Intervention de Franck Menonville

Réunion du 5 octobre 2022 à 21h30
Cinq plans pour reconstruire la souveraineté économique — Débat sur les conclusions d'un rapport d'information de la commission des affaires économiques

Photo de Franck MenonvilleFranck Menonville :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la crise du covid-19, la guerre en Ukraine, les tensions d’approvisionnement ou la désindustrialisation sont autant de problématiques auxquelles notre pays est confronté.

Malheureusement, ces phénomènes ne sont que le révélateur d’une fragilité qui s’est installée depuis de nombreuses années. Le présent rapport, dont je veux saluer la qualité, entend en tirer les conséquences en proposant cinq plans d’action.

Deux chiffres illustrent malheureusement notre perte de souveraineté et la gravité de la situation. Premièrement, la part de l’industrie dans le PIB a été divisée par deux depuis 1974. Deuxièmement, 40 % de nos intrants industriels sont importés, contre 29 % il y a vingt ans.

Notre balance commerciale en souffre. En effet, 900 produits importés génèrent 80 % du déficit commercial de la France, et celui-ci croît – il devrait franchir la barre des 100 milliards d’euros en 2022.

Le rapport d’information indique que notre industrie et notre agriculture sont fortement dépendantes d’importations critiques, telles que les protéines végétales destinées à l’alimentation animale, les métaux ou certaines substances chimiques. La sécurisation de notre accès à ces intrants est cruciale. Oui à l’indépendance, non à la monodépendance !

Je voudrais tout d’abord évoquer la question des traités commerciaux. Nous souhaitons une ratification systématique par les parlements, avant leur application, des accords commerciaux mixtes. En effet, cela renforce le contrôle démocratique et la ratification permet de prendre en compte l’ensemble des conséquences d’un accord, notamment stratégiques. Je crois nécessaire d’aller plus loin, en procédant à des évaluations continues dans le temps.

Par ailleurs, je voudrais revenir sur l’extraterritorialité, préoccupante, de certaines législations étrangères. Les auteurs du rapport d’information soulignent que nous disposons de trop peu d’informations sur les conséquences économiques de ces mesures.

Des amendes faramineuses ont été infligées à des fleurons français et européens, menant parfois à des acquisitions assez discutables. Nous devons protéger nos entreprises, car il n’est pas acceptable qu’une souveraineté étrangère empiète sur celles de la France et de l’Europe, sans capacité de réciprocité.

Notre souveraineté économique passe également par le secteur de l’énergie. La France est condamnée à la dépendance dans la mesure où elle doit importer les matériaux nécessaires à la production de son énergie. Pour autant, cette dépendance n’est pas incompatible avec notre souveraineté si nous parvenons à nous approvisionner auprès de sources diversifiées et sûres.

Le nucléaire, dont la place est indispensable dans le mix énergétique français, est une chance pour notre pays. Depuis de nombreuses années, nous avons malheureusement tourné le dos à cette énergie décarbonée, dont nous avions la pleine maîtrise. Il est nécessaire de préserver nos capacités matérielles et en termes de savoir-faire.

Les temps qui viennent s’annoncent difficiles. Des financements et des investissements importants en matière d’énergie nucléaire sont essentiels pour garantir durablement notre souveraineté énergétique, qui devra autant que possible être renforcée par le développement des énergies renouvelables, mais aussi par la recherche d’économies d’énergie, la rénovation énergétique et le développement de technologies plus sobres.

Mes chers collègues, il nous faut également bâtir une souveraineté européenne qui nous permettra de conjuguer transition écologique et défense de nos valeurs et de nos intérêts.

Pour développer des solutions efficaces et pérennes, il nous faut travailler de concert avec nos partenaires européens et retrouver la maîtrise de nos dépendances, réformer plus vite le marché européen de l’énergie et revoir notre politique de concurrence pour favoriser l’émergence de leaders mondiaux dans différents domaines, tels que l’industrie et l’énergie.

Nous devons absolument nous donner les moyens de passer de l’innovation à la réalisation de succès industriels et économiques. La France doit réarmer ses capacités industrielles ; elle doit maîtriser les technologies de demain et veiller à ce que les chaînes de valeur se déploient sur l’ensemble de son territoire.

Nous devons tous être conscients que notre modèle social ne peut être financé que par un haut niveau de performance économique, ce qui fait défaut depuis plusieurs années. L’industrie, l’énergie et l’agriculture ont un combat commun : l’innovation et la compétitivité. Il est urgent d’agir !

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