Intervention de Christian Redon-Sarrazy

Réunion du 6 octobre 2022 à 14h30
Transformer l'essai de l'innovation : un impératif pour réindustrialiser la france — Conclusion du débat

Photo de Christian Redon-SarrazyChristian Redon-Sarrazy :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, au moment de conclure ce débat, je soulignerai que cette mission d’information s’est penchée sur une question qui nous préoccupe tous, peu importe notre couleur politique : comment et à quelles conditions l’innovation peut-elle nous aider à reconquérir notre souveraineté industrielle, à créer et maintenir des emplois pérennes dans nos territoires ?

Cet après-midi, le CIR a été au cœur des débats. Faut-il maintenir une rente de situation que nous avons dénoncée et qui fait l’objet de critiques régulières dans de nombreuses études économiques ?

Je rappelle que les modifications que nous proposons ne font que corriger à la marge certains abus, sans porter atteinte au cœur du dispositif. Le crédit d’impôt recherche français restera d’ailleurs le dispositif fiscal le plus généreux parmi l’ensemble des pays de l’OCDE pour favoriser la R&D. Il sera même encore plus généreux, puisque l’actuel taux de 30 % sera augmenté à due concurrence des économies réalisées, en supprimant le taux de 5 % au-delà des 100 millions d’euros de dépenses de R&D et en calculant le plafond du CIR au niveau de la holding de tête pour les groupes qui pratiquent l’intégration fiscale. En outre, le CIR sera plus efficace, puisqu’il bénéficiera davantage aux PME et aux ETI, c’est-à-dire aux entreprises pour lesquelles le levier qu’il représente pour favoriser les dépenses de R&D est le plus important.

Quant à l’argument de stabilité fiscale qui a été évoqué, il ne tient pas davantage selon moi. Comme Mme le rapporteur l’a souligné et comme certains collègues l’ont rappelé, le contexte fiscal des entreprises a changé. En outre, le dispositif du CIR n’a pas évolué depuis quatorze ans. Le temps d’une évolution est donc venu, d’autant que les études économétriques démontrent qu’une révision même marginale du CIR s’impose pour garantir l’efficacité de la dépense publique.

Mes chers collègues, à l’heure où le Parlement est souvent critiqué pour son impuissance, j’espère que nous vous avons convaincus de cosigner et de voter les amendements transpartisans que nous vous proposerons, Vanina Paoli-Gagin et moi-même, au moment de l’examen du projet de loi de finances pour 2023, afin de renforcer la compétitivité de nos PME et ETI par l’innovation.

Au-delà du CIR, je souhaite insister sur une autre mesure qui nous paraît importante pour promouvoir l’innovation dans les PME qui ne font pas encore appel aux dispositifs d’aide à la R&D. À l’instar de ce qui se fait en Belgique, nous proposons d’instituer un « coupon recherche-innovation » de 30 000 euros à destination des PME, dans la limite d’une enveloppe globale de 120 millions d’euros. Ce dispositif permettrait d’élargir le vivier des bénéficiaires des aides à l’innovation à des PME, lesquelles sont souvent rebutées par la bureaucratie associée au dispositif de soutien à l’innovation.

Dans nos circonscriptions, nous avons tous entendu des chefs d’entreprise se plaindre qu’ils n’avaient ni le temps ni les ressources humaines pour remplir les dossiers d’appels à projets. Par ailleurs, au cours de nos auditions, nous avons constaté que c’étaient souvent les mêmes entreprises qui bénéficiaient des aides publiques d’une année sur l’autre, notamment parce qu’elles pouvaient s’appuyer sur des services juridiques disposant d’une expertise pour remplir ce type de dossiers.

Nous avons également été choqués d’entendre que 15 % du montant des appels à projets servirait en réalité à rémunérer des cabinets de conseil chargés de monter les dossiers !

Le « coupon recherche-innovation » vise donc à rétablir une certaine égalité devant les aides publiques en permettant aux PME de se lancer dans un processus d’innovation indispensable pour leur compétitivité future, donc pour leur pérennité, tout en veillant à ce que le dispositif ne soit pas trop complexe, afin de simplifier sa mise en œuvre.

Tout ne doit toutefois pas venir du Parlement : le Gouvernement a également son rôle à jouer pour soutenir la réindustrialisation de notre pays par l’innovation.

D’une part, le Gouvernement doit mobiliser la commande publique au service des entreprises industrielles innovantes. Les chefs d’entreprise attendent moins des subventions que des opportunités pour faire croître leur chiffre d’affaires. Or la commande publique représente chaque année 111 milliards d’euros…

Il existe une idée fausse, malheureusement très répandue, selon laquelle les règles communautaires seraient à l’origine de notre incapacité à utiliser la commande publique pour soutenir nos entreprises. En réalité, nous nous mettons nous-mêmes des bâtons dans les roues à cause d’une conception rigide et peureuse des règles des marchés publics.

D’autre part, le Gouvernement doit renforcer toutes les initiatives de facilitation des démarches administratives et de raccourcissement des délais, afin d’aligner le temps administratif sur le temps économique.

En conclusion, si les défis sont grands, je suis, comme Mme le rapporteur, optimiste, car la France dispose des atouts nécessaires pour faire partie des grandes nations innovantes. Le débat d’aujourd’hui a montré une réelle prise de conscience, de la part aussi bien du Parlement que du Gouvernement.

Désormais, il nous faut agir collectivement pour améliorer l’efficacité des dépenses publiques consacrées à l’innovation et, surtout, pour les mettre au service de la réindustrialisation de nos territoires – de tous nos territoires.

Je tiens à remercier particulièrement Mme le rapporteur, à l’initiative de ce débat avec son groupe, dont je salue l’engagement et l’expertise sur ce sujet – nous avons pu le mesurer tout au long des auditions. Je ne doute pas qu’elle continuera de mener ce combat. Nous serons à ses côtés, comme nous l’avons été au cours des quelques mois de travail de la mission d’information.

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