Intervention de Franck Montaugé

Réunion du 5 octobre 2022 à 21h30
Cinq plans pour reconstruire la souveraineté économique — Débat sur les conclusions d'un rapport d'information de la commission des affaires économiques

Photo de Franck MontaugéFranck Montaugé :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l’occasion de ce débat, nous voudrions comprendre quelle est la politique de souveraineté du Gouvernement en matière d’industrie, d’agriculture et de numérique.

Alors même que les conséquences négatives des délocalisations étaient perçues par tous depuis des années, les premières études relatives à la dépendance des filières industrielles en intrants importés n’ont été réalisées qu’au moment de la crise liée au covid-19.

Quelle est donc, dans le domaine des industries, la politique de souveraineté du Gouvernement ? Les constats ont été faits. Il faut désormais en tirer tous les enseignements nécessaires.

En s’appuyant sur les comités stratégiques de filière, l’État pourrait jouer le rôle d’animateur, par exemple d’agrégateur, pour faciliter l’achat et le stockage d’intrants stratégiques.

En réalité, nous considérons qu’il faut réinvestir la politique industrielle dans tous les secteurs, dont celui de l’énergie, où l’on manque aujourd’hui de solutions pour être à la hauteur des enjeux. Nous vous attendons sur ce point, monsieur le ministre.

Décomposer les chaînes de valeur, mieux les comprendre pour les réorganiser dans l’intérêt national, tel est l’impératif qui s’impose à nous, de même que nous devrons prendre en compte la totalité du cycle de vie des produits que nous consommons, depuis les métaux critiques jusqu’aux produits finaux.

Nous appelons aussi le Gouvernement à développer fortement le recyclage des matières premières. Alors qu’elle pourrait être un levier d’emploi, de décarbonation et d’indépendance industrielle, l’activité reste sous-dimensionnée.

L’approvisionnement est aussi un enjeu majeur pour l’agriculture et la filière agroalimentaire.

Après la désindustrialisation que nous avons connue pendant des décennies, la dégradation constante et historique du solde extérieur de notre agriculture témoigne, pour de trop nombreux produits de base et de moyenne gamme, d’une dépendance accrue de la France. La souveraineté alimentaire française est donc aussi en question.

Notre rapport met en évidence des dépendances fortes notamment en matière d’alimentation animale, de protéines végétales et d’engrais. Le cheptel français se réduit d’année en année. Si l’on veut que l’agriculture française continue de nourrir notre population, il nous faut veiller à la compétitivité de notre production, à l’équité des conditions commerciales et à maintenir un équilibre juste entre protection environnementale et souveraineté alimentaire.

Quelle est la politique du Gouvernement pour recouvrer les positions perdues ?

Enfin, monsieur le ministre, dans le domaine du numérique, comment appréciez-vous la souveraineté de la France ? Le Sénat plaide pour un débat sur l’opportunité de localiser les données à caractère personnel des citoyens et les données sensibles des entreprises sur le territoire de l’Union européenne, dans le cadre de politiques de sécurité spécifiques, dont l’actualité récente nous rappelle l’urgente nécessité – je pense aux cyberattaques qu’ont subies certains hôpitaux.

Cette localisation des données doit aussi s’accompagner d’une politique de localisation des infrastructures sur le territoire de l’Union européenne. En effet, 80 % des données générées par les internautes français sont aujourd’hui hébergées aux États-Unis. Il est temps de construire des infrastructures européennes pour nos propres usages numériques.

Sur terre, il nous faut notamment planifier l’implantation de serveurs et de centres de données. En mer, nous devons doter l’Union européenne d’un réseau résilient et indépendant de câbles sous-marins, pour contourner celui qui est détenu par les Gafam et par lequel entre 96 % et 99 % du trafic internet mondial transitent. Dans l’espace, nous devons soutenir l’initiative d’une constellation européenne de satellites pour sécuriser nos communications.

Enfin, nous estimons que les investissements en faveur de la souveraineté en matière de logiciels doivent être développés. La protection des brevets logiciels français devrait aussi faire l’objet d’une attention particulière. Est-ce le cas monsieur le ministre ?

Si le cloud européen Gaïa-X ne répond pas, selon nous, à l’impératif de souveraineté des États membres, la stratégie de certification SecNumCloud, développée par le Gouvernement, favorise plutôt les logiciels américains. Pour assurer notre autonomie technique, il faut développer les investissements en faveur d’une filière européenne du logiciel et de la donnée, dont les entreprises seront immatriculées sur le territoire de l’Union européenne.

Où en est la réflexion sur tous ces sujets numériques dont dépend de plus en plus la souveraineté nationale ? Quel est le plan d’action du Gouvernement en matière de souveraineté numérique ?

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