Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens à remercier en préambule la rapporteure et le président de la mission d’information, qui ont accompli tous deux un bon travail et réalisé un excellent rapport, dont mon groupe approuve la plupart des conclusions.
Merci à nos collègues qui ont entrepris cette démarche, nous permettant ainsi de débattre et, je l’espère, d’œuvrer à un sursaut bien nécessaire de la politique d’innovation de notre pays.
Monsieur le ministre, j’espère en effet que le Gouvernement se saisira de ce rapport d’information et mettra en œuvre ses préconisations tant l’enjeu est majeur et tant il est urgent de prendre les décisions qui s’imposent. Ce rapport d’information complète celui qui a été examiné hier soir sur la souveraineté économique et l’indispensable réindustrialisation.
Oui, relancer l’innovation est essentiel pour la souveraineté de la France et pour la capacité de notre pays à maîtriser son destin et son avenir.
Vous l’aurez constaté, monsieur le ministre, le rapport d’information met l’innovation au service de la réindustrialisation. Certes, j’ai bien noté votre satisfaction face à l’amélioration de la position de la France dans le classement global en matière d’innovation, mais l’essentiel des start-up de la French Tech sont dans le secteur des services : s’il n’y a pas à s’en plaindre, il faut relever que la part de l’industrie est extrêmement faible. Nos préconisations, qui sont tournées vers cette cible particulière qu’est la réindustrialisation, sont donc d’autant plus importantes.
Force est de constater que d’énormes retards ont été accumulés et qu’inverser les tendances négatives qui ont prévalu depuis près de trente ans exige un véritable sursaut collectif, une mobilisation générale et des interventions publiques non seulement bien supérieures à ce qu’elles sont actuellement, mais également – Mme la rapporteure a insisté sur ce point – mieux orientées.
Développer l’innovation suppose un terreau fertile. Or celui-ci est terriblement appauvri. Ce terreau, c’est une appétence pour la science, ainsi qu’un haut niveau scientifique et technique de nos concitoyens et de notre jeunesse. Comment ne pas être alarmé par la rapide détérioration de ces facteurs ?
Je suis persuadée qu’au-delà des effets sur notre compétitivité économique et industrielle cette situation concourt à la spirale dépressive qui mine notre pays et notre projet républicain. Cette question mériterait en soi un long débat, mais je n’évoquerai que quelques sujets majeurs expressément abordés dans le rapport d’information.
Le niveau en mathématiques des jeunes Français a chuté au point que nous sommes désormais dans les classements internationaux le dernier pays d’Europe et l’avant-dernier de ceux de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) derrière le Chili. L’affaire n’est pas nouvelle : le rapport Villani-Torossian le disait déjà, mais les dispositions prises en 2018 n’ont pas suffi à redresser la barre.
Sans compter que la réforme du lycée engagée par le désastreux M. Blanquer a abouti à ce qu’à peine plus de 58 % des élèves étudiaient encore les mathématiques en terminale et seulement 14 % en mathématiques expertes, la véritable filière scientifique : un désastre ! Si une heure trente de cours a été ajoutée cette année, nous n’avons aucune visibilité pour l’avenir. Il faut un plan complet et rapidement opérationnel, du primaire à l’université, pour retrouver un haut niveau de formation en mathématiques. C’est urgentissime !
Plus largement, la situation de l’enseignement supérieur est elle aussi alarmante. J’approuve la demande d’une loi de programmation pluriannuelle, à condition – mais je sais que telle n’est pas l’intention du président et de la rapporteure de la mission d’information – qu’elle ne soit pas une tartufferie, comme celle sur la recherche votée sous le précédent gouvernement.
Durant le débat qui a eu lieu lors de l’examen de ce projet de loi dans notre hémicycle, nous étions nombreux à estimer que les montants étaient insuffisants et qu’ils ne permettraient pas d’atteindre 3 % de PIB pour la recherche et 1 % pour la recherche publique.
Nous sommes actuellement tout juste dans la moyenne européenne, bien loin derrière l’Allemagne. C’est pourtant un point majeur pour la compétitivité de la France, sans doute bien plus important que l’obsédante course à la baisse du coût du travail – j’en profite pour dire que ce sont ceux qui défendent la valeur travail qui veulent en baisser le coût, ce qui est pour moi incompréhensible.
Le rapport d’information relatif à la mise en œuvre de la loi de programmation de la recherche de nos collègues Laure Darcos et Stéphane Piednoir montre que l’État ne la respecte pas. La trajectoire d’emplois est nettement inférieure, puisque seuls 376 emplois ont été créés contre les 700 prévus. Sans chercheurs, comment innover ?
Il faut insister sur la situation inacceptable des doctorants. La Fédération des associations générales étudiantes (Fage) vient de publier une étude montrant qu’un quart des doctorants ne parviennent pas à subvenir à leurs besoins. Cette situation explique pour partie la perte de 10 000 doctorants en France en dix ans. Comment tolérer qu’aujourd’hui des doctorants, notamment ceux qui enseignent, soient payés en dessous du Smic ?
Au sein de la mission d’information, j’ai plaidé pour que nous demandions une révision de la loi de programmation de la recherche.
Au-delà du terreau à revivifier, il est essentiel de mettre en œuvre les propositions du rapport d’information. Le groupe CRCE sera notamment à vos côtés, madame la rapporteure, pour voter les mesures qui le permettront et pour exiger une révision radicale du crédit d’impôt recherche.