Notre amendement va dans le même sens que ceux que vient de présenter M. Sueur.
Rarement un projet de réforme a suscité l’opposition aussi unanime d’une si grande variété d’acteurs : associations, syndicats de magistrats et d’agents de la police judiciaire ont exprimé un certain nombre d’interrogations et d’inquiétudes sur cette réforme.
La dernière inquiétude en date est liée au limogeage du directeur régional de la police judiciaire de Marseille, Éric Arella, victime de cette opposition générale, pour avoir laissé ses hommes manifester, de façon très calme, leur opposition justifiée.
Comme toujours, cette réorganisation est présentée comme étant une réforme de bon sens, pragmatique.
La commission des lois s’en est inquiétée au point de créer une mission d’information sur le sujet. Notre groupe, à l’instar du groupe socialiste, a proposé de supprimer toute mention de cette réforme dans le texte qui nous est aujourd’hui soumis ; je suis surpris que la commission des lois ne soit pas d’accord avec nos propositions.
Cette réforme fait l’objet de critiques circonstanciées, certains craignant un traitement dégradé de la délinquance.
La direction départementale de la police nationale (DDPN), attachée à la culture du chiffre et du résultat, risque de renforcer le traitement des dossiers relatifs aux petits litiges et aux contentieux de masse, au détriment des dossiers de la grande criminalité.
Il faut craindre également une disparition progressive de la spécialisation de la police judiciaire au profit des missions de la police du quotidien, d’autant plus que les membres de la police judiciaire pourraient être affectés prioritairement à des missions de sécurité du quotidien. Surchargés de dossiers, ces policiers pourraient voir leurs compétences se diluer.
Ces craintes sont renforcées par les résultats des départements ayant déjà expérimenté la réforme ou de ceux dans lesquelles elle s’applique déjà.
Cette réforme, engagée au nom de la politique du chiffre et du tout-sécuritaire, entraînera de façon insidieuse une confusion entre les pouvoirs judiciaires et administratifs, en établissant des liens forts entre les services de police judiciaire et les préfets, conduisant, à terme, à une soumission des services d’enquête au pouvoir exécutif.
Le secteur souffre d’une crise des vocations et ne parvient plus à fidéliser ses agents. La réforme va accentuer le phénomène de départ et la perte d’attractivité de cette vocation.