Intervention de Esther Benbassa

Réunion du 5 octobre 2022 à 15h00
Atteintes aux droits des femmes et aux droits de l'homme en iran — Débat d'actualité

Photo de Esther BenbassaEsther Benbassa :

Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, en Iran, depuis la mort de Mahsa Amini, interpellée voilà trois semaines par la police des mœurs parce qu’une mèche dépassait de son foulard, la contestation ne retombe pas.

Elle touche l’ensemble du pays. La répression est féroce ; le nombre de morts et de personnes arrêtées augmente chaque jour.

Les revendications dépassent la seule question du port du voile : le Guide suprême et le régime sont désormais remis en question.

De son côté, que fait la France ? Notre président se drape dans un silence opportuniste. On ne touche pas trop à l’Iran, utile en cette période de guerre à l’est, avec le probable retour sur le marché international de ce grand vendeur de pétrole.

Au cours de son entretien, à New York avec le dirigeant ultraconservateur iranien Ebrahim Raïssi en marge de l’Assemblée générale de l’ONU, le Président de la République a juste demandé une enquête transparente sur la mort de Mahsa Amini, les échanges se concentrant sur le dossier nucléaire iranien.

Les manifestants, femmes et hommes, s’organisent actuellement hors partis ; c’est à la fois leur force et leur faiblesse. Une telle spontanéité pousse des cinéastes, athlètes, musiciens et artistes à exprimer leur solidarité.

Le pouvoir annonce qu’il s’en prendra aux célébrités qui auront soufflé sur les braises. Le réalisateur Asghar Farhadi, deux fois oscarisé, a invité « tous les artistes, cinéastes, intellectuels, militants des droits civiques du monde entier à exprimer leur solidarité ». Et l’artiste franco-iranienne Marjane Satrapi d’insister : « Il faut envoyer un signal fort. »

En France, une cinquantaine de personnalités et d’artistes femmes ont diffusé une vidéo dans laquelle elles se coupent une mèche de cheveux en soutien aux femmes iraniennes. J’appelle tout le milieu artistique français et les personnalités à rejoindre largement cette mobilisation.

Quant à nous, les politiques, ne devons-nous pas, au-delà des protestations d’usage, faire pression avec vigueur et conviction sur l’exécutif pour qu’il sorte de sa frilosité ?

Mobilisons-nous et évitons d’instrumentaliser la lutte des Iraniennes pour régler nos différends intérieurs sur la question du voile en France.

L’enjeu de nos engagements est clair : la liberté et les droits humains. Je regrette qu’il y ait aujourd’hui si peu de collègues présents dans l’hémicycle quand nous devrions converger par des actes symboliques pour manifester notre soutien aux Iraniennes et aux Iraniens.

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