Intervention de Éric Kerrouche

Délégation aux Collectivités territoriales et à la décentralisation — Réunion du 29 septembre 2022 à 9h00
Services déconcentrés et préfectoraux — Examen du rapport d'information

Photo de Éric KerroucheÉric Kerrouche, rapporteur :

Nos conclusions s'inscrivent dans un contexte particulier, lié à l'empilement, jusqu'à satiété sans doute, des réformes territoriales. À vrai dire, peu de domaines de l'action publique ont connu autant de réformes, en termes de nombre comme de cadencement.

Après la révision générale des politiques publiques (RGPP) et son dérivé pour l'administration déconcentrée, la Réforme des administrations territoriales de l'État (RéATE), sont venus la Modernisation de l'action publique (MAP) et le Plan Préfectures Nouvelle Génération (PPNG). Fait révélateur, la confiance des représentants de l'État s'érode : 58 % des préfets et sous-préfets jugent la RéATE utile, mais ce taux tombe à 51 % pour le PPNG. Quant au document Missions prioritaires des préfectures 2022-2025, dit « MPP 22 », les préfets et sous-préfets estiment qu'il aura des répercussions en termes de personnel. Plus le temps passe, moins les représentants de l'État ont eux-mêmes confiance dans les réformes.

Au vu de l'accumulation de réformes, on aurait pu espérer qu'au moins leurs effets seraient objectivement évalués. Or, c'est là l'un des points faibles : on a l'impression qu'elles sont engagées pour elles-mêmes, que le train de l'État est lancé, sans que soient jamais tirés les enseignements de la vague précédente.

Il en résulte une frustration, tant chez les élus que chez les préfets et sous-préfets. Les premiers ont le sentiment de ne pas être associés aux réformes et même de ne pas en être informés. Les seconds partagent ce sentiment, de manière certes moins prononcée : 43 % estiment ne pas être associés, contre 82 % des élus.

Ce sentiment de mise à l'écart est illustré par un autre chiffre, extrêmement révélateur et beaucoup plus élevé chez les préfets et sous-préfets : 85 % d'entre eux estiment que l'organisation territoriale de l'État est trop souvent réformée. Preuve qu'il y a sans doute matière à faire progresser la conduite du changement dans notre pays. Songez qu'un élu sur trois est incapable de donner ne serait-ce qu'un avis sur la réforme territoriale de l'État...

Aussi proposons-nous de rendre impérative une concertation nationale avec les associations d'élus en amont du lancement d'une politique ministérielle se chevauchant avec les compétences décentralisées.

Au-delà de la méthode, il faut s'attacher aux résultats des réformes menées. À chaque fois, la réforme de l'État est portée par une ambition affirmée : améliorer le fonctionnement des services et répondre au mieux à la demande d'État dans les territoires. L'objectif est louable, mais la réalité constatée est celle d'une baisse des moyens de l'État. Pour deux élus sur trois, le service public de l'État s'est dégradé sur leur territoire ; près de 60 % pensent que les moyens des services déconcentrés sont insuffisants.

À cet égard, nos conclusions rejoignent la récente enquête de la Cour des comptes sur l'évolution des effectifs de l'administration territoriale. Au sein même du corps préfectoral, 70 % de ceux qui nous ont répondu estiment que leurs moyens humains sont insuffisants.

J'ajoute deux chiffres, qui parlent d'eux-mêmes : les effectifs physiques des directions départementales interministérielles (DDI), qui s'élevaient à près de 40 000 agents en 2011, sont tombés dix ans plus tard à un peu plus de 25 000 agents, soit une chute de 36 %.

La plupart du temps, les baisses sont justifiées par la réorganisation, qui rendrait le fonctionnement des services plus efficace, et les gains de productivité liés aux nouveaux outils technologiques, comme la transmission dématérialisée des actes, appréciée tant par les élus que par les préfets. Mais nous constatons que cette argumentation est fragile, car ne reposant sur aucune évaluation ex post. A contrario, les exemples de dégradation du service rendu aux collectivités territoriales et, plus largement aux usagers, abondent ; nous en avons eu de multiples témoignages.

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