Monsieur le président du Sénat, merci de cet accueil, de votre présence, de votre philosophie de l'action locale, et de faire plus que jamais du Sénat la grande chambre des communes de France. L'AMF représente toutes les communes, urbaines comme rurales, communes qui ont leurs représentants ici, au Sénat.
Je veux rendre hommage à Françoise Gatel : dès que j'ai eu l'honneur d'être choisi par mes pairs comme président, son intelligence et sa pugnacité m'ont accompagné. C'est une ardente combattante des communes, cet échelon de responsabilité, donc de liberté. Merci de porter ce combat pour une certaine idée de la France que nous partageons tous, au-delà des clivages partisans.
Je salue Jacques Pélissard. C'est lui, le coupable ! (Sourires) et doublement : d'abord parce qu'il m'a fait confiance en faisant de moi son directeur de cabinet ; je garde de cette époque « Une nouvelle énergie »... (Sourires) Mais surtout parce qu'il est le père des communes nouvelles, de cette révolution silencieuse. Comme toujours, son action était dictée non pas par le désir de prendre la lumière, mais par le souci de la précision au service de la République. Celle-ci doit reconnaître le mérite de personnalités comme la sienne, non pas des praticiens du coup politicien, mais des fabricants de l'intérêt général. (Applaudissements)
Je salue tous les sénateurs présents. La relation entre le sénateur et le maire mêle amour et intérêt, mais c'est ce qui fait les mariages les plus solides ! (Sourires)
Je salue enfin Philippe Chalopin, maire de Baugé-en-Anjou, qui, lui aussi, accompagne les communes nouvelles avec beaucoup de passion, ainsi que Paul Carrère et Jean Marc Vasse.
Révolution silencieuse est peut-être un oxymore, mais la commune nouvelle est une exception dans le paysage institutionnel. Depuis 1907, nous sommes partisans des libertés locales : l'AMF a été inventée pour les défendre, selon un principe qui a valeur constitutionnelle, la subsidiarité. Contrairement à ce que l'on croit parfois, il ne s'agit pas d'un principe technocratique ; il est issu du Thomisme et de la démocratie chrétienne, selon lesquels chaque individu doit être responsable de son destin et chaque collectivité doit régler ses problèmes elle-même, mutualisant ce qui doit l'être.
C'est une approche très différente de l'approche verticale, centralisée ; elle n'est pas top down, mais bottom up, ascendante. Elle consiste à dire qu'il n'y a pas de responsabilité sans liberté d'action et que tout ce qui entrave celle-ci - schémas directeurs, prélèvements, non-indexation des dotations, prélèvements financiers de l'État sur nos capacités d'action - se fait au détriment de l'intérêt général et de la performance publique.
La commune nouvelle, c'est tout le contraire : au lieu de se voir imposer un schéma technocratique, partant d'une croyance erronée selon laquelle les grands ensembles sont toujours plus pertinents que les échelons de proximité, elle repose sur l'idée que ce qui fonctionne, c'est ce qui correspond à une volonté du terrain de mutualiser sans s'éloigner. C'est la vision qui a guidé l'émergence de la commune nouvelle et que nous devons promouvoir. Oui, monsieur le président, la solution est dans la décentralisation, dans la subsidiarité, dans la liberté et donc dans la responsabilité locale.
J'entends parfois parler des 36 000 communes de France. Je rectifie toujours : il y en a désormais 34 955, grâce aux communes nouvelles. Rien n'est parfait ; il y a parfois des tensions, qui souvent dépendent de la nature humaine, mais c'est la même chose dans nos communes !
La philosophie des communes nouvelles est bonne : elle permet de stimuler une identité locale conforme à l'histoire du terroir, mais qui se projette dans le XXIe siècle. Nous avons un rôle central à jouer pour stimuler l'évolution des communes nouvelles existantes et en faire émerger de nouvelles, mais aussi la création de communes-communautés. Cette idée originale permet en effet de dépasser le clivage entre grands ensembles et fait communal, pour que cesse la dépossession du pouvoir des maires en fusionnant les compétences municipales et intercommunales au sein d'un établissement nouveau qui respecte la réalité géographique et historique de chaque entité, sans la travestir.
La réussite de cette entreprise repose sur le volontariat et la définition d'un projet de territoire, et ne peut avoir pour seule justification la bonification financière initiale. Pour autant, elle ne saurait avoir pour conséquence une perte de moyens.
Quels que soient les rapports publiés - y compris celui de l'inspection générale de l'administration (IGA) -, nous devons nous opposer à une bureaucratisation des communes nouvelles. Veillons à ce que le Léviathan de ceux qui croient savoir mieux que les acteurs du terrain ne nous conduise pas à une schématisation, à la création de comités ad hoc obligatoires, de machins qui consomment du temps, de l'énergie et qui nous éloignent des résultats concrets. Nous garderons notre indépendance pour que les communes nouvelles ne deviennent pas un bidule de plus.