Intervention de Jacques Fernique

Commission des affaires européennes — Réunion du 11 octobre 2022 à 8h35
Institutions européennes — Conseil européen des 20 et 21 octobre 2022 - Audition de Mme Laurence Boone secrétaire d'état auprès de la ministre de l'europe et des affaires étrangères chargée de l'europe

Photo de Jacques FerniqueJacques Fernique :

Avec les crises consécutives à l'invasion russe, ce Conseil européen s'inscrit dans un contexte qui s'est durci dans un sens contraire au renforcement européen, voire aux valeurs européennes. Le respect de l'État de droit, la protection des minorités et la démocratie sont-ils encore des acquis intangibles ? Les replis nationalistes et populistes montent. La régression menace la construction européenne et la tenue des objectifs écologiques - pourtant limités - définis par le Green Deal. Le report au second plan de la mise en place des ressources propres risque fort, à terme, de contraindre l'Europe à réduire la voilure de ses politiques.

La hausse vertigineuse des coûts énergétiques provoque l'impatience des citoyens et des élus locaux, qui attendent des politiques qu'ils apportent des réponses à la hauteur de ce nouveau mur, après ceux de la pandémie, de la reprise et de la résilience, et après celui de la riposte commune à la Russie. Allons-nous vers une certaine dislocation européenne, et retomber dans les errements du chacun pour soi et des renoncements ? Les décisions énergétiques prises actuellement, notamment sur les infrastructures, vont nous engager durablement. La France, comme d'ailleurs l'ensemble des députés européens - à l'exception évidemment de ceux du Rassemblement national -, a raison de s'opposer au projet de gazoduc MidCat (Midi-Catalogne) qui nous enfermerait dans la dépendance au gaz pendant plusieurs décennies encore, sapant nos objectifs de décarbonation. Il faut refuser une entorse majeure au principe de non-financement d'infrastructures pour des énergies fossiles ; y renoncer serait un précédent dans lequel se précipiteraient d'autres États derrière l'Espagne et l'Allemagne.

Il est urgent de plafonner intelligemment les prix de l'énergie à la consommation, sans pénaliser les ménages les plus modestes. Ce serait une erreur d'opérer mécaniquement un simple plafonnement avec une quantité de base de 80 % plus accessibles et les 20 % restants bien plus chers. La Ministre Mme Pannier-Runacher parlait de sobriété, mais l'impératif de justice sociale doit être pris en compte, de même que le paquet Fit for 55. Les trilogues doivent étendre le marché carbone européen au bâtiment et aux transports. Le Parlement européen propose de limiter cette extension aux usages commerciaux. Évitons une nouvelle crise des Gilets jaunes. La fiscalité environnementale ne peut pas peser injustement sur les ménages populaires qui souvent n'ont pas le choix.

Il semblerait que le trilogue d'hier n'ait pas porté ses fruits, voire ait été qualifié de perte de temps. Pouvons-nous espérer de réelles avancées pour le prochain trilogue le 10 novembre ? La commission devrait produire ses propositions de retour, voire de réforme des règles budgétaires européennes suspendues. Il serait désastreux de suivre les frugaux qui prônent le retour strict aux critères antérieurs. Nous avons besoin de réformer ces règles, car le pacte de stabilité serait un carcan qui compromettrait effectivement les investissements d'avenir dans la transition écologique, la cohésion et la justice sociale. Des compromis sont possibles si la gouvernance européenne arrive à sortir du strict quantitatif en insérant du qualitatif, de l'environnemental et du social dans ces critères et si, pour fixer le seuil d'endettement, elle prend en compte l'amortissement des investissements écologiques et sociaux d'avenir.

Nous souhaitons que le Conseil soit plus actif sur les atteintes à l'État de droit. La procédure de l'article 7 est ouverte depuis quatre ans contre un Etat membre. En attendant, les personnes LGBT sont la cible d'attaques de plus en en plus violentes en Hongrie et en Pologne. Que deviennent les valeurs européennes lorsqu'en Hongrie, on veut obliger les médecins à faire écouter le battement du coeur du foetus aux femmes souhaitant avorter ?

L'Union européenne doit aussi peser autant qu'elle le peut sur le régime iranien pour défendre les droits des femmes.

La méthode de pêche dite « senne démersale », venue des Pays-Bas, est aussi une régression : de vastes filets de pêche soulèvent des sédiments et rabattent les poissons, y compris les plus petits, rasent des zones entières, et mettent en péril nos pêcheurs artisanaux. Jeudi dernier, le Gouvernement français a balayé durant le trilogue l'amendement adopté par le Parlement européen qui donnait l'opportunité d'interdire cette méthode de pêche industrielle et destructrice de la mer. Que reste-t-il du discours de Lisbonne en faveur de la protection des fonds marins ? Sommes-nous crédibles ?

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