Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tout d’abord, je voudrais féliciter les rapporteurs de ces propositions précises. La qualité du travail de notre assemblée est à la hauteur des défis que nous traversons. Pourvu que les actes suivent les rapports, monsieur le ministre…
Toutefois, venons-en au fond. Je voudrais rappeler que le terme « souveraineté » nous vient du latin superus, qui signifie « dessus ». Pour votre gouvernement, monsieur le ministre, c’est l’Union européenne qui est superus, qui est le dessus de tout. C’est là, si j’ose dire, que le bât blesse. En effet, selon la Constitution, la souveraineté est nationale et appartient au peuple français. La souveraineté signifie liberté, autonomie et protection. C’est pourquoi elle ne se partage pas et ne souffre d’aucune concurrence.
Le présent rapport aurait donc dû s’appeler Reconstruire la souveraineté économique française. Certes, cette souveraineté nationale n’empêche pas une coopération européenne dans de nombreux domaines – je l’appelle même de mes vœux –, mais elle reste incompatible avec le projet fédéraliste européen.
Depuis des décennies, les gagnants de la mondialisation ont ridiculisé jusqu’à l’usage de ce terme de « souveraineté », sans prendre la mesure de l’effondrement français qui était en cours : désindustrialisation, délocalisations, détresse paysanne, concurrence déloyale, dumping social, recours massif aux travailleurs détachés.
Résultat, nous avons perdu tant de nos savoir-faire et de nos outils de production que nous sommes dépendants de l’étranger. Le déficit commercial de la France a atteint 71 milliards d’euros au premier semestre de 2022. Un record absolu, extrêmement inquiétant !
Les crises révèlent au grand jour nos dépendances. C’est « La Cigale et la fourmi » à l’échelle d’une nation. Nous avons été incapables de prévoir l’orage durant le beau temps. Les crises nous font découvrir que les États ne sont pas automatiquement ni éternellement des partenaires bien intentionnés.
Le présent rapport évoque l’importance de réformes structurelles, sans questionner notre soumission juridique à l’Union européenne.
Depuis trente ans, sous couvert de libéralisme, les gouvernements français ont cessé de défendre et de planifier les intérêts régaliens. À l’État stratège a succédé l’État obèse voulant s’occuper de tout et désormais trop impotent pour investir dans les secteurs clés. Lundi, la Première ministre a annoncé vouloir « reconquérir notre souveraineté ». C’est bien l’aveu qu’elle était perdue et que l’intérêt national n’était plus au cœur de notre politique.
Ces cinq plans sur la souveraineté économique proposés par mes collègues ne peuvent être décorrélés du rapport sénatorial de cette semaine sur la souveraineté alimentaire : notre pays est passé du rang de deuxième à celui de cinquième exportateur mondial en vingt ans, et nous importons désormais 50 % des denrées alimentaires consommées dans notre pays.
Aujourd’hui, les mécanismes de l’Union européenne n’empêchent pas les hyperpuissances étatiques comme la Chine et les pays du Golfe de racheter des pans entiers de notre territoire. La Commission n’est pas non plus crédible pour nous défendre face à la voracité des Gafam. Il faut le retour d’un pouvoir régalien pleinement souverain pour endiguer les vues des hyperpuissances privées sur nos données personnelles et nos vies.
Le pilotage de l’industrie devrait se faire non pas depuis un ministère délégué, mais depuis un super-ministère dédié. Puisse la crise, monsieur le ministre, nous permettre de retrouver un État stratège audacieux et courageux, une vision véritablement indispensable à la reconquête de la souveraineté économique de notre pays.