On ne peut naturellement aborder un sujet maritime sans parler des outre-mer, puisque c’est autour de la France ultramarine que se situent 97 % de sa ZEE, équivalant à 17 fois sa surface terrestre, comme de nombreux collègues n’ont pas manqué de le rappeler. Notre pays est donc bien un pays maritime.
À la lumière de ces chiffres, on peine donc à croire que la stratégie maritime française ne soit pas davantage affirmée. Le rapport de nos collègues Michel Canévet et Teva Rohfritsch, d’une grande richesse, est à mon sens un plaidoyer particulièrement nourri en faveur d’une politique maritime ambitieuse, qui doit aller au-delà des eaux surjacentes pour partir à la conquête des profondeurs marines.
Avec ce débat et celui qui se tiendra demain sur la stratégie maritime, à la demande de la délégation aux outre-mer, on ne peut que se réjouir de la séquence maritime qui s’ouvre, preuve s’il en fallait de la vigilance particulière du Sénat sur ces questions.
La mission d’information formule ainsi de nombreuses préconisations en vue de dessiner l’architecture du pilotage de la stratégie d’exploration des grands fonds marins. Elle ne peut en effet se concevoir sans identifier les acteurs qui l’incarneront et la déploieront.
À cet égard, il va sans dire que j’approuve la nomination au sein du Gouvernement d’un secrétaire d’État chargé de la mer. Mais l’exhortation à une politique ambitieuse est aussi le signe que la volonté politique de l’État, dans sa continuité d’ailleurs, n’est pas à la mesure du potentiel que recèle la mer française. C’est pourquoi je pense que ce n’est pas tant le rang protocolaire qui compte que la volonté au sommet de l’État, et au sein du Gouvernement tout entier.
Le Parlement devra en outre être pleinement associé en vue de la sécurisation juridique des grands fonds marins, que le « vide juridique » qui les entoure fragilise.
Dans le code minier, l’imprécision quant à leur exploitation fait encourir un risque et il s’agit de sécuriser ce patrimoine pour ne pas laisser se développer les initiatives d’autres pays, qui pourraient se faire d’ailleurs au détriment des outre-mer.
Légiférer c’est protéger le patrimoine marin, son intégrité et, partant, notre souveraineté, la mer étant une partie de notre territoire.
Par ailleurs, au moment où la délégation aux outre-mer rouvre ses travaux sur la différenciation territoriale, je suis sensible à la place que la mission accorde aux collectivités d’outre-mer dans la coordination de la stratégie pour les fonds marins.
Si elle juge leur exploitation prématurée à ce stade de leur connaissance, elle invite à se placer dans une logique d’anticipation. La recherche et l’exploration ouvrent là aussi des perspectives économiques et scientifiques qui devraient placer les territoires ultramarins au cœur de la politique des grands fonds marins. C’est depuis la terre que l’on conquiert la mer et, de ce point de vue, les outre-mer constituent des bases avancées géostratégiques, et des bases arrière notamment pour la recherche scientifique.
Pour autant, les représentants des collectivités ultramarines auditionnées ont unanimement déploré l’absence d’information et d’association à l’élaboration de la stratégie 2021. Elle constitue pourtant un enjeu économique, social, éducatif et d’intégration régionale qui mérite d’être pensé avec les outre-mer, et pas seulement pour eux. Enfin, qu’ils s’emparent pleinement de ce défi !
Une vision maritime ambitieuse, c’est aussi la possibilité pour les territoires ultramarins de renforcer leurs compétences locales, de tourner leur jeunesse vers de nouveaux métiers. La cartographie et la bathymétrie doivent offrir une connaissance précise des grands fonds, partagée avec les collectivités.
En outre, l’approche globale des travaux de nos collègues tient compte de la place des populations, de leur nécessaire adhésion et de l’indispensable respect de leurs représentations pour assurer le succès d’une stratégie.
Plus généralement, les profondeurs marines de nos ZEE sont dotées d’une richesse minérale exceptionnelle. Que ce soit par les minéralisations hydrothermales, les encroûtements cobaltifères ou grâce à la présence de nodules, les scientifiques recensent pas moins de 27 métaux différents.
Un déplacement à Brest avec la mission a été l’occasion de découvrir le travail remarquable de l’Ifremer, dont le rôle central aux côtés des autres instituts – le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et le Shom, pour ne citer que les principaux – mérite d’être souligné. Ce travail vaut à notre pays de figurer dans le « top 10 » des grands pays océaniques.
Oui, la recherche doit être soutenue ; elle est la clé de la maîtrise des profondeurs et, malgré la période troublée qui impose des arbitrages, la recherche stratégique ne devrait pas faire l’objet de compromis.
Nous devons également placer l’industrie au cœur de l’ambition pour les grands fonds marins. Dans cette politique, les outre-mer devront trouver une place de premier plan et bénéficier des fruits du développement des activités autour des profondeurs maritimes qui les entourent.
J’en terminerai par un mot sur la coopération. En matière maritime, elle est incontournable et doit se situer au niveau international, mais aussi, pour une bonne intégration des outre-mer, au niveau régional.