En raison du principe de libre administration des collectivités locales et des établissements publics, il revient au directeur général d'un hôpital et à son conseil d'administration de bien prendre en compte les menaces existantes et la manière dont il faut y répondre. Il en va de même des mairies - la mairie de Caen a pu s'appuyer sur un solide service informatique, qui a su prendre les mesures de précaution immédiates nécessaires. Une attaque récente contre l'hôpital de Cahors a également pu être déjouée assez facilement, car les investissements nécessaires avaient été réalisés.
De mémoire, 25 millions d'euros de crédits étaient inscrits au budget l'année dernière pour soutenir les hôpitaux ; le Gouvernement vient de décider de rajouter 20 millions cette année. Des crédits similaires sont alloués aux collectivités locales. Il appartient ensuite à chacune de ces structures de prendre les solutions nécessaires.
Nous sommes extrêmement sensibilisés à la question de la protection des câbles sous-marins. Il est plus complexe d'interrompre internet qu'un gazoduc, la redondance du système permettant au circuit de passer d'un câble à un autre. Nous réfléchissons, dans le cadre de la prochaine loi de programmation militaire, à la question des grands fonds marins et à la prévention des attaques. Nos sociétés étant de plus en plus numérisées, une interruption d'internet aurait des conséquences extrêmement dramatiques.
Lorsqu'il est possible de poursuivre les auteurs d'attaques sur le plan juridique, nous essayons de le faire. Toutefois, il est extrêmement difficile d'attribuer une cyberattaque à un pays. Il en va de même en matière d'ingérence numérique étrangère. Cela pose également un problème en termes d'assurance : la Lloyd's a décidé de ne plus réassurer les sinistres commis par des États à partir de 2023. La difficulté va résider dans notre capacité à attribuer une attaque à un État. Il s'agit d'un acte à la fois technique, juridique et politique.
La plus célèbre attribution est celle de l'aveuglement du satellite ViaSat, le matin de l'offensive russe en Ukraine. Il s'agissait d'aveugler les communications sur le champ de bataille, ce qui a également neutralisé les modems de ce satellite sur une bonne partie de l'Europe.
Il est sans doute possible de contre-attaquer, mais il faudra que vous interrogiez d'autres que moi sur cette question. Nous avons tous noté que les chemins de fer biélorusses, au début de l'attaque, ont connu des désagréments sans doute dus à la vétusté de certains appareils. C'est simplement arrivé au mauvais moment pour eux, et au bon moment pour les Ukrainiens...
Il s'agit également d'une guerre dissymétrique : en cas de coupure d'un service public en France, les médias en parleront et on nous demandera des comptes ; dans un certain nombre d'autres pays, personne n'osera protester...
On peut essayer d'identifier les hackers, de les rechercher et de mener des enquêtes efficaces. Ce fut le cas l'année dernière, les polices européennes réussissant à neutraliser plusieurs hackers agissant comme des relais russes. Un certain nombre de poursuites ont aussi pu être engagées, toujours contre des hackers russes, grâce aux renseignements fournis par leurs anciens associés pro-ukrainiens.
Lors du comité Olympique de juillet dernier, le chef de l'État et la Première ministre ont décidé que l'Anssi serait en charge du pilotage de la sécurité des Jeux Olympiques 2024. L'Agence est en train de mettre en place une série de dispositifs. Les opérateurs les plus sensibles feront l'objet d'une surveillance constante.
Nos relations avec les États-Unis sont à la fois indispensables et de qualité. La semaine prochaine, je me rendrai à Washington pour rencontrer mes homologues et discuter de ces questions. En général, ils nous ouvrent assez largement leurs portes. Bien évidemment, la formule selon laquelle un État n'a pas d'ami, mais seulement des intérêts, est toujours de mise. Il n'en demeure pas moins que les États-Unis sont pour nous un allié majeur, essentiel, de longue date, avec lequel nous avons pu avoir des différends, mais avec qui nous travaillons en confiance à la fois pour nous développer et pour assurer notre propre sécurité. Les services américains nous ont beaucoup aidés sur le sujet des menaces hybrides. Nous poursuivons cette collaboration, que nous souhaitons confiante et efficace.