Intervention de Guy Benarroche

Réunion du 11 octobre 2022 à 14h30
Orientation et programmation du ministère de l'intérieur — Discussion générale

Photo de Guy BenarrocheGuy Benarroche :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’avenir, le rôle, l’organisation et les moyens du ministère de l’intérieur sont des sujets au cœur de notre pacte républicain, de notre organisation sociale, de la protection des citoyens et du respect des droits du justiciable.

Je ne surprendrai personne en exprimant au nom de mon groupe les craintes que les dispositions du présent projet de loi suscitent. C’est un mélange de Big Brother is watching you, des meilleurs passages de 1984 d’Orwell et du pire de Robocop : mystery shoppers, policiers « augmentés », robots d’accueil, drones aux frontières, numérisation à outrance… Tout cela à l’heure où l’illectronisme touche une immense partie de nos concitoyens et où les territoires se sentent de plus en plus éloignés de l’accès à un service public délivré par des êtres humains.

Nous nous devons – vous tous, mes chers collègues, mon groupe et moi – de mettre en action sans sobriété notre énergie et notre intelligence collective pour ce projet de loi.

Puisque le ministre rappelait hier, dans sa lettre envoyée à l’ensemble de la police judiciaire, que sa porte était « ouverte à toutes les propositions », nous avons voulu être force de proposition.

Notre vision et nos propositions sont issues d’une véritable réflexion d’équilibre. Elles pourraient se décliner en deux éléments principaux.

Le premier ne vous étonnera pas, monsieur le ministre : nous n’avons pas la même conception de la police, de la sécurité, de la protection, du maintien de l’ordre et de la tranquillité publique que celle que vous exposez et défendez dans ce texte.

Nous ne partageons pas non plus la position, que nous jugeons attentiste, des rapporteurs et de la majorité. Un exemple frappant est celui de l’amende forfaitaire, à laquelle nous sommes opposés. Non seulement cet outil connaît jusqu’à présent une application territoriale disparate, hétérogène et – oserais-je dire – éminemment concentrée sur certains quartiers, mais surtout, en plus de cette rupture de traitement territorial, la volonté du Gouvernement – légèrement restreinte par la commission – de l’étendre sans aucune véritable étude de son efficience actuelle est un pas de plus vers l’éloignement du juge.

Ce texte se fait ainsi l’écho des pires positionnements qui voudraient que la justice, garante de l’application du droit, soit un frein aux forces de l’ordre.

Cela nous amène à un élément fondamental : nous demandons que les femmes et les hommes dont le rôle est d’assurer notre sécurité et notre tranquillité soient traités avec humanité, respect et considération. Les conditions de travail de nos forces de l’ordre ne nous paraissent clairement pas au niveau des services que nous attendons d’elles. Nous devons veiller à diminuer leur souffrance au travail, en rendant à leurs métiers le sens qu’ils ont perdu. Notre soutien aux agents de l’État doit reposer sur la réalité retrouvée d’exercer un métier avec et pour leurs concitoyens.

Le besoin de sécurité des citoyens inclut la transparence de l’action de la police, une meilleure gestion des dérives, parfois violentes, une nouvelle vision de l’inspection générale de la police nationale (IGPN), mais aussi sur la transparence des données de la police, leur publication et leur transmission, entre autres aux élus.

Le besoin de sécurité des citoyens porte également sur la gestion des risques d’incendie, qui ont été amplifiés par l’inaction climatique du Gouvernement, condamné à plusieurs reprises en la matière. Pour notre part, nous proposerons des améliorations portant sur les services incendies.

Le besoin de sécurité des citoyens concerne aussi leur environnement. C’est pourquoi nous tracerons des pistes pour le développement d’une police environnementale.

Le besoin de sécurité des citoyens implique encore ce que le rapport appelle pudiquement « la transparence et l’exemplarité des forces de l’ordre ». Là encore, nous ferons de nombreuses propositions pour renouer la confiance que les citoyens doivent avoir dans leurs forces de l’ordre.

Nous vous remercions d’avance de ne pas amalgamer à des fins purement politiques nos positions avec de supposées idéologies anti-police ou antirépublicaines. Tout au contraire, nous prétendrons et nous chercherons à vous démontrer que nos propositions sont plus protectrices, non seulement des citoyens, mais également de tous les personnels des forces de l’ordre, tant physiquement que mentalement.

Monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, nous ne voulons pas de drones à nos frontières ni du « tout surveillance » dans la politique migratoire, y compris à l’intérieur de nos frontières européennes. Nous voulons une véritable réflexion sur les mouvements migratoires à l’échelon européen, mais aussi une refonte de nos politiques d’accueil.

Nous ne voulons ni d’une réforme de la police judiciaire qui déstabiliserait l’indépendance du travail des magistrats ni d’un projet qui entraîne le risque d’un affaiblissement de la lutte contre le grand banditisme en faisant perdre à la PJ sa spécialisation.

En rattachant les services de la PJ aux directions départementales de la police nationale (DDPN), en établissant des liens forts entre ces dernières et les préfets, ce projet crée une confusion entre les pouvoirs judiciaire et administratif.

Nous voulons une sanctuarisation des moyens propres de la PJ et de sa spécificité, une sanctuarisation de l’accès à la qualification d’OPJ, loin de sa dilution dans les autres forces de sécurité et d’une marginalisation des parquets dans la définition de la politique pénale.

Nous ne voulons pas vider les commissariats simplement pour mettre du bleu dans la rue et faire du chiffre via des amendes forfaitaires.

Nous voulons une réelle police de proximité, pacificatrice, liée à son territoire. Nous ne voulons pas de lanceurs de balles de défense (LBD), de drones, de gaz lacrymogène, de la technique de la nasse ou d’autres techniques d’interpellation dangereuses dans les doctrines de maintien de l’ordre et de contrôle de la population.

Depuis mon élection, j’observe, parfois avec surprise, souvent avec effroi, la dérive autoritaire de certains textes. La sécurité est l’enjeu de tous, mais les dérives sécuritaires semblent toujours venir des mêmes.

C’est pourquoi, monsieur le ministre, nous exprimerons notre vision par un grand nombre d’amendements, dont nous allons discuter et dont le sort scellera notre position finale à l’égard du texte.

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