Intervention de Amel Gacquerre

Réunion du 5 octobre 2022 à 21h30
Cinq plans pour reconstruire la souveraineté économique — Débat sur les conclusions d'un rapport d'information de la commission des affaires économiques

Photo de Amel GacquerreAmel Gacquerre :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, hier, c’était le paracétamol, les masques et les puces électroniques ; aujourd’hui, c’est la moutarde, l’huile de tournesol et le gaz. Alors que les crises économiques, sanitaires et sécuritaires s’enchaînent, notre pays se redécouvre vulnérable.

Comment avons-nous pu en arriver là ? Surtout, au-delà des constats, comment sortir de cet état de dépendance qui nous coûte et nous contraint ?

Ce sujet fondamental de souveraineté a occupé notre commission pendant près de six mois.

Le rapport que j’ai présenté avec la présidente Sophie Primas et notre collègue Franck Montaugé a permis d’identifier précisément nos vulnérabilités dans différents secteurs. Le constat est alarmant, car il révèle une perte d’autonomie transversale et profonde.

À l’heure où la guerre frappe aux frontières de l’Europe, où l’arme nucléaire n’est plus un tabou, où les frontières entre l’économie réelle et l’économie numérique se brouillent, où la valeur de l’énergie continue d’augmenter et où la concurrence internationale en matière de talents fait rage, il nous faut avoir le courage de regarder les choses en face : reconstruire notre souveraineté doit être, au même titre que la transition écologique, la priorité majeure de nos politiques publiques.

C’est la raison pour laquelle notre commission a appelé à passer à l’acte, du sursis au sursaut, via cinq plans stratégiques.

Je veux revenir sur les trois postulats sur lesquels reposent ces plans.

Il s’agit premièrement de ne pas opposer les souverainetés, car la France a besoin de l’Europe pour être plus forte. Il faut donc que nous agissions ensemble, avec nos voisins, pour mobiliser davantage de moyens et d’innovations.

Nombre de nos recommandations concernent l’action de l’Union européenne en matière de télécommunications, de législation environnementale ou de projets industriels communs. Par exemple, 99 % du réseau internet mondial transite via des câbles sous-marins, contrôlés pour la majorité d’entre eux par les Gafam – Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft. Pour des raisons évidentes de sécurité et de gestion des risques, il nous faut travailler à l’établissement d’un réseau indépendant de câbles sous-marins de télécommunication reliant entre eux les pays de l’Union européenne.

Dans ce même registre, la part du transfert de données hors de France et de l’Union européenne ne cesse de croître, de sorte qu’il faut rendre obligatoires la localisation et le stockage des données personnelles des citoyens et des entreprises européennes sur le sol de l’Union européenne.

Le deuxième principe qui nous servira à garantir notre souveraineté repose sur une meilleure exploitation de nos forces et nos ressources, qu’elles soient minières, humaines ou agricoles, et cela dans le respect de l’environnement. On évitera ainsi la dépendance aux importations et la pollution qui en découle.

Vous le savez, la France dépend à 100 % de la Chine pour les terres rares et à 80 % de l’Amérique du Sud pour le lithium. Il nous semble donc essentiel d’intensifier le soutien au recyclage des métaux critiques et des biens industriels pour réduire notre dépendance.

La question des compétences est également fondamentale. En effet, alors que nous nourrissons de fortes ambitions pour notre industrie, un employé sur trois de ce secteur partira à la retraite d’ici à 2030, et 50 % des métiers de l’industrie sont en tension.

Nous envisageons le développement de la filière nucléaire. Mais disposons-nous des compétences suffisantes pour le mettre en œuvre ? Il nous faut de manière urgente repenser les filières et les diplômes de demain vers les métiers en tension, dans des secteurs comme le numérique, la métallurgie ou l’électronique.

Troisièmement, dans le cadre de ce rapport, nous recommandons de poursuivre l’effort de compétitivité et d’ancrage de notre tissu économique.

Notre souveraineté ne repose pas seulement sur les grandes entreprises françaises, même si celles-ci jouent un rôle moteur pour l’économie et qu’il convient de les protéger. C’est aussi l’ensemble des petites et moyennes entreprises et des entreprises de taille intermédiaire (ETI), comme les start-up innovantes ou les exploitants agricoles, qui garantissent au quotidien la résilience de notre économie et de notre société.

Il faut leur assurer un environnement compétitif dans lequel ils pourront se développer sans craindre l’injustice fiscale ou la concurrence déloyale étrangère. Commençons par faire respecter, par exemple, les normes de production instaurées au sein de l’Union européenne.

Tels sont les trois principes sur lesquels reposent les plans stratégiques, que nous avons transmis au Gouvernement pour qu’il les mette en œuvre urgemment, afin de reconstruire notre souveraineté.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion