Intervention de Jean-François Rapin

Réunion du 5 octobre 2022 à 21h30
Cinq plans pour reconstruire la souveraineté économique — Débat sur les conclusions d'un rapport d'information de la commission des affaires économiques

Photo de Jean-François RapinJean-François Rapin :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est effectivement urgent pour notre pays de reconquérir sa souveraineté dans le domaine économique. Nous savons gré à la commission des affaires économiques, à sa présidente et à ses rapporteurs d’avoir tiré la sonnette d’alarme.

Je ne reviendrai pas sur leur excellent rapport. Je veux simplement rappeler que la France a accepté de partager sa souveraineté avec les autres États membres de l’Union européenne ; à ce titre, la reconquête de sa souveraineté se joue largement à l’échelle européenne.

Il aura fallu la crise sanitaire et le conflit ukrainien pour prendre la pleine mesure des dépendances stratégiques de l’Union européenne et des fragilités et menaces que ces dépendances constituent pour ses citoyens et ses entreprises.

C’est à ces deux électrochocs, à cet égard salutaires, que nous devons la feuille de route tracée à Versailles en mars dernier par les 27 États membres pour matérialiser la souveraineté européenne en matière de défense, mais aussi de santé, d’alimentation, d’énergie, de matières premières critiques, de numérique, de technologies fondamentales et, comme Mme Loisier l’a rappelé, dans le domaine spatial. C’est un chantier au long cours, mais il est heureux que l’Union européenne en ait fini avec la naïveté, enfin !

En effet, ce n’est qu’à cette échelle que nous pouvons espérer construire une souveraineté durable. L’Union est aujourd’hui entrée dans le réarmement de ses politiques, avec tous les outils dont elle dispose : concurrence, financements et politique commerciale.

Des projets importants d’intérêt européen commun (Piiec) ont été lancés, qui dérogent aux règles en matière d’aides d’État pour promouvoir l’innovation dans plusieurs domaines industriels stratégiques : batteries, semi-conducteurs, cloud, hydrogène, voilà autant de Piiec auxquels l’industrie française participe. Le prochain Chips Act doit aussi permettre à l’Europe de redevenir leader mondial des semi-conducteurs.

La présidente de la Commission européenne promet en outre un nouveau fonds européen pour la souveraineté, qui permettra de financer d’autres projets industriels stratégiques de manière à sécuriser nos approvisionnements en matières premières critiques. Un plan européen vient aussi d’être annoncé.

Deux textes européens majeurs pour réguler les marchés et services numériques – le Digital Markets Act (DMA) et le Digital Services Act (DSA) – ont été récemment adoptés ; eux aussi constituent des outils importants de reconquête de notre souveraineté dans ce domaine.

Saluons enfin, en matière spatiale, la création prochaine d’une constellation de connectivité sécurisée européenne. Monsieur le ministre, en lisant notre rapport sur ce sujet, vous serez pleinement au fait de l’actualité !

En outre, pour protéger le marché intérieur de la concurrence déloyale, un règlement mettant fin aux subventions étrangères faussant la concurrence sera bientôt adopté. Pour sauvegarder nos industries stratégiques du point de vue de l’ordre public et de la sécurité, un cadre commun a aussi été mis en place, permettant de filtrer les investissements directs étrangers dans l’Union.

La commission des affaires européennes soutient vigoureusement toutes ces initiatives et prend soin de les orienter. Elle plaide aussi pour aller plus loin, tout d’abord en matière énergétique. L’envolée des prix de l’énergie nous menace d’une nouvelle vague de désindustrialisations et risque de briser le sursaut provoqué par la pandémie. En Allemagne et maintenant en France, des usines ralentissent, étranglées par leur facture énergétique, ce qui freine la relocalisation tout récemment engagée des chaînes de valeur.

Tout en soutenant une réforme du marché européen de l’énergie, nous appelons l’Union européenne à reconnaître sans attendre le nucléaire comme une pièce maîtresse de la transition énergétique et de la souveraineté énergétique européenne, car il s’agit d’investissements de très long terme.

Nous subissons aujourd’hui le choix de nos voisins de produire leur électricité à partir du gaz, choix qui met à mal aussi bien nos objectifs climatiques que notre compétitivité et notre indépendance énergétique. Je salue le retournement à 180 degrés qu’a accompli le Gouvernement sur la question nucléaire ; je relisais tout à l’heure les comptes rendus de certaines commissions – vous présidiez d’ailleurs l’une d’entre elles, monsieur le ministre –, et la question du nucléaire n’était pas posée aussi clairement qu’elle l’est aujourd’hui…

Ensuite, en matière agricole, nous ne cessons de le répéter, ne sacrifions pas notre souveraineté alimentaire sur l’autel de la transition écologique ! Nous ne pouvons pas nous ranger à une vision décroissante de notre agriculture et limiter notre stratégie agricole à encourager la montée en gamme de nos filières, au risque de devoir accroître nos importations.

Enfin, en matière bancaire et financière, nous rappelons la nécessité de consolider ce qui est la colonne vertébrale de notre souveraineté économique.

Il s’agit tout d’abord d’achever le dernier pilier de l’union bancaire pour améliorer la résilience des banques de la zone euro, ce qui passe par un système européen de garantie des dépôts. Il convient ensuite de relancer l’union des marchés de capitaux, pour mettre fin à la fragmentation des marchés financiers européens. Il importe enfin de consolider le rôle international de l’euro, vecteur de souveraineté.

Sur ces différents sujets, nous portons haut et fort la voix du Sénat à Bruxelles, au service d’une souveraineté retrouvée. Monsieur le ministre, pouvons-nous aussi compter sur la détermination du Gouvernement à défendre ces priorités ? À vous écouter ce soir, je n’en doute pas.

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