Intervention de Vincent Aubelle

Délégation aux Collectivités territoriales et à la décentralisation — Réunion du 28 septembre 2022 à 10h00
Rencontre nationale des communes nouvelles sur le thème : communes nouvelles : pour un nouveau souffle

Vincent Aubelle, École d'urbanisme de Paris, université Gustave-Eiffel :

professeur des universités associé, École d'urbanisme de Paris, université Gustave-Eiffel. - Je commencerai mon propos en évoquant un peuple d'Amazonie, les Achuar, avec lesquels vivaient deux ethnologues. Un matin, alors que l'un des deux scientifiques s'étonnait de ne pas avoir été informé de leurs activités, le second lui répliqua que son incompréhension s'expliquait par son esprit de symétrisation, qui le conduisait à utiliser des catégories mentales inadaptées à la situation.

Il en va de même pour les communes nouvelles, qui ne sont pas des stocks, des chiffres, mais bien des singularités. Celles-ci sont avant tout une affaire de chair, d'intime et de vivant. Il faut adopter cette perspective pour les comprendre. Je remercie l'AMF de m'offrir l'occasion de vous présenter ce panorama, composé de deux parties.

La première partie constitue un bilan quantitatif des communes nouvelles. Elle porte également sur une analyse de leur répartition géographique, principalement concentrée à l'ouest du pays, pour des raisons culturelles.

La seconde partie recense un ensemble de quatorze propositions partant du terrain et couvrant une grande variété de sujets. Trois thèmes majeurs apparaissent dans ces propositions.

Premièrement, les communes nouvelles sont avant tout le résultat d'un acte de liberté. Il est inutile d'inventer des commissions pour les imposer, puisqu'elles reposent sur la volonté des élus. Certes, lors de leur création, la majorité des communes nouvelles ne comporte que deux communes. Mais celles-ci évoluent au fil du temps. Parfois, certaines d'entre elles créent une nouvelle entité avec une commune indépendante : j'ai relevé quarante exemples de ce type. Là encore, la liberté des élus est au coeur du processus d'évolution. Même si les communes nouvelles ne représentent que 4,5 % du total des communes, elles sont la concrétisation d'un véritable esprit de décentralisation.

Un peu plus tôt dans la matinée, le président Larcher a évoqué la nécessité d'une nouvelle loi. Pour ma part, je considère que l'État doit se contenter de fixer des bornes, il ne doit pas vouloir tout imposer. Nous devons adopter cette perspective pour renforcer la décentralisation et assumer une différenciation qui ne se résume pas à un droit des exceptions. En 1907, l'AMF avait pour objectif de défendre les libertés locales. En 2022, j'estime que l'AMF doit mener le combat pour étendre ces libertés.

Deuxièmement, la question de l'intercommunalité. Il est impossible de faire entrer des volumes différents dans un contenant identique. Il en va de même pour les structures intercommunales, nécessaires pour dépasser certaines limites des communes. Or avoir réduit l'intercommunalité aux seuls établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) constitue le problème de fond : les communes nouvelles sont les intercommunalités parfaites, puisque tout y est mis en commun. Les périmètres actuels des EPCI sont soit trop vastes pour disposer de réactivité soit trop restreints pour aborder des problèmes tels que le changement climatique. D'où cette proposition : à chaque création de communes nouvelles, il faut mettre en place le régime de l'intercommunalité nouvelle, c'est-à-dire revenir à la base de l'intercommunalité en lui confiant les politiques structurantes, tandis que le reste de l'action publique doit relever de l'échelon communal. Cela dit, les communes peuvent toujours choisir d'adhérer à un EPCI ou de former une commune nouvelle.

Troisièmement, la question des finances. Pierre Bourdieu disait : « quand le monde va pour soi, il va de soi. » Ce qui apparaît comme naturel ne satisfait que ceux à qui cela convient d'établir cette naturalité. L'État se satisfait du système actuel des finances locales, ce qui n'est pas le cas des communes nouvelles. Nous sommes confrontés à deux problèmes. Le régime actuel entraîne des pertes de financement pour les communes nouvelles quelques années après leur création. Dans ces conditions, il est impossible d'envisager un deuxième souffle. A minima, les communes nouvelles doivent avoir la garantie que leurs dotations ne diminueront pas. Par ailleurs, l'État doit construire une vision des dotations attribuées aux communes nouvelles. Certaines d'entre elles bénéficient de la dotation de solidarité urbaine (DSU) alors qu'elles ne comptent que quelques milliers d'habitants. Les dotations des communes nouvelles existantes doivent être maintenues. Le calcul de la dotation pour les projets de communes nouvelles doit se fonder non pas sur la population totale, mais sur la somme des dotations de chaque commune déléguée.

Pour conclure, je citerai une chanson de 1999 dont les premiers mots étaient : « pour me comprendre, il faudrait savoir qui je suis ; pour me comprendre, il faudrait comprendre ma vie, et pour l'apprendre devenir mon ami. ». Cela s'applique parfaitement aux relations entre l'État et les communes nouvelles !

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