Intervention de Gérald Darmanin

Réunion du 11 octobre 2022 à 14h30
Orientation et programmation du ministère de l'intérieur — Rapport annexé

Gérald Darmanin :

Ce n’est pas le cas de tout le monde, en effet. Pourtant, il fut sénateur !

Pour ma part, j’aime beaucoup Clemenceau, mais le monde change.

Bien sûr, il faut rassurer et je suis prêt à faire cette réforme en discutant avec les organisations syndicales qui auront été nouvellement élues et en écoutant leurs propositions d’amendement.

Si je soumets à délibération le rapport annexé, monsieur le sénateur, c’est par respect pour le Parlement, afin de l’informer de ce que nous allons faire, mais ce rapport n’a aucun caractère législatif. J’aurais pu ne pas le faire figurer dans le projet de loi, mais j’ai préféré être honnête avec le Parlement. Quel drôle de ministre je serais si je préparais une grande réforme sans l’inclure dans ce projet de loi d’orientation et de programmation ! Grâce à cela, nous pouvons en débattre.

Monsieur le rapporteur, au risque de comparer des choses qui ne sont pas comparables, cette réforme de la police nationale est mutatis mutandis de même nature que celle que vous avez connue quand il s’est agi de fusionner la direction générale des impôts et la direction générale de la comptabilité publique.

J’étais ministre des comptes publics après que le gouvernement dont vous étiez membre, monsieur Sueur, a courageusement lancé cette fusion. Nous avons fait face aux mêmes grèves et aux mêmes manifestations. Nous avons entendu dire que le préfet prendrait connaissance des contrôles fiscaux, que tout le monde cesserait d’en faire, parce que, évidemment, nous n’aurions pas envie de sanctionner la fraude, que nous ne ferions plus que de l’aide aux collectivités locales, que le métier changerait.

Qui se plaint aujourd’hui de la direction générale des finances publiques ? Qui peut ignorer qu’il s’agit d’une administration moderne qui prend en compte les difficultés de notre temps ? Le contrôle fiscal était multiforme.

J’ai été trois ans ministre des comptes publics, comme d’autres ici. Les préfets ne commentent pas les contrôles fiscaux visant des élus ou tel ou tel chef d’entreprise. Le secret fiscal, plus que le secret de l’instruction, est absolument gardé. Tout le monde s’intéresse au secret de l’instruction, c’est une très bonne chose, même si son respect ne m’avait pas sauté aux yeux depuis que je suis ministre de l’intérieur.

En tout état de cause, le secret fiscal est respecté, et le préfet n’est pas au courant des contrôles fiscaux effectués par les agents des services compétents, pas plus, d’ailleurs, que ne l’est le directeur départemental des finances publiques, vous le savez très bien.

Je partage l’avis du rapporteur : rien n’empêche de compléter l’orientation de la réforme, mais cela fait quasiment trente-cinq ans que tout le monde essaie de la mettre en place. Je comprends qu’il faille rassurer, j’ai multiplié les signes positifs, mais, de grâce, mesdames, messieurs les sénateurs, ne voyons pas une atteinte à la démocratie là où il n’y a qu’une quête d’efficacité des services !

La véritable atteinte à la démocratie, à la confiance dans notre régime, c’est lorsque l’on ne parvient pas à retrouver l’auteur d’un homicide ou lorsqu’on met en place des protocoles entre services de police et que l’on perd ainsi du temps avant de lancer des écoutes téléphoniques ou des filatures. Cela porte atteinte au respect de l’État de droit.

Encore une fois, cette réforme n’est pas de nature législative, ce qui est la démonstration par l’absurde – la preuve du pudding, c’est qu’il se mange ! – qu’elle n’entraîne aucun changement dans nos rapports avec la justice.

Je le dis donc devant la Haute Assemblée : je suis prêt à accepter les amendements, à condition qu’ils ne tendent pas à supprimer la réforme.

Monsieur Sueur, jamais autant de gens ne se sont intéressés à cette réforme que je propose démocratiquement. Celle-ci fait ainsi l’objet d’un rapport d’évaluation de l’inspection générale de l’administration (IGA), de l’inspection générale de la police nationale (IGPN) et même de l’inspection générale de la justice (IGJ). On pourrait d’ailleurs demander, au nom de l’égalité de traitement, que l’IGPN ou l’inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN) fasse aussi parfois des rapports avec l’inspection générale de la justice. Ce rapport sera rendu public et j’en discuterai avec les organisations syndicales.

Mme Bellurot et M. Durain préparent également un rapport, comme deux de leurs homologues à l’Assemblée nationale.

Peut-être n’a-t-on pas envie de mener cette réforme ? Dans ce cas, il faut le dire. Il faut dire que l’on veut que la PJ soit rattachée directement au ministère de la justice, car les taux d’élucidation étant en baisse, il faut proposer autre chose. Que proposez-vous d’autre ?

On peut aussi soutenir que M. Joxe et les auteurs des sept rapports sénatoriaux se sont trompés ces trente-cinq dernières années. C’est tout à fait possible, mais alors, il faut vite s’intéresser au fonctionnement de la gendarmerie nationale et de la préfecture de police.

Bien sûr, cette réforme va changer des habitudes. J’ai le plus profond respect pour les policiers de la police judiciaire.

Monsieur le sénateur Benarroche, je ne partage pas votre opinion : on ne manifeste pas masqué ou cagoulé dans des locaux de police. Les contestations, les tracts, les grèves, tout cela est tout à fait normal, mais la police de la République se doit de respecter certaines limites. Mon rôle de chef est de le rappeler.

Indépendamment de cela, je suis prêt à faire la réforme non pas au forceps, mais en étant à l’écoute. Il me semble toutefois que, après trente-cinq ans de discussions, il est temps de conclure !

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