Sur les Lapi, vous avez parfaitement raison ; c’est tout à fait réglementaire. Je m’engage à ce que les maires puissent obtenir la compétence sur ce point. C’est un peu complexe. M. Hervé, votre rapporteur, est également votre représentant à la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil). C’est d’ailleurs plutôt lui que vous devez convaincre, mais nous en reparlerons.
Je pense vous avoir répondu sur les brigades de gendarmerie. À mon sens, la ville de Montpellier n’a pas à se plaindre du ministère de l’intérieur sur la question des effectifs, qui sont effectivement nécessaires pour lutter contre la délinquance.
Monsieur Wattebled, vous avez également évoqué les conditions matérielles, qui sont dégradées. Vous avez parfaitement raison. Quand j’étais ministre des comptes publics, j’étais toujours étonné de constater que le ministère de l’intérieur était un des seuls ministères où le titre 2, les dépenses de personnel, allait croissant, alors que le hors titre 2, les dépenses de matériel, était, en proportion, décroissant. Je me doutais que c’était un problème. Si vous augmentez sans cesse les effectifs et les moyens humains, y compris en rémunérations, sans accompagner cette augmentation de moyens technologiques, matériels, que ce soit des commissariats, des brigades de gendarmerie, des véhicules, il y a évidemment une distorsion. Nous avons tous effectué des sorties avec les forces de l’ordre dans des véhicules qui tenaient avec des fils de fer. Nos policiers et gendarmes ont vu l’énorme effort que nous avons consenti à leur profit, dans le plan de relance, ce qui n’était pas évident au début. Les 5008 en sont la plus belle vitrine, mais il y a eu d’autres améliorations matérielles. Je pourrais vous faire le détail du bilan du quinquennat précédent.
Le projet de loi que nous vous présentons est en même temps une stratégie budgétaire. Notre objectif est que le titre 2 augmente autant, voire moins que le hors titre 2. Je veux le redire ici à la représentation nationale, c’est le premier texte qui prévoit plus de crédits en matériel et technologie qu’en personnels. C’est la première fois que nous osons dire aux policiers et aux gendarmes que, si l’on peut envisager des créations de postes et des augmentations de rémunération, l’important pour eux est le rattrapage technologique, matériel, avec les casernes, brigades et commissariats que nous devons rénover, recréer, mutualiser. Tout cela va au-delà du simple chèque en plus. À mon sens, c’est la stratégie budgétaire derrière les 15 milliards d’euros qui est importante.
Monsieur Wattebled, quand on dit que, sur cette somme, 7 milliards d’euros à 8 milliards d’euros vont sur le numérique et le cyber, la perception n’est pas immédiate pour nos concitoyens, comme pour nos forces de l’ordre, qui préfèrent le « ici et maintenant » pour les moyens matériels. Nous sommes persuadés que, pour les aider à gagner demain la bataille contre la délinquance, nous devons éviter de prendre un train de retard, comme d’habitude, et rattraper simplement par le numéraire ce que l’on n’arrivait pas à leur donner en matériel. Je souhaite que cette loi marque aussi un changement dans la politique budgétaire du ministère de l’intérieur. Comme dans l’armée, le matériel doit être aussi important que les moyens humains. C’est pour cela que nous essayons de faire une loi de programmation.
Monsieur Dominati, vous avez eu la gentillesse de me rappeler que nous sommes peu de chose en soulignant que j’étais le septième ministre de l’intérieur en sept ans. §Aussi, dorénavant, j’introduis les congrès syndicaux en disant que les syndicalistes passent et que le ministre reste.
Il se trouve que, sur ces sept ans, j’ai quasiment fait deux ans et demi. Votre formule était donc belle, mais pas adaptée à mon cas personnel. Dans trois mois et demi, me semble-t-il, j’aurai atteint le niveau de vie de M. Cazeneuve. Si je termine l’année 2023, j’aurai dépassé la longévité de M. Defferre. Si je vais jusqu’aux jeux Olympiques, je serai juste en dessous de M. Marcellin, qu’a très bien connu M. Daubresse.
Je suis d’accord avec vous. Il faut durer, et endurer, sans doute, au ministère de l’intérieur pour faire des réformes en profondeur. Je suis très heureux d’avoir été confirmé à ce poste par le Président de la République, non pas pour le seul plaisir d’être ministre, mais pour enfin accorder du temps long au ministère de l’intérieur, la durée moyenne de présence de mes prédécesseurs ayant été de moins d’un an. Vous ne pouvez pas faire des réformes structurelles, vu l’urgence qui fait le quotidien de cette maison, si vos directeurs, Bercy et l’ensemble de l’administration sont persuadés que vous allez passer vite. Certes, je ne suis pas propriétaire de mon poste, mais plus longtemps je resterai, plus longtemps j’essayerai de porter des réformes permettant de voir loin et de transformer fondamentalement la police.
Vous avez évoqué deux grandes réformes, dont l’une n’est pas dans le présent projet de loi.
La réforme que nous portons, c’est le doublement de la présence policière et « gendarmesque » sur le terrain. Ce point est très important. C’est le cœur de notre discussion, avec la question du cyber. Il ne s’agit pas du doublement du nombre de policiers ou de gendarmes. C’est le doublement de la présence policière. Il y a des effectifs en plus. On vous en a demandé 10 000 dans le quinquennat précédent, dont 4 000 sont partis dans les services de renseignement. Cela nous a laissé environ 6 000 policiers et gendarmes. Nous vous en demandons 8 500 pour le quinquennat qui s’ouvre. Plus de policiers et de gendarmes, c’est plus de présence sur la voie publique.
Mais cela n’est pas suffisant pour doubler la présence de voie publique. Comment allons-nous procéder ?
D’abord, nous allons faire faire des efforts aux policiers et gendarmes sur leur taux horaire. Comme vous l’avez signalé, monsieur le sénateur, nous avons mis fin au cycle dispendieux de la police nationale. Les policiers étaient moins présents sur la voie publique, en vertu d’un accord tacite, sorte de deal social négatif pour tout le monde : comme on n’arrivait pas à régler les problèmes matériels de la police ni la délinquance, on acceptait qu’ils soient moins présents sur le terrain.
Avec le système que nous avons mis en place, là où il fallait huit policiers pour qu’il y en ait un sur la voie publique, sept suffisent maintenant. Cela peut vous paraître trop peu, mais c’est un premier effort. Dans tous les commissariats de France, désormais, nous sommes passés à ce que l’on appelle le rythme binaire, amélioré dans quelques commissariats.
Ensuite, je veux insister sur la réserve. Ce qui marchait admirablement pour la gendarmerie nationale n’existait pas pour la police nationale. C’est un excellent sujet police-population que des boulangers, des ouvriers, des cadres, des petits patrons, des grands patrons, des moyens patrons aillent passer quelques jours sous l’uniforme, après une formation, pour travailler dans la police nationale, qui bénéficie en retour d’expériences professionnelles de la société civile.
La création de la réserve de la police nationale est une grande avancée pour cette institution. Monsieur le rapporteur pour avis de la commission de la défense, nous allons sanctifier les crédits de réserve. En effet, par manque de cohésion budgétaire, aux mois d’août et septembre, les commandants de groupement de la gendarmerie n’avaient plus les moyens d’appeler de la réserve, ces crédits étant les plus facilement annulables dans un projet de loi de finances rectificative. Désormais, grâce au texte que je propose, 100 % des crédits de réserve seront gelés. Ils ne pourront pas être « dégelés ». Tout cela contribuera au doublement de la présence.
Par ailleurs, nous simplifions la procédure pénale. Mesdames, messieurs les sénateurs, en deux ans, nous avons fait une réforme considérable, qui n’est pas visible de façon évidente et qui ne fait pas la une du 20 heures. Désormais, tous les policiers et les gendarmes ont un appareil de ce genre sur eux.