Dans ce film, l’acteur principal âgé de 40 ans également, le formidable Jacques Perrin, affronte des lames de fond.
En tant que ministre de l’intérieur, vous affrontez, vous aussi, une lame de fond : la course-poursuite entre, d’une part, l’État et les collectivités, qui essayent d’assurer la sécurité, et, d’autre part, la délinquance, qui se renforce, qui est de plus en plus violente, de plus en plus technique et de plus en plus difficile à maîtriser.
Nous avons voté dans cet hémicycle nombre de textes sur la sécurité, et nous avons l’impression que nous ne sommes jamais vainqueurs de cette course. Les délinquants ont de toujours plus de moyens, et ils améliorent leurs techniques, tandis que nous, respectant les règles et les lois, avons du mal à les contrecarrer.
Dans ce pays, nous n’avons jamais réussi à faire de la sécurité un droit fondamental. La sécurité n’est pas un droit fondamental en France. Elle ne revêt pas de qualité supralégislative. En réalité, aucun citoyen ne peut opposer son droit à la sécurité. Il existe bien une obligation de moyens, mais pas une obligation de résultat. C’est, en soi, une question extrêmement difficile.
Je ne reviendrai pas sur les excellents rapports de nos excellents rapporteurs. Je ne vous le cacherai pas, nous voterons naturellement ce texte dans sa version amendée par la commission des lois.
Peut-être pour la première fois l’État reprend-il la course. Peut-être peut-il, à la condition que de budget en budget, nous respections cette loi d’orientation, se donner les moyens de gagner contre les délinquants.
Monsieur le ministre de l’intérieur, vous avez de la chance de défendre à 40 ans de défendre un texte qui réunit tout de même une large majorité et qui va marquer les esprits. Vous avez cranté un certain nombre de sujets qui seront déterminants dans la lutte contre l’insécurité.
Permettez-moi quelques observations supplémentaires.
Ne le prenez pas mal, mais, alors que vous aviez changé l’image du ministre de l’intérieur auprès des forces de l’ordre – nombre de policiers ou de syndicats de police me disaient voilà six mois : « Les choses bougent. Nous sommes satisfaits. Nous disposons de moyens et d’équipements supplémentaires. Nous sommes reconnus. » –, le fait est que votre réforme de la police judiciaire a changé la donne. Vous avez formulé ces derniers jours, de même que M. le rapporteur, des propositions. Il faut que vous trouviez une solution, car ce n’est pas seulement l’affaire de la police judiciaire. C’est l’affaire de la police en général. Nous avons besoin, et vous avez besoin de la police de la République. Il n’y a pas d’État, pas de République sans police reconnue par les citoyens comme étant leur police, la police du peuple, la police de la République.
C’est pourquoi jamais personne dans mon camp politique ne se permettrait de critiquer l’action de la police ou de tenir les propos que nous avons pu entendre chez d’autres ; j’admets bien volontiers qu’en l’occurrence, il ne s’agit pas du groupe CRCE.
L’action de la police doit être soutenue si nous voulons avoir une chance que la sécurité, qui est un droit premier pour les citoyens, soit aussi quelque chose que chaque citoyen s’approprie. Vous pouvez jouer dans ce domaine un rôle essentiel, monsieur le ministre.
Vous avez indiqué que M. Dupond-Moretti, avec lequel je ne doute pas que vous parlez régulièrement, viendrait au Sénat pour évoquer les États généraux de la justice. Depuis des années, j’entends la police se plaindre que la justice ne la suivrait pas, d’où un certain découragement des forces de l’ordre, et la justice émettre des récriminations à l’encontre de la police. Parlons-nous franchement : à quand des États généraux de la police et de la justice, pas seulement entre les deux ministres, mais entre tous les syndicats et tous les acteurs concernés ? Les Français le méritent bien !