Intervention de Sophie Primas

Réunion du 5 octobre 2022 à 21h30
Cinq plans pour reconstruire la souveraineté économique — Conclusion du débat

Photo de Sophie PrimasSophie Primas :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous remercie sincèrement de ces échanges, qui nous ont permis de partager et d’approfondir les conclusions de ce rapport.

En préambule de ce propos conclusif, je me permets de formuler quelques commentaires sur notre politique énergétique. Monsieur le ministre, il est urgent, et même urgentissime, de définir enfin une véritable stratégie de l’énergie et de fixer un cap clair. Malgré les belles et optimistes paroles entendues ce soir, je ne vois pas la preuve de l’engagement du Gouvernement sur cette voie.

Par exemple, je regrette que le Gouvernement ait choisi de légiférer en la matière dans la panique et le désordre.

Dans la panique, tout d’abord, car nous avons été sommés de légiférer cet été en urgence : quinze jours d’examen d’une loi sur le pouvoir d’achat pour remettre à plat notre régulation nucléaire et notre sécurité d’approvisionnement, clairement, ce n’est pas sérieux.

Dans le désordre, ensuite, car il eût fallu examiner la loi de programmation de l’énergie au préalable, pour définir une véritable vision de notre politique énergétique, avant de travailler, ensuite et seulement ensuite, aux lois d’exécution de cette stratégie, par le truchement des projets de loi d’accélération du nucléaire ou des énergies renouvelables. Or nous faisons l’inverse.

Au regard de ses répercussions, la politique énergétique ne s’improvise pas : elle nécessite une vision, des convictions, du courage, de la constance et de l’anticipation.

Par exemple, la relance du nucléaire, tant attendue, est encore au milieu du gué. Des fautes graves ont été commises dans le passé, certes, mais la reconversion préélectorale du président n’a rien changé : les annonces de discours de Belfort sont très insuffisantes. Notre commission a en effet évalué nos besoins de nouveaux réacteurs à quatorze unités, alors que seulement six sont prévues.

Le développement massif de l’hydrogène issu de l’énergie nucléaire, pourtant nécessaire, n’a pour sa part pas été clairement annoncé. Pour cela, nous devons redonner à la filière des moyens financiers, bien sûr, mais aussi humains, et présenter à nos jeunes une perspective positive de leur avenir.

Par ailleurs, que dire des énergies renouvelables, si ce n’est que le Sénat vous presse d’agir ? Depuis 2020, notre commission a fait adopter quelque trente solutions de simplification dans les domaines de l’hydroélectricité, de l’hydrogène, du biogaz, de l’éolien, du photovoltaïque…

Lors de l’élaboration de ce rapport, nous avons orienté nos travaux vers les deux impensés du renouvelable : l’insuffisance du stockage des énergies renouvelables et notre dépendance minière en métaux stratégiques indispensables.

Ces aspects relèvent pour l’heure du débat d’experts, se tenant en quelque sorte à huis clos. En responsabilité, nous devons partager ce débat avec nos concitoyens et leur expliquer que, s’il faut bien sûr recycler, il est aussi important de se poser la question en France de l’extraction des métaux rares, notamment du lithium.

Nous allons devenir de gros consommateurs, et il nous faut non seulement assurer notre approvisionnement, mais aussi prendre nos responsabilités éthiques, en ne transigeant pas sur les conditions sociales et environnementales d’extraction.

Au bout du compte, les ménages comme les entreprises ont besoin d’une énergie disponible, abordable et décarbonée. C’est à la fois nécessaire pour notre vie économique et sociale et impératif au regard de nos engagements climatiques.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, en conclusion, je crois que nos échanges témoignent de deux choses.

Tout d’abord, la prise de conscience est là : débattre des vulnérabilités de notre économie n’est plus tabou. Cela nous permet de regarder en avant, ce qui constitue la première étape de la reconstruction attendue. L’impératif de souveraineté économique est désormais présent dans toutes les têtes – enfin !

Ensuite, cette politique de souveraineté n’est pas la caricature que certains veulent en faire : elle n’implique ni repli, ni contrainte, ni décroissance. Elle est porteuse d’espoir, et non source de division, et elle doit être menée à l’échelle européenne.

Que ce soit sur la question de la souveraineté industrielle, du numérique ou de l’énergie, notre assemblée peut et sait transcender les différences politiques : rédigé à six mains, voté à l’unanimité des membres de notre commission, ce rapport le démontre. Nous partageons un objectif de résilience, un projet pour refaire société et reconstruire ensemble le sens de notre nation.

Au-delà de l’exercice de ce soir, monsieur le ministre, j’émets le vœu que vous continuiez à associer pleinement le Parlement à ces débats essentiels, vous qui connaissez la vertu du travail parlementaire. Cela n’a pas été le cas pour la privatisation d’Aéroports de Paris (ADP), dont le cahier des charges, annexé à la loi Pacte, était une tartufferie, ni pour la vente des Chantiers de l’Atlantique, ni pour le débat autour des traités de libre-échange, ni, plus récemment, pour les discussions sur l’avenir d’EDF.

Enfin, je remercie les équipes de la commission des affaires économiques et nos collaborateurs, qui nous ont permis de produire un rapport de cette qualité.

Monsieur le ministre, je le réaffirme devant vous : le Sénat est prêt à être une force d’engagement et de propositions pour amorcer la nécessaire reconstruction de notre souveraineté. J’espère que le Gouvernement saura se montrer à l’écoute.

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