Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au début des années 1990, les libéraux ont pensé que la fin de l’Histoire était arrivée. Le capitalisme était triomphant, et tout devait être géré par le marché libre et non faussé. La libéralisation des secteurs de l’énergie, des transports et des communications allait faire baisser les prix et permettre d’innover. L’État, surtout, ne devait être ni interventionniste, ni protectionniste, ni même régulateur.
Il n’y eut alors plus aucune limite, ni frontière, ni barrière douanière, dans les profits et dans l’exploitation du vivant et de la nature. La grande compétition internationale allait faire des gagnants, et quelques perdants, le tout étant de se spécialiser dans les produits finis à haute valeur ajoutée, en accord avec les préceptes de Ricardo. Pis, on pensait que l’idéal, c’était une France sans usine, comme Serge Tchuruk, alors PDG d’Alcatel, en avait fait le rêve.
Pendant trente ans, nous avons assisté à la désindustrialisation du pays, persuadés qu’une France des services nous placerait aux premiers rangs des grands gagnants.
Seulement, la crise sanitaire et la crise énergétique nous ont ramenés à une triste réalité. Nous avons manqué de tout, et lorsque l’usine du monde, la Chine, a été à l’arrêt, nous nous sommes retrouvés en difficulté sur tout, même sur les biens de première nécessité.
Notre affaiblissement n’est pas qu’industriel. Il est aussi agricole et énergétique, mais il est surtout dans toute la chaîne de valeur de l’industrie. Lorsque l’on ne maîtrise plus cette dernière et que l’on dépend de pièces fabriquées de l’autre côté de la planète pour, par exemple, réaliser un moteur, nous nous mettons en difficulté pour construire nos propres voitures. Cette désindustrialisation, ce déclin de nos savoir-faire et de nos compétences est un drame dont nous sommes nous-mêmes responsables.
La croyance en la dérégulation de l’économie nous a conduits à l’affaiblissement, et nous avons renforcé notre dépendance envers l’extérieur. Or quand on agit ainsi, on concède chaque fois un peu plus de souveraineté.
Prenons le cas d’un secteur dans laquelle nous avions tout pour fonder un potentiel français : le numérique. Après la privatisation de France Télécom, la France a vendu Alcatel-Lucent à Nokia, achevant ainsi de démanteler le patrimoine industriel nécessaire à cette innovation technologique.
Aujourd’hui, nous continuons à reproduire les mêmes erreurs. Parlons du Health Data Hub tant attendu. Cette plateforme centralisée des données de santé françaises aurait pu être une aubaine pour nos développeurs français du digital. A-t-on choisi l’un d’entre eux pour développer le projet, comme OVH, par exemple ? Non ! C’est à Microsoft qu’il a été attribué, sans même passer par un appel d’offres.