Intervention de Philippe Bas

Réunion du 4 octobre 2022 à 14h30
États généraux de la justice — Conclusion du débat

Photo de Philippe BasPhilippe Bas :

Monsieur le garde des sceaux, ce débat n’a pas été organisé pour discuter de votre bilan, mais pour examiner ensemble les perspectives ouvertes par les États généraux de la justice. C’est un débat très intéressant et vous avez eu à cœur de répondre, généralement avec précision, à l’ensemble des questions qui vous ont été posées.

Bien entendu, je ne prétends pas, en prenant la parole à cette tribune, clore le débat. Il continuera entre nous, car il nous reste beaucoup de travail à accomplir ensemble.

En outre, j’admets la manière dont vous avez présenté la situation : sur la justice, le Gouvernement et le Parlement doivent, comme ils le font sur la politique étrangère ou sur la politique de défense, trouver les voies, sinon d’un consensus, du moins d’une action commune de redressement d’où émergera un grand service public régalien de la justice. Nous ne pouvons pas en rester au système actuel.

Monsieur le garde des sceaux, je sais à quel point vous êtes sensible à ce que l’on reconnaisse les efforts que vous fournissez et je veux bien le faire. Toutefois, si vous souhaitez obtenir le concours du Sénat, il faut mettre les problèmes sur la table. Cela signifie qu’il ne suffit pas d’afficher les efforts accomplis, mais qu’il faut aussi montrer les difficultés qui résistent au redressement de la justice.

Je tenterai de le faire brièvement, dans le peu de temps qui m’est imparti, car la transparence et le réalisme sont les gages d’un dialogue équilibré entre nous.

Se pose tout d’abord la question des moyens. Monsieur le garde des sceaux, il est absolument exact que, depuis le gouvernement Castex et sous votre impulsion, les moyens de la justice ont fortement augmenté. Il est également exact que l’on a procédé à d’importants recrutements de magistrats et de greffiers, malgré les nombreuses vacances de postes qui demeurent pour ces derniers. Nous ne remettons pas en cause ces efforts.

Toutefois, il faut aussi prendre la mesure, y compris en matière budgétaire et d’effectifs, des difficultés qui subsistent. N’oublions pas tout de même que cette année sera celle d’une inflation à plus de 6 %, de sorte qu’un budget en augmentation de 8 % ne pourra pas garantir une hausse équivalente du pouvoir d’achat. Sans relativiser à l’excès l’effort qui est produit, il faut tout de même constater que, si le pouvoir d’achat de la justice progressait effectivement de 8 %, l’effet de souffle serait tout différent. En réalité, cette augmentation représente environ un quart du chiffre nominal de 8 % et il en ira de même pour le budget de l’année prochaine.

À cela s’ajoute le fait que l’addition des problèmes, que ce soit en matière de défense nationale, en pleine crise ukrainienne, d’éducation nationale ou de santé, rend la bagarre d’autant plus difficile dès lors qu’il s’agit de défendre le budget de chaque grand service public. Sachez que vous aurez notre soutien en ce qui concerne le redressement de la justice, parce qu’il s’agit pour le Sénat d’un engagement de longue haleine.

Je dois dire aussi que, s’agissant de l’effort financier, vous répondez avec exactitude sur la consommation des crédits de la justice ; mais, ce faisant, vous oubliez de préciser que vous vous heurtez à un problème que nous voulons bien faire nôtre, à savoir que vous ne parvenez pas à dépenser vos crédits d’investissement. En trois ans s’est accumulé l’équivalent d’une année de crédits d’investissement que vous n’avez pas pu dépenser.

Certes, nous n’ignorons pas qu’il y a eu la crise de la covid-19, mais le problème existait déjà auparavant, et cela se traduit par la difficulté que vous avez à réaliser le programme des prisons. Je ne veux pas vous associer à ce tour de passe-passe, mais alors que le Président de la République annonçait, en 2017, 15 000 places de prison supplémentaires, il a finalement réparti l’effort sur ses deux mandats. Heureusement qu’il en fait un deuxième !

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