Voilà les termes exacts par lesquels le Président de la République, le « pilote de l’avion », a défini la ligne française à Lisbonne, en juin dernier. Il faut le dire : cette clarté a tranché avec les ambiguïtés, pour ne pas dire la confusion, qui jusqu’ici caractérisaient la politique française au sujet des ressources minérales des fonds marins.
C’est de ce « défaut de lisibilité » que le rapport de notre mission d’information a dressé le juste constat. Notre mission a ainsi pointé un « éclatement de la gouvernance entre divers ministères dont aucun ne paraît jouer de véritable rôle fédérateur ».
La stratégie française se brouillait dans trois démarches différentes.
La première est celle du rapport Levet : elle vient de revoir la stratégie de 2015 sur l’exploration et l’exploitation minières, qui, comme le rapport de notre mission l’indique, s’est soldée par un échec.
La deuxième est la stratégie militaire, qui travaille à maîtriser tout ce qui se joue de sensible dans les profondeurs.
La troisième et dernière démarche est la stratégie financière France 2030, qui affecte 310 millions d’euros au spatial et à la mer. Lors de l’annonce de cette stratégie, les déclarations présidentielles avaient des accents extrêmement enthousiastes pour l’eldorado recelant « 84 % des réserves de nos minerais ».
On comprend que la déclaration de Lisbonne, que je citais en préambule, contre l’exploitation minière des océans et en faveur d’un cadre légal international contraignant, ait surpris ceux qui avaient jusqu’ici cru comprendre que l’exploitation industrielle des grands fonds était, à terme, le cap fixé.
Notre débat d’aujourd’hui est donc particulièrement bienvenu. Parmi les questions qu’il soulève figure cette interrogation centrale : la déclaration du Président de la République à Lisbonne se traduira-t-elle concrètement en actes, pour changer une donne jusqu’à présent on ne peut plus inquiétante ?
Je pense notamment à la perspective de l’extraction minière ; et, à ce sujet, je tire trois conclusions principales des auditions menées par notre mission d’information.
Tout d’abord, le fonctionnement des écosystèmes des fonds marins et des équilibres fragiles d’absorption du carbone par les océans reste très largement méconnu. Sa déstabilisation pourrait avoir de très graves effets.
Ensuite, on constate la grande vulnérabilité des écosystèmes profonds : les impacts ravageurs des expérimentations menées dans les années 1970 ont montré que la restauration de la biodiversité des abysses était terriblement lente.
Enfin, la rentabilité économique d’une telle exploitation est tout sauf avérée, face à l’extraction terrestre et surtout au potentiel de l’économie circulaire. L’énergie qu’il faudrait déployer pour remonter des matériaux des abysses est, à elle seule, particulièrement rédhibitoire.
La déclaration de Lisbonne a été mise à l’épreuve une première fois en juillet dernier, lors du conseil de l’AIFM sur la perspective d’un code minier.
On peut regretter que la France n’ait pas saisi ce moment pour se montrer aussi ferme que le Président de la République à Lisbonne. Certains s’attendaient à ce qu’elle renforce les tenants du moratoire. L’échéance de la règle des deux ans posée par l’État de Nauru approche et, déjà, de nombreux pays s’opposent à l’adoption d’un règlement à l’horizon de juillet 2023. Ils préconisent plutôt une pause dans les négociations, afin de pouvoir entamer un travail approfondi menant vers un cadre juridique solide et protecteur de la biodiversité marine.
Il semble que notre pays souhaite gagner du temps dans les négociations qui vont conduire à l’adoption d’un code minier. Le Président de la République a fait savoir que la Conférence des Nations unies sur les océans de 2025 lui semblait un cadre approprié. Il serait raisonnable de continuer à pousser en ce sens.
De plus, la fameuse règle des deux ans reste entourée d’un flou juridique et, de ce fait, mériterait une analyse claire. Certes – je le sais –, la France n’interprète pas cette règle comme une obligation pour le Conseil d’approuver provisoirement, de manière automatique, toute demande déposée à partir de juillet 2023 ; mais, à ce jour, une telle disposition n’en constitue pas moins une menace, dans la mesure où elle pourrait conduire à l’approbation de licences.
Monsieur le secrétaire d’État, ces ambiguïtés persistantes doivent impérativement être clarifiées. C’est indispensable pour engager les négociations cruciales qui nous attendent.
La France, c’est-à-dire tous les services et personnes chargés de ce dossier, s’oppose-t-elle fermement à cette exploitation minière ? S’engage-t-elle, pour commencer, à l’interdire dans les eaux territoriales françaises ?
La France confirme-t-elle de façon claire son opposition à l’adoption du code minier d’ici à juillet 2023 ? S’assure-t-elle, à ce titre, qu’un travail collectif et robuste sera entrepris ?
À l’issue du délai de deux ans, dès juillet 2023, la France soutient-elle le principe que toutes les demandes de délivrance de licences provisoires d’exploitation soient fermement rejetées en attendant qu’un cadre réglementaire solide et protecteur des abysses soit adopté ?
Ces questions sont d’autant plus graves à l’heure où, au sein de l’AIFM, divers problèmes de gouvernance et de transparence sont mis en lumière. Est-il tolérable que son opaque commission « LTC »