Intervention de Gérald Darmanin

Réunion du 13 octobre 2022 à 10h30
Orientation et programmation du ministère de l'intérieur — Article 7 bis, amendements 64 29 227

Gérald Darmanin :

Cet article additionnel, qui ne figurait pas dans le texte initial du Gouvernement, est un souhait de la commission des lois.

Cela me conduit à penser que nous pouvons partager, avec MM. les rapporteurs, un certain nombre de constats de fond, même si, sur la forme, demeure la question de savoir si l’article est, ou non, un cavalier législatif – je comprends que la commission, qui l’a accepté conformément à l’article 45 de la Constitution, en discute.

Je partage une grande partie des constats dressés par le Sénat.

En premier lieu, les violences contre les élus, dont le nombre est très élevé, ont augmenté de 35 %. Le renseignement territorial a constaté 1 720 faits contre des « personnes dépositaires de l’autorité publique », dont 898 ont visé des élus locaux, soit une augmentation de 52 % pour les élus locaux et de 78 % par rapport à 2020. Sur ce point, je pense que Mme Delattre a tout à fait raison.

De plus, selon les remontées de l’ensemble des centres de veille du ministère de l’intérieur, 1 037 procédures établies impliquant un élu comme victime ont été constatées, dont 157 pour violence physique et 808 pour menace ou outrage. C’est un problème très important. À cet égard, je suis donc d’accord avec les dispositions de la commission des lois.

Nous avons supprimé les remises de peine accordées de manière automatique, mais non pas celles qui sont accordées de manière individuelle. Selon la loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire, la remise de peine peut être accordée en fonction des efforts réalisés par la personne condamnée, alors que les remises de peine automatiques n’étaient pas accordées en fonction de ces efforts.

Le débat sur les remises de peine a donc été tranché de manière générale, mais demeure le problème particulier évoqué par M. le rapporteur, dont la position est, je crois, conforme à notre loi.

S’agissant des rodéos urbains, qu’il ne faut pas confondre avec les refus d’obtempérer, nous avons constaté, depuis le 1er janvier 2022, quelque 3 808 infractions, contre 2 737 en 2021, sur la même période.

Il s’agit des rodéos constatés, par les services de police nationale et municipale et par les services de gendarmerie, à l’aide, notamment des caméras de vidéoprotection. Ils ne peuvent toutefois constater les rodéos effectués à l’abri des caméras de vidéoprotection ou hors de la vue des policiers et gendarmes.

Nous avons intensifié depuis le 15 mai dernier la mobilisation des services de l’État – mes interventions médiatiques en témoignent –, pour lutter contre ces fléaux qui, comme vous l’avez tous dit, perturbent fortement la vie de nos concitoyens. Ainsi, 75 000 opérations de lutte contre les rodéos urbains ont été mises en place, soit une augmentation des contrôles de 50 %, et quelque 3 250 véhicules ont été saisis, grâce à la loi du 3 août 2018 votée par la majorité parlementaire de l’Assemblée nationale et que vous avez bien voulu accompagner, mesdames, messieurs les sénateurs. Dans ce cadre, 5 350 interpellations ont été réalisées.

Les 3 800 infractions constatées en 2022 ont presque toutes donné lieu à des interpellations, lorsque les services de police ou de gendarmerie étaient sur place.

Au fond, la question que pose le rapporteur au travers de l’amendement tendant à créer l’article 7 bis est de savoir quelles sont les suites judiciaires données à ces nombreuses interpellations. Aujourd’hui, la police et la gendarmerie ont des moyens importants pour lutter contre les rodéos. La question est bien celle de la répression pénale.

Voici les chiffres des poursuites judiciaires pour l’année 2021. Sur 1 325 personnes mises en cause en 2021 pour des infractions liées aux rodéos urbains, 248 ont bénéficié d’un classement sans suite pour affaire non poursuivable, 22 ont bénéficié d’un classement sans suite pour inopportunité des poursuites ; 234 ont été orientées par les parquets vers une mesure alternative aux poursuites et 61 vers une composition pénale. Enfin, 760 personnes – tout de même ! –, ont fait l’objet de poursuites judiciaires et sont encore en attente d’une décision de justice, qui peut être une peine de prison ferme.

Nous constatons qu’il n’y a que 22 décisions de classement sans suite pour inopportunité des poursuites. Les parquets, en décidant de poursuivre le maximum de personnes, ont, à mon sens, compris l’intention du législateur.

Au total, en 2021, quelque 1 159 personnes ont été condamnées pour une infraction liée aux rodéos urbains.

Pour approfondir la réflexion de M. le rapporteur, il faudrait étudier le quantum de peine et analyser les résultats des décisions rendues par les juges du siège.

S’agissant maintenant des refus d’obtempérer, qui constituent un sujet distinct – même si, malheureusement, ils peuvent se transformer en refus d’obtempérer, tout étant lié –, nous comprenons l’objectif du rapporteur au travers de cet amendement.

En 2021, on dénombre 28 000 faits de refus d’obtempérer, soit un toutes les vingt minutes en zone police et en zone gendarmerie. Ils sont en augmentation constante, comme l’a souligné M. le rapporteur.

Il existe deux sortes de refus d’obtempérer, selon qu’ils mettent ou non la vie d’autrui en danger.

Les refus d’obtempérer mettant en danger la vie d’autrui sont en augmentation de 41 %. C’est une menace pour les services de police et de gendarmerie, pour les agents de la sécurité civile, ou encore les agents des autoroutes, qui subissent malheureusement parfois les conduites très dangereuses des criminels de la route qui refusent de ralentir.

Près de 20 000 faits ont été constatés au cours des neuf premiers mois de l’année 2022. Ces statistiques vont donc continuer de se dégrader.

À cause des refus d’obtempérer, plus de 9 000 policiers ou gendarmes ont été blessés en mission depuis trois ans, oui, 9 000, mesdames, messieurs les sénateurs ! C’est la première cause de blessures dans la police et la gendarmerie nationales.

Pour toutes ces raisons, monsieur le rapporteur, nous comprenons et nous approuvons l’article 7 bis, nonobstant l’éventuelle difficulté formelle liée à l’article 45 de la Constitution, mais je fais confiance, bien sûr, à votre commission des lois.

Bien sûr, nous sommes prêts à améliorer le dispositif, s’il est adopté, au cours de son examen par l’Assemblée nationale. Sur d’autres dispositifs, j’avais constaté les difficultés rencontrées par les services de police, notamment pour saisir les véhicules – motos, quads ou voitures –, qui sont officieusement prêtés, puis déclarés volés.

Le tour est le suivant : un ami me prête un véhicule avec lequel je roule de façon extrêmement dangereuse. Puis, je préviens par SMS cet ami que les services de police m’ont interpellé, et il leur déclare que je lui ai volé son véhicule, alors que, en réalité c’est lui qui me l’a prêté ! Cela permet d’éviter la saisie du véhicule. Car, désormais, nous saisissons systématiquement les véhicules.

Ainsi, nous devons être attentifs à ces petits détournements de la loi. Le Gouvernement, si l’Assemblée nationale en est d’accord, pourrait défendre des amendements en ce sens.

J’émets donc un avis de sagesse sur les amendements n° 64, 29 et 29, et un avis favorable sur l’amendement n° 227 de coordination de M. le rapporteur, qui est purement rédactionnel.

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