Les chiffres de 2021 montrent une stabilisation, sur un palier haut, des attaques par rançongiciel et une pression toujours plus forte de l'espionnage. Il existe une vraie crainte autour des attaques pouvant engendrer des dégâts physiques. Les choses vont probablement continuer selon ce schéma en 2023 et 2024.
La question de la responsabilité se pose et se posera de plus en plus. Aujourd'hui, les responsables des hôpitaux sont davantage des victimes que des coupables. Nous les aidons et les incitons fortement à développer leurs défenses. En concertation avec le ministère de la santé, nous avons désigné plus d'une centaine d'hôpitaux « opérateurs de services essentiels ». Ce statut les oblige à se protéger, à mettre en oeuvre les règles de sécurité que nous imposons et à financer ces dispositifs. S'ils ne le faisaient pas, ce serait une forme de négligence que nous pourrions leur opposer dans une dizaine d'années, mais pas aujourd'hui.
En parallèle, le plan de relance est arrivé au bon moment pour aider les hôpitaux à faire un bilan. Nous avons financé des prestataires pour les aider à élaborer un plan d'action. Ces crédits, à hauteur d'une centaine de milliers d'euros par structure aidée, ont permis de débloquer les choses. Charge aux hôpitaux d'effectuer ce travail de rattrapage.
Dès lors que l'on s'interroge sur le paiement d'une rançon, il est déjà trop tard. Il n'y a plus alors de bonne solution. Il ne faut pas se tromper de message et dissuader fortement le paiement des rançons, qui va alimenter le crime organisé. Cet argent sera réutilisé pour attaquer encore plus de victimes. Toute disposition, quand bien même elle semblerait de bon sens, qui pourrait laisser croire que le paiement d'une rançon est quelque chose d'anodin enverrait un terrible message.
Bien évidemment, quand on n'a pas eu le choix, il faut systématiquement déposer plainte après paiement - le rappeler n'est pas forcément inutile. De même, cela permet de rassurer les assureurs qui peuvent ainsi intégrer le paiement dans une stratégie d'accompagnement de leurs clients. Pour autant, laisser penser qu'il suffit de payer pour tout régler serait totalement contreproductif.
La dissuasion est essentielle. Il nous faut durcir le ton. La voie judiciaire commence à donner des fruits grâce à l'entraide internationale. Nous avons rencontré de très beaux succès, qui nous encouragent dans cette voie. Mais nous savons que les attaquants et experts des services de renseignement de certains grands pays adverses resteront toujours hors d'atteinte. La voie judiciaire ne peut tout régler.
Je veux tout d'abord rappeler que la meilleure défense, c'est la défense, et que la prévention est absolument essentielle. À côté, il nous faut également disposer de capacités offensives mobilisables pour mettre une pression sur nos adversaires. Nous y réfléchissons avec nos partenaires américains. Il s'agit d'élever le coût des attaques pour nos adversaires.
Nous avons lancé des centres opérationnels en lien avec les conseils régionaux et les préfectures de région. Les choses se mettent en place dans douze de nos régions. Ce dispositif permet d'impliquer tout le tissu intermédiaire économique, ce que l'Anssi ne saurait faire seule. Disposer d'un centre opérationnel capable de répondre soit en amont, soit en cas de véritable attaque est essentiel.
Nous avons également mis en place les parcours de sécurité des collectivités locales et de quelques opérateurs publics, ce qui représente beaucoup d'argent, mais a permis d'élever véritablement le niveau de sécurité. Je dois vous avouer avoir utilisé une partie des crédits du plan de relance pour équiper l'Anssi à des fins de détection. Ces crédits, qui ne figurent pas techniquement au programme 129, me manqueront en 2023, ce qui risque d'entraîner une tension sur le budget de l'Anssi.
Une attaque systémique sur les hôpitaux serait catastrophique, mais difficilement réalisable en raison de l'hétérogénéité des systèmes numériques des établissements. Par contre, il ne serait pas possible de réaliser de délestage dans certains territoires ultramarins. Nous portons une attention particulière à ces questions et le plan de relance a également permis de développer des centres de ressources mutualisés dans les territoires d'outre-mer. Ces initiatives vont permettre de disposer de personnes compétentes sur place, ce qui est souvent la principale carence dont souffrent ces territoires.
Je ne dispose pas encore des chiffres de la plateforme cybermalveillance.gouv.fr, mais nous pourrons vous les faire parvenir. La plateforme permet d'aider de plus en plus de personnes à mesure qu'elle gagne en notoriété, comme le montrent les études. Elle devient même une sorte de capteur, qui nous permet d'anticiper certains phénomènes de cybercriminalité.
En ce qui concerne les accords entre l'Union européenne et les États-Unis sur le traitement des données, c'est une histoire qui se répète : l'accord Safe Harbor a été cassé par la justice européenne ; un deuxième accord, Privacy Shield, a également été cassé ; un troisième accord, que je ne connais pas, est en cours de négociation, mais je ne doute pas qu'il sera aussi cassé dans quatre ans. Plutôt que de nous lamenter, nous développons un référentiel, dénommé « SecNumCloud », pour détailler ce que nous attendons d'un système d'informatique nuagique à un haut niveau de sécurité. Le référentiel indique clairement que le contrôle des sociétés opérant ces services ne doit pas être extra-européen, afin de nous prémunir contre les arrêts de la justice européenne.
Les Jeux Olympiques vont beaucoup nous occuper. Le travail est en cours. Il est mené en lien étroit avec le ministère de l'intérieur. Nous allons devoir protéger deux types d'acteurs : ceux que l'on connaît déjà, avec lesquels les liens sont déjà établis, et ceux, beaucoup plus éphémères, qui sont liés à l'événement. À nous de nouer des liens rapidement pour que tout fonctionne le jour J. Nous savons déjà qu'il y aura des attaques. Il s'agit d'un moment idéal pour nos adversaires, alors que toutes les caméras du monde seront braquées sur nous.