Commission des affaires européennes

Réunion du 11 octobre 2022 à 8h35

Résumé de la réunion

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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Rapin

Les contraintes d'agenda du Gouvernement nous conduisent à nous réunir aujourd'hui dans une configuration et à un horaire inédits pour organiser le débat usuel au Sénat avant chaque réunion ordinaire du Conseil européen. Mais l'essentiel est que ce débat ait lieu. Il est en effet fondamental, surtout dans les heures graves que nous traversons, de pouvoir échanger avec vous, madame la secrétaire d'État, en amont des décisions importantes que les États membres devront prendre lors du prochain Conseil européen des 20 et 21 octobre.

Les événements se précipitent, si bien que les chefs d'État ou de gouvernement des Vingt-Sept se sont déjà réunis vendredi dernier à Prague. Ils ont formulé le même diagnostic sur l'utilisation de l'arme énergétique par la Russie, qualifiée de « missile » tiré sur le continent européen par le président du Conseil européen, Charles Michel. Ils ont aussi souscrit à l'ambition commune de faire baisser les prix des ressources énergétiques : leur hausse entraîne des conséquences considérables sur l'économie européenne.

Ils ont toutefois constaté leurs divisions sur les moyens de remédier à cette crise, alors qu'il y a urgence à trouver des compromis pour alléger concrètement le fardeau des citoyens et des entreprises de l'Union européenne (UE). Sans attendre, l'Allemagne a déjà annoncé, il y a une dizaine de jours, un plan de 200 milliards d'euros en vue de protéger son économie contre la hausse des prix de l'énergie, une forme de « bouclier anti-missile » non pas européen, mais national. Le président Macron s'est engagé à « convaincre » les autres Européens - et à surmonter certaines des réticences allemandes - sur le bien-fondé d'un dispositif de plafonnement commun des prix du gaz servant à produire de l'électricité, tout en prévoyant des mécanismes de financement solidaire européen préservant l'unité du marché unique. Ce travail de conviction a-t-il déjà commencé à porter ses fruits ? Nous n'avons pas à pallier les erreurs de stratégie énergétique de certains membres.

Le plafonnement des prix ne risque-t-il pas de priver l'Union d'approvisionnement en gaz ? Dans quelle mesure peut-on espérer trouver une réponse commune et efficace à la crise de l'énergie qui frappe l'UE ?

Deuxième enjeu décisif du prochain sommet : l'Ukraine. Alors que l'UE vient de convenir d'un huitième train de sanctions, nous vivons depuis hier une escalade du conflit : ne parvenant pas à prendre l'avantage après sept mois de guerre et défiée par la destruction du pont de Crimée, la Russie procède désormais à des bombardements aveugles qui s'apparentent à des crimes de guerre. La Biélorussie menace d'ouvrir un nouveau front dans le conflit en désignant la Pologne, la Lituanie et l'Ukraine. Quelles mesures l'UE peut-elle prendre pour arrêter ce triste massacre ? Les nouvelles livraisons d'armes envisagées par l'Union sont-elles la seule réponse à apporter ?

Troisième sujet collatéral : la Communauté politique européenne (CPE) qui a vu le jour à Prague jeudi dernier. En plus des 27 membres de l'UE, celle-ci a réuni 17 États, dont les trajectoires diffèrent radicalement : qu'ont en commun la Norvège, l'Ukraine, la Suisse, la Turquie, le Royaume-Uni, la Serbie et l'Azerbaïdjan ? Que peut-on espérer de cette nouvelle organisation ? Le président Macron l'avait présentée comme une communauté politique, c'est-à-dire une communauté de valeurs. Or certains des États participants s'éloignent clairement des valeurs de l'Union. Aussi, je m'interroge sur l'objet de cette communauté, qui aurait pu apparaître comme une réponse à l'Organisation de Shanghaï pour la coopération, récemment réunie sur l'initiative de Vladimir Poutine, si certains pays n'avaient pas participé à ces deux rencontres. Pourriez-vous nous éclairer sur la vision française de l'avenir de la Communauté politique européenne après cette première réunion ?

J'indique que cette audition fait l'objet d'une captation vidéo qui sera retransmise en direct sur le site du Sénat et disponible en vidéo à la demande.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Après les bouleversements induits par la crise sanitaire apparue en 2020, l'année 2022 devait prolonger le retour à une plus grande stabilité des finances européennes amorcé l'année dernière. Mais la guerre en Ukraine et la crise énergétique en ont décidé autrement. À tel point que plusieurs sujets largement débattus au cours des mois écoulés sont désormais relégués au second plan - je pense à la question des ressources propres de l'Union.

Je concentrerai donc mon intervention sur la question énergétique, et plus précisément sur les réponses que les États et l'Union peuvent apporter en matière de soutiens financiers pour traverser cette crise.

Il y a moins d'une semaine, la Commission européenne a proposé aux États membres d'instaurer un plafonnement temporaire des prix du gaz. Pouvez-vous nous en dire un peu plus, madame la secrétaire d'État, sachant par ailleurs que la présidente de la Commission a présenté cette proposition comme « une première étape vers une réforme structurelle du marché de l'électricité » ?

Pour atténuer les effets de cette crise sur les agents économiques, les pays membres de l'Union ont tous mis en place des réponses nationales, jusqu'à ce que l'annonce par l'Allemagne d'un plan de soutien de 200 milliards d'euros provoque une prise de conscience quant au risque de fragmentation du marché intérieur. Une réponse coordonnée à la dégradation des comptes des entreprises les plus touchées par l'augmentation des prix de l'énergie et les risques de réduction d'activité que celle-ci induit vous paraît-elle possible ?

Enfin, l'ensemble des pays membres souscrivent à l'objectif de renforcer l'autonomie stratégique de l'Union en diversifiant leurs sources d'approvisionnement en énergie.

Quelque 20 milliards d'euros supplémentaires seront consacrés au volet « REPowerEU » inclus dans l'enveloppe financière de la Facilité pour la relance et la résilience (FRR) afin d'aider les États membres à faire face au choc créé par la hausse vertigineuse des prix du gaz, et plus largement, à la crise des prix de l'énergie. Pouvez-vous nous apporter des précisions sur leur répartition ?

Debut de section - Permalien
Laurence Boone, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée de l'Europe

Je me plie pour la première fois avec plaisir à l'exercice du débat préalable au Conseil européen.

Au cours du mois d'octobre, la présidence tchèque a réuni les chefs d'État ou de gouvernement en raison de trois chocs majeurs : la guerre en Ukraine, la crise énergétique et la situation économique de l'UE. Je serai prudente, car la situation évolue tous les jours : nos positions sont susceptibles d'être adaptées en conséquence.

L'agression russe contre l'Ukraine figurera encore au coeur des échanges du prochain Conseil européen. À la suite de son entretien avec Volodymyr Zelensky, le Président de la République a indiqué hier que notre soutien politique, humanitaire, économique et militaire à l'Ukraine serait conforté. À la fin du mois de septembre, l'UE avait renforcé les sanctions à l'encontre de la Russie après les simulacres de référendum dans les provinces orientales de l'Ukraine. Les bombardements d'hier marquent une nouvelle escalade : ces frappes visant des infrastructures civiles - et donc la population - sont constitutives de crimes de guerre, comme l'a déclaré la ministre Catherine Colonna hier.

Dans ce contexte, l'UE souhaite affaiblir durablement la Russie afin d'asphyxier l'effort de guerre. Le nouveau paquet de sanctions qui vient d'être adopté resserre l'étau : c'est notamment l'objet du mécanisme visant à plafonner le prix d'achat du pétrole russe pour les pays tiers. Cela contribuera à réduire les revenus de la Russie, tout en maintenant la stabilité des marchés internationaux.

Outre de nouvelles mesures sectorielles et la désignation de 29 personnes et sept entités, ce paquet prévoit l'ajout d'un critère permettant de sanctionner les individus. L'arsenal législatif est très complet et provoque des conséquences très importantes sur l'économie russe. La production automobile y a ainsi chuté de 70 % depuis le mois d'août 2021. Ces sanctions pourront être renforcées à tout moment non seulement contre la Russie, mais aussi contre la Biélorussie, si celle-ci s'engage dans la guerre.

J'en viens à l'aide que nous apportons à l'Ukraine. Sur le plan militaire, nous soutenons la création d'une mission européenne d'assistance militaire. Sur le plan financier, la France plaide pour un décaissement rapide de la deuxième tranche d'aide à l'Ukraine. Nous souhaitons entamer les négociations en vue d'aboutir à un accord avant la fin de l'année sur la troisième tranche d'aide, d'un montant de 3 milliards d'euros. Sur le plan politique, une perspective européenne est offerte à l'Ukraine. Le premier sommet de la CPE a également été très utile. La deuxième réunion de cette instance, qui vise à nouer des liens forts entre tous les pays européens, qu'ils soient ou non membres de l'UE, se tiendra en Moldavie et permettra d'avancer sur des coopérations concrètes. Sur le plan humanitaire, la protection temporaire autorisant les réfugiés ukrainiens à vivre et à travailler sur le territoire de l'UE sera prolongée jusqu'en 2024.

La conférence de Berlin, prévue le 25 octobre prochain, abordera la question de la reconstruction. Elle vise à coordonner les différents types d'aide apportée à l'Ukraine, en lien avec les organisations internationales notamment.

Le Conseil européen se penchera également sur la question de l'insécurité alimentaire mondiale. L'UE a créé des corridors de solidarité, qui ont permis à l'Ukraine d'exporter plus de 10 millions de tonnes de céréales. Nous avons aussi consenti une aide directe aux pays vulnérables, via l'initiative Food & Agriculture Resilience Mission (Farm), dont le déploiement se poursuit, en lien avec l'Union africaine (UA).

Le Conseil européen abordera la question des réfugiés russes ayant fui leur pays depuis l'ordre de mobilisation, ce qui témoigne de la force de l'opposition interne. Le statut accordé à ces ressortissants, notamment l'octroi éventuel d'un visa, fait débat ; nous souhaitons que les États membres adoptent une approche commune sur cette question.

J'en viens à la crise énergétique, deuxième point à l'agenda. Le Conseil européen reviendra sur les grandes thématiques abordées lors du Conseil des ministres de l'énergie extraordinaire du 30 septembre dernier. Celles-ci portent sur la réduction de la demande d'électricité, la contribution de solidarité temporaire des entreprises fossiles, la captation de la rente des producteurs d'électricité et le soutien apporté aux ménages et aux entreprises. Ces derniers ne peuvent supporter seuls le coût de la crise actuelle. L'ensemble de ces mesures seront déclinées en France dans le projet de loi de finances pour 2023. Nous devons toutefois aller plus loin et prendre de nouvelles décisions européennes en vue de réduire le coût de la facture énergétique, notamment le plafonnement des prix du gaz -importé de Russie et sur les marchés de gros- et la création d'une plateforme d'achats en commun. Nous souhaitons également diminuer le prix de l'électricité.

Vendredi dernier, la présidente de la Commission européenne a entendu ces messages et plusieurs États membres ont plaidé en faveur d'une accélération des discussions à ce sujet et d'une réponse forte et coordonnée à l'échelle européenne, susceptible de s'inspirer du modèle ibérique.

La Russie poursuit l'instrumentalisation de l'approvisionnement énergétique de l'UE en réduisant ses livraisons de gaz. Elle n'est plus un partenaire fiable. La France soutient une réforme structurelle des marchés de l'énergie en vue de parvenir à un marché plus cohérent et moins volatile ; des propositions seront formulées sur ce point par la Commission d'ici à la fin de l'année.

Le Conseil européen abordera également la situation économique : l'inflation pèse sur les perspectives de croissance et suscite de l'inquiétude chez nos concitoyens. La croissance a toutefois continué de progresser au deuxième trimestre de l'année 2022 dans la plupart des pays européens ; celle de la zone euro s'établit à 0,6 % ce trimestre. Cela dit, l'inflation a parallèlement progressé de plus de 10 % en septembre, contre 9,1 % au mois d'août. La France se distingue avec une inflation limitée à 6,2 %, grâce aux décisions prises par le Gouvernement. De nouvelles mesures sont cependant nécessaires. Un nouveau chèque énergie sera créé pour les plus modestes et le bouclier tarifaire sera prolongé. Veillons toutefois à ce que les mesures nationales ne créent pas de trop grandes divergences au sein de la zone euro, en vertu de l'encadrement temporaire des aides d'Etat que la Commission vient de présenter. Une nouvelle action économique commune de solidarité sera peut-être décidée au niveau européen, car tous les États membres ne disposent pas des mêmes marges de manoeuvre. Tel est le sens du plan REPowerEU.

Ces différentes crises témoignent de la nécessité de réviser notre modèle de gouvernance économique. D'ici à la fin du mois, la Commission proposera une réforme du pacte de stabilité et de croissance. Le Président de la République rappellera la position française : un cadre commun solide s'impose pour assurer la viabilité de nos finances publiques, mais aussi pour soutenir la croissance en vue de renforcer l'autonomie européenne. Ces règles doivent tenir compte de la spécificité de chaque État membre. Chaque pays doit se les approprier via un dialogue fructueux avec la Commission pour rendre le cadre commun plus efficace.

En matière de relations extérieures, les relations entre l'UE et la Chine figureront au programme des discussions. Depuis 2019, celles-ci se définissent selon le triptyque partenariat, coopération et rivalité systémique. Certes, celui-ci reste pertinent, mais les rapports avec la Chine sont aujourd'hui davantage marqués par la rivalité. Je pense à la position chinoise sur la guerre en Ukraine ou à la montée des tensions dans le détroit de Taïwan. Notre relation économique avec la Chine doit être rééquilibrée et nous devons poursuivre la diversification de nos chaînes d'approvisionnement. Cela dit, la Chine reste un partenaire de coopération indispensable pour certains sujets, tels que la lutte contre le changement climatique, la protection de la biodiversité ou encore la santé mondiale.

Nous maintiendrons une approche ferme sur la défense des droits de l'homme. La proposition de règlement relatif à l'interdiction de la vente des produits issus du travail forcé sur le territoire de l'UE en témoigne.

Le Conseil européen abordera la préparation de plusieurs échéances internationales, telles que la COP 27, accueillie cette année par l'Égypte. Les émissions de gaz à effet de serre augmentent et les tensions sur les marchés énergétiques menacent l'intégrité des engagements internationaux.

La préparation du sommet entre l'UE et l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (Asean), qui aura lieu au mois de décembre, figurera également au programme des discussions. L'Asean occupe une place centrale dans la région indo-pacifique. La Birmanie ne devra être en aucun cas présente à ce sommet : la France estime nécessaire de maintenir l'exclusion de la junte au pouvoir.

Debut de section - PermalienPhoto de Cyril Pellevat

Les succès militaires de l'armée ukrainienne renversent le rapport de force sur le théâtre des opérations. Ils témoignent du courage des Ukrainiens et de l'efficacité du soutien apporté par les nations occidentales à l'Ukraine en matière de renseignement, d'armement, de formation et de planification. Notre appui ne doit pas faiblir vous nous avez rassurés sur ce point, madame la secrétaire d'État. Une nouvelle mobilisation de la Facilité européenne pour la paix (FEP) est-elle envisagée ?

Face aux revers, Poutine a choisi la fuite en avant : le chantage nucléaire, la mobilisation partielle et les simulacres de référendums en témoignent. Le Conseil européen vient d'adopter un huitième paquet de sanctions, prévoyant, entre autres, un plafonnement du prix du pétrole russe transporté par les navires européens vers les pays tiers. Patrick Pouyanné, président-directeur général de TotalEnergies, a estimé que cette mesure pouvait être contre-productive. Alors que la production de pétrole diminue et que l'embargo européen sur le pétrole russe acheminé par voie maritime est sur le point d'entrer en vigueur, comment le Gouvernement et les autorités européennes anticipent-ils cette nouvelle situation ? Certes, parvenir à un accord a suscité beaucoup d'efforts, mais il était primordial que l'UE présente un front uni. Nous devons aborder la menace en rangs serrés.

Cette exigence d'unité, nécessaire pour faire face aux défis immédiats, ne doit pas nous empêcher d'examiner avec lucidité les enjeux de long terme. En matière énergétique, l'offre risque de ne pas pouvoir couvrir la demande. Tel est le sens des plans d'urgence établis par les États membres. Nous ne pourrons toutefois pas continuer indéfiniment à diminuer notre demande en électricité. Quoi qu'on en pense, l'énergie nucléaire sera indispensable. Avec Euratom, elle a représenté l'un des piliers de la construction européenne. Elle est pourtant aujourd'hui largement absente de la réflexion énergétique du continent et fait l'objet d'un travail de sape constant. Il est grand temps de regarder la réalité en face.

Le Conseil européen a adopté des mesures visant à taxer les superprofits des entreprises du secteur des énergies fossiles et à plafonner les recettes des producteurs d'électricité dits inframarginaux. Le texte adopté prévoit une répartition éventuelle du produit du plafonnement entre les États membres. Si les importations nettes d'électricité d'un État membre étaient en 2021 supérieures ou égales à sa production intérieure, un accord de partage de recettes doit être conclu au plus tard le 1er décembre 2022 entre cet État et son principal pays fournisseur. La France sera-t-elle concernée par ce mécanisme ? Celui-ci pourra-t-il être activé de manière optionnelle ? Quels sont les principes généraux régissant l'exécution de ces contrats ?

Pourriez-vous dresser un état des lieux de l'avancée de la réforme du marché européen de l'électricité ? Le scénario d'un découplage des prix du gaz et de l'électricité se confirme-t-il ? Les États membres parviendront-ils à un accord rapide ? Faute de réforme conduisant à une baisse du prix du mégawattheure, de nombreuses entreprises se retrouveront en difficulté, malgré les aides de l'État. Je pense aux stations de ski, dont tous les espoirs reposent sur cette réforme.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

En préambule, je souhaite affirmer notre solidarité avec le peuple ukrainien qui fait face à des crimes de guerre depuis six mois et à des attaques terroristes massives depuis hier. Celui-ci défend non seulement le droit à vivre sur son territoire, mais aussi le droit à l'autodétermination.

Quelle aide pouvons-nous lui apporter si des infrastructures vitales sont détruites au cours des prochaines semaines ? Comment mieux coordonner l'aide humanitaire ?

Les débats actuels sur l'énergie nous ramènent aux sources de l'UE : comment bénéficier d'une énergie peu chère de manière solidaire ? Avons-nous progressé en soixante-dix ans ? Se chauffer cet hiver relève de l'urgence. Nous devons toutefois prendre des décisions en cohérence avec nos objectifs de lutte contre le changement climatique.

La France et l'Allemagne, les deux plus grosses économies européennes, ne sont pas des exemples pour les autres États membres : la France a des difficultés pour produire son électricité et l'Allemagne a construit sa politique énergétique sur la dépendance au gaz russe. Comment reconstruire une solidarité européenne alors que nos deux pays sont perçus comme défaillants ? Le décalage entre les moyens nationaux décidés par chaque État membre n'aura-t-il pas pour conséquence la dérégulation des marchés européens ?

Nous constatons aujourd'hui les effets délétères de la dépendance à la Russie. Comment peut-on envisager de reproduire le même modèle avec l'Azerbaïdjan ? Privilégions sur le long terme les coopérations avec les pays du Sud en matière d'infrastructures de transport d'hydrogène solaire.

La guerre en Ukraine minore la place de l'UE dans l'économie mondiale. L'euro baisse et les taux d'intérêt augmentent. Ces signes ne préfigurent-ils pas une grande crise financière ? Dans ces conditions, comment éviter une crise bancaire et un krach immobilier ?

Nous devons approfondir nos relations avec les pays du sud de la Méditerranée qui font face actuellement à une crise alimentaire et à une inflation croissante. Ceux-ci se sentent victimes d'une guerre qui n'est pas la leur. La limitation des visas décidée par le Gouvernement détruit les relations historiques qui nous unissent et empêche le développement d'une politique de solidarité entre nos pays.

J'en viens à la CPE. Il est difficile d'envisager une coopération politique avec l'Azerbaïdjan. Quelle est l'utilité de cette structure si ses pays membres ne partagent rien en commun ?

Madame la secrétaire d'État, je souhaite aborder trois sujets que vous n'avez pas évoqués. Comment exprimer notre soutien à l'égard des combattantes de la liberté en Iran ? L'UE doit être solidaire de ce combat pour la liberté.

Si nous n'aidons pas les pays de première entrée - ceux dans lesquels arrivent les étrangers pour la première fois dans l'UE -, les populismes et l'extrême droite progresseront en Europe, comme le montre le résultat des élections en Italie.

Le respect de l'État de droit, l'indépendance de la justice en Pologne et la lutte contre la corruption en Hongrie doivent aussi continuer à retenir l'attention de l'UE.

En conclusion, je salue le rôle de l'UE, qui a permis à Bruno Le Maire de découvrir l'existence des superprofits.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Louault

La première réunion de la CPE s'est tenue à Prague le 6 octobre dernier. Même si cette instance suscitait un certain scepticisme, tous les États invités ont répondu présents. Toutefois, des doutes subsistent : la taille de la nouvelle structure constitue le premier obstacle à la prise de décision commune, sans parler de la diversité politique des pays membres. Quelle sera sa composition finale ? Comment s'établiront les relations avec l'UE ? Comment les décisions seront-elles prises ? La CPE disposera-t-elle d'un budget propre ?

Nous sommes très inquiets de la situation en Ukraine, qui contribue à relancer la question de la défense européenne. La contribution européenne en matière d'armements est dérisoire par rapport à celle des États-Unis. Il est urgent de créer une coopération européenne en matière de défense.

Conséquence directe de la guerre, nous subissons la plus grave crise énergétique depuis le choc pétrolier de 1970. Le Gouvernement français et d'autres pays européens ont engagé différentes mesures, avec des moyens financiers très importants pour l'Allemagne. Emmanuel Macron appelle les élus à être patients et à ne pas signer de contrats énergétiques actuellement, estimant plus judicieux d'attendre l'issue du prochain Conseil européen. Un bouclier tarifaire européen serait en cours de négociation, avec l'accord de l'Allemagne. Madame la ministre, obtiendrons-nous bientôt cet accord ?

La communauté européenne doit, aux côtés de la France, montrer les dents et prévoir des représailles plus précises contre l'Iran - même si l'on observe ces jours-ci un petit affaiblissement de sa part, voire un début de concertation. Les droits de l'homme, et les droits de la femme en particulier doivent marquer les valeurs de l'Europe unie. Ce point sera-t-il évoqué lors du Conseil européen des 20 et 21 octobre ?

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

Au vu des points affichés à l'ordre du jour du prochain Conseil européen, l'Europe est peut-être en train de changer de paradigme. Jusqu'à peu, les thèmes abordés renvoyaient de manière quasi obsessionnelle à la construction du marché unique et à ses politiques sectorielles dérivées. Les sujets géopolitiques apparaissaient en fin de menu et ne faisaient l'objet que d'un rapide tour de table pour constater nos divergences ; en parler, c'était comme acter que notre continent n'était plus, depuis des décennies, l'épicentre du monde.

La guerre en Ukraine rebat les cartes d'une Europe presque entièrement dédiée à la production de normes, de standards, de directives, de règlements très techniques visant à mettre en oeuvre les fameuses quatre libertés par ruissellement, pour accoucher d'une Europe toujours plus étroite. Dans un discours assez prémonitoire de janvier 1989 devant le Parlement européen, Jacques Delors prévenait qu'on ne tombait pas amoureux d'un grand marché. Mais dans les années suivant la Guerre froide, nous avons naïvement cru à la fin de l'histoire, à l'émergence d'un monde sans ennemi, à la transition démocratique universelle, grâce à l'ouverture des marchés et au développement des échanges commerciaux.

L'effondrement de l'URSS a certes ouvert la voie à de grandes vagues d'élargissement : celle de 1995 avec l'entrée de trois pays - Finlande, Suède et Autriche - jusqu'alors contraints à la neutralité, puis celles de 2004 et 2007 qui ont ouvert les portes aux pays libérés du joug soviétique. Dans notre euphorie naïve, nous avons omis les attendus géopolitiques qui animaient ces pays. Nous avons failli et n'avons pas proposé de pacte commun de défense européenne. Pire, nous avons massivement désarmé, comme en témoigne le long déclin de nos investissements militaires. Résultat, les ex-pays de l'Est se sont empressés d'adhérer à l'OTAN avant de rejoindre l'Union européenne, ne voyant en celle-ci qu'un instrument de libéralisation et de rattrapage de leurs économies.

Nous avons persisté dans notre fascination enamourée pour le consensus de Washington, selon lequel le marché accoucherait mécaniquement de la démocratie et de la paix mondiale, et ce bien après que les États-Unis eurent cessé d'y croire. Ces dix dernières années, nous avons refusé de voir les signes avant-coureurs de la dérive autoritaire et belliqueuse du pouvoir russe. Nous avons ignoré les alertes venues de nos alliés, voyant dans leurs craintes une névrose obsessionnelle et passéiste. Nous devons admettre la terrible cécité dont nous avons été à la fois les victimes et les responsables. Nous avons privilégié l'impératif économique à l'impératif de sécurité. L'Allemagne, forte de sa puissance économique et commerciale, a été le moteur européen de notre aveuglement collectif. Elle a été au coeur des choix énergétiques qui nous ont rendus dépendants du gaz russe, avec la construction de Nord Stream 1 et Nord Stream 2, contre l'avis et les intérêts des pays de l'Est et du nord-est de l'Europe.

Un an après la fin du long règne d'Angela Merkel, son bilan apparaît bien moins resplendissant qu'à l'époque ; il ne faut pas non plus oublier la lourde responsabilité de son prédécesseur, Gerhard Schröder, ni les compromis discutables que nous avons acceptés. En mars 2016, nous nous sommes fermement opposés, au Sénat, à la proposition de décision du Parlement européen et du Conseil qui, au nom de la sécurité d'approvisionnement de l'Union européenne en gaz naturel, voulait obliger les États à soumettre ex ante à la Commission, pour évaluation et suivi, tout projet d'accord gouvernemental ou modification d'accord existant avec des États non membres de l'Union. La liste de nos erreurs et de nos errements stratégiques, au nom d'une sacro-sainte souveraineté nationale, masque souvent une internationalisation non contrôlée des échanges.

Il faut saluer le réveil géopolitique, même tardif et embryonnaire, de l'Union européenne, ainsi que le récent changement de cap de l'Allemagne. En dépit des railleries proférées à l'époque, c'est notre pays qui, en 2017, a osé porter publiquement la question de la souveraineté européenne. Foin d'autocélébration, nous sommes encore loin du milieu du gué ! Le réveil géopolitique de l'Europe reste entouré de nombreuses incertitudes. Il appellera encore bien des efforts que nos États et nos concitoyens n'accepteront que s'ils ont conscience que reconstruire l'Ukraine, c'est d'abord sauver notre futur, le futur de l'Europe.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Guerriau

Alors que nous sortons d'une réunion informelle du Conseil européen vendredi dernier à Prague, les dossiers à l'ordre du jour du Conseil européen des 20 et 21 octobre restent inchangés : à la crise ukrainienne vient se greffer la crise énergétique, dont nous ne connaissons pas encore l'ampleur. Déjà, nos territoires et les citoyens font face à une première vague de conséquences. Les réponses européennes nous honorent. Deux jours après le début du conflit, la première réunion du Sénat était marquée par une belle unanimité. Tous les pays intervenaient spontanément dans la même direction, beau présage de solidarité européenne. Mais cette guerre nous plonge également face à nous-mêmes et aux lacunes de notre système énergétique. Vous avez évoqué une plateforme d'achats, mais encore faut-il que nous nous accordions sur la chaîne d'approvisionnement : cela ne sera pas facile.

La guerre en Ukraine exacerbe ce qui était latent. Le marché intérieur de l'énergie est inachevé et surtout à réorienter. Si les dispositions actuelles semblent aller dans le bon sens, une réflexion très profonde reste à mener. Les enseignements de la réunion de Prague sont intéressants : des accords restent difficiles à trouver ; ce sommet était une sorte de pré-Conseil européen. Si les points essentiels, tels que le plafonnement du prix du gaz ou les aides financières, ont été évoqués, il reste du travail afin de se mettre d'accord avant le 20 octobre.

Nous voyons l'Allemagne s'éloigner de la solidarité qui incombe à l'Europe. Lorsque la France conduit le destin européen, elle pense « Europe » ; lorsque c'est l'Allemagne qui le conduit, elle pense plutôt « Allemagne ». Qu'en est-il du moteur franco-allemand dans cette nouvelle crise ? Les deux pays avaient réussi à entraîner l'Europe et à faire voter des textes nécessaires lors de la pandémie de covid-19. Quels sont les derniers obstacles à un accord ? Nous devrons réfléchir plus profondément. La structure de notre système est à revoir. Nous devons faire de cette crise un point de départ vers les transitions que nous nous sommes nous-mêmes fixées - je pense surtout aux aides et aux prêts qui pourraient être accordés. Il faut réformer notre système tout en préservant nos acquis, malgré des volontés d'indépendance et de souveraineté face au reste du globe. Nous, Européens, sommes encore trop exposés au tumulte du monde. Nous devons renforcer nos solidarités. Concrètement, nos citoyens souffrent de la crise énergétique, de même que les collectivités. Les entreprises sont fortement exposées à un risque de perte de compétitivité. Un tel choc pourrait s'accompagner d'une désindustrialisation massive si des usines européennes fermaient à cause du prix de l'énergie, mais aussi d'une inflation galopante. Serons-nous capables de produire pour répondre à nos besoins ? Nous devrons importer. Mais si nous n'avons plus d'engrais et que nous produisons moins, notre souveraineté alimentaire sera affaiblie. Comment les collectivités s'en sortiront-elles ? Comment les peuples européens passeront-ils cet hiver et le suivant ? Avons-nous des objectifs de stockage ainsi que des exigences sur les origines de nos approvisionnements ?

Nous devons avoir une politique extérieure européenne plus ambitieuse, comme je l'ai dit à plusieurs reprises, notamment lors de la parution de la boussole stratégique européenne. Depuis presque huit mois, les lacunes de la défense européenne apparaissent au grand jour, que nos infrastructures aient été soumises à des actes de sabotage ou non. Nous devons prendre en compte nos voisins russes et la menace d'une guerre atomique. La France porte une lourde responsabilité. Nous devons renforcer la cohérence de la réponse européenne et des politiques étrangères des États membres, notamment au sein des instances internationales, avec une Europe qui parle d'une seule voix.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Corbisez

Je salue la récente intervention de la présidente de la Commission européenne sur l'état de l'Union, et sa détermination pour une Europe solidaire et ferme dans la défense de ses valeurs. Les défis sont nombreux : énergétique, climatique, économique... La guerre est à nos portes. Le groupe du RDSE réaffirme son soutien total aux Ukrainiens qui font preuve d'un courage exemplaire et inébranlable. Nous nous inquiétons aussi des jeunes Russes en rupture avec le régime. Il faudrait décider rapidement d'une position commune sur leur sort. Ce matin même, le responsable de la sécurité d'un grand groupe mondial de cosmétiques me signalait que les directeurs d'usine en Russie étaient menacés par les autorités militaires qui voulaient récupérer les fiches de pointage pour mieux enrôler les salariés. Au-delà du drame humain, c'est la démocratie et l'esprit de liberté qui sont visés. C'est d'autant plus frappant à la lumière du dernier discours de Sergueï Lavrov à l'ONU et de celui du président Poutine en septembre dernier. Le maintien d'un dialogue paraît compliqué tant les dirigeants russes utilisent le conflit ukrainien pour mieux pourfendre l'Occident et ses valeurs. Nous ne sommes pas dupes de leur volonté de camoufler leurs échecs militaires par cette violence verbale. Le bombardement, hier, de plusieurs villes ukrainiennes, notamment le centre de Kiev, en riposte à l'attaque du pont de Crimée, confirme ce jusqu'au-boutisme russe.

Le président Poutine ne semble pas avoir de ligne rouge, mais quelle est la nôtre, face à l'escalade ? En attendant, il faut renforcer les sanctions contre la Russie et continuer de fournir une aide militaire à l'Ukraine. Pour la France, cela signifie de nouveaux prélèvements sur son stock et même sur ses contrats commerciaux - comme cela a été décidé pour des canons prévus pour le Danemark. Nous devrons obtenir des garanties, durant l'examen du projet de loi de finances, sur le maintien à terme de nos capacités opérationnelles et des objectifs fixés par la loi de programmation militaire.

La crise énergétique, principal effet collatéral du conflit, va peser de plus en plus lourdement sur nos concitoyens et mobilise fortement les institutions européennes. Mon groupe s'inquiète des difficultés à afficher un front uni ; Berlin semble faire cavalier seul. La solidarité européenne est une nouvelle fois mise à l'épreuve. Doit-on regarder l'Allemagne mettre en danger la zone euro par le bouclier tarifaire ? Elle vient de décider un plan de 200 milliards d'euros afin de lutter contre la flambée des prix. Mon groupe est très ouvert sur le plafonnement du prix du gaz, que le Gouvernement soutient.

Bien avant la crise ukrainienne, le couplage du prix de l'électricité et du gaz faisait débat. Il reste à déterminer le bon indice qui ménage à la fois le prix et les approvisionnements, équation difficile à trouver. Au-delà de l'urgence, nous approuvons le principe d'une vaste réflexion sur une réforme structurelle du marché de l'électricité ; c'est le moment d'accélérer toutes les politiques en faveur des énergies renouvelables. J'y reviendrai demain lors du débat. Regardons de près ce que fait l'Espagne, à juste titre bon élève en matière d'énergies renouvelables. Si nous ne prenons pas rapidement les bonnes décisions dans un cadre commun, l'énergie risque de fragiliser la démocratie déjà éprouvée.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Fernique

Avec les crises consécutives à l'invasion russe, ce Conseil européen s'inscrit dans un contexte qui s'est durci dans un sens contraire au renforcement européen, voire aux valeurs européennes. Le respect de l'État de droit, la protection des minorités et la démocratie sont-ils encore des acquis intangibles ? Les replis nationalistes et populistes montent. La régression menace la construction européenne et la tenue des objectifs écologiques - pourtant limités - définis par le Green Deal. Le report au second plan de la mise en place des ressources propres risque fort, à terme, de contraindre l'Europe à réduire la voilure de ses politiques.

La hausse vertigineuse des coûts énergétiques provoque l'impatience des citoyens et des élus locaux, qui attendent des politiques qu'ils apportent des réponses à la hauteur de ce nouveau mur, après ceux de la pandémie, de la reprise et de la résilience, et après celui de la riposte commune à la Russie. Allons-nous vers une certaine dislocation européenne, et retomber dans les errements du chacun pour soi et des renoncements ? Les décisions énergétiques prises actuellement, notamment sur les infrastructures, vont nous engager durablement. La France, comme d'ailleurs l'ensemble des députés européens - à l'exception évidemment de ceux du Rassemblement national -, a raison de s'opposer au projet de gazoduc MidCat (Midi-Catalogne) qui nous enfermerait dans la dépendance au gaz pendant plusieurs décennies encore, sapant nos objectifs de décarbonation. Il faut refuser une entorse majeure au principe de non-financement d'infrastructures pour des énergies fossiles ; y renoncer serait un précédent dans lequel se précipiteraient d'autres États derrière l'Espagne et l'Allemagne.

Il est urgent de plafonner intelligemment les prix de l'énergie à la consommation, sans pénaliser les ménages les plus modestes. Ce serait une erreur d'opérer mécaniquement un simple plafonnement avec une quantité de base de 80 % plus accessibles et les 20 % restants bien plus chers. La Ministre Mme Pannier-Runacher parlait de sobriété, mais l'impératif de justice sociale doit être pris en compte, de même que le paquet Fit for 55. Les trilogues doivent étendre le marché carbone européen au bâtiment et aux transports. Le Parlement européen propose de limiter cette extension aux usages commerciaux. Évitons une nouvelle crise des Gilets jaunes. La fiscalité environnementale ne peut pas peser injustement sur les ménages populaires qui souvent n'ont pas le choix.

Il semblerait que le trilogue d'hier n'ait pas porté ses fruits, voire ait été qualifié de perte de temps. Pouvons-nous espérer de réelles avancées pour le prochain trilogue le 10 novembre ? La commission devrait produire ses propositions de retour, voire de réforme des règles budgétaires européennes suspendues. Il serait désastreux de suivre les frugaux qui prônent le retour strict aux critères antérieurs. Nous avons besoin de réformer ces règles, car le pacte de stabilité serait un carcan qui compromettrait effectivement les investissements d'avenir dans la transition écologique, la cohésion et la justice sociale. Des compromis sont possibles si la gouvernance européenne arrive à sortir du strict quantitatif en insérant du qualitatif, de l'environnemental et du social dans ces critères et si, pour fixer le seuil d'endettement, elle prend en compte l'amortissement des investissements écologiques et sociaux d'avenir.

Nous souhaitons que le Conseil soit plus actif sur les atteintes à l'État de droit. La procédure de l'article 7 est ouverte depuis quatre ans contre un Etat membre. En attendant, les personnes LGBT sont la cible d'attaques de plus en en plus violentes en Hongrie et en Pologne. Que deviennent les valeurs européennes lorsqu'en Hongrie, on veut obliger les médecins à faire écouter le battement du coeur du foetus aux femmes souhaitant avorter ?

L'Union européenne doit aussi peser autant qu'elle le peut sur le régime iranien pour défendre les droits des femmes.

La méthode de pêche dite « senne démersale », venue des Pays-Bas, est aussi une régression : de vastes filets de pêche soulèvent des sédiments et rabattent les poissons, y compris les plus petits, rasent des zones entières, et mettent en péril nos pêcheurs artisanaux. Jeudi dernier, le Gouvernement français a balayé durant le trilogue l'amendement adopté par le Parlement européen qui donnait l'opportunité d'interdire cette méthode de pêche industrielle et destructrice de la mer. Que reste-t-il du discours de Lisbonne en faveur de la protection des fonds marins ? Sommes-nous crédibles ?

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

La crise de l'énergie est une des questions qui secoueront profondément nos sociétés durant les prochains mois.

Débattre d'une définition des superprofits est possible : dans le jargon de la Commission européenne, on désigne leur taxation comme une « contribution de solidarité pour les entreprises qui travaillent dans les combustibles fossiles », même si cette définition-ci est très restrictive. Le Conseil européen envisage de taxer à au moins 33 % les entreprises concernées. À quelles entreprises françaises cette contribution pourrait-elle s'appliquer ? La Commission européenne, qui prévoit des recettes de 25 milliards d'euros, se fonde bien sur des évaluations précises... Envers quelles entreprises Gouvernement français envisage-t-il d'utiliser cette possibilité ? Quelle somme la France pourrait-elle récupérer avec cette contribution de solidarité ? Faute d'éléments concrets, il est difficile de juger ce dispositif.

Plus globalement se pose la question de la fixation du prix de gros de l'énergie. Nous avons parfois du mal à comprendre les dispositifs européens et leurs effets sur la France.

La décorrélation des prix du gaz et de l'électricité reste-t-elle encore à l'ordre du jour ? Bruno Le Maire affirme qu'il faut aller dans ce sens, mais les dispositifs sont un peu des usines à gaz.... Cet objectif continue-t-ils à être porté- par la France ?

D'où provient le chiffre de 180 euros du mégawattheure, chiffre très élevé et très supérieur au coût de production ? Peut-on laisser perdurer des systèmes de rente indue ? D'autant que la Commission européenne prévoit qu'il puisse être dépassé, et envisage la possibilité de 10 % de recettes supplémentaires. Qu'en attend la France ? Quels objectifs devons-nous nous fixer dans les négociations ?

On évoque le plafonnement du prix du gaz ou des corridors de plafonnement au niveau européen. La fin des tarifs régulés du gaz en juin 2023 est-elle toujours d'actualité ? Quelle position porte la France dans ces négociations, au-delà de simples commentaires sur l'état de la négociation européenne ?

Debut de section - Permalien
Laurence Boone, secrétaire d'État

Nous sommes en train de travailler sur la Facilité européenne pour la paix, ou plutôt sur les efforts de défense. L'Union européenne a mobilisé 2,5 milliards d'euros pour la livraison d'armes à l'Ukraine via cette facilité. Nous allons poursuivre ce soutien dans la durée. Le Haut Représentant a appelé à augmenter cette facilité d'une sixième tranche de 500 millions d'euros, pour la porter à 3 milliards d'euros. Ce sujet sera à l'ordre du jour du Conseil des affaires étrangères du 17 octobre.

Les effets des sanctions sont durables. L'objectif est d'asphyxier la capacité de la Russie à mener ces agressions, en touchant son industrie et les personnes qui sont en responsabilité de guerre - généraux, organisateurs des simulacres de référendum, propagandistes... Nous voulons affecter la Russie sur le plan militaire, mais aussi narratif.

Les effets sur l'énergie ne sont pas dus aux sanctions européennes, mais à la Russie qui fait le yoyo avec notre approvisionnement en énergie pour faire monter les prix et déstabiliser nos sociétés. Nous devons assurer l'approvisionnement en gérant les stocks, en diversifiant les capacités d'approvisionnement, et en accélérant sur les énergies renouvelables. Nous devons aussi créer des boucliers en interne et agir pour faire effectivement baisser les prix. Les négociations sur un accord de solidarité dans le règlement sur l'énergie sont encore en cours. La France a besoin de moins de gaz, dans son mix énergétique, que l'Allemagne et que les pays de l'Est et du sud-est de l'Europe. Nous devons avoir une grille énergétique très opérationnelle et disposer rapidement d'un mécanisme de solidarité. À moyen terme, notre objectif commun est de sortir des énergies fossiles pour assurer notre sécurité énergétique.

Monsieur Leconte, notre soutien à l'Ukraine prend plusieurs formes. L'accueil des réfugiés est important, et risque d'augmenter avec la nouvelle vague de frappes. Le ministère des affaires étrangères agit au travers de son centre de crise et de soutien. Les collectivités territoriales et le secteur privé acheminent 1 000 tonnes d'aide humanitaire et de réhabilitation d'urgence, via l'opération « Un bateau pour l'Ukraine ». Nous sommes engagés pour répondre à l'urgence alors que des infrastructures critiques ont été frappées par les missiles russes. Nous participons à la reconstruction de l'Ukraine par un soutien militaire, mais aussi humanitaire.

En matière d'énergie, je répète qu'à moyen terme, nous devons sortir des énergies fossiles ; mais à court terme, nous devons nous assurer que l'ensemble de l'Union puisse être approvisionné à des prix raisonnables. Nous avons fabriqué rapidement des méthaniers, signé des accords à différents niveaux, et multiplié les conseils extraordinaires des ministres de l'énergie. Nous devons assurer un approvisionnement à la fois national et européen, pour l'hiver prochain et à moyen terme.

Le Ministre Bruno Le Maire a rappelé, il y a neuf mois, qu'une réforme du marché de l'électricité à terme est prévue, différente du découplage de court terme.

Nous demandons d'accélérer la sortie des hydrocarbures. L'Europe a un objectif de baisse de ses émissions de gaz à effet de serre de 55 % en 2030 par rapport à 1990.

Nous voulons que la France soit le leader de l'hydrogène décarboné ; pour cela, nous devons investir massivement. La France a mobilisé dans ce but 7 milliards d'euros entre 2020 et 2030. Ces investissements sont soutenus par l'Europe, puisque le plan de relance européen va en couvrir 2 milliards d'euros. Au niveau européen, plus de 5 milliards d'euros seront mobilisés via le projet important d'intérêt européen commun (PIIEC) sur l'hydrogène. La Stratégie nationale pour le développement de l'hydrogène décarboné a été annoncée en septembre 2020. Elle vise le développement des filières de l'électrolyse et de la mobilité lourde pour la décarbonation de l'industrie et des transports.

Concernant les taux d'intérêt, il est incontestable qu'ils remontent, mais ils étaient exceptionnellement bas depuis la crise souveraine de la zone euro. Ils se rapprochent de leur moyenne historique. La France bénéficie d'un système de taux fixes dans l'immobilier, ce qui protège les Français, plus que les citoyens des pays où les taux sont variables. Depuis la crise financière de 2008, la réglementation bancaire a été considérablement renforcée. Nos banques sont beaucoup plus solides.

S'agissant de la Communauté politique européenne, je vous rappelle les sept pistes de coopération concrète qui seront examinées d'ici la deuxième réunion qui se tiendra en Moldavie dans six mois : la protection de nos infrastructures essentielles - gazoducs, câbles et satellites ; la stratégie de lutte contre la cybercriminalité, la propagande et la désinformation ; la stratégie intégrée en matière énergétique pour réduire la dépendance et faire baisser les prix ; la politique commune de la jeunesse pour renforcer le sentiment d'appartenance et renforcer les coopérations universitaires et les politiques éducatives, pour une culture européenne transnationale ; une politique intégrée de gestion des flux migratoires et de lutte contre les réseaux de passeurs ; la reconstruction de l'Ukraine ; et enfin des approches coordonnées sur les grands sujets régionaux comme la mer Noire, la mer Baltique, la mer du Nord ou le Caucase. Les pays de la CPE sont très enthousiastes ; plusieurs d'entre eux ont proposé d'accueillir la deuxième réunion, qui se tiendra en Moldavie, avant l'Espagne et le Royaume-Uni. Cela témoigne d'un réel intérêt à travailler ensemble sur des sujets communs, au-delà du politique.

La répression iranienne est inhumaine. Avec mes homologues européens, nous avons signé un appel au tout début de ces violences. Le 19 septembre, la France a condamné ces dernières. Depuis 26 jours, elle continue d'être très active au Conseil des droits de l'homme à Genève, dans toutes les enceintes internationales et dans ses échanges bilatéraux, à tous niveaux. L'Iran a souscrit à des principes fondamentaux comme ceux du pacte relatif aux droits civils et politiques des Nations unies et nous lui demandons de les respecter. Certes, ce n'est pas suffisant. À l'échelle européenne, nous sommes en train de finaliser des sanctions pour les responsables de cette répression, via des gels d'avoirs et des interdictions de voyager. Nous devrions obtenir un accord le 17 octobre lors du Conseil des affaires étrangères.

Nous continuons d'oeuvrer pour le respect de l'État de droit en Pologne et en Hongrie. Lors du prochain Conseil des affaires générales, nous entendrons la Pologne sur l'indépendance de la justice. Nous avons donné davantage de temps à la Hongrie pour la mise en oeuvre de l'État de droit et des mesures anticorruption. Elle s'est engagée à agir, et nous lui avons donné jusqu'au mois de novembre pour l'application.

Monsieur Louault, la Communauté politique européenne n'a pas vocation à prendre, en permanence, des décisions à 44. Son utilité est de favoriser le dialogue, comme entre Grèce et Turquie, et les projets d'intérêt commun, afin d'ancrer ses membres dans l'État de droit promu par l'UE. Pour preuve, les échanges ainsi favorisés entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan ont conduit à la signature d'un accord permettant l'envoi d'une mission européenne en lien avec le comité stratégique sur l'immigration, les frontières et l'asile.

Un financement sera nécessaire si des projets sont amenés à être mis en place dans ce cadre ; plusieurs pistes sont à l'étude, dont une contribution des organisations internationales, à l'image de ce qui est pratiqué pour le G7, ou l'appui à des programmes existants, tels que le partenariat oriental.

Parmi les avancées de la présidence française du Conseil de l'Union européenne, la boussole stratégique, le premier Livre blanc européen en matière de sécurité, fournit un cadre pour l'Europe de la défense. L'UE est parvenue, à court terme, à mobiliser 2,5 milliards d'euros pour la livraison d'armes à l'Ukraine ; à moyen terme, la boussole stratégique et les autres actions européennes permettront d'encourager les investissements de défense et de rationaliser les engagements des États membres. Les capacités seront ainsi reconstituées pour continuer à soutenir l'Ukraine, tout en étant plus efficaces. Il ne faut pas voir cela comme une concurrence faite à l'Otan, mais comme une articulation.

L'objectif du Conseil européen est de faire baisser les prix de l'énergie, en particulier ceux de marché immédiat, les plus élevés. La présidence tchèque a précisé qu'elle convoquerait « autant de conseils Énergie extraordinaires que nécessaire pour trouver une solution » d'ici au 21 octobre 2022. Parmi les mesures envisagées figurent la réduction de la demande, des mesures de solidarité ou la diversification des approvisionnements. Toutes les options sont à l'étude - des plafonds peuvent être imposés sur le prix du gaz importé de Russie, à l'image de ce que nous avons fait pour le pétrole - ; en matière de plafonds, des « corridors », plutôt qu'un chiffre fixe, permettraient une certaine souplesse, y compris à l'égard de nos fournisseurs : les prix demeureraient suffisants pour continuer à attirer en Europe les fournisseurs. Le mécanisme ibérique est une autre piste, consistant à baisser le prix du gaz par rapport au prix de marché grâce à une subvention d'État, faisant ainsi diminuer le prix de l'électricité produite à partir de ce gaz.

Au sujet de l'Iran, des mesures seront prises lors du conseil des affaires étrangères du 17 octobre 2022.

Monsieur Gattolin, je vous remercie d'avoir souligné le réveil géopolitique de l'UE ; tel est notamment le sens de la Communauté politique européenne : se réunir d'égal à égal pour mieux attacher à la sphère d'influence européenne, fondée sur l'État de droit. L'image est forte, mais la politique doit s'appuyer sur des coopérations concrètes. Ce réveil géopolitique se perçoit également dans l'évolution de la stratégie envers la Chine.

Pour que l'Europe soit forte, il lui faut une pensée géopolitique, mais aussi une stratégie, tant dans la défense que dans l'industrie, autour du concept d'autonomie. Certains pays de l'Est achètent du matériel de défense américain : nous souhaitons favoriser les achats de matériel européen, afin de localiser la recherche technologique sur notre territoire commun. Les pays européens doivent davantage investir dans la défense : la période bénite des dividendes de la paix est derrière nous.

L'autonomie énergétique est essentielle pour assurer notre sécurité et pour décarboner nos économies. À ce titre, le paquet européen « Ajustement à l'objectif 55 » et la stratégie française sont excellents.

Monsieur Guerriau, la plateforme d'achat en commun d'énergie soulève une question de concurrence. Des États peuvent donner charge à des entreprises d'acheter pour le compte de l'UE : nous disposerions ainsi d'un pouvoir de marché. Se pose également une question de réallocation. Il reste donc du travail ; la semaine qui nous sépare du Conseil européen n'y suffira sans doute pas. Les ministres Agnès Pannier-Runacher et Bruno Le Maire poussent depuis février 2022 la réforme du marché de l'électricité ; désormais, le mandat figure clairement dans une lettre de la présidente de la Commission européenne adressée aux chefs d'État ou de gouvernement. Le sujet de court terme est celui du mécanisme ibérique ; à moyen terme, une réforme pérenne du marché de l'électricité verra le jour. Notre système a fonctionné pendant vingt ans, mais ce n'est plus le cas.

Certes, l'Allemagne a annoncé des aides de 200 milliards d'euros ; les aides françaises, sur la même période, s'élèvent à 100 milliards. Le mécanisme ibérique serait à adapter autour de l'idée un mécanisme de solidarité accompagné de transferts. Il sera important de trouver le prix d'équilibre, qui prendra en compte la protection des consommateurs et des entreprises sans inciter pour autant à la consommation. Même si tout le monde, au sein du marché commun, bénéficiera de la baisse des coûts de l'énergie, certains pays profiteront plus que d'autres d'une telle mesure, d'où la nécessité d'un tel mécanisme : tout comme pour le covid, un même choc produit des effets asymétriques, selon les capacités budgétaires des uns et des autres. Les chefs d'État ou de gouvernement ont demandé à la présidente de la Commission européenne de formuler des propositions d'ici au 21 octobre 2022. Parmi les options figure l'utilisation d'outils tels que REPowerEU ou NextGenerationEU, ou d'autres mis en place suite à la crise du covid.

La stratégie « Farm to Fork », son adaptation durant la crise du covid et le sommet UE Afrique de février 2022 visent à assurer la sécurité alimentaire, chez nous et chez nos voisins africains.

Monsieur Corbisez, le Danemark a accepté de participer à l'effort pour soutenir l'Ukraine en renonçant aux canons Caesar, qui devaient lui être livrés, afin d'assurer un soutien plus rapide, du fait de leur disponibilité immédiate. La Facilité européenne pour la paix permet de renouveler les stocks et ainsi d'autoriser de tels prélèvements. L'UE s'apprête à se doter d'un fonds d'urgence de près de 500 millions d'euros pour reconstituer ses capacités en équipements militaires et en munitions. Le règlement en question est en cours de négociation, pour une adoption d'ici à fin 2022 ; nous veillerons à ce qu'il bénéficie en priorité aux industries européennes.

Monsieur Fernique, l'État de droit est assurément important pour le Gouvernement : j'en ai peut-être même, parfois, trop parlé... Deux procédures sont en cours envers des États membres. La Commission européenne réalise chaque année un rapport sur l'État de droit dans les 27 pays de l'UE accompagné de recommandations : nous devons en tenir le plus grand compte.

La moitié de l'inflation européenne provient des prix de l'énergie, directement en lien avec l'agression russe ; 20 % environ de l'inflation sont liés à l'alimentaire. Le bouclier énergétique a été mis en place afin de limiter les effets sur les citoyens ; de même, des mesures sont venues protéger le budget alimentation des ménages, en particulier des plus vulnérables.

Le pacte de stabilité et de croissance doit permettre de concilier la soutenabilité des finances publiques à moyen terme, la préservation de la croissance grâce à des investissements productifs et la double transition numérique et écologique. Nous discutons avec la Commission européenne et le Conseil afin de déterminer la trajectoire budgétaire appropriée au regard des investissements nécessaires tout en respectant l'objectif de la soutenabilité des finances publiques.

La senne démersale faisait l'objet d'un consensus très fragile entre États membres, consensus remis en cause par l'amendement présenté au Parlement européen, finalement rejeté. Sans ce rejet, l'ensemble du texte n'aurait pas pu être adopté, faisant courir le risque que des États étrangers puissent venir pêcher dans nos eaux territoriales avec des navires industriels.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Rapin

Le parallèle est tentant entre le soutien de la senne démersale par le Gouvernement et, en même temps, l'annonce du plan de sortie de flotte. Cela laisse à penser que c'en est fini de la pêche artisanale... Je suis les questions relatives à la pêche depuis trente ans : le soutien affiché à cette technique de pêche fait passer sur le terrain un message qu'il est difficile d'accepter.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Corbisez

D'autant que le renouvellement des permis aura lieu l'an prochain !

Debut de section - Permalien
Laurence Boone, secrétaire d'État

Le nombre de pêcheurs qui reçoivent une compensation pour arrêter de pêcher est très réduit. Par ailleurs, la France s'est admirablement battue pour protéger les pêcheurs des conséquences du Brexit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Rapin

Même si le nombre de pêcheurs touchés est infime, de tels signaux peuvent affecter la confiance que placent en nous les pêcheurs, en particulier artisanaux, confrontés à une flotte qui s'étiole.

Debut de section - Permalien
Laurence Boone, secrétaire d'État

Monsieur Pierre Laurent, le terme « superprofits » que vous avez employé est traduit en langage européen par « contribution de solidarité », à hauteur de 33 % des profits des entreprises de production d'hydrocarbures et de raffinage. Cette contribution est inscrite dans le projet de loi de finances pour l'année 2023.

La décorrélation du prix du gaz et de l'électricité est à l'ordre du jour à la fois par le mécanisme ibérique et par la revue du marché de l'électricité. Cette dernière réforme, de moyen terme, est à l'étude par la Commission européenne, qui s'est engagée à avancer des premières pistes d'ici à la fin de l'année 2022.

Nous souhaitons que le plafonnement à 180 euros/MWh des recettes des producteurs d'électricité soit une indication, modulable en fonction des technologies ; un arbitrage est en cours.

Je veux le dire à nouveau : nous voulons faire baisser les prix, sans mettre en danger la transition énergétique. Pour bénéficier d'énergies à prix raisonnable et décarbonées, nous étudierons toutes les options présentées par la Commission européenne.

Monsieur le Rapporteur général Jean-François Husson, nous sommes favorables à un mécanisme permettant de dégager des ressources propres pour l'UE, afin de financer les ambitions européennes sans rehausser les contributions nationales ; ainsi, nous pourrions mieux aligner le mode de financement du budget de l'UE sur nos priorités politiques, tout en sortant de la logique du juste retour opposant contributeurs et bénéficiaires nets.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

La Commission européenne prépare une révision de la législation pharmaceutique, destinée à améliorer la gestion des ruptures d'approvisionnement en médicaments. Un dialogue en cours implique représentants de l'industrie et patients ; étant donné que les États membres ont également pu faire des propositions, pouvez-vous nous dire quelle a été l'implication de la France dans le processus, et quelle position le Gouvernement a-t-il soutenue ?

Par ailleurs, la Commission européenne a présenté une proposition de règlement qui vise à créer un espace européen des données de santé. Microsoft sera-t-il en charge du stockage des données ? Le recours à des solutions techniques gérées par des opérateurs extra-européens ne présente-t-il pas un risque ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marta de Cidrac

Il faut soutenir les sanctions européennes contre la Russie, mais il nous faut nous interroger sur les approvisionnements de substitution : nous achetons du pétrole à prix d'or à l'Arabie saoudite, qui ne brille pas au niveau de l'égalité des sexes, et du gaz à l'Azerbaïdjan, qui agresse un État souverain... Que pouvez-vous nous dire quant au choix de ces partenaires commerciaux ? Aborderez-vous ce sujet lors du prochain Conseil européen ? Il y va de la crédibilité de l'Europe et de ses valeurs.

Debut de section - Permalien
Laurence Boone, secrétaire d'État

La révision de la législation pharmaceutique doit être présentée par la Commission européenne en décembre 2022. Rien n'a filtré, mais les services du ministère de la santé ont été impliqués dans les travaux préparatoires et suivent les avancées. Dès la proposition publiée, nous participerons aux travaux sur le projet de législation.

La protection des données de santé fait l'objet de discussions. Le texte ne précise pas, à ce stade, qui sera en charge de leur hébergement. Le contrôleur européen de la protection des données et le comité européen de la protection des données ont produit un avis commun sur la question : d'après eux, le texte est trop silencieux sur ce point. Ils recommandent d'y inscrire la nécessité d'héberger les données sur le territoire de l'UE. Cette dernière sera vigilante quant aux risques en matière de confidentialité.

Madame Marta de Cidrac, lors de chaque discussion bilatérale, nous rappelons l'importance des droits de l'homme et de la femme. Pour preuve, le Président de la République et Charles Michel ont négocié pendant quatre heures un accord entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan pour qu'une mission de l'UE se rende sur leur territoire. La diversification de nos ressources énergétiques n'exclut pas le sujet des droits : au contraire, elle nous oblige à être plus vigilants encore. Nous ferons d'autant plus pression en sortant, urgemment, des hydrocarbures. L'UE monte en puissance sur cette question du respect des droits : ainsi, aucun accord d'investissement avec la Chine ne sera signé tant que ne seront pas réglés les problèmes relatifs au traitement des Ouïghours et au travail forcé.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Ouzoulias

Je soutiens Mme Marta de Cidrac : le voile dit islamiste est l'instrument de la domination masculine dans toutes les théocraties, pétrolières ou non. Ce n'est pas un détail vestimentaire : il s'agit d'un enjeu fondamental qui nous engage en tant qu'Européens.

Les termes que vous avez employés pour parler du conflit entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan m'ont choqué. Les droits de l'homme ne sont pas le sujet. L'Azerbaïdjan a agressé ce pays de la même façon que la Russie a agressé l'Ukraine. J'étais en Arménie il y a quinze jours : nos amis arméniens ne comprennent pas comment nous pouvons, d'un côté, être aussi fermes au sujet de l'Ukraine, et, de l'autre, laisser tomber leur pays. J'ai rencontré un gouvernement arménien en pleurs, ayant le sentiment qu'il ne pourrait éviter à son peuple un second génocide.

Pourtant, dans le même temps, la présidente de la Commission européenne va à Bakou pour dire que l'Azerbaïdjan est un partenaire « fiable »... La France, qui préside le conseil de sécurité des Nations unies, a désigné d'une parole forte l'Azerbaïdjan comme agresseur : sa position en est fragilisée.

L'effondrement militaire de la Russie en Ukraine aura des répercussions majeures dans le Caucase. La position de la France se doit d'être claire : l'existence même de l'Arménie est en jeu.

Debut de section - PermalienPhoto de Ludovic Haye

Le 26 septembre 2022, à la suite de deux explosions autour de l'île danoise de Bornholm, quatre fuites ont été détectées sur les gazoducs sous-marins Nord Stream 1 et Nord Stream 2. L'Otan met en avant des « actes de sabotage délibérés », qui nous alertent sur la protection de nos infrastructures stratégiques. Le Président de la République, quant à lui, parle d'« éléments de vulnérabilité ». Comment la France entend-elle, aux côtés de l'UE, renforcer la protection des infrastructures énergétiques et stratégiques européennes ?

Debut de section - Permalien
Laurence Boone, secrétaire d'État

Monsieur Pierre Ouzoulias, le Gouvernement a exprimé tout son soutien aux femmes iraniennes qui enlèvent leur voile pour protester contre l'assassinat de Mahsa Amini. Au sujet de Femyso, j'ai apporté en main propre, à la commissaire européenne compétente, des documents afin de la convaincre de ne pas promouvoir cette association : nous agissons bel et bien sur le voile.

J'étais avec le Président de la République quand il a passé quatre heures avec les dirigeants d'Arménie et d'Azerbaïdjan : la France est solidaire de l'Arménie face aux violations inacceptables de son intégrité territoriale ; elle se mobilise pour accompagner la reprise des négociations. Cet échange quadrilatéral en marge de la CPE a permis un accord sur la mise en place sur le territoire arménien d'une mission civile de l'UE pour une durée de deux mois, le long de la frontière avec l'Azerbaïdjan. Cette mission vise à établir une relation de confiance afin de faciliter les discussions entre parties et stabiliser la situation à la frontière. Le périmètre et les moyens de la mission sont en discussion à Bruxelles.

Monsieur Ludovic Haye, le Président de la République a poussé à la protection des infrastructures, matérielles comme cyber, dans les discussions de la Communauté politique européenne et du Conseil européen. Il y va de la sécurité des hôpitaux et de tout ce qui a trait au régalien.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Rapin

Je vous remercie pour cet échange.

La réunion est close à 10 h 45.