Je suis heureuse que nous nous rejoignions sur l'enjeu qui nous rassemble aujourd'hui : inventer des possibles pour réconcilier nos concitoyens avec l'action publique et l'efficacité jusqu'au dernier kilomètre. La commune nouvelle est une réponse dont les élus et territoires peuvent se saisir. Le Sénat est le défenseur du sens de la responsabilité des élus locaux et de la confiance entre, d'une part, le législateur, l'État, et, d'autre part, des élus locaux « à portée d'engueulade », compétents non seulement pour gérer le présent, mais aussi pour construire l'avenir, car ils sont aussi des entrepreneurs de territoire.
Cette rencontre est l'occasion de pratiquer un exercice peu commun en France, celui de l'évaluation, à laquelle le Sénat et son président sont très attachés. Cela implique de répondre à plusieurs questions. La commune nouvelle a-t-elle renforcé la capacité des territoires en conjuguant proximité et efficacité ? Parvient-elle à inscrire son action dans un véritable projet de territoire sans gommer l'identité des communes ? Le cadre législatif permet-il de faire face à des situations très différentes d'un département à l'autre ? Face à l'hétérogénéité de la taille des communes selon les départements, la différenciation est la clé, comme l'a dit le président du Sénat.
Le vent de la commune nouvelle s'est un peu assagi. Quels enseignements doit-on tirer de cette expérience ? Nous sommes passés de 36 000 à moins de 35 000 communes - ce n'est pas rien, lorsqu'on connaît l'importance du fait communal en France. Jacques Pélissard n'a jamais dit que la France serait plus performante avec moins de communes ; son objectif était au contraire de muscler la commune. Les esprits chagrins qui jugent l'expérience décevante sont plus des théoriciens que des pratiquants. Car il faut reconnaître que la commune nouvelle, c'est toute une aventure, une aventure humaine qui peut être compliquée...
Les élus sont aujourd'hui préoccupés par la Covid, par la hausse des coûts de l'énergie ; il est normal qu'ils prennent le temps de la réflexion. Les préfets devraient aussi s'assurer de la diffusion des lois et notamment du dispositif sur les communes nouvelles. Agnès Canayer et Eric Kerrouche, dans le rapport sur les services déconcentrés de l'État qu'ils nous présenteront demain, indiquent que les trois quarts des élus ne connaissent pas les nouvelles lois. Il faut dire que la boulimie législative n'aide pas.
La création d'une commune nouvelle ne doit pas avoir d'impact négatif. La commune ne doit pas être soumise, en raison d'un effet de seuil, à des obligations en matière d'accueil des gens du voyage ou de logement social, alors que la réalité reste celle d'un territoire rural.
J'ai lu un rapport écrit par des gens très brillants... Mais je l'affirme encore une fois ici : la commune nouvelle ne peut être imposée ni par la loi ni par une commission territoriale. Ce doit être un chemin que des élus choisissent d'emprunter, même s'il faut les accompagner. Nous avons vu, avec la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe), ce que pouvaient provoquer de brillants esprits qui ont soudainement considéré qu'une intercommunalité n'était efficace qu'à partir de 15 000 habitants, après nous avoir dit qu'elle l'était à partir de 5 000 habitants. Un seuil n'a jamais fait l'affectio societatis ou la performance. Or la commune nouvelle est un mariage de raison, mais aussi d'affection.
Les moins réveillés dans ce pays ont vu que, pendant les crises, l'intelligence territoriale était la clé de la réussite.
La commune nouvelle est un chemin compliqué. Pour l'avoir parcouru, j'en mesure la difficulté.
Les gens disent toujours : je suis de telle commune. Même si parfois nous n'y restons pas longtemps, la commune est un ancrage.
Cette rencontre est divisée en deux séquences présentées par M. Franck Lemarc, rédacteur en chef de Maire-Info. La première sera consacrée à la démocratie, car là où la commune nouvelle s'est faite sans engager les habitants, elle ne fonctionne pas. La deuxième pose la question : quel nouvel élan pour les communes nouvelles ?
J'aimerais partager avec vous quelques mots du poète Lamartine, qui m'avaient aidée lorsque, à Châteaugiron, nous avions fusionné trois communes en une commune nouvelle. Les gens nous demandaient pourquoi nous nous lancions dans cette aventure ; je leur répondais : « Je lis dans l'avenir la raison du présent ». C'est pour l'avenir que nous bouleversions ainsi le présent.
Dans Le Guépard, il est dit : « Il faut que tout change pour que rien ne change. » Je dirais : il faut que tout change pour que le coeur de la commune continue de battre pour le meilleur. (Applaudissements)