La crise du covid-19 et la guerre en Ukraine ont révélé nos vulnérabilités et nos dépendances dans des secteurs stratégiques essentiels. Les aléas climatiques à venir et l’instabilité internationale ne manqueront malheureusement pas de venir aggraver ces difficultés.
Il est donc essentiel d’agir en urgence pour renforcer notre souveraineté, et nous remercions la commission des affaires économiques du Sénat de s’être saisie de ce sujet. Son rapport d’information pointe l’insuffisance des réponses politiques actuelles sur ces questions.
Nous partageons ainsi une partie des éléments présentés par ce rapport : la faiblesse des ambitions et des actions de l’État sur la relocalisation des filières stratégiques, la nécessité de développer le recyclage et les énergies renouvelables, ou encore la nécessaire indépendance face aux Gafam.
Cependant, pour de nombreux axes de ce rapport, nous considérons que la transition vers des systèmes sobres, durables et écologiques est insuffisamment prise en compte et que les solutions présentées pérennisent certaines dépendances, alors même qu’il faudrait construire une véritable résilience.
C’est globalement par la sobriété et le développement de solutions de rechange en matière d’énergie, d’agriculture et d’économie circulaire que nous pourrons créer des systèmes vertueux et résilients.
Ainsi, cela ne vous surprendra pas, mes chers collègues, nous ne pensons pas que la relance nucléaire soit la solution, dans un monde de plus en plus incertain, pour assurer notre souveraineté énergétique. Je pense aux questions d’approvisionnement en matières premières, de risques majeurs, en particulier dans la période instable que nous connaissons, et de gestion des déchets. Mais nous aurons l’occasion d’y revenir très largement lors des débats législatifs à venir.
Nous pensons également que cette réflexion sur la souveraineté doit toujours, dans un contexte de forte inflation, aller de pair avec une réflexion sur la justice sociale, car les tensions que nous connaissons actuellement se répercutent avant tout sur les plus pauvres.
Je voudrais maintenant développer plus précisément les questions agricoles, qui constituent le cœur de notre souveraineté alimentaire.
Ici encore, nous partageons une partie des recommandations du rapport d’information et nous encourageons le Gouvernement à s’en saisir.
Nous estimons ainsi que la souveraineté de la France doit passer par une forte relocalisation des ressources alimentaires, en lien notamment avec un soutien renforcé aux projets alimentaires territoriaux et aux filières de protéines végétales, avec la mise en place d’une transparence sur l’origine des aliments pour le consommateur.
Nous soutenons avec force un renforcement du contrôle des produits importés, mais, pour cela, il faut dégager des moyens suffisants.
En ce qui concerne les importations, nous nous devons de rappeler le triste anniversaire du Ceta, l’accord commercial bilatéral de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada, entré en vigueur en septembre 2017 et toujours non ratifié par notre assemblée à ce jour.
Nous demandons au Gouvernement d’agir pour mettre un coup d’arrêt à ces accords aux conséquences délétères.
Nous demandons aussi au Gouvernement, à l’inverse de ce que propose ce rapport, de soutenir la mise en œuvre des objectifs de la stratégie européenne dite « de la ferme à la fourchette ». Sa remise en cause au nom de la souveraineté serait pour nous une erreur stratégique. Que ce soit sur la réduction de l’usage des engrais et des pesticides, sur l’augmentation des surfaces en agriculture biologique ou sur la biodiversité, il nous faut amorcer d’urgence la transition, si l’on veut assurer notre souveraineté.
L’agroécologie est une alternative crédible pour relever les défis climatiques et ceux de la biodiversité. Remettre en cause le pacte vert, au nom du « produire toujours plus », c’est accentuer la crise climatique et l’effondrement de la biodiversité. Rappelons que les engrais azotés minéraux sont de véritables bombes climatiques et que les pesticides qui vont avec sont responsables de l’effondrement des pollinisateurs, qui sont nécessaires à la production agricole.
Nous attendons donc une prise de position forte du Gouvernement en faveur du pacte vert européen, mais aussi d’un règlement communautaire exigeant sur les pesticides.