Intervention de François Pillet

Réunion du 23 juin 2010 à 21h30
Répression des violences faites aux femmes. - violences au sein des couples — Article 3, amendement 50

Photo de François PilletFrançois Pillet, rapporteur :

L’amendement n° 50 vise, d’abord, à définir l’intérêt de l’enfant. Or telle qu’elle est considérée par les juges, cette notion me paraît d’ores et déjà prendre en compte la protection de ce dernier et le respect de ses droits.

Toute énumération visant à la définir pourrait en limiter le champ et l’affaiblir. Car cette notion de l’intérêt de l’enfant, elle est tous les jours en cours de définition devant les différents tribunaux. Et elle s’étend !

Si l’amendement n° 50 était adopté, il risquerait de créer des dangers d’interprétation a contrario. Établir une liste, c’est restreindre le champ. Parce qu’il n’y a pas lieu de distinguer quand la loi n’opère aucune distinction, il ne faut pas permettre aux juges de différencier.

Cet amendement fait référence aux « besoins fondamentaux » de l’enfant. Mais ce dernier n’a-t-il pas des besoins tout à fait légitimes qui doivent être protégés sans qu’ils soient nécessairement « fondamentaux » ? Avec l’adoption de ce texte, on reviendrait sur la jurisprudence des juges aux affaires familiales.

L’amendement n° 50 tend, ensuite, à obliger le juge à priver du droit d’hébergement le parent condamné pour violences sur l’autre parent. Il vise également à contraindre le magistrat à organiser le droit de visite dans un espace de rencontre médiatisé, ce droit étant exercé sous la surveillance d’une association habilitée.

L’idée qui sous-tend cette proposition, c’est que l’auteur des violences, quelle que soit leur gravité, ne peut pas être un bon parent et qu’il instrumentalisera le droit de visite pour nuire à l’autre parent. Non ! Cette idée est loin de faire l’unanimité et la situation visée n’est pas celle dont traitent habituellement les tribunaux.

De plus, cet amendement remet en cause le principe cardinal au nom duquel il importe de maintenir, dans la mesure du possible, un lien entre l’enfant et ses deux parents. Il est contraire à l’idée selon laquelle il revient au juge de tout mettre en œuvre, lorsque cela est envisageable, afin d’instaurer un apaisement entre les époux.

Il est d’ores et déjà prévu qu’un parent puisse être totalement privé du droit de visite et d’hébergement pour des motifs graves. Je parle d’expérience, cela se produit beaucoup plus souvent que vous ne le pensez. Dès lors que deux témoignages et un certificat médical font craindre au juge aux affaires familiales des violences particulières, susceptibles d’avoir un retentissement sur la psychologie de l’enfant et de le marquer, il puise dans les trames informatiques à sa disposition et prononce le sursis à statuer sur le droit d’hébergement de l’enfant jusqu’à ce qu’une enquête sociale soit ordonnée. Au vu des résultats de cette dernière, il précisera et définira ensuite sa position.

Mais d’ores et déjà, même dans des situations où cela vous paraît inimaginable, le juge sursoit à accorder le droit de visite et d’hébergement au parent violent.

En outre, la proposition de loi, telle qu’elle est actuellement rédigée, prend déjà en compte cette problématique des violences puisque l’article 3 bis impose au juge de la considérer lorsqu’il devra se prononcer sur l’attribution de l’autorité parentale.

De la même manière, l’article 3 vise à garantir la sécurité de la victime lors de « la remise directe de l’enfant à l’autre parent ». L’introduction de l’adjectif « directe » sur l’initiative du Sénat apporte une précision supplémentaire. En effet, la remise de l’enfant, c’est quelquefois le moment critique, celui où peuvent se cristalliser d’anciennes violences.

Le Sénat a procédé à une révision totale des pouvoirs du juge aux affaires familiales. En tout cas, il l’a invité à redoubler d’attention au moment de la remise de l’enfant.

C’est la raison pour laquelle, tout en reconnaissant que l’amendement n° 50 n’est pas dépourvu d’intentions louables, j’émets, au regard de ses effets, au nom de la commission des lois, un avis défavorable.

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