Intervention de François Pillet

Réunion du 23 juin 2010 à 21h30
Répression des violences faites aux femmes. - violences au sein des couples — Article 2 bis

Photo de François PilletFrançois Pillet, rapporteur :

Madame la secrétaire d’État, permettez-moi de vous dire, avec le plus grand respect, que ni la qualité de votre discours ni son caractère enflammé ne suffisent à emporter notre conviction.

Nul ne peut douter de l’engagement sincère de notre commission, ainsi que de tous nos collègues présents ce soir, dans ce combat contre les violences faites aux femmes. Mais nous devons procéder avec justesse, sauf à risquer, je le répète une nouvelle fois, de priver cette loi de la portée que nous voulons lui donner.

Vous avez été très complète dans vos explications, madame la secrétaire d’État ; je vais donc devoir vous répondre sur l’ensemble des points que vous avez soulevés.

Depuis 2005, la loi autorise le placement sous surveillance électronique mobile d’une personne dans plusieurs hypothèses : avant la condamnation, dans le cadre d’une assignation à résidence ; pendant l’exécution de la peine, dans le cadre d’une libération conditionnelle ou d’un aménagement de la peine ; après l’exécution de la peine d’emprisonnement, dans le cadre d’une surveillance judiciaire, d’un suivi socio-judiciaire ou d’une mesure de surveillance de sûreté. Le placement sous surveillance électronique s’apparente alors moins à une peine complémentaire – c’est là que réside, me semble-t-il, la confusion – qu’à une mesure de sûreté visant à prévenir la récidive d’individus qui, ayant purgé leur peine, sont toujours considérés comme dangereux.

L’article 2 bis de la proposition de loi vise à faciliter, par rapport au droit en vigueur, le placement sous bracelet électronique de l’auteur des violences conjugales dans deux hypothèses : premièrement, dans le cadre de l’assignation à résidence, en permettant un tel placement lorsque le mis en examen pour violences conjugales encourt une peine de cinq ans de prison, et non sept ans comme pour les autres infractions ; deuxièmement, dans le cadre d’un suivi socio-judiciaire, à titre de mesure de sûreté, après l’exécution de la peine.

Aujourd’hui, le droit positif permet un placement sous bracelet électronique dans le cadre d’un suivi socio-judiciaire lorsque la personne a été effectivement condamnée à sept ans de prison et que sa dangerosité a été constatée, ce qui signifie qu’une expertise est nécessaire.

S’agissant d’une mesure de sûreté destinée à prévenir la récidive, votre commission a considéré que le placement sous bracelet électronique après l’exécution de la peine devait être réservé, comme le prévoit le droit actuel, aux individus les plus dangereux. Dans le texte qu’elle a élaboré, elle a même admis que le seuil de la peine soit abaissé à cinq ans, conformément aux souhaits des députés, mais à la condition qu’il s’agisse de la peine prononcée et non pas de la peine encourue.

L’amendement du Gouvernement soulève donc une difficulté très importante au regard de lois que nous avons votées et de principes que nous avons réaffirmés encore très récemment !

Je me doute bien que la loi que nous allons voter et dont les termes seront, je l’espère, approuvés par les députés, ne fera pas l’objet d’une saisine du Conseil constitutionnel en vertu de l’article 61 de la Constitution. Mais, dorénavant, le nouvel article 61-1 de la Constitution ouvre ce recours à n’importe quel justiciable. Eh bien, je peux d’ores et déjà vous annoncer que, si nous adoptons cet amendement, le premier avocat venu, qui n’aura pas besoin d’être un major de promotion, déposera une question prioritaire de constitutionnalité. En effet, nous savons déjà que, dans sa décision du 8 décembre 2005, le Conseil constitutionnel a précisé que le placement sous surveillance électronique mobile devait s’appliquer à des personnes condamnées « pour certaines infractions strictement définies et caractérisées par leur gravité particulière ».

Madame la secrétaire d’État, pouvez-vous imaginer de placer sous surveillance électronique une personne condamnée à six mois d’emprisonnement avec sursis ?

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