Intervention de Marie-Pierre Monier

Réunion du 4 octobre 2022 à 14h30
Prise en compte des territoires des savoir-faire et des cultures dans l'élaboration de réglementations européennes d'harmonisation — Débat organisé à la demande de la commission des affaires européennes

Photo de Marie-Pierre MonierMarie-Pierre Monier :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, mon intervention est complémentaire de celle de mon collègue Lucien Stanzione – je ne reviendrai donc pas sur les éléments de présentation de la filière lavandicole qu’il a donnés.

J’en viens directement aux difficultés auxquelles se heurte cette filière du fait de deux réglementations, Reach et CLP, emblématiques des paradoxes propres à certaines législations européennes.

Précisons que, pas plus que nous, les professionnels de la lavande, et plus généralement des plantes à parfum, aromatiques et médicinales, ne contestent le bien-fondé des objectifs qui motivent ces réglementations.

Pour le dire vite, Reach instaure un système d’enregistrement, d’évaluation et d’autorisation qui a permis une harmonisation des exigences et un meilleur contrôle des substances chimiques. De son côté, le règlement CLP, qui a trait à la classification, à l’étiquetage et à l’emballage, vise à améliorer l’information relative aux substances chimiques.

Mises en œuvre selon des calendriers progressifs, ces réglementations avaient déjà donné lieu à des adaptations pour les producteurs d’huiles essentielles, dont la filière lavandicole représente la plus grande partie de la production en France.

Des révisions doivent intervenir dans les prochains mois, portant sur l’augmentation du niveau d’exigence des contrôles, afin de supprimer les produits chimiques les plus nocifs, et sur une meilleure identification des perturbateurs endocriniens.

Une nouvelle fois, la filière lavande, plus généralement celle des huiles essentielles, se voit ainsi confrontée à des dispositions qui ne sont pas du tout adaptées.

Elles ne sont pas adaptées, d’une part, à leurs caractéristiques : celles d’un produit naturel, simplement extrait de la plante grâce à la vapeur d’eau, qui doit être considéré comme un tout – totum – et non réduit à une composition de molécules.

Elles ne sont pas adaptées, d’autre part, à leur mode de production, organisé en petites entités, dans des territoires historiques de production constitués de zones de collines, de plateaux et de montagnes sèches.

Enfin, elles ne sont pas adaptées à l’usage traditionnel millénaire des huiles essentielles et des plantes en général, patrimoine vivant qui a vocation à être reconnu au titre du patrimoine culturel immatériel.

Ces inadaptations font peser un risque important sur la survie de la filière, dans ses territoires de production historiques où les cultures de plantes à parfum, aromatiques et médicinales (PPAM) ont peu ou n’ont pas de substituts possibles. Au-delà des emplois directs de la filière, c’est l’ensemble de l’économie des territoires provençaux qui est menacé, car les champs de lavande font aussi vivre l’apiculture et surtout le tourisme.

En outre, en ne prenant pas en compte les spécificités de la filière des huiles essentielles, ces réglementations entrent en contradiction avec les objectifs affichés par le Pacte vert européen d’amélioration du bien-être et de la santé des citoyens, mais aussi avec la volonté croissante, exprimée depuis de nombreuses années par les consommateurs européens, d’accéder à des produits toujours plus naturels.

Il est donc indispensable pour l’avenir de la filière lavandicole que les révisions des réglementations Reach et CLP tiennent compte de la spécificité des huiles essentielles.

De la même manière, la filière doit être aidée, comme mon collègue Lucien Stanzione vient de le rappeler, pour passer la crise de marché qu’elle rencontre ; des solutions doivent être trouvées rapidement.

Sans cela, cette filière est vouée à disparaître, alors même qu’elle est en pleine dynamique de valorisation, comme en témoignent les démarches pour toiletter l’AOP Huile essentielle de lavande de Haute-Provence, pour créer une IGP Lavandin de Provence ou encore pour lancer une demande de reconnaissance des « paysages olfactifs et poétiques de la lavande » au patrimoine mondial de l’Unesco.

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