Intervention de Nadine Morano

Réunion du 23 juin 2010 à 21h30
Répression des violences faites aux femmes. - violences au sein des couples — Article 2 bis

Nadine Morano, secrétaire d'État :

Par conséquent, il paraît au Gouvernement nécessaire de mettre le dispositif proposé en cohérence avec la loi pénitentiaire en prévoyant d’appliquer le même critère pour les prévenus et pour les condamnés. C’est la peine encourue, et non la peine prononcée, qui doit servir de base pour permettre un placement sous surveillance électronique.

De plus, en pratique, le texte de la commission limite considérablement le recours au placement sous surveillance électronique mobile des auteurs de violences au sein du couple.

Quelques éléments statistiques me semblent de nature à éclairer votre assemblée.

Les chiffres que livre le rapport du député Guy Geoffroy témoignent de la faiblesse de la durée moyenne d’emprisonnement ferme dans les cas de violences faites aux femmes. En ce qui concerne les violences exercées par le conjoint ou par le concubin suivies d’une interruption temporaire de travail inférieure à huit jours, la durée moyenne d’emprisonnement ferme était de quatre mois et demi en 2006. En ce qui concerne les violences sans incapacité de travail, la durée moyenne de l’emprisonnement ferme était d’un peu plus de quatre mois.

Par sa trop grande rigueur, la rédaction proposée par la commission limiterait l’apport du dispositif de surveillance électronique.

Par ailleurs, le rapport de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales montre que les violences volontaires sur conjoint entraînent, dans une très large majorité de cas, des incapacités temporaires de travail inférieures à huit jours. Selon les modalités prévues par la commission des lois, dans 91, 5 % des 32 587 cas de violences sur conjoint constatés par les directions départementales de la sécurité publique et dans 84, 1 % des plaintes enregistrées par les services de la préfecture de police de Paris, les condamnations à des peines de prison sont trop faibles pour pouvoir appliquer le dispositif de surveillance électronique.

Or une des spécificités des actes de violences envers les femmes au sein des couples est l’escalade dans le temps. Une très forte majorité des crimes ont été précédés par des humiliations, puis par des menaces, puis par des coups de plus en plus violents. C’est ce que Mmes Dini et Kammermann ont très bien fait ressortir au travers de témoignages particulièrement émouvants.

Selon le rapport de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales, seulement 9 % des femmes victimes de violences osent porter plainte. Pourquoi ? Parce qu’elles savent que la mesure d’éloignement sans contrôle effectif de celle-ci ne sera pas forcément respectée. Elles ont peur, elles vivent dans la terreur, d’autant que c’est justement au cours des périodes d’éloignement décidées par le juge que le risque de passage à l’acte est extrêmement élevé.

D’après une étude réalisée en 2006, 41 % des crimes ayant entraîné le décès du conjoint ont lieu au moment de la séparation.

Le Gouvernement souhaite prendre ses responsabilités pour que le dispositif anti-rapprochement apporte, dans le cadre de cette expérimentation, la meilleure des protections.

C’est au juge qu’il appartient de décider : nous devons faire confiance au juge !

Pourquoi instituer une différence entre le pré-sentenciel, c'est-à-dire le moment où la personne fait l’objet d’un contrôle judiciaire et peut être placée sous surveillance électronique, et le post-sentenciel, pour lequel un tel placement nécessiterait une condamnation effective de cinq ans au moins ?

Et que faisons-nous de ceux qui sont condamnés avec sursis ?

Si je m’exprime avec tant de force devant votre assemblée, c’est parce que le Gouvernement est totalement mobilisé sur ce sujet, compte tenu des chiffres concernant ces femmes qui ont perdu la vie alors qu’un tel dispositif aurait permis de les protéger.

Qu’allons-nous dire au petit Ibrahima, le fils de Tania, poignardée le 16 février dernier par son ex-compagnon, alors en sursis avec mise à l’épreuve pour des menaces de mort proférées à son encontre ? Sa mère aurait pu être sauvée si le dispositif de surveillance électronique avait été mis en place. Demain, si une rédaction trop restrictive est adoptée sur ce point, c’est une autre Tania qui ne sera pas protégée…

Des millions de femmes nous regardent : elles attendent que la peur change de camp. C’est à nous de faire en sorte qu’il en soit ainsi. C’est une page de notre histoire que nous écrivons avec l’expérimentation de ce dispositif, qui permettra d’offrir la sécurité à de nombreuses femmes dans notre pays.

Il est donc plus qu’essentiel, aux yeux du Gouvernement, de revenir à l’équilibre initial du texte et de prévoir que les auteurs de violences au sein du couple pourront être placés sous surveillance électronique lorsqu’ils seront condamnés pour des violences ou des menaces passibles d’au moins cinq ans d’emprisonnement, et non condamnées effectivement à cinq ans.

Je souligne que le principe de proportionnalité est respecté, car ces délits incluent les menaces de mort répétées à l’encontre du conjoint, mais aussi les violences ayant entraîné des interruptions temporaires de travail, c'est-à-dire des délits graves, pour lesquels il y a tout lieu de craindre une surenchère.

C’est la mémoire de toutes ces femmes mortes de manière absurde qui l’exige de nous, qui l’exige de vous !

Telles sont les raisons pour lesquelles je vous présente cet amendement : le Gouvernement prendra ses responsabilités pour qu’une nouvelle Tania ne vive pas dans la terreur. Il ne faut pas que, demain, une femme puisse se dire qu’elle aurait pu bénéficier de la surveillance du conjoint violent si celui-ci avait simplement encouru une peine d’emprisonnement de cinq ans ! Or la rédaction retenue par la commission va réduire la portée du dispositif du bracelet électronique, car, je vous l’ai dit, les peines effectivement prononcées sont, en moyenne, largement inférieures à cinq ans.

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