Madame la secrétaire d’État, je souhaite évoquer le pastoralisme, qui est un savoir-faire ancestral emblématique de l’identité de nos territoires de montagne. Aujourd’hui, il est malheureusement mis en péril par une forte prédation, faute d’une réglementation européenne et internationale adaptée.
En effet, le loup est classé comme « espèce de faune strictement protégée » au niveau européen selon la directive dite Habitat, faune, flore de mai 1992 et au niveau international selon la convention de Berne de 1979. Si ce cadre réglementaire a permis de protéger sensiblement la biodiversité au sein de l’Union européenne – nous pouvons nous en réjouir –, il a également favorisé la prolifération des grands carnivores.
On estime à 17 000 le nombre de loups présents sur le territoire européen. En France, l’Office français de la biodiversité (OFB) l’a récemment réévalué à environ un millier, contre 3 000 loups selon les chasseurs et les agriculteurs, qui se fondent sur une réalité observée au quotidien et dont témoignent les attaques incessantes. Celles-ci exercent une pression considérable sur des éleveurs passionnés, mais épuisés et découragés. Parmi eux, beaucoup ne veulent plus faire monter leurs troupeaux dans les alpages, par crainte pour la survie de leurs animaux.
Certains pâturages ne sont par conséquent plus entretenus et se referment progressivement. À terme, cette dégradation des paysages posera d’importants problèmes de sécurité, en augmentant les risques d’avalanche l’hiver et d’incendie l’été.
Par ailleurs, la multiplication des attaques, non seulement sur des ovins et des caprins, mais de façon croissante sur des bovins, conduit à une diminution du temps passé par les troupeaux dans les pâturages, voire de leur taille. Certains éleveurs arrêtent leur activité, comme tout dernièrement dans le Vercors. Derrière ce triste constat, ce sont toutes nos appellations d’origine protégée et nos indications géographiques protégées pour la viande et le fromage qui sont mises en danger. Le pastoralisme répond pourtant à nos objectifs de consommation locale, responsable, et durable, en contribuant à la fois à notre sécurité alimentaire et au respect du bien-être animal.
C’est pourquoi réviser la réglementation européenne et internationale en déclassant le loup de la catégorie « espèces de faune strictement protégées » pour l’ajouter à celle des « espèces de faune protégées » est absolument essentiel pour préserver un savoir-faire traditionnel, la qualité du travail de nos éleveurs, ainsi que nos AOP et nos IGP.
À travers un avis politique devenu résolution européenne le 21 août 2020, le Sénat avait déjà alerté sur les écueils de cette réglementation, en vain. À présent d’autres pays européens réagissent : ainsi le 26 septembre dernier, lors du Conseil « Agriculture et pêche », la délégation autrichienne a demandé la révision de la directive « Habitat, faune, flore », avec le soutien de la Croatie, la Finlande, la Hongrie, la Lettonie, la Roumanie et la Slovaquie. Madame la secrétaire d’État, nous devons faire bloc à leurs côtés.