Je remercie la rapporteure et le président de la mission d’information de l’excellent travail qu’ils ont réalisé. Le sujet dont nous débattons aujourd’hui est fondamental. C’est en effet de l’innovation que découlent les nouvelles sources de croissance de notre économie, la bonne santé de nos entreprises, la vitalité de nos territoires et le progrès humain.
Face au caractère inéluctable du changement climatique, il nous est imposé de changer nos modes de production afin de restreindre leurs effets néfastes sur l’environnement et d’atteindre les objectifs bas-carbone à horizon 2050.
Dans une politique visionnaire, nos prédécesseurs nous ont légué le fruit inestimable d’une innovation tout à fait remarquable, une production électrique quasiment décarbonée, nous plaçant de fait parmi les nations les plus avancées du monde en la matière.
La crise sanitaire a agi comme un puissant révélateur de notre manque de capacités d’innovation.
Notre pays a connu une saignée industrielle extrêmement douloureuse à partir des années 1980, dont nous payons toujours les conséquences en termes d’emploi, de cohésion territoriale et de prospérité.
La nécessaire réindustrialisation de notre pays et l’adaptation au climat ne peuvent passer que par un effort puissant en faveur de la recherche et de l’innovation.
Depuis le début des années 2000, la France a su accroître le volume du soutien public à l’innovation, qui est passé de 3, 5 à 8, 7 milliards d’euros par an en quinze ans. Au total, 110 milliards d’euros seront mobilisés de 2010 à 2030.
L’écosystème du soutien à l’innovation a été réaménagé à de nombreuses reprises : création du crédit d’impôt recherche, lancement du premier programme d’investissements d’avenir (PIA) et mise en œuvre des trois suivants, création de Bpifrance en 2012, etc.
La France compte désormais 20 000 start-up et 27 licornes. Une seule est une start-up industrielle. L’innovation bénéficie donc en majeure partie au secteur du numérique.
La mission d’information à laquelle j’ai eu la chance de participer propose plusieurs voies d’action, qui, je le crois, permettront à l’innovation et à la recherche de redevenir le centre de gravité de notre économie.
En la matière, notre vision est trop linéaire. Elle conduit les pouvoirs publics à soutenir l’innovation essentiellement au travers d’appels à projets qui ne permettent ni de construire des feuilles de route industrielle et technologique ni d’avoir une vision de long terme.
Avant toute mesure paramétrique et sectorielle, il convient de résoudre la problématique que représente l’enseignement scientifique dans notre pays. Les besoins de l’économie française en termes de nouveaux ingénieurs sont estimés entre 50 000 et 60 000 chaque année ; or nos écoles n’en forment que 33 000 par an. Ce différentiel contribue à un affaissement de notre compétitivité.
Pour rester une grande puissance innovante et industrielle, il faut dès maintenant s’attaquer à la question de l’enseignement des sciences dans notre pays. Si l’on en croit les statistiques du ministère de l’éducation nationale, « le niveau des élèves de 4e en 2019 en maths est équivalent à celui des élèves de 5e en 1995 ». Il nous faut inverser la tendance. Une hausse des rémunérations des enseignants et des chercheurs ainsi qu’une loi de programmation de l’enseignement supérieur sont indispensables pour relever le niveau de l’enseignement, susciter des vocations d’ingénieurs, de doctorants, de scientifiques, attirer et conserver nos talents.
Le lien entre innovation et industrie est fondamental.
Ainsi, 70 % de la recherche privée en France est réalisée par l’industrie manufacturière. Il est donc essentiel d’orienter l’innovation vers la réindustrialisation en favorisant les partenariats entre centres de recherche publics et privés et en permettant à un nombre accru d’entreprises, notamment les petites, de se saisir des dispositifs de soutien existants.
Il convient également d’organiser des transferts de technologie vers des entreprises françaises produisant sur le sol national.
Dans cet esprit d’encouragement de l’innovation, il est impossible de ne pas évoquer le crédit d’impôt recherche. Je serai cependant bref sur le sujet, car vous l’avez longuement évoqué, madame la rapporteure, et je partage vos propos.
L’impôt sur les sociétés ayant été abaissé substantiellement durant les dernières années, ce dont je me félicite, la situation actuelle offre l’opportunité d’un recalibrage du CIR vers les bénéficiaires en ayant le plus besoin. La mission d’information propose de doubler le plafond du crédit d’impôt innovation pour le porter à 800 000 euros et d’instituer un « coupon recherche-innovation » à destination des PME. Nous le constatons dans nos territoires, nous l’avons constaté dans le cadre de la mission d’information : celles-ci en ont vraiment besoin.
Il faut également lever certaines contraintes administratives que nous nous sommes imposées, année après année, rendant la vie de nos entreprises de plus en plus difficile. Il est anormal qu’un laboratoire de thérapie génique, secteur innovant par excellence, puisse démarrer ses activités dès la demande d’autorisation en Suisse, mais doive attendre près d’une année, voire davantage, en France.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, c’est tout le pays qu’il nous faut remettre en état de marche, à commencer par notre jeunesse, pour lui donner le goût de la découverte et de l’expérimentation scientifique.
Il nous faut accompagner les entreprises innovantes financièrement, mais aussi engager la puissance publique dans un rôle de facilitation de l’innovation. Les leviers à activer sont nombreux : utiliser la commande publique pour favoriser l’innovation, simplifier les procédures administratives, affiner les dispositifs fiscaux existants et faciliter le financement privé de l’innovation.
Notre groupe sera résolument engagé en faveur de cet impératif. J’ai la sincère conviction que la France dispose de tous les atouts nécessaires pour relever ce challenge. Monsieur le ministre, replacer l’innovation industrielle au cœur de l’économie française est un défi qu’il est impératif de relever dans les plus brefs délais.