Intervention de Jean-Michel Arnaud

Réunion du 4 octobre 2022 à 14h30
Prise en compte des territoires des savoir-faire et des cultures dans l'élaboration de réglementations européennes d'harmonisation — Débat organisé à la demande de la commission des affaires européennes

Photo de Jean-Michel ArnaudJean-Michel Arnaud :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, vous l’aurez compris par la résonance des interventions dans cet hémicycle, « la lavande est l’âme de la Provence ».

Si j’emprunte aujourd’hui les mots de Jean Giono, c’est pour défendre un patrimoine vivant, un atout reconnu au niveau international. Bien plus qu’une plante, la lavande est un symbole de notre tissu agricole, un savoir-faire ancestral, une identité paysanne, bref un emblème culturel.

Aujourd’hui, sa production – tout comme celle des plantes à parfum, aromatiques et médicinales – se voit menacée par la révision de deux règlements européens sur les produits chimiques : le règlement Reach et le règlement CLP. En ce sens, je remercie la commission des affaires européennes et son président, Jean-François Rapin, d’avoir permis l’inscription de ce débat à l’ordre du jour de nos travaux. Je les remercie également d’avoir permis à la commission des affaires européennes et au Sénat d’adopter une résolution sur ce sujet.

Oui, il s’agit d’un exemple criant du manque de prise en compte des territoires, des savoir-faire et des cultures dans l’élaboration de réglementations européennes d’harmonisation.

Ces deux règlements – Reach et CLP – visent respectivement à sécuriser l’utilisation des substances chimiques par rapport à la santé humaine et à l’environnement, et à informer correctement les consommateurs des propriétés et des dangers d’une substance. Si les objectifs visés par la Commission européenne à travers ces dispositions sont plus que respectables – il s’agit en fait d’une nécessité –, les modalités d’application de ces deux règlements ne sont absolument pas adaptées à la filière lavandicole ni à celle des huiles essentielles.

Concrètement, l’accès au marché européen est subordonné à l’obligation de fournir des données fondées sur des tests scientifiques. Le résultat de ces tests conditionne les autorisations de mise sur le marché ainsi que les modes de commercialisation.

Toutefois, la nature des tests ne prend pas en compte les réactions chimiques propres aux huiles essentielles. Cette révision prévoit ainsi, pour certains dangers, d’évaluer les huiles essentielles en utilisant uniquement les composants, sans étudier le produit dans son ensemble. La lavande et le lavandin sont utilisés depuis l’Antiquité pour leurs vertus : les différentes huiles essentielles de lavande, testées dans leur globalité, n’induisent pas, à notre connaissance, d’effets graves pour le corps humain.

La révision prévoit également des tests scientifiques supplémentaires que les producteurs devront prendre en charge ; ces derniers ne sont pas sûrs de pouvoir les supporter. Alors que la lavande et le lavandin représentent en France 9 000 emplois directs et 17 000 emplois indirects, de telles mesures seraient dramatiques pour une filière regroupant majoritairement de petites exploitations et distilleries. Si, dans le cadre du projet de loi de finances rectificative, le Sénat a alloué 10 millions d’euros supplémentaires à la filière, le durcissement de ces règlements mènerait inévitablement à l’augmentation des prix des huiles essentielles.

En conséquence, les industriels pourraient être tentés de substituer aux produits naturels des substances synthétiques contenant du pétrole, ce qui mène ironiquement à l’effet inverse de celui recherché par la Commission.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion