Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, l’harmonisation est le plus souvent perçue comme une solution face à la diversité des cadres normatifs des pays membres de l’Union européenne. C’est pourquoi l’uniformisation des droits nationaux connaît une expansion continue, touchant de plus en plus de secteurs.
Néanmoins, je crois important de relever une limite essentielle de cette harmonisation, avant de l’illustrer par l’exemple de la généralisation annoncée du Nutri-score à l’échelle européenne, un système d’étiquetage nutritionnel à cinq niveaux.
Sur le principe, il est utile de rappeler que l’harmonisation normative telle qu’elle est pratiquée aujourd’hui ne correspond bien souvent ni à la lettre ni à l’esprit des traités européens. L’étendue et l’intensité de l’intégration s’apparentent, parfois, à une voie d’extension du champ des compétences de l’Union européenne, contrairement à ce que prévoient les traités, et ce au détriment de l’intérêt des productions nationales.
Il en est ainsi de la généralisation annoncée du Nutri-score au niveau européen résultant de la stratégie « de la ferme à l’assiette » publiée en mai 2020 par la Commission européenne, qui a annoncé « une proposition législative d’étiquetage nutritionnel obligatoire et généralisé » pour le quatrième trimestre de 2022. Si l’on ne peut qu’approuver la volonté louable d’orienter le consommateur vers une alimentation saine, la généralisation du Nutri-score à tous les produits est problématique pour deux raisons principales.
Elle est problématique, d’abord, car l’indicateur retenu produira une information tronquée et trompeuse sur certaines productions alimentaires de qualité, comme le fromage ou la charcuterie, reconnus par des AOP ou des IGP. Ces produits, qui sont au cœur des terroirs et des identités locales, pourraient donc, bientôt, être moins bien « notés » par l’algorithme Nutri-score que certains produits industriels transformés.
Elle est problématique, ensuite, car la généralisation du Nutri-score se fait au détriment des territoires et de la variété des productions locales dans les pays membres de l’Union européenne. Je pourrai ainsi évoquer les craintes des producteurs dans la zone d’appellation Roquefort ou celles des producteurs italiens et espagnols de la filière oléicole, car l’incompréhension devant cette règle aveugle aux territoires se retrouve dans tous les pays membres.
La stratégie de la Commission européenne n’est donc pas d’harmoniser des droits nationaux, qui reconnaissent et protègent chacun la qualité de leurs productions locales, mais bien de promouvoir un nouveau modèle par une uniformisation juridique européenne à marche forcée.
Il s’agit donc non pas d’une harmonisation juridique, mais bien d’une uniformisation idéologique pouvant conduire à une dérive dangereuse.