Intervention de Emmanuel Moulin

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 5 octobre 2022 à 9h30
Projet de loi de finances pour 2023 — Audition de M. Emmanuel Moulin directeur général du trésor

Emmanuel Moulin, directeur général du Trésor :

La Chine a beaucoup de réserves. Or le marché le plus liquide et le plus sûr est celui de la dette américaine. Le pourcentage de détention chinoise a cependant plutôt baissé ces derniers temps, bien que je n'aie pas les chiffres les plus récents. Il s'agit d'un sujet moins systémique que dans le passé ; on assiste à une diversification de la Chine dans l'investissement de ses réserves. De plus en plus d'investissements se font vers des actifs réels, d'autant que les taux d'intérêts sur les Treasury Bills ont été négatifs pendant toute une période.

Concernant les prêts de la Chine, vous avez raison de souligner l'originalité de cette politique. De nombreuses ONG et des centres de recherches dénoncent ces prêts chinois, souvent garantis par des actifs réels. C'est le cas au Sri Lanka, où un port a été pris en garantie.

La France oeuvre en deux directions.

Tout d'abord, nous fixons des exigences de transparence en matière d'endettement, avec la Banque mondiale et le FMI. C'est un sujet qui concerne la Chine mais aussi les pays emprunteurs, qui ne sont pas toujours très transparents quant à la publication des prêts contractés. Cela a été le cas avec la Zambie, qui a sollicité un prêt auprès de la China Development Bank, qui n'était pas présenté comme un emprunt souverain alors qu'il l'était de facto.

Notre deuxième voie d'action passe par le cadre commun. La Chine a été inclue dans le cadre de négociation des dettes des pays les plus pauvres. Cela nous permet de confronter nos informations avec celles des Chinois, et ainsi d'avoir une vision assez claire de l'endettement de ces pays (comme pour la Zambie ou le Tchad). Cela nous permet aussi de pousser la Chine à entrer dans un processus multilatéral d'allégement de dettes. Cela prendra du temps. Il faudra tout particulièrement suivre le dossier zambien, qui permettra de mesurer si la Chine peut effectivement s'engager à un processus multilatéral de réduction de la dette.

Je partage vos préoccupations sur les pratiques chinoises d'endettement. On constate cependant sur les années récentes une très forte baisse des engagements chinois à l'égard du reste du monde, la Chine prenant probablement conscience des risques de cette politique.

Nous avons arrêté nos prêts au Sri Lanka car nous ne prêtons pas aux pays en défaut. La reprise de nos activités dans ce pays passe soit par des dons (le Sri Lanka - pays intermédiaire et non pas pays en développement - n'y était cependant jusqu'ici pas éligible), soir par la restructuration de sa dette, qui ne pourra se faire qu'avec les créanciers du Club de Paris ainsi qu'avec la Chine et l'Inde, qui sont deux créanciers majeurs.

Les prêts de l'AFD sont la plupart du temps identifiés sur des projets précis. Cependant, il peut y avoir des soutiens budgétaires à des États pour la mise en oeuvre d'une politique en général. Nous disposons d'outils de due diligence et de compliance pour s'assurer que les fonds sont bien employés pour leur destination prévue. Mais l'argent reste fongible. Nous voulons cependant limiter le montant des prêts programmes et privilégier plutôt les prêts projets dans l'action de l'AFD. Cela fera partie des discussions que nous aurons dans le cadre du contrat d'objectifs et de moyens (COM).

S'agissant des allocations DTS, une note vous sera communiquée. Notre allocation DTS s'établit à une vingtaine de milliards de dollars. Le Président de la République a souhaité qu'il y ait une réallocation de 20%, soit 4 milliards (1 milliard au FRPC et 3 milliards au RST - Fonds pour la résilience et la soutenabilité). Après l'assemblée générale de l'ONU, le Président de la République a demandé de rehausser cette réallocation à 30%, ce qui emporte des conséquences budgétaires qu'il faudra prendre en compte.

S'agissant de l'association du Parlement aux exportations d'armes, un rapport a été établi et vous avez prévu une audition sur ce sujet. Le travail est donc en cours.

Sur les crédits consacrés à la communication, l'AFD pourrait davantage vous répondre. Au sein du programme 110, nous n'avons pour notre part aucun crédit dédié à la communication.

Vous avez soulevé un véritable sujet s'agissant du Surinam. À l'égard de ce pays, la France agit dans le cadre de l'organisation multilatérale du club de Paris. Chaque État ne peut donc pas inclure ses propres conditionnalités. Nous n'avons donc pas de conditionnalités particulières sur les politiques de migration. Au sein des programmes FMI, il en existe, qui sont néanmoins davantage d'ordre macroéconomique. On peut espérer que la stabilisation de la situation économique du Surinam contribuera aussi à limiter les flux d'immigration en destination de la Guyane.

La francophonie est de facto un critère dans l'attribution des aides puisque notre zone de développement prioritaire comprend énormément de pays francophones. Notre action bilatérale se dirige plutôt en priorité vers des pays francophones. Les institutions multilatérales n'ont pas les mêmes préoccupations que nous. Nous nous assurons néanmoins que la place du français est bien défendue dans ces organisations, que ce soit à Washington ou à Bruxelles. J'étais hier au Conseil « Affaires économiques et financières » (Ecofin) de l'UE, où nous parlons français !

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion est close à 12 h 30.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion