Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens à mon tour à saluer le travail de qualité mené par la mission d’information, dont la technicité et la précision n’ont jamais fait défaut.
Madame la rapporteure, monsieur le président de la mission d’information, votre motivation au cours de ces travaux n’a eu d’égale que votre connaissance parfaite du milieu de la recherche. Merci à tous les deux ! Vous m’avez fait tomber, comme Obélix, dans la marmite, moi qui ne suis qu’un modeste membre de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées et de la commission des affaires européennes : je me suis ouverte au monde de l’innovation et de la recherche, dont j’ai découvert la pertinence et dont il se trouve qu’elle est au carrefour des préoccupations qui sont les miennes au sein de ces deux commissions.
Le système français doit considérablement améliorer l’innovation et en faire l’une de ses priorités. Les propositions de la mission d’information vont dans ce sens et gagnent à être entendues par les pouvoirs publics.
Le problème ne se limite toutefois pas à la France. La dimension européenne ne doit pas être oubliée. L’Union européenne doit même reprendre le leadership sur l’innovation de rupture.
Face aux avances technologiques prises ou en passe de l’être par des puissances émergentes telles que la Chine, comment faire de l’Union européenne une puissance qui résiste ?
Prenons l’exemple de la 5G. La législation française est adaptée au contexte, mais il convient de rester attentif à l’évolution des risques sur l’ensemble du territoire européen. Tous les pays n’ont pas le même niveau d’expertise sur ces questions.
Il convient donc non seulement de soutenir la mise en œuvre de la boîte à outils de l’Union européenne susceptible de faciliter l’application de mesures nationales dans le domaine de la 5G et de veiller à l’évolution des risques, mais aussi de soutenir la réalisation du projet Hexa-X et d’autres initiatives et financements communautaires susceptibles de favoriser l’émergence d’acteurs européens de premier plan dans le domaine de la 6G.
Soutenir, mais comment ? La dimension est-elle seulement financière ? Eh bien non, ce n’est pas qu’une question d’argent !
Il s’agit, d’abord, de bien définir les thématiques sur lesquelles un facteur de compétitivité peut être créé, car c’est ce qui permettra aux géants d’émerger.
Il s’agit, ensuite, de soutenir les bons acteurs, en évitant si possible les grands équipementiers non européens. La capacité de la France et de l’Union européenne à soutenir l’émergence d’acteurs européens alternatifs est certainement l’une des conditions sine qua non pour garantir notre souveraineté.
Dans le domaine spatial, l’Union européenne doit se donner les moyens de rester un acteur majeur. Front de la guerre froide entre les États-Unis et l’URSS, l’espace est l’un des enjeux de la course pour la place de première puissance mondiale entre Washington et Pékin. La Chine est devenue une puissance spatiale majeure, qui mène de front des programmes d’exploration lunaire et martienne, des vols habités, des lancements de satellites à vocation scientifique, commerciale ou militaire, et même la construction d’une station spatiale chinoise. Et nous, que faisons-nous pendant ce temps-là ?
Le domaine spatial est l’illustration de quatre axes auxquels nous devons prêter attention.
Premièrement, il est nécessaire de faire preuve de la plus grande prudence en matière de transfert de technologies.
Deuxièmement, il faut définir une politique nationale et une politique communautaire qui prennent en compte les récents développements des ambitions chinoises.
Troisièmement, il convient d’augmenter les budgets publics nationaux des États membres. Pour reprendre l’exemple de l’espace, il est important de donner toute sa dimension au nouveau projet de constellation européenne pour la connectivité. Plus largement, il faut réaffirmer la nécessité d’une recherche publique forte, laquelle ne peut s’accommoder d’un enseignement supérieur en berne, comme c’est le cas aujourd’hui et depuis si longtemps.
Quatrièmement, l’Union européenne doit encourager le développement d’un secteur privé performant en mettant en place les conditions optimales à la croissance des start-up innovantes.
C’est l’application cumulative de ces quatre grands axes qui permettra de favoriser l’innovation et la compétitivité. Le rapport de la mission d’information va dans ce sens. La plupart de ses préconisations sont une déclinaison de ces quatre axes.
Faire de la commande publique un levier essentiel de croissance pour les entreprises industrielles innovantes ? C’est le deuxième axe.
Faire de la propriété industrielle et de la normalisation des sources de compétitivité ? C’est le premier axe.
Inciter les grands groupes à s’impliquer dans l’émergence et la croissance des entreprises innovantes ? C’est le quatrième axe.
Élaborer dès 2022 une loi pluriannuelle de programmation de l’innovation pour renforcer l’efficacité de la politique de valorisation ? C’est le troisième axe.
J’en viens à un point extrêmement important, qui a été mis en exergue.
Nous préconisons de systématiser les évaluations ex post des politiques de transfert et de valorisation menées par les organismes publics de recherche et les établissements d’enseignement supérieur, et de confier cette nouvelle mission au Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur.
Oui, l’évaluation doit être une priorité majeure de nos politiques publiques. Elle est en même temps un enjeu essentiel et une culture que nous ne possédons pas, ce qui est bien dommage. Sans évaluation, l’attribution des financements sera naturellement fléchée vers les acteurs déjà installés, favorisant les consortiums qui bénéficient déjà d’un soutien européen. Ces derniers ne sont donc pas encouragés à se dépasser et à devenir les meilleurs, car les financements viennent malgré tout vers eux, comme le reconnaissent les industriels eux-mêmes.
Nous devons faire l’inverse de ce que l’on fait aujourd’hui. Je cite M. Loesekrug-Pietri : « On sécurise pour que le résultat en 2025 soit ce que l’on voulait en 2022, mais le monde aura changé trois fois entre-temps et on risque de tomber à côté. »
Si le rapport d’information indique que nous devons réorienter les aides fiscales pour mieux accompagner le passage à l’échelle des petites et moyennes entreprises innovantes, ce que je soutiens fortement, je tiens à préciser qu’il faut commencer par évaluer l’utilisation du crédit d’impôt recherche pour qu’un terme soit mis aux stratégies d’évasion et d’optimisation fiscales, si souvent dénoncées, et pour endiguer son détournement par des bénéficiaires insuffisamment contrôlés.