Intervention de Gérald Darmanin

Réunion du 11 octobre 2022 à 14h30
Orientation et programmation du ministère de l'intérieur — Discussion générale

Gérald Darmanin :

Il semblait regretter qu’il n’y ait pas de dispositions relatives aux polices municipales dans cette Lopmi. Il a donc dû manquer le tome I de nos discussions, puisque le sujet faisait partie de la proposition de loi relative à la sécurité globale, dont nous avons débattu en 2020 et 2021. Ensuite, il n’a pas dû voir la décision du Conseil constitutionnel qui indiquait en substance que, si nous voulions aller plus loin dans les pouvoirs donnés aux polices municipales, il faudrait placer ces dernières sous l’autorité du procureur de la République. Je ne connais pas beaucoup de maires qui y soient favorables. S’il y a des volontaires, qu’ils n’hésitent pas à se manifester… L’autre option serait de changer la Constitution, mais cela ne relève pas d’un projet de loi ordinaire comme celui dont nous discutons aujourd’hui.

Au demeurant, la position de M. Ravier, qui voudrait donner plus de pouvoirs judiciaires aux polices municipales tout en refusant que la police judiciaire se réforme, me paraît un peu contradictoire sur le plan intellectuel…

J’ai déjà indiqué qu’il y aurait un texte spécifique sur l’immigration. J’espère que nous pourrons débattre sur le sujet avec M. Ravier.

Monsieur Karoutchi a évoqué, comme d’autres sénateurs, la réforme de la police nationale.

J’ai conscience des difficultés qui se posent et des interrogations des uns et des autres, comme pour toute réforme importante. Et celle-ci est tellement importante qu’elle avait été demandée pour la première fois par l’un de mes prédécesseurs, Pierre Joxe, lors de son deuxième passage au ministère de l’intérieur, c’est-à-dire à partir de 1988… Je rejoins M. Leroy, qui a souligné à juste titre combien Pierre Joxe fut un grand ministre de l’intérieur : il fut notamment le premier à regretter que la police nationale travaille en silo.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous me reprochez souvent de ne pas suffisamment écouter le Sénat. Et quand nous l’écoutons, vous nous reprochez d’aller trop vite et vous nous demandez pourquoi nous faisons telle ou telle réforme.

Monsieur Karoutchi, depuis vingt-cinq ans, il y a eu sept rapports, issus de majorités sénatoriales différentes, et, selon la règle consensuelle en cours à la Haute Assemblée, avec un président et un rapporteur de couleurs politiques distinctes. Tous préconisaient la réforme de la police nationale que nous mettons en place.

Le dernier en date a été remis par MM. Boutant, sénateur socialiste, et Grosdidier, du groupe Les Républicains. On peut y lire ceci : « Tandis que la gendarmerie nationale bénéficie d’une structure unifiée de commandement et d’un esprit de corps affirmé, la police nationale souffre de sa forte segmentation et d’un manque patent de cohésion qui pèsent, au quotidien, sur les agents comme sur l’efficacité des services. » Je ne dis pas autre chose. Les auteurs pointent encore, à l’échelon national comme à l’échelon territorial, « une organisation peu centralisée, éclatée entre plusieurs centres de commandement. »

Mesdames, messieurs les sénateurs, c’est ce à quoi nous remédions. La gendarmerie nationale, c’est un commandement et des filières spécialisées, les sections de recherche. Ces dernières rendent compte au général qui commande la région. La section spécialisée de police judiciaire est saisie par les magistrats, et ce depuis deux siècles. Les magistrats n’ont jamais dit que le fait de saisir les gendarmes – ils le font bien volontiers – était attentatoire à la séparation des pouvoirs.

Monsieur Dominati, la préfecture de police fonctionne avec une unité de commandement. Le préfet de police chapeaute tous les services de police dans une zone qui concentre – on peut le regretter – 35 % de la délinquance ; vous disiez que c’était le cœur de notre pays. Le directeur de la police judiciaire rend évidemment compte au préfet de police, mais, pour les enquêtes, c’est aux magistrats qu’il répond.

C’est la police nationale qui est l’exception à la règle, et non l’inverse. Certes, il y a des interrogations ; on peut toujours en discuter. Mais j’ai tout de même tendance à approuver les sept rapports sénatoriaux.

Monsieur Karoutchi, vous ne pouvez pas dire que les rapports parlementaires ne sont jamais suivis d’effets et regretter que des gens soient mécontents quand on les suit. S’il y a des inquiétudes, travaillons ensemble pour y répondre.

Monsieur Richard, le calendrier est clair. Il y a des élections professionnelles au début du mois de décembre. Vous comprenez bien que je ne peux pas discuter d’une réforme quand les syndicats sont en campagne. J’attends que les policiers élisent leurs représentants syndicaux.

Des expérimentations se sont déjà déroulées outre-mer. M. Thani Mohamed Soilihi, sénateur de Mayotte, pourrait peut-être témoigner du fait que la direction technique de la police nationale est désormais plus efficace. En Guyane, même le procureur général en convient. En Martinique et en Guadeloupe, c’est pareil. Je reviens de Savoie, où un syndicat de police vient de faire son congrès ; tout le monde considère que les choses s’y passent bien. Certes, il peut y avoir des difficultés ailleurs. Mais nous devons attendre le retour de ces expérimentations. J’ai demandé un rapport avec les contributions de l’inspection générale de l’administration, de l’inspection générale de la police nationale et de l’inspection générale des services judiciaires. Il y aura également un rapport du Sénat et un rapport de l’Assemblée nationale.

Le 15 décembre, je serai en possession de ces documents. Je demanderai aux syndicats de venir me voir. Nous discuterons de la réforme à ce moment-là, en amendant ce qui devra être amendé.

Mesdames, messieurs les sénateurs, on ne peut pas rester dans un monde où on ne se réfère qu’à Clemenceau ! Je ne serai évidemment jamais à la hauteur de ce grand personnage, pas même à la hauteur du petit doigt de l’orteil ou de la moustache, monsieur Karoutchi…

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