Je souhaite remercier très sincèrement les différents orateurs qui se sont exprimés, pour leurs critiques comme pour leurs encouragements.
J’ai noté le soutien, si je peux le dire ainsi, de la majorité sénatoriale, mais aussi des groupes RDSE et Les Indépendants – République et Territoires. J’ai senti que le groupe SER se posait un certain nombre de questions et souhaitait que le Gouvernement soit à l’écoute et ouvert au dialogue ; c’est, je peux vous l’assurer, le cas. J’ai compris que les groupes CRCE et GEST étaient sur une position plus négative, mais j’essayerai de les convaincre au cours des débats. Connaissant un certain nombre d’interlocuteurs, je sais qu’il y a matière à avoir de vrais échanges intellectuels.
Beaucoup de choses ont été dites : certains ont fait part de leurs interrogations ; d’autres ont déploré des « manques ». Je note d’ores et déjà un paradoxe : les parlementaires réclament souvent des textes plus courts, mais s’offusquent quand un texte ne balaye pas l’intégralité du champ de la politique publique concernée. Je veux bien essayer de répondre à vos demandes, mais je n’ai pas forcément de baguette magique.
De la part des rapporteurs, avec lesquels il existe un certain continuum, puisque nous avons déjà travaillé ensemble sur la proposition de loi relative à la sécurité globale, j’ai entendu deux interrogations principales.
La première concerne la possibilité de déposer une plainte en visioconférence.
Il n’est, bien entendu, aucunement question pour le ministre de l’intérieur que je suis de remplacer à 100 % le réel par le numérique. J’y suis très attentif. Je serai favorable aux amendements, déposés notamment, me semble-t-il, par le groupe socialiste, visant à toujours laisser la possibilité aux gens d’avoir recours aux procédures papier. Comme je l’ai fait dans une autre fonction à propos du prélèvement de l’impôt à la source ou lorsque nous avons mis en place l’e-procuration, j’entends bien laisser la possibilité d’utiliser le papier, ce que l’on peut aussi appeler le « monde réel ».
C’est pourquoi j’ai été surpris par l’amendement que Marc-Philippe Daubresse a déposé en commission. Par ce projet de loi, nous entendons permettre le dépôt de plaintes en visioconférence. Les gens pourront prendre rendez-vous avec un officier de police judiciaire, qu’il soit gendarme ou policier, et déposer leur plainte de chez eux grâce à leur ordinateur, ce qui leur évitera de devoir se déplacer. C’est très important.
En effet, il n’est plus compréhensible aujourd’hui pour les gens de devoir passer deux à trois heures dans un commissariat pour déposer leur plainte, y compris pour des faits que l’on peut qualifier de « véniels », comme une dégradation de véhicule. Ce n’est pas vraiment le signe d’une police moderne, alors même que l’on peut payer ses impôts par internet ou que la télémédecine se développe.
La police serait donc le dernier service au monde où le papier serait toujours imprimé, avec des commissariats ressemblant à celui que l’on voit dans le film Pinot simple flic ! Nous devons accepter la modernisation de cette grande administration qu’est le ministère de l’intérieur.
Il est déjà possible – cela concerne uniquement les atteintes aux biens – de déposer des préplaintes en ligne. Cette procédure marche, puisqu’elle représente la moitié des dossiers traités par les policiers et les gendarmes. Nous ne sommes pas obligés d’imposer aux personnes souhaitant déposer une plainte de se rendre physiquement au commissariat ou à la brigade de gendarmerie.
Il faut passer de la préplainte en ligne à la plainte en ligne, tout en laissant à la personne le choix entre présence physique et procédure numérique.
Personne ne comprend qu’il faille prendre une demi-journée de congé pour déposer une plainte. Lors d’un récent déplacement dans un commissariat parisien, j’ai rencontré une dame qui a été obligée de le faire simplement pour déclarer le vol d’un Vélib’.
Chacun voit bien l’intérêt de ne pas encombrer les services de police, tout en libérant du temps pour nos concitoyens. Il s’agit finalement de nous permettre de nous concentrer sur les plaintes les plus graves, notamment les atteintes aux personnes. Je pense en particulier aux violences intrafamiliales, qui demandent beaucoup de temps et d’écoute.
Est-il vraiment nécessaire de passer trois heures au commissariat de Tourcoing parce qu’on a été victime d’un phishing destiné à nous inciter à envoyer de l’argent à l’étranger prétendument pour venir en aide à une petite-cousine ?
L’amendement proposé par Marc-Philippe Daubresse et adopté par la commission vise à limiter le dépôt de plainte par visioconférence aux atteintes aux biens. Il nous semble plus pertinent de discuter de l’ensemble des plaintes.
Ainsi, les plaintes qui nécessitent des examens médicaux ou un accompagnement psychologique ou relèvent de questions intimes impliquent évidemment une présence physique. Au demeurant, cela ne signifie pas que les victimes doivent obligatoirement se déplacer au commissariat. En effet, nous expérimentons l’« aller vers », comme pour la vaccination. Aujourd’hui, dans dix départements, des policiers et des gendarmes se rendent chez l’avocat, chez un membre de la famille ou un proche, au centre communal d’action sociale (CCAS) ou dans la commune, notamment en cas de violences intrafamiliales ou d’agression sexuelle, pour que la personne n’ait pas besoin de se déplacer.
Pour autant, nombre de plaintes, même lorsqu’elles sont constitutives d’atteintes aux personnes, peuvent tout à fait être déposées en visioconférence, sous certaines conditions. Je pense en particulier à l’identité numérique ; il faut être certain de l’identité de la personne qui dépose plainte.
Il me paraîtrait absurde que la police et la gendarmerie soient les seuls services publics à ne pas pouvoir utiliser le numérique pour simplifier la vie de nos concitoyens. Il est vrai que le ministère de l’intérieur passe souvent en dernier pour ce genre de choses. Il a tout de même été le dernier à pouvoir utiliser des drones en France. Nous avons finalement obtenu, cher Loïc Hervé, la possibilité d’en faire voler, mais seulement pour le renseignement, et pas en matière judiciaire.
La deuxième interrogation des rapporteurs concerne le réseau Radio du futur (RRF).
Le Gouvernement s’est astreint à déposer le moins d’amendements possible. J’ai moi-même été parlementaire, et je le redeviendrai sans doute, les fonctions ministérielles n’étant pas un contrat à durée indéterminée.