentatives lors des dernières élections professionnelles.

La transformation du paysage des instances représentatives du personnel verra disparaître les CT, les CHSCT et le Cogas au profit d'un CSE central et de CSE d'établissement, dont le nombre reste à déterminer par accord collectif.

Je le rappelle, les CSE ont été créés en 2017 pour regrouper les délégués du personnel (DP), les comités d'entreprise (CE) et les CHSCT. Mis en place dans les entreprises d'au moins 11 salariés, ils sont composés de l'employeur et d'une délégation du personnel dont les membres sont élus par les salariés pour une durée maximale de quatre ans.

Dans les entreprises d'au moins 50 salariés, le CSE assure l'expression collective des salariés sur la gestion et l'évolution économiques et financières de l'entreprise, l'organisation du travail, la formation professionnelle et les techniques de production. Il dispose de prérogatives spécifiques en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail et, dans les entreprises et établissements d'au moins 300 salariés, une commission dédiée, la commission santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT), doit être instaurée en son sein. Enfin, le CSE assure la gestion des activités sociales et culturelles dans l'entreprise.

L'article 2 prévoit également l'institution d'un organisme représentant les fonctionnaires de La Poste, dit « conseil des questions statutaires », ayant vocation à être consulté sur les projets de loi et de règlement relatifs à leurs statuts. En outre, les CAP et les CCP seraient conservées. Pour préparer l'instauration des CSE et l'organisation des élections professionnelles, La Poste devra s'appuyer sur des règles issues du code du travail.

L'article 3 institue à cette fin un régime transitoire autorisant l'entreprise à négocier des accords pour l'organisation des élections et la détermination du fonctionnement et des attributions des futurs CSE avec les organisations syndicales disposant de sièges dans les comités techniques. Il prévoit, par dérogation au droit syndical actuellement applicable à La Poste, des conditions de validité des accords alignées sur celles qui prévalent en droit du travail, afin d'assurer l'applicabilité des accords après la constitution des CSE.

La mise en place de CSE à La Poste constitue un chantier de grande ampleur, complexifié par la coexistence d'une pluralité de statuts, qui s'accompagne d'un changement culturel majeur avec le passage au droit syndical applicable aux entreprises privées. Il importe que les partenaires sociaux soient en mesure de négocier la mise en place d'un cadre de dialogue social ambitieux, prenant notamment en compte le défi de la proximité et les besoins différenciés selon les territoires, en particulier dans les outre-mer. Dans cette perspective, un accord de méthode a été conclu en septembre 2022 afin de définir les modalités et les thèmes de la négociation dans la perspective de la mise en place des nouvelles instances.

Dès lors, après avoir entendu les dirigeants et l'ensemble des organisations syndicales représentatives de La Poste, je considère qu'il n'y a pas lieu de précipiter le calendrier de la réforme et qu'il convient de laisser du temps à la négociation. Je vous proposerai donc, en accord avec l'auteur de la proposition de loi, de reporter du 31 juillet au 31 octobre 2024 la date limite de prolongation des mandats actuels et de mise en place des CSE.

Je vous proposerai également d'adopter une série d'amendements de portée technique visant à assurer la bonne articulation du droit du travail avec les dispositions spécifiques à l'entreprise.

Sous réserve de l'adoption de ces amendements, je vous invite à adopter cette proposition de loi.

Pour finir, il me revient de vous proposer un périmètre pour l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution. Je considère que ce périmètre inclut exclusivement des dispositions relatives aux relations collectives de travail à La Poste. En revanche, ne me semblent pas présenter de lien, même indirect, avec le texte déposé, et seraient donc considérés comme irrecevables, des amendements relatifs au service public postal, aux activités et aux missions de La Poste, ainsi qu'au droit du travail et au droit de la fonction publique, en dehors du droit régissant les relations collectives de travail à La Poste.

Il en est ainsi décidé.

Debut de section - PermalienPhoto de Denise Saint-Pé

Je vous remercie, Madame la Présidente, de m'avoir invitée à assister à la réunion de votre commission.

La rapporteure a été très complète dans sa présentation, je serai donc brève. Je veux simplement expliquer les motifs qui m'ont conduite à déposer ce texte.

Celui-ci vise à accompagner la mise en place des CSE à La Poste. Le statut de cette entreprise a beaucoup évolué depuis la loi du 2 juillet 1990, sous l'impulsion du droit européen. Elle est ainsi devenue une société anonyme à capitaux intégralement publics investie de missions de service public. Elle emploie donc des agents de droit privé et de droit public, d'où le régime hybride de représentation du personnel qui a été construit au fur et à mesure de l'adoption des lois l'ayant transformée. La Poste a été exclue du champ d'application du code du travail, qui prévoit la présence, dans les entreprises de plus de 11 salariés, de comités sociaux et économiques, mais elle ne relève pas non plus des dispositions du code général de la fonction publique relatives aux comités sociaux d'administration, instituées par loi du 6 août 2019.

Néanmoins, il faut prendre en compte les évolutions du droit des relations sociales pour procéder à une mise à jour des institutions représentatives du personnel de La Poste, qui relèvent toujours de la loi de 1990. À cet effet, une nouvelle loi est indispensable. D'où ce texte, qui prévoit d'appliquer à l'ensemble du personnel de La Poste, de droit privé ou de droit public, les dispositions du code du travail relatives au CSE.

En tant qu'auteur de la proposition de loi, je suis d'accord avec les modifications proposées par la rapporteure ; le premier amendement vise à apaiser les tensions en reportant de fin juillet à fin octobre 2024 la fin du mandat des représentants actuels.

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Devesa

J'ajoute que nous avons auditionné les dirigeants et les organisations syndicales de La Poste. Nous avons entendu l'inquiétude qui s'y est exprimée et qui portait principalement sur les conditions de la négociation. C'est pourquoi il nous semble opportun de repousser la date de fin de mandat des élus actuels.

Le législateur pose un cadre juridique ; à charge maintenant pour la direction et les organisations syndicales de l'entreprise de poursuivre le dialogue social.

- Présidence de Mme Chantal Deseyne, vice-président - 

Debut de section - PermalienPhoto de Victoire Jasmin

J'ai participé à l'audition des syndicats et j'ai rarement constaté une telle unanimité parmi des syndicats, pourtant de tendances très diverses, pour affirmer qu'un tel système serait préjudiciable à la représentation de l'ensemble du personnel, surtout en outre-mer. Je suis très inquiète pour le dialogue social et je souhaite que soit prise en compte la spécificité des outre-mer. Avoir un seul représentant pour l'ensemble des outre-mer, c'est aberrant ! Nous, élus d'outre-mer, connaissons les temps de déplacement et les coûts que cela représente !

En outre, cela ne permettra pas d'avoir une écoute de proximité, ce qui est primordial. Avoir un seul représentant pour l'outre-mer, c'est méconnaître la réalité de ces territoires. Pour ma part, et je pèse mes mots, je trouve cette approche scandaleuse ; cela représente un véritable recul pour nos territoires. Les outre-mer ne constituent pas un seul bloc, ils sont répartis sur l'ensemble des océans. Or le coût financier et l'empreinte carbone du transport aérien sont très élevés. Je compte sur le bon sens du Sénat pour que les outre-mer ne soient pas les victimes d'un contexte qui justifie, peut-être, une réforme.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Feret

Il faut insister sur deux choses.

D'abord, La Poste n'est pas une entreprise comme les autres. Elle compte quelque 210 000 salariés, répartis sur de nombreux sites, en métropole ou outre-mer, et représentant une forte diversité de métiers, du conseiller financier à La Banque postale au facteur.

Avec cette proposition de loi, La Poste sera la dernière entreprise à appliquer l'ordonnance de 2017. Or, depuis l'adoption de celle-ci, nous avons eu des retours d'expérience sur la mise en place du CSE dans les entreprises, qui sont presque toutes critiques à ce sujet. Les objectifs annoncés ne sont pas atteints. On constate une diminution du nombre de représentants du personnel sur le terrain, donc une perte de proximité entre les salariés et leurs représentants. Cette proposition de loi ne nous satisfait donc pas.

Ensuite, elle est censée « accompagner » la mise en place du CSE à La Poste, mais, dans cette entreprise, les discussions sont déjà engagées dans cette voie depuis plusieurs semaines, et à marche forcée par-dessus le marché ! La direction de La Poste a donc contacté les organisations syndicales sans même connaître le contenu de cette proposition de loi. Il serait tout de même préférable d'attendre que le législateur se soit prononcé définitivement avant d'entamer les discussions.

Les organisations syndicales de La Poste étaient toutes présentes à l'audition de la semaine dernière et elles étaient unanimes pour dénoncer la façon dont les choses se préparent. D'abord, de très nombreux salariés - plusieurs milliers - relèvent encore de la fonction publique et, avec ce texte, ils seront représentés au travers d'un CSE unique, aux côtés de collègues salariés de droit privé. Ces agents s'inquiètent donc de leur juste représentation au sein de cette instance. En outre, le Cogas sera intégré au sein du CSE, ce qui entraînera la disparition de nombreuses associations agissant sur tout le territoire pour le bénéfice des agents et salariés de l'entreprise.

Nous déposerons donc des amendements, notamment pour reporter la fin des mandats des élus actuels au 31 décembre 2024, afin de donner plus de temps à la discussion et de préserver la qualité du dialogue social. Tout comme les organisations syndicales, nous souhaitons éviter que La Poste vive une situation comparable à celle de France Télécom.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Poncet Monge

Cela a été dit, la direction de La Poste a déjà commencé d'appliquer les modifications envisagées ; il y a d'ailleurs eu un recours syndical à ce sujet. Cette proposition de loi constitue donc un rattrapage de ce qui a déjà commencé. Le fait d'avancer sur ce point avant même l'adoption de la loi ne témoigne pas d'une position d'écoute très attentive de la part de la direction. Du reste, les 7 organisations syndicales sont vent debout contre cette méthode et ces délais.

Par ailleurs, je signale qu'avec cette réforme, La Poste sera la seule entreprise à avoir un CSE sans être passée par l'étape du CE et du CHSCT. Or le bilan de la mise en oeuvre de l'ordonnance de 2017 est très négatif.

En outre, les 637 CHSCT de La Poste répondent à un besoin de proximité et ce nombre passera, avec ce texte, à moins de 200 instances, avec une unique CSSCT centrale. Or, je le rappelle, La Poste perd des milliers d'emplois par an et est en restructuration permanente, comme France Télécom. Dans un tel contexte, les CHSCT sont nécessaires, car ils permettent d'analyser ces modifications permanentes des conditions de travail. Je crains que cette entreprise ne vive une situation similaire à celle de France Télécom.

Même les syndicats qui ont signé les accords de méthode ont dénoncé la façon dont les choses se sont passées : un temps mort à la suite de cette signature, suivi d'une accélération brutale. Dans cette affaire, la direction de La Poste est insincère et déloyale. Par conséquent, il faut, à tout le moins, reporter la fin des mandats au 31 décembre 2024.

Enfin, l'instauration du CSE entraîne une baisse des moyens et présente un bilan catastrophique sur la santé et la sécurité au travail. Pendant la crise du covid, les CHSCT ont bien manqué...

Debut de section - PermalienPhoto de Cathy Apourceau-Poly

Nous nous retrouvons dans les propos tenus. Les syndicats dénoncent unanimement l'instauration à marche forcée du CSE à La Poste. Cette entreprise compte, sans compter les sous-traitants, plus de 200 000 salariés, qui relèvent du public ou du privé, qui sont répartis sur de nombreux sites et exercent des métiers variés.

Il y a donc danger, même pour les salariés relevant d'un statut public. Le CSE, cela signifie moins de dialogue social et moins d'élus - le Gouvernement reconnaît lui-même la baisse de 33 % du nombre d'heures de délégation pour les élus - et cela signifie également un moindre budget, une baisse de l'accompagnement des salariés, notamment en matière de santé et de bien-être au travail.

Le groupe communiste républicain citoyen et écologiste développera son point de vue sur la question en séance publique et votera contre cette proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Devesa

Les points de vue exprimés ce matin avaient déjà été développés en audition. Néanmoins, je n'ai pas la même compréhension que vous, mes chers collègues, de la réaction des syndicats. Ces derniers ont signé, je le rappelle, à plus de 54 % l'accord de méthode. Ainsi, à part chez le syndicat SUD-PTT (Solidaires, unitaires, démocratiques-Postes, télégraphes et télécommunications), nous avons senti chez les organisations syndicales une tendance favorable - la Confédération générale du travail (CGT) l'a elle-même indiqué - à la mise en place du CSE.

Madame Jasmin, la Confédération française démocratique du travail (CFDT) et, je le disais, la CGT sont favorables à l'instauration du CSE, mais, en effet, pour les outre-mer, il faut que La Poste prévoie une organisation de proximité adaptée, qui relèvera de la négociation entre l'entreprise et les syndicats.

Madame Féret, la Banque postale est une filiale du groupe La Poste et est donc déjà, comme toutes les filiales du groupe, dotée de CSE. Seule La Poste SA est concernée par la réforme.

La Poste a proposé la mise en place de délégués de proximité et le reste relèvera de la négociation.

Par ailleurs, salariés et fonctionnaires sont déjà représentés ensemble au sein des CT - il n'y a donc pas de changement sur ce point. Les fonctionnaires seront spécifiquement représentés au sein d'un conseil des questions statutaires.

Madame Poncet Monge, le dialogue social a aussi été réformé dans la fonction publique, avec la fusion des CT et des CHSCT dans les comités sociaux. La Poste est dans une situation qui n'existe nulle part ailleurs.

J'en viens à la question de la date de fin des mandats des élus actuels. Je propose de repousser cette échéance du 31 juillet au 31 octobre 2024. Vous proposerez d'aller jusqu'au 31 décembre 2024. Le Sénat se prononcera, mais, pour ma part, je maintiendrai ma position. L'essentiel relève désormais de la négociation entre la direction de La Poste et les organisations syndicales.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Devesa

Mon amendement COM-1 vise, ainsi que je l'ai expliqué, à reporter au 31 octobre 2024 la date limite de fin des mandats des actuels représentants du personnel aux CT et CHSCT.

L'amendement COM-1 est adopté.

La loi du 2 juillet 1990 prévoit l'application du droit du travail relatif aux CHSCT jusqu'au prochain renouvellement des instances ; la proposition de loi entend mettre un terme à cette application à la fin des mandats des actuels représentants, qui seront prolongés jusqu'à l'élection des prochains CSE. En conséquence, l'échéance du prochain renouvellement des instances devient sans objet, ce que mon amendement COM-3 tend à supprimer.

L'amendement COM-3 est adopté.

L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 2

L'amendement de coordination COM-9 est adopté, de même que l'amendement rédactionnel COM-4.

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Devesa

Mon amendement COM-5 supprime la précision selon laquelle les salariés de La Poste bénéficient du régime des salariés protégés prévu par le code du travail, celui-ci étant déjà applicable aux salariés de l'entreprise.

Il maintient en revanche la disposition selon laquelle ce régime de protection sera applicable aux salariés élus au sein d'une instance propre à La Poste, puisqu'une telle instance n'est pas prévue dans le code du travail.

L'amendement COM-5 est adopté.

Mon amendement COM-6 précise que les agents publics de La Poste ne bénéficieront pas du congé pour formation syndicale prévu par le code général de la fonction publique, puisqu'ils auront droit au dispositif analogue prévu par le droit du travail : le congé de formation économique, sociale, environnementale et syndicale.

L'amendement COM-6 est adopté.

Mon amendement COM-7 précise les modalités de désignation des représentants des fonctionnaires au conseil des questions statutaires.

L'amendement COM-7 est adopté, de même que les amendements de coordination COM-8 et COM-2.

L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 3

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Devesa

Il n'est pas nécessaire que les dispositions transitoires qui permettront de mettre en place les CSE à La Poste soient applicables dès la publication de la loi. En effet, de telles dispositions d'entrée en vigueur sont réservées aux cas d'urgence, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. Les mesures du texte seront donc applicables le lendemain de la publication de la loi, comme le prévoit l'article 1er du code civil. Dans ce contexte, mon amendement COM-10 vise à supprimer cette mention.

L'amendement COM-10 est adopté.

L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

TABLEAU DES SORTS

La réunion est close à 12 h 40.