Séance en hémicycle du 13 octobre 2022 à 10h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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  • plainte
  • policier
  • pénale
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La séance

Source

La séance est ouverte à dix heures trente.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (projet n° 876 [2021-2022], texte de la commission n° 20, rapport n° 19, avis n° 9).

Mes chers collègues, dans l’attente de l’arrivée de M. le ministre de l’intérieur, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix heures trente-cinq, est reprise à dix heures quarante.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

La séance est reprise.

Dans la discussion du texte de la commission, nous poursuivons, au sein du chapitre Ier du titre III, l’examen de l’article 6.

TITRE III (suite)

DISPOSITIONS RELATIVES À L’ACCUEIL DES VICTIMES ET À LA RÉPRESSION DES INFRACTIONS

Chapitre Ier (suite)

Améliorer l’accueil des victimes

Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Après l’article 15-3-1, il est inséré un article 15-3-1-1 ainsi rédigé :

« Art. 15 -3 -1 -1. – Aux fins de bonne administration de la justice, toute victime d’infraction pénale peut, dans les cas d’atteinte aux biens et selon des modalités prévues par décret pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, se voir proposer de déposer plainte et d’être entendue dans sa déposition par les services ou unités de police judiciaire par un moyen de télécommunication audiovisuelle. » ;

2° La troisième phrase du deuxième alinéa de l’article 706-71 est ainsi rédigée : « Il est dressé un procès-verbal des opérations qui ont été effectuées. »

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

L’amendement n° 56, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon, Mme M. Vogel et les membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Le moyen de télécommunication audiovisuelle ne peut pas être imposé à la victime.

La parole est à M. Guy Benarroche.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Benarroche

Cet amendement pourrait paraître redondant au regard des dispositions déjà existantes. Cependant, je l’ai rappelé plusieurs fois, il semble nécessaire d’insérer dans une loi de programmation des lignes directrices, et celle-ci nous paraît importante.

Nous souhaitons préciser et inscrire expressément dans ce texte que les justiciables doivent toujours avoir le choix de leur mode de relation avec les forces de sécurité. Cela suppose de ne pas les enfermer dans une relation exclusivement numérique.

Certes, vous allez objecter qu’il n’est nullement indiqué qu’ils n’auront d’autre choix que de recourir à une solution numérique, en l’occurrence aux moyens de télécommunications audiovisuels. Cependant, l’expérience vécue par un certain nombre de nos citoyens, à l’occasion de la dématérialisation des services publics ou du passage au numérique, nous conduit à demander l’inscription de cette disposition dans le projet de loi d’orientation et de programmation.

Vous l’avez souligné, monsieur le ministre, le rapport annexé au projet de loi ne prône pas le tout-numérique, et une personne sera toujours présente au guichet. Nous l’avons bien entendu, mais nous aimerions pouvoir aussi le lire dans le texte.

De plus, cette procédure en ligne suscite des interrogations s’agissant des liens humains, des gestes ou des difficultés d’expression, qu’il est possible de percevoir en présentiel, mais pas en vidéoconférence.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Je l’ai rappelé hier, et le ministre l’a confirmé, il s’agit d’une faculté : rien n’est imposé par le projet de loi. Si les services de police sont contactés par téléphone afin d’indiquer quelle est la meilleure procédure à suivre, ils répondront qu’il existe deux possibilités.

En outre, même s’il n’est pas en discussion commune avec le présent amendement, je préférerais que soit adopté l’amendement n° 24, présenté par M. Jérôme Durain et le groupe socialiste, que nous allons examiner dans un instant, car ses dispositions me semblent mieux écrites.

La commission demande donc le retrait de cet amendement, faute de quoi elle émettrait un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser mon retard.

Pour ma part, je suis favorable à cet amendement, ou du moins à son principe. Toutefois, comme M. le rapporteur, il me semble que l’amendement n° 24, présenté par le sénateur Durain, est mieux rédigé.

Je suggère donc à M. Benarroche de retirer son amendement, au profit de l’amendement n° 24.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Benarroche

Non, je le retire au profit de l’amendement n° 24, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

L’amendement n° 56 est retiré.

L’amendement n° 24, présenté par M. Durain, Mme de La Gontrie, M. Bourgi, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur et Gillé, Mme G. Jourda, M. Jacquin, Mmes Carlotti, Conconne et Artigalas, MM. Cardon et Cozic, Mmes Le Houerou, Meunier, Monier et Rossignol, MM. Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Le recours à la procédure visée au premier alinéa ne fait pas obstacle à l’organisation, à sa suite, d’une audition de la victime dans les locaux des services ou unités de police judiciaire si les circonstances le rendent nécessaire. » ;

La parole est à M. Jérôme Durain.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Durain

Tout le monde l’a compris, cet amendement a pour objet d’empêcher que la téléprocédure ne soit le seul moyen permettant d’accueillir les justiciables ou les victimes et de s’assurer que ce dispositif ne fasse pas obstacle à un accueil physique ultérieur. Je remercie d’ailleurs M. le ministre de s’y être déclaré favorable.

L ’ amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, selon les derniers chiffres de l’Observatoire national des violences faites aux femmes, 88 % des victimes d’agressions sexuelles ou de viols ne portent pas plainte. Sont en cause le sentiment de honte et le surencombrement des commissariats, l’attente interminable au poste de police, la mauvaise formation des agents au recueil de la parole des victimes et le mauvais accompagnement qui s’ensuit.

Si des formations spéciales concernant le traitement des violences sexistes et sexuelles existent, elles sont accomplies sur la base du volontariat. En 2018, une étude menée sur un groupe de 500 femmes victimes de violences a montré les failles des bureaux de plaintes : 60 % des participantes à cette étude ont déclaré que des policiers avaient refusé de prendre leur plainte ou tenté de les en décourager.

Des centaines de témoignages ont aussi été collectés sur le site « payetapolice.tumblr.com », afin de dépeindre le climat délétère qui règne au sein des commissariats. Aujourd’hui encore, on s’étonne et on reproche aux victimes de ne pas porter plainte ou de sortir du silence bien trop tard. Dans de telles conditions, je les comprends !

L’article 6 permet le dépôt de plainte en ligne et offre la possibilité d’être entendu au moyen d’une visioconférence pour réaliser sa déposition. C’est une première réponse positive adressée aux victimes, accompagnées ou non par un proche ou un professionnel : elles peuvent, depuis leur domicile, prendre leur temps et passer le cap, parfois douloureux, du dépôt de plainte.

Toutefois, si la dématérialisation des procédures est nécessaire, les garanties essentielles de confidentialité et de protection de la vie privée doivent être assurées.

Je voterai donc en faveur de cet article.

L ’ article 6 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 162 rectifié bis est présenté par Mmes Billon, de La Provôté, Dindar, Férat, Guidez, Jacquemet, Loisier, Morin-Desailly, Perrot, Sollogoub et Tetuanui et MM. Capo-Canellas, Delcros, Détraigne, Kern, Lafon, Laugier, Le Nay, Levi, Louault et Moga.

L’amendement n° 166 rectifié bis est présenté par MM. Favreau, Belin, J.-B. Blanc, D. Laurent et Cuypers, Mme Dumont, MM. Laménie, Gremillet et Houpert, Mme Goy-Chavent, MM. Cadec et Chatillon, Mme Dumas, MM. Genet et Piednoir, Mme Garriaud-Maylam, MM. Cambon, Longuet, Somon et Tabarot et Mme Schalck.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 6

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au 8° de l’article 10-2 du code de procédure pénale, après le mot : « procédure, », sont insérés les mots : « y compris au stade du dépôt de plainte ou de l’audition libre, ».

La parole est à Mme Annick Billon, pour présenter l’amendement n° 162 rectifié bis.

Debut de section - PermalienPhoto de Annick Billon

Certaines femmes victimes de violences conjugales souhaitant porter plainte contre leur bourreau peuvent être découragées par la complexité apparente du système juridictionnel français, en plus de l’emprise et des menaces qu’elles subissent.

Cet amendement vise donc à garantir à ces femmes le droit d’être accompagnées par un avocat, dès le stade du dépôt de plainte et en audition libre, et, ainsi, à les conforter dans leur décision de déposer plainte.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

La parole est à M. Gilbert Favreau, pour présenter l’amendement n° 166 rectifié bis.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Favreau

Il s’agit ici d’obtenir une amélioration des droits de la défense, dès le début des procédures. En effet, lorsque la victime dépose plainte, la possibilité d’être assistée par un avocat lui est généralement offerte si elle se constitue partie civile. Ce n’est pas le cas lorsqu’elle n’exprime pas sa volonté de se constituer partie civile.

Le présent amendement vise donc à insérer cet article additionnel, en précisant que, en cas de dépôt de plainte ordinaire, la victime peut être assistée par un avocat, ce qui n’est pas le cas dans la rédaction actuelle de l’article 10-2 du code de procédure pénale.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Je suis quelque peu étonné : au sein de la majorité sénatoriale, de nombreuses voix se sont à juste titre élevées pour dénoncer les lourdeurs de la procédure, celle-ci devant toujours être subordonnée au respect des droits et libertés, comme nous l’avons souligné hier.

Or il est ici question d’alourdir de nouveau le code de la procédure pénale, dont l’article 10-2 dispose – vous le savez parfaitement, monsieur Favreau, vous qui êtes un juriste émérite – que les personnes peuvent être accompagnées « chacune, à leur demande, à tous les stades de la procédure », donc pas seulement quand elles se constituent parties civiles.

Je comprends très bien l’intention, et, sur le fond, les rapporteurs sont d’accord. Comme cela a été dit hier, tout doit être fait pour faciliter les démarches des victimes : nous devons nous placer de leur côté, plutôt que d’ajouter dans le droit des mesures qui serviront à des délinquants dont les agissements sont inadmissibles.

En ce qui concerne le cas évoqué par M. Favreau, selon moi, les policiers indiqueront bien aux personnes qui se présenteront à eux qu’elles peuvent demander, dès ce stade, à être accompagnées d’un avocat. Mais il serait intéressant que M. le ministre nous le confirmât…

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Monsieur le rapporteur, je pourrais reprendre toute votre argumentation, mais je vais me contenter de vous lire l’article 10-2 du code de procédure pénale, notamment son alinéa 8 : « Les officiers et les agents de police judiciaire informent par tout moyen les victimes de leur droit […] d’être accompagnées chacune, à leur demande, à tous les stades de la procédure, par le représentant légal et par la personne majeure de leur choix, y compris par un avocat, sauf décision contraire motivée par l’autorité judiciaire compétente » – donc pas par les services de police.

C’est ce que nous avons ajouté dans ce code, il y a un an, par la loi du 24 décembre 2021. Ce débat a donc déjà eu lieu.

Je veux redire que toute personne qui est victime, quelle que soit la procédure, a le droit de se faire accompagner par la personne majeure de son choix. Nous avions ajouté les mots : « y compris par un avocat », puisqu’il nous avait été dit que les avocats n’étaient parfois pas acceptés par les services de police ou de gendarmerie. La quasi-totalité des avocats étant majeurs en France, il me semble que cette disposition s’applique désormais à 100 % des cas dans les commissariats et les gendarmeries.

J’ajoute que, après le vote de la loi par le Parlement, et conformément d’ailleurs à ce que j’avais indiqué devant le Sénat, j’ai donné personnellement instruction à tous les chefs de service de police et de gendarmerie de ne jamais refuser, même si les locaux sont exigus – cette excuse était parfois donnée à la victime – qu’une personne majeure, et pas seulement un avocat, puisse accompagner les victimes si celles-ci le souhaitent.

Le Gouvernement demande donc le retrait de ces amendements identiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Annick Billon

Vous l’avez compris, mes chers collègues, l’objet de l’amendement est de permettre systématiquement le recours à cet accompagnement, y compris dans le cadre de violences intrafamiliales.

En effet, le choix d’être accompagné est laissé à la victime. Or, dans le cas des violences intrafamiliales, des phénomènes d’emprise ou des menaces exercées sur la victime peuvent perturber la décision de cette dernière, avec pour conséquence qu’elle ne demande pas d’assistance, alors même qu’elle en a peut-être besoin.

Il serait préférable que cet accompagnement soit prévu de façon systématique, afin que la victime puisse bénéficier d’un meilleur conseil, dès le dépôt de plainte.

Pour l’instant, je maintiens donc mon amendement, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Favreau

Dans le même esprit, je voulais évoquer les dépôts de plaintes.

Au-delà du cas des femmes victimes de violences, une personne qui souhaite déposer plainte et qui n’est pas informée des finesses de la procédure se voit souvent proposer de faire une déclaration simple, sans plainte. La présence d’un avocat à ce moment précis me paraît effectivement importante.

M. le rapporteur et M. le ministre considèrent que, dans l’état de la rédaction du code de procédure pénale, cet amendement est satisfait. §Dans ce cas, je le retire, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

L’amendement n° 166 rectifié bis est retiré.

Mes chers collègues, il me semble qu’il s’agit d’un sujet dans le sujet : l’audition libre est bien déjà considérée comme faisant partie de la procédure…

La parole est à M. le ministre.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Tout à fait, monsieur le président !

Madame Billon, la solution que vous proposez serait pire. En effet, nous connaissons tous des cas où des personnes, choquées par ce qui leur est arrivé, veulent déposer plainte dans l’urgence et se dirigent directement vers un service de police ou de gendarmerie. Or la loi de la République empêche les policiers ou les gendarmes de leur dire qu’elles ne peuvent pas déposer plainte parce qu’elles ne sont pas accompagnées.

En cas de violences conjugales ou d’agression sexuelle, lorsqu’une femme pousse la porte d’un commissariat qui est ouvert vingt-quatre heures sur vingt-quatre, il est impossible de lui dire, par exemple à deux heures du matin, d’attendre et d’appeler quelqu’un de son choix, notamment un avocat, pour venir l’assister. On risque d’aboutir à une situation qui serait contraire à votre souhait…

Debut de section - PermalienPhoto de Annick Billon

Je retire mon amendement, monsieur le président !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

L’amendement n° 162 rectifié bis est retiré.

L’amendement n° 30, présenté par Mmes Rossignol et de La Gontrie, M. Durain, Mme Harribey, MM. Kanner, Marie, Bourgi, Kerrouche, Leconte, Sueur et Cardon, Mmes Carlotti et Conconne, MM. Cozic et Gillé, Mmes G. Jourda et Le Houerou, M. Jacquin, Mmes Artigalas, Meunier et Monier, MM. Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 6

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l’article 15–3–1 du code de procédure pénale, il est inséré un article 15–3–… ainsi rédigé :

« Art. 15–3–… – La victime présumée de violences commises par son conjoint ou son ancien conjoint, son partenaire ou son ancien partenaire, son concubin ou son ancien concubin est informée de chaque étape de la procédure une fois que les violences commises à son encontre ont été signalées aux autorités compétentes.

« Elle est prévenue avant la remise en liberté ou le placement sous contrôle judiciaire de l’auteur présumé des violences.

« Dans le cadre de la procédure judiciaire, si une condamnation à une peine d’emprisonnement avec mandat de dépôt est prononcée, la victime est prévenue avant la sortie de détention de l’auteur présumé des violences. »

La parole est à Mme Laurence Rossignol.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Je souhaiterais simplement formuler une courte remarque sur les précédents amendements identiques, qui ont été retirés avant que je ne puisse m’exprimer.

Il était tout de même pertinent de préciser que le dépôt de plainte concernait tous les stades de la procédure. En effet, je ne suis pas sûre que cela soit su de tous les avocats ni dans tous les commissariats.

Quant aux commissariats ouverts vingt-quatre heures sur vingt-quatre, si vous pouviez nous donner des adresses, monsieur le ministre, nous en serions ravis, parce qu’ils sont peu nombreux dans nos régions !

M. le ministre proteste.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

L’amendement n° 30 a pour objet que les victimes soient informées à chaque stade de la procédure de la situation du mis en cause, en particulier lorsque celui-ci est remis en liberté sous contrôle judiciaire ou lorsqu’il sort de détention.

En effet, les victimes ne sont pas systématiquement informées de la remise en liberté de l’auteur des violences qu’elles ont subies. Nous demandons que cette mesure soit prévue par le code de procédure pénale et appliquée par la justice ou par les services compétents.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Il me semble que M. le ministre et moi-même avons été clairs sur ce sujet.

J’ajouterai une anecdote. J’ai été maire pendant vingt-neuf ans, et, un jour, une femme, victime d’une agression et traumatisée par ce qui lui était arrivé, est entrée dans mon bureau. Je lui ai proposé de l’aider à trouver un avocat, puisqu’elle en avait le droit à tous les stades de la procédure – c’est d’ailleurs beaucoup plus clair aujourd’hui que lorsque je l’ai reçue. Elle m’a répondu qu’elle ne le souhaitait pas, car elle avait trop honte. Je lui ai dit alors de porter plainte le plus vite possible et j’ai téléphoné au commissariat de police, afin qu’elle soit immédiatement accueillie et que sa plainte puisse être recueillie.

Toutefois, il faut faire attention : ces dispositions pourraient se retourner contre les intérêts de la défense ; c’est ce que le ministre et moi-même essayons de vous expliquer.

Si les victimes ne connaissent pas ces dispositions, ce qui peut être le cas dans les quartiers sensibles ou dont la population est en situation de précarité, cela peut avoir pour conséquence qu’elles renoncent à porter plainte.

Cette disposition est écrite clairement dans le code de procédure pénale, et nous avons très bien fait d’y ajouter la possibilité de demander explicitement l’assistance d’un avocat.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Je ne vois pas quel est le rapport avec mon amendement !

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Mais si ! Vous demandez que la victime de violences conjugales soit informée à toutes les étapes de la procédure pénale. Or c’est écrit explicitement dans l’article 10-2 du code de procédure pénale.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Pour les raisons que le ministre et moi-même avons déjà développées, j’émets donc un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Madame la sénatrice, vous conviendrez volontiers que cette question relève davantage de la compétence du garde des sceaux que de celle du ministre de l’intérieur, même si je vais vous répondre.

Ce que vous souhaitez, si j’ai bien compris l’objet de votre amendement, c’est informer l’éventuelle victime, même lorsqu’il n’y a pas de danger potentiel pour elle.

Or l’article 144-2 du code de procédure pénale, modifié le 1er octobre 2004, prévoit que « lorsqu’une mise en liberté est ordonnée […], mais qu’elle est susceptible de faire courir un risque à la victime, la juridiction place la personne mise en examen sous contrôle judiciaire en la soumettant à l’interdiction de recevoir ou rencontrer la victime ou d’entrer en relation de quelque façon que ce soit avec elle en application des dispositions [de] l’article 138. Cette dernière en est avisée conformément aux dispositions de l’article 138-1 ».

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Cet article ne concerne-t-il pas seulement le cas de la détention provisoire ?

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Non, il me semble que cet article s’applique à tous les auteurs de violences, quelle que soit leur incrimination et quel que soit leur régime juridique.

Actuellement, la loi prévoit deux conditions : ces personnes doivent être mises en examen et présenter un danger pour la victime. Mais vous souhaitez, me semble-t-il, que même sans mise en examen ou sans danger apparent – ce n’est pas à moi de juger de cela, mais nous sommes tout de même en train de faire le droit –, on puisse informer l’éventuelle victime. C’est ainsi que je comprends votre amendement.

Ma compétence est limitée pour un tel débat juridique. Je n’ai pas les services nécessaires pour traiter cette question et je n’ai pas examiné plus en amont votre amendement – je ne crois pas, d’ailleurs, qu’il ait été déposé en commission.

Par conséquent, je ne peux vous donner ni avis favorable ni avis défavorable. Cette mesure impliquerait que les services de police et de gendarmerie, et surtout les parquets, puissent prévenir les victimes. Le nombre de dossiers, comme vous le savez, s’élève à 400 000 par an : c’est beaucoup de travail !

Je serais donc tenté, madame la sénatrice Rossignol, de vous proposer l’alternative suivante.

Une première possibilité serait de retirer votre amendement, afin qu’il soit étudié à l’Assemblée nationale en vue d’une éventuelle commission mixte paritaire (CMP) – vous pourriez imaginer que l’on opte pour la démarche inverse, je le comprends très bien, mais M. le rapporteur s’est exprimé. En tout cas, je suis ouvert à la discussion.

Une seconde possibilité serait d’intégrer cette mesure au texte du garde des sceaux. Mais je conviens qu’il ne viendra pas en discussion avant quelques mois et que l’urgence est au rendez-vous.

Enfin, je puis m’engager à ce que, avec les services du garde des sceaux et vous-même, madame Rossignol, nous examinions le sujet.

Pour ces raisons, et pour que l’on puisse travailler la question en vue d’une prochaine lecture à l’Assemblée nationale, j’exprime un avis de sagesse sur cet amendement, tout en souhaitant plutôt qu’il soit retiré.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Nous avons travaillé ce dossier, déjà, dans la loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire, un texte présenté, tout à fait normalement, par la Chancellerie et défendu au banc du Gouvernement par le garde des sceaux.

Sont concernés dans cette loi, pour être plus précis par rapport à ma première intervention, les articles 712-16 et suivants du code de procédure pénale, qui portent sur l’étape cruciale, vous l’avez dit, de la libération, et l’article 745, qui est relatif au sursis avec mise à l’épreuve.

Autant il est légitime que le ministre, dans le respect de l’esprit de son projet de loi, nous propose un certain nombre de procédures améliorées – effectivement, c’est capital à l’heure actuelle, car, à notre grand désespoir, ces violences ne font que s’accroître –, autant il me semble préférable qu’une telle mesure soit présentée dans le cadre du futur texte sur la justice.

Pour autant, comme le ministre le rappelle, nous avons eu ce débat lors de l’examen de la loi pour la confiance dans l’institution judiciaire, et des amendements de même nature n’ont pas été adoptés.

S’il y a une avancée sur ce point à l’Assemblée nationale, nous réétudierons la question avec les services du ministère, afin de voir s’il faut aller plus loin en CMP. Mais, à ce stade des débats, et avec des amendements présentés directement en séance, sans avoir été discutés dans des conditions normales au sein de la commission, il me semblerait plus cohérent que cette mesure soit intégrée, le cas échéant, dans le futur texte du ministère de la justice.

Tout en prenant le même engagement que le ministre dans le cas où il faudrait envisager des évolutions au niveau de la CMP, je demande donc le retrait de cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

J’entends bien que M. le ministre et M. le rapporteur se réfèrent à différents articles, que ceux-ci ne sont pas exactement les mêmes et qu’il faut donc sans doute travailler de manière un peu plus approfondie sur mon amendement.

Si la justice fonctionnait parfaitement, nous n’aurions peut-être pas ces discussions. La difficulté, c’est que nous sommes saisis de cas pour lesquels on ne sait pas s’il y a dysfonctionnement de la justice ou bien lacune dans le code pénal ou le code de procédure pénale. D’où l’idée de passer par un amendement pour répondre au problème. Ces codes offrant diverses portes d’entrée, il est sûr qu’il n’y a là rien de simple.

Je présenterai par la suite plusieurs autres amendements qui ont pour objet la justice. Il se trouve que le présent projet de loi comprend un chapitre sur les violences intrafamiliales et sexistes : je ne fais que me saisir d’un véhicule législatif qui entre en gare !

Je verrai comment il est possible d’approfondir la discussion à l’Assemblée nationale. En attendant, dans un souci de qualité légistique, je retire donc mon amendement, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

L’amendement n° 30 est retiré.

Chapitre II

Mieux lutter contre les violences intrafamiliales et sexistes et protéger les personnes

I. – Le chapitre II du titre II du livre II du code pénal est ainsi modifié :

1° Après la section 3, la section 4 est ainsi rétablie :

« Section 4

« De loutrage sexiste

« Art. 222 -33 -1 -1. – I. – Est puni de 3 750 euros d’amende le fait, hors les cas prévus aux articles 222-13, 222-32, 222-33 et 222-33-2-2, d’imposer à une personne tout propos ou comportement à connotation sexuelle ou sexiste qui soit porte atteinte à sa dignité en raison de son caractère dégradant ou humiliant, soit crée à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante, lorsque ce fait est commis :

« 1° Par une personne qui abuse de l’autorité que lui confèrent ses fonctions ;

« 2° Sur un mineur de quinze ans ;

« 3° Sur une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de son auteur ;

« 4° Sur une personne dont la particulière vulnérabilité ou dépendance résultant de la précarité de sa situation économique ou sociale est apparente ou connue de son auteur ;

« 5° Par plusieurs personnes agissant en qualité d’auteur ou de complice ;

« 6° Dans un véhicule affecté au transport collectif de voyageurs ou dans un lieu destiné à l’accès à un moyen de transport collectif de voyageurs ;

« 7° En raison de l’orientation sexuelle, vraie ou supposée, de la victime ;

« 8° Par une personne déjà condamnée pour la contravention d’outrage sexiste et qui commet la même infraction en étant en état de récidive dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 132-11.

« II. – Pour le délit prévu au I du présent article, y compris en cas de récidive, l’action publique peut être éteinte, dans les conditions prévues aux articles 495-17 à 495-25 du code de procédure pénale, par le versement d’une amende forfaitaire d’un montant de 300 euros. Le montant de l’amende forfaitaire minorée est de 250 euros et le montant de l’amende forfaitaire majorée est de 600 euros. » ;

2° Les sections 3 bis, 3 ter, 5, 6 et 7 deviennent respectivement les sections 5, 6, 8, 9 et 10 ;

3° L’article 222-44 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa du I, les mots : « aux sections 1 à 4 » sont remplacés par les mots : « aux sections 1 à 7, à l’exception de la section 4 » ;

b) Au premier alinéa du II, les références : « 3 ter et 4 » sont remplacées par les références : « 6 et 7 » ;

4° Au premier alinéa de l’article 222-45, la référence : « 4 » est remplacée par la référence : « 7 » ;

5° À l’article 222-48-2, la référence : « 3 bis » est remplacée par la référence : « 5 » ;

6° La section 5 est complétée par un article 222-48-5 ainsi rédigé :

« Art. 222 -48 -5. – Les personnes coupables du délit prévu à l’article 222-33-1-1 encourent également les peines complémentaires suivantes :

« 1° La peine de stage prévue aux 1°, 4°, 5° ou 7° de l’article 131-5-1 ;

« 2° La peine de travail d’intérêt général pour une durée de vingt à cent vingt heures. »

II. – Le titre II du livre VI du code pénal est abrogé.

II bis

II ter

III. – Le présent article entre en vigueur le premier jour du troisième mois suivant la publication de la présente loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laménie

L’article 7 vise à renforcer la répression de l’outrage sexiste au sein d’un chapitre intitulé : « Mieux lutter contre les violences intrafamiliales et sexistes et protéger les personnes ».

Dans ce cadre, référence est faite à la loi du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, qui avait donné lieu à un important travail réalisé par notre collègue Marie Mercier. Ces mesures vont dans le sens souhaité par le Sénat. Ici, il s’agit de renforcer la répression, en proposant des sanctions cohérentes par rapport à l’échelle des peines.

Je rappellerai également le travail effectué par la délégation sénatoriale aux droits des femmes présidée par notre collègue Annick Billon, ainsi que l’ensemble du travail de prévention sur le terrain.

Nos forces de sécurité sont de plus en plus confrontées à ces violences intrafamiliales dans le cadre de leurs interventions. Des associations, des services sociaux, des intervenants sociaux dans les villes, les communes et les départements travaillent sur ces questions. Dans le département des Ardennes, que je représente, il faut y ajouter l’action importante menée par une structure comme le Centre d’information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF).

À cet égard, je souligne comme vous, monsieur le ministre, le financement de 200 postes d’intervenants sociaux supplémentaires en police et gendarmerie qui est prévu dans cet article 7. Si l’on ajoute le lien avec la justice, c’est un travail très important qui est mené sur cette question.

Cet article va dans le bon sens. Il témoigne d’un souci d’efficacité, et je le soutiendrai.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

L’amendement n° 208, présenté par MM. Richard, Patriat, Mohamed Soilihi et Théophile, est ainsi libellé :

Alinéa 26

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Dominique Théophile.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Théophile

Cet amendement vise à supprimer la possibilité, pour les agents de police judiciaire adjoints(APJA), de constater le nouveau délit d’outrage sexiste aggravé.

Cette possibilité, introduite par la commission des lois, présente une fragilité constitutionnelle. En effet, dans sa décision du 20 mai 2021 relative à la loi pour une sécurité globale préservant les libertés, les juges de la rue de Montpensier ont déclaré contraire à l’article 66 de la Constitution la possibilité de constater des délits pour les agents de police municipale et les gardes champêtres, qui sont des agents de police judiciaire adjoints au sens de l’article 21 du code de procédure pénale.

Afin d’éviter tout nouveau risque de censure par le Conseil constitutionnel, je vous invite, mes chers collègues, à voter cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Loïc Hervé

Actuellement, les agents de police judiciaire adjoints, les policiers municipaux par exemple, peuvent constater par procès-verbal la contravention d’outrage sexiste, puisqu’il s’agit d’une contravention.

Si nous ne voulons pas que la réforme prévue à l’article 7, qui vise à renforcer la répression d’outrage sexiste, ne soit pas contre-productive, il nous paraît important que les personnes constatant aujourd’hui l’outrage sexiste puissent continuer de le faire, même si l’outrage sexiste aggravé devient un délit.

La décision du Conseil constitutionnel à laquelle vous avez fait référence, monsieur Théophile, avait censuré un article confiant aux agents de police municipale des compétences beaucoup plus étendues. Il nous semble que pour ce « petit » – pardon du qualificatif – délit d’outrage sexiste aggravé, puni d’une simple amende, il n’est pas excessif de leur reconnaître cette compétence.

Nous sommes cependant sensibles aux arguments juridiques qui ont été avancés, notamment en commission par M. Alain Richard.

Monsieur le ministre, avant de donner l’avis de la commission, nous souhaiterions donc connaître l’avis du Gouvernement sur ce point.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

En écho à M. Laménie, je souligne que le bilan de la création de l’outrage sexiste montre le caractère positif de cette mesure, défendue dans ses précédentes fonctions par Marlène Schiappa.

Depuis l’entrée en vigueur de la loi du 3 août 2018, que vous avez votée, le nombre d’infractions enregistrées par les forces de sécurité est en très nette augmentation : 929 infractions en 2019, quelque 1 400 en 2020 et 2 270 en 2021. On voit bien que les forces de l’ordre se sont emparées de ce dispositif législatif.

Je rappelle que la majorité des victimes – 91 % – sont des femmes, mais que 9 % d’entre elles tout de même sont des hommes. La majorité des contraventions sont des contraventions de quatrième classe pour outrage sexiste simple.

S’agissant du recours à l’amende forfaitaire, nous nous interrogeons aujourd’hui pour savoir qui doit constater ce délit.

J’ai bien compris qu’il y a, autour de cet article 7, une question de constitutionnalité. En effet, le Conseil constitutionnel, dans une jurisprudence sur la loi pour une sécurité globale préservant les libertés, a considéré que les gardes champêtres et les polices municipales ne pouvaient pas constater un certain nombre de délits. Cette décision nous a surpris, mais nous a évidemment conduits à réfléchir à la façon d’être en conformité avec la jurisprudence du juge constitutionnel.

Certes, dans le cas présent, il peut y avoir une fragilité juridique. Mais, pour plaider la cause de cet article, j’observerai que les agents de police judiciaire adjoints sont déjà en mesure de constater un certain nombre de délits, notamment routiers.

Le Conseil constitutionnel n’a pas censuré la disposition prévoyant clairement que les agents de police judiciaire adjoints pouvaient considérer les ventes à la sauvette dans les transports publics comme des délits et les constater comme tels. On pourrait imaginer qu’il maintienne cette jurisprudence s’il s’agit de leur permettre, non pas de constater tous les délits – ce qui a sans doute expliqué la censure évoquée –, mais seulement un délit supplémentaire.

S’agissant d’une éventuelle censure par le Conseil constitutionnel, monsieur le rapporteur, nous jugeons la mesure susceptible de passer le filtre des juges de la rue de Montpensier.

Je m’en remets donc à la sagesse du Sénat.

Debut de section - PermalienPhoto de Loïc Hervé

Ce sera un avis défavorable, monsieur le président.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

La parole est à M. Dominique Théophile, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Théophile

Si je comprends les explications, il y a un risque, mais on attend… Autrement dit, wait and see !

Compte tenu de l’ensemble des arguments avancés, je retire mon amendement, monsieur le président. Nous verrons bien ce qu’il adviendra de cet article !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

L’amendement n° 208 est retiré.

Je mets aux voix l’article 7.

L ’ article 7 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

L’amendement n° 33, présenté par Mmes Rossignol et de La Gontrie, MM. Durain et Kanner, Mme Harribey, MM. Bourgi, Leconte, Marie et Sueur, Mme Artigalas, MM. Cardon et Gillé, Mmes Carlotti, G. Jourda et Conconne, MM. Cozic et Kerrouche, Mme Le Houerou, M. Jacquin, Mmes Meunier et Monier, MM. Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 7

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À la première phrase du premier alinéa de l’article 515-11 du code civil, les mots : « et le danger » sont remplacés par les mots : « ou le danger ».

La parole est à Mme Laurence Rossignol.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

J’ai déjà défendu cette disposition à plusieurs reprises quand nous avons modifié l’ordonnance de protection. Je la défendrai inlassablement, jusqu’à ce qu’un jour, j’en suis sûre, je sois suivie par le Parlement et le Gouvernement – je parle d’expérience, l’examen de précédents textes ayant montré des évolutions régulières sur ces sujets au cours des trois dernières années.

Le dispositif de l’ordonnance de protection prévoit une condition cumulative : il faut des faits de violence et un danger encouru.

Or de nombreuses victimes ou leurs avocats nous informent que certains juges aux affaires familiales (JAF) ont une interprétation très restrictive de cette condition cumulative. Il peut arriver que des violences n’aient pas encore été commises ou, du moins, que la victime ne puisse pas en apporter la preuve, ne pouvant prouver que des menaces.

Cela nous renvoie, d’ailleurs, à des amendements ultérieurs d’Arnaud Bazin sur l’utilisation des animaux domestiques dans les conflits de couples. Je sais que, lors de leur présentation devant la commission des lois, ces amendements ont un peu surpris et fait sourire. Pour ma part, je n’ai pas souri ! En effet, je comprends exactement ce que notre collègue vise. « Je vais tuer ton chat », « Je vais partir avec le chien », etc. : ce sont des menaces et, parfois, le prélude à un passage à l’acte.

Je propose donc de remplacer la condition cumulative, le « et », par un « ou ». Pour que l’ordonnance puisse être prononcée, il faudrait donc soit des violences, soit des menaces.

Cette mesure est nécessaire, car de nombreuses ordonnances de protection ne peuvent pas être prononcées, parce que les menaces de violence n’ont pas encore été mises à exécution. Pour autant, la femme qui vient demander cette ordonnance est incontestablement dans une grande situation de danger.

Cet amendement est donc véritablement utile dans la lutte contre les violences intrafamiliales. Mes chers collègues, j’espère vous avoir convaincus cette fois !

Debut de section - PermalienPhoto de Loïc Hervé

Au risque de vous être désagréable, madame Rossignol, je vous répondrai que, d’une manière générale, ce texte ne nous semble pas le cadre adapté pour réformer l’ordonnance de protection.

Je comprends que vous défendiez avec constance cette réforme. Pour ma part, je suivrai avec constance cette ligne, qu’il s’agisse de vos amendements déposés sur ce sujet ou de ceux de M. Bazin.

Nous n’avons pas mené les auditions nécessaires pour nous diriger vers une modification aussi importante du dispositif, étant rappelé que nous examinons aujourd’hui un projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur. Ce texte peut certes aborder à la périphérie un certain nombre de sujets liés au domaine pénal ou à l’organisation de la justice, mais ces sujets ne sont absolument pas au cœur de celui-ci.

Certes, la question que vous évoquez n’en est pas totalement déconnectée – c’est pourquoi l’amendement n’a pas été déclaré irrecevable au titre de l’article 45 de la Constitution –, car la répression des violences sexistes est bien renforcée par le présent projet de loi. Mais, encore une fois, quand Marc-Philippe Daubresse et moi-même avons rencontré les procureurs de la République et les avocats, nous n’avions pas connaissance de ces propositions.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Ce n’est pas la première fois que je présente cet amendement !

Debut de section - PermalienPhoto de Loïc Hervé

Je l’entends, mais il faut tout de même un peu de méthode pour mener nos réflexions à terme : il faut traiter les sujets dans les bons véhicules législatifs.

De plus, il nous semble souhaitable de préserver une certaine stabilité des règles de droit. L’ordonnance de protection a été réformée en 2020, donc tout à fait récemment.

Par conséquent, et je le répéterai autant de fois que nécessaire dans la discussion à suivre, nous avons émis un avis défavorable sur l’ensemble des amendements relatifs à l’ordonnance de protection.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Je n’ai pas grand-chose à changer à ce que vient de dire M. le rapporteur.

Certes, cette disposition a sa place dans une discussion sur les violences intrafamiliales et, en ce sens, peut être examinée dans le cadre de cet article 7. Mais, madame la sénatrice Rossignol, vous faites appel, ici, à la juridiction civile. Il est déjà difficile d’entrer dans des questions de justice pénale lorsque l’on travaille sur un texte du ministère de l’intérieur… Au travers de cet amendement, c’est le juge aux affaires civiles qui est convoqué. C’est aller assez loin dans les compétences prêtées au ministre de l’intérieur pour défendre un texte au banc du Gouvernement !

Je peux comprendre votre démarche, et j’y suis a priori favorable. Mais se pose aussi une problématique d’urgence : s’il y a menace, c’est le juge pénal qui doit intervenir. L’ordonnance est une forme de protection, mais on ne peut traiter par ce biais les menaces qui pourraient être sanctionnées par le juge pénal.

Par conséquent, indépendamment du fond, qui mérite sans doute des auditions et des réflexions – connaissant votre grande expérience, je veux bien me ranger à vos arguments –, je ne vois pas comment nous pourrions introduire, dans un texte relatif au ministère de l’intérieur, de tels changements dans le code civil.

Par respect des compétences de chacun, et renvoyant au travail proposé par M. le rapporteur, j’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Annick Billon

S’agissant de cette proposition de notre collègue Laurence Rossignol, qui souhaite modifier par amendement l’ordonnance de protection, nous devons véritablement nous poser plusieurs questions.

La lutte contre les violences intrafamiliales a évolué. Un certain nombre de textes ont été votés. Il y a eu une libération de la parole, et on connaît de mieux en mieux les processus qui conduisent à ces actes. Il est vrai que ce « ou » appelle une réflexion, car, quelque part, il y a une interprétation de ce qu’est le danger.

En réalité, une menace est une forme de violence et, on le voit tous les jours dans les cas de violences intrafamiliales, le danger peut prendre plusieurs formes, comme l’emprise ou les menaces exercées sur les victimes.

Je comprends donc la volonté de notre collègue de modifier l’ordonnance de protection, tout comme j’entends les arguments du rapporteur.

Je vois que Laurence Rossignol a souhaité répondre au rapporteur et au ministre. Je vais donc attendre les différentes explications pour arrêter une position de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

La parole est à Mme Dominique Vérien, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Vérien

S’agissant de cet amendement, comme du précédent et des suivants, il est vrai que la Lopmi, en toute logique, ne se prête pas au traitement de ces sujets. Comme vous le savez, mes chers collègues, des parlementaires ont été missionnés pour travailler sur les violences intrafamiliales, et il est évident que tous ces points devront être examinés dans ce cadre.

J’en profite pour dire un mot sur l’amendement précédent, sur lequel je n’ai pu m’exprimer, Laurence Rossignol l’ayant retiré. Effectivement, des problèmes ont été rencontrés, avec des femmes qui n’ont pas été prévenues de la sortie de prison de leur conjoint violent. Je sais, pour suivre ce dossier, que la Chancellerie a fait des retours d’expériences et diffuse actuellement des consignes suffisamment fermes pour que cela ne se reproduise pas.

Le cas échéant, il faudra inscrire cette mesure dans la loi, mais toutes les bonnes pratiques ne nécessitent pas forcément de passer par le canal législatif. En tout cas, ces difficultés ont été très bien identifiées, et nous veillerons à ce que, à l’avenir, il y ait en la matière une règle immuable.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Je sais bien que nous avons déjà réformé l’ordonnance de protection et je prends le pari devant vous, mes chers collègues, que nous la réformerons encore. Sur ces sujets, en effet, notre connaissance est presque empirique : au fur et à mesure que nous réformons et que nous observons la façon dont la loi est appliquée, nous découvrons des lacunes et des dysfonctionnements.

Mon but est simple. Il y a des sujets sur lesquels je fais confiance à mes collègues de l’hémicycle, car je sais qu’ils en sont des spécialistes. Certes, messieurs les rapporteurs, vous n’avez pas auditionné tous les avocats sur cette question. Pour ma part, depuis dix ans, je ne fais que travailler sur le dossier. Si j’explique qu’il y a un problème, particulièrement dans ce cas précis, de grâce, faites-moi confiance ! Les avocats me le disent ; des juges aux affaires familiales me le disent également.

Je le reconnais, monsieur le ministre, l’ordonnance de protection est une affaire de droit civil. Mais vous connaissez bien la nature quelque peu hybride de cette ordonnance : cette mesure conduit à des décisions d’éloignement et d’interdiction d’approcher qui sont presque de nature pénale – d’ailleurs, dans les mois à venir, nous discuterons de la capacité des procureurs à prononcer des ordonnances de protection.

Bien sûr, ces domaines appartiennent aux juges civils, mais nous sommes dans l’urgence : pendant que nous débattons, pendant que nous nous demandons si ce texte est le bon véhicule législatif, il y a des juges aux affaires familiales qui ne connaissent pas bien le dispositif de l’ordonnance de protection, qui n’y sont pas encore habitués ou qui le découvrent – les chiffres m’échappent à cet instant, mais le nombre d’ordonnances a été multiplié par dix en deux ans. Et, je puis vous l’assurer, il y a un problème de condition cumulative.

La menace précède le danger. Si, ensuite, le juge saisi en appel annule l’ordonnance de protection au motif qu’elle n’est pas conforme à la loi, ce sont des femmes qui se retrouvent sans protection ! Après, on parlera de dysfonctionnement ; on constatera que telle femme ayant demandé une ordonnance de protection ne l’a pas obtenue et qu’il y a eu passage à l’acte, alors que toutes les menaces étaient connues au moment du refus de l’ordonnance, et cela parce que la loi ne prévoit pas le bon cadre.

Vraiment, faites-moi confiance, mes chers collègues !

Debut de section - PermalienPhoto de Loïc Hervé

Madame Rossignol, je ne mets absolument pas en doute vos compétences ni la permanence de vos convictions sur ce sujet. Siégeant moi-même à la délégation aux droits des femmes depuis maintenant quelques années, auprès, notamment, de la présidente Annick Billon, je sais l’importance que vous accordez à ces sujets et je crois faire partie de ceux qui y sont particulièrement attentifs.

Le Sénat et la commission des lois nomment des rapporteurs sur un texte et un périmètre est défini, dans lequel on essaie, autant que faire se peut, de maintenir le débat. Si le Gouvernement a nommé Mme la députée Émilie Chandler et Mme la sénatrice Dominique Vérien, ici présente, parlementaires en mission sur ces questions, c’est, je vous le dis, que des propositions seront avancées.

Encore une fois, nous travaillons sur un projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur. Ce débat est important et intéressant, mais les deux rapporteurs n’ont pas mené les auditions nécessaires.

Je rappelle, et je prends à témoin Jérôme Durain, que les auditions sont ouvertes aux membres de la commission des lois et que de nombreux collègues y ont participé. Nous sommes obligés de maintenir une certaine méthode dans l’examen de ce texte.

Sur cet amendement, mais aussi pour d’autres que nous examinerons dans quelques instants, je suis donc contraint d’émettre un avis défavorable.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

L’amendement n° 34, présenté par Mmes Rossignol et de La Gontrie, MM. Durain, Kanner et Bourgi, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Marie, Sueur et Leconte, Mmes Artigalas et G. Jourda, M. Gillé, Mmes Carlotti et Le Houerou, MM. Cardon, Cozic et Jacquin, Mmes Conconne, Meunier et Monier, MM. Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 7

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article 515-11 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« À sa demande, la partie demanderesse peut poursuivre la dissimulation de son domicile ou de sa résidence prévue aux alinéas 6° et 6° bis à l’expiration de l’ordonnance de protection. »

La parole est à Mme Laurence Rossignol.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

J’imagine que tous les amendements suivants vont subir le même sort…

Je nous souhaite, mes chers collègues, qu’il n’y ait pas d’accident entre le vote sur ces amendements et le moment où nous adopterons enfin des mesures offrant une meilleure protection aux femmes et aux enfants victimes de violence… À partir de maintenant, je vais vous envoyer tous les dossiers qui me sont remontés. Vous pourrez ainsi constater les conséquences de nos votes.

Si vous le permettez, monsieur le président, je présenterai en même temps les amendements n° 31 et 32, qui visent également l’ordonnance de protection.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

J’appelle donc en discussion l’amendement n° 31, présenté par Mmes Rossignol et de La Gontrie, M. Durain, Mme Harribey, MM. Kanner, Bourgi, Leconte, Sueur, Kerrouche et Marie, Mmes Carlotti et Conconne, M. Cozic, Mme Artigalas, MM. Cardon et Gillé, Mme G. Jourda, M. Jacquin, Mmes Le Houerou, Meunier et Monier, MM. Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, et ainsi libellé :

Après l’article 7

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À la première phrase de l’article 515-12 du code civil, le mot : « six » est remplacé par le mot : « douze ».

J’appelle également en discussion l’amendement n° 32, présenté par Mmes Rossignol et de La Gontrie, MM. Durain, Kanner, Bourgi, Kerrouche et Leconte, Mme Harribey, MM. Marie, Sueur et Gillé, Mmes Artigalas et Conconne, M. Cardon, Mmes G. Jourda, Carlotti et Le Houerou, MM. Cozic et Jacquin, Mmes Meunier et Monier, MM. Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, et ainsi libellé :

Après l’article 7

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après la deuxième phrase de l’article 515-12 du code civil est insérée une phrase ainsi rédigée : « Cette condition n’est pas applicable aux femmes non mariées et sans enfant. »

Veuillez poursuivre, ma chère collègue.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

L’amendement n° 34 a pour objet la dissimulation du domicile de la victime. Comme vous le savez, mes chers collègues, malgré une ordonnance de protection, les hommes violents peuvent retrouver ce domicile, donc répéter leurs actes de violence.

L’amendement n° 31 tend à allonger les délais.

Enfin, l’amendement n° 32 vise la prise en charge des femmes non mariées et sans enfant.

Mais je ne me fais aucune illusion sur le sort réservé à ces trois amendements…

Debut de section - PermalienPhoto de Loïc Hervé

L’avis de la commission est défavorable sur les trois amendements.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Madame Rossignol, je comprends que vous souhaitiez modifier l’ordonnance dont il s’agit. Étant donné les constats que nous dressons de manière empirique, vous avez sans doute mille fois raison.

Toutefois – vous le savez très bien, et j’imagine que cela ne vous laisse pas indifférente –, ce sujet est du ressort du ministère de la justice. Les dispositions visées relèvent en effet des codes civil et pénal.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Certes, ce projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur contient un certain nombre de mesures à même de simplifier la vie des policiers et des gendarmes, et nos forces de l’ordre agissent bien sûr sous l’autorité des magistrats. Toutefois, les dispositions dont il s’agit ne touchent pas profondément aux codes relevant du ministère de la justice.

Cela étant, je relaierai vos interpellations à M. le garde des sceaux et porterai vos amendements à sa connaissance.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Je n’ai pas l’habitude de prendre la parole dans les débats, mais tout de même, madame Rossignol !

M. le rapporteur a expliqué pourquoi la commission a donné un avis défavorable à vos amendements. Il s’agit, non pas d’une question de fond – nous avons tous conscience de l’utilité de ce que vous défendez –, mais d’une question de circonstances, de texte adapté et d’analyses supplémentaires nécessaires. Telle est la réalité des choses. Tel est notre travail à la commission des lois !

Je ne puis accepter les propos que vous avez tenus, qui consistent à faire du chantage à vos collègues.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois. Je vous demande de les retirer.

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Je ne retirerai aucun de mes propos, monsieur le président.

Je n’ai fait aucun chantage. J’ai simplement indiqué que, comme je suis destinataire de nombreux dossiers démontrant les insuffisances de l’ordonnance de protection et comme le rapporteur a souligné que le texte ne conduisait pas à auditionner sur ce sujet, je ferai circuler, pour garantir une bonne information du Sénat, les dossiers que je reçois. Ce n’est en rien un chantage, ni même une menace.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Je ne veux pas allonger les débats sur le sujet. Nous reprendrons les propos que vous avez tenus devant l’ensemble de nos collègues, madame Rossignol : ils constituent bien un chantage.

Si je dois vous envoyer la définition de ce terme, je le ferai sans délai.

Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Benarroche

Je croyais siéger dans une assemblée raisonnable et sage…

Monsieur le président de la commission des lois, personnellement, je n’ai pas ressenti les paroles de Laurence Rossignol comme un chantage.

Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Benarroche

Selon moi, Laurence Rossignol a fondamentalement raison sur le fond : MM. les rapporteurs et M. le ministre l’ont eux-mêmes relevé.

Nous reconnaissons tous qu’il faut agir en ce sens, mais nous ne savons pas quand. Or, d’ici là, un certain nombre d’événements peuvent se produire et, en un sens, nous en sommes tous comptables. En tout cas, il est normal que nous en soyons informés.

Les propos de Laurence Rossignol me semblent donc logiques : personnellement, je voterai ces amendements et, bien entendu, je ne lui demande pas d’excuses.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Annick Billon

Je regrette cette tension soudaine, qui plus est sur un sujet qui nous préoccupe tous.

Nous connaissons l’engagement des uns et des autres face à ces problèmes, qu’il s’agisse de M. Hervé, membre de la délégation aux droits des femmes, ou de Mme Rossignol – ce combat est au cœur de son parcours politique.

J’entends que les rapporteurs n’ont pas été en mesure d’étudier ces thématiques. Toutefois, monsieur le ministre, gardons à l’esprit que ce sujet majeur est encore et toujours sur la table : les nombreuses lois votées jusqu’à ce jour n’ont pas été à même d’inverser les statistiques des violences intrafamiliales. Voilà pourquoi nous devons explorer les pistes de progrès qui nous sont soumises.

De l’intervention de Mme Rossignol, je retiens donc avant tout les propositions formulées.

Messieurs les rapporteurs, ces propositions sont utiles. Elles n’ont peut-être pas leur place dans ce texte, mais il va falloir que l’on s’en saisisse.

Mme Vérien nous a rappelé la mission dont elle était chargée sur ce sujet, avec l’une de nos collègues députées. Pour ma part, je suis pleinement convaincue de l’utilité d’une juridiction spécialisée pour lutter contre les violences intrafamiliales. Cela étant, laissons la mission travailler avant d’examiner ses conclusions.

J’espère que cette intervention aura permis de rétablir un peu de sérénité sur les travées de notre hémicycle.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

La parole est à Mme Marie Mercier, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie Mercier

Mes chers collègues, reconnaissons-le : parfois, nous avons le sentiment que nos votes sont inutiles. Malgré les mesures prises, on déplore toujours de nouvelles victimes, au point que l’on se sent presque coupable : pourquoi n’a-t-on pas mieux rédigé telle ou telle disposition ?

Toutefois, ce que j’ai compris à la commission des lois, c’est que l’on y fait du droit, rien que du droit, …

Debut de section - PermalienPhoto de Marie Mercier

… et que, dans certains cas, nous devons savoir mettre notre émotion dans notre poche. Ce que les praticiens voudraient ou pourraient faire dans le secret professionnel de leurs cabinets médicaux, on ne peut pas forcément l’écrire dans la loi.

Bien entendu, j’approuve pleinement ces préoccupations de fond : il faut accroître la protection des enfants et des femmes. La délégation aux droits des femmes y travaille effectivement, à l’instar de la commission des lois, avec toute l’écoute du président Buffet et, pour ce qui concerne ce texte, l’attention de MM. les rapporteurs.

Évidemment, on voudrait toujours faire mieux, mais il y a une chose que l’on ne changera pas par la législation : ce sont les mentalités.

Souvent, les lois existent, mais elles ne sont pas toujours très bien appliquées, car elles restent mal connues. C’est, pour nous, un sujet de profonde tristesse, mais nous devons rester fidèles à notre méthode, en préservant ce fil directeur : plaçons les dispositions que nous voulons adopter dans le véhicule législatif qui convient. Sinon, nous prêterons le flanc à des critiques par trop faciles.

Nous devons œuvrer à la protection des enfants ensemble et de notre mieux : elle fera l’objet d’un texte spécifique.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Raymond Hugonet

J’ai beaucoup de respect pour Laurence Rossignol, ainsi que pour son travail, et je sais avec quelle fougue elle défend les sujets qui lui tiennent à cœur.

Sans qu’elle s’en rende forcément compte, certains ont pu se sentir visés par ses propos, même si, sur le fond, nous sommes tous d’accord : il faut lutter contre les violences intrafamiliales. Quant à l’intervention de M. Buffet, elle a été de nature à restaurer la sérénité de notre débat.

Monsieur Benarroche, je vous invite à mon tour à respecter toutes les voix qui s’élèvent dans cet hémicycle. Chacun s’exprime à sa façon. On peut évidemment être emporté par sa fougue ; mais concevez que certains aient pu être atteints par les paroles de Mme Rossignol.

M. Guy Benarroche le concède.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Raymond Hugonet

J’y insiste : nous sommes tous parfaitement d’accord quant aux objectifs. Pour ce qui est des moyens à employer, M. le rapporteur et M. le président de la commission ont apporté des explications on ne peut plus claires.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

La parole est à M. Hussein Bourgi, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Hussein Bourgi

Mes chers collègues, je tiens à vous faire part du sentiment de gêne que je ressens depuis le début de la matinée.

Ces questions ont déjà été débattues dans notre hémicycle, lors de l’examen du projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire. Nous avions alors déposé un certain nombre d’amendements ayant pour objet l’accueil des victimes au moment du dépôt de plainte, leur accompagnement par un avocat ou par le membre d’une association agréée, l’information de la victime tout au long de la procédure ou encore les actes commis après le jugement.

À cette époque, le garde des sceaux nous a dit de nous adresser au ministre de l’intérieur. Aujourd’hui, le ministre de l’intérieur est au banc du Gouvernement. Mais, lorsque nous lui posons ces questions, il nous répond : « C’est en dehors de mon périmètre. Adressez-vous au garde des sceaux ! »

M. le ministre proteste.

Debut de section - PermalienPhoto de Hussein Bourgi

Faisant mien l’un des vœux émis par un orateur du groupe Les Républicains lors de la discussion générale, je conclus donc : vivement un projet de loi qui nous permette d’interroger concomitamment, au banc du Gouvernement, le garde des sceaux et le ministre de l’intérieur !

Nous avons besoin de les voir siéger l’un à côté de l’autre pour qu’ils nous apportent de véritables réponses. Il faut mettre un terme à cette stratégie de la défausse, consistant à renvoyer à plus tard et à l’autre les questions que nous posons.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Ce n’est pas tout à fait ce que j’ai dit !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Monsieur Bourgi, il ne vous aura pas échappé que, lorsqu’un texte arrive en séance après avoir été travaillé par la commission, il n’y a pas lieu d’ouvrir de nouveaux débats, qui plus est lorsqu’ils sont improvisés.

Par ailleurs, le Gouvernement est un. Par définition, il a une position sur chaque texte et sur chaque élément de texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Évidemment, le fait que l’on découvre une partie du texte en séance publique ne facilite pas le déroulement du débat.

La parole est à M. le ministre.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Monsieur Bourgi, jusqu’à présent, j’avais le sentiment que nous travaillions dans le respect des uns et des autres, sans attaque personnelle ou politicienne.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Cela n’a rien à voir avec vous, madame la sénatrice !

Monsieur Bourgi, vos propos me semblent à la fois déplacés et faux.

Peut-être avez-vous oublié que j’étais là quand M. le garde des sceaux a présenté au Sénat le projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire. J’ai répondu avec lui à vos interrogations. Je me souviens même très bien avoir accepté, dans la suite du débat devant votre assemblée, de modifier par le biais d’un sous-amendement une disposition évoquée tout à l’heure avec M. Favreau. Il s’agit de la présence de l’avocat et de la personne majeure dans les services de police.

Ces attaques politiciennes ne me semblent pas dignes de notre débat d’aujourd’hui. Depuis avant-hier, j’ai effectivement relevé qu’un certain nombre de questions posées étaient, en fait, d’ordre interministériel. Elles dépassaient donc le seul champ d’attribution du ministre de l’intérieur.

Quel que soit le délai de communication des amendements, il me semble indispensable de passer par la commission.

Pour ma part, j’échange beaucoup avec vos rapporteurs, comme avec le président de la commission des lois. Je vous rappelle que j’ai invité l’intégralité de cette dernière à venir me rencontrer au ministère de l’intérieur voilà quinze jours.

Vous n’en avez pas fait état, mais tous les membres de la commission étaient conviés, quel que soit leur groupe politique : nous aurions pu travailler en amont un certain nombre de points.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Je me doutais ainsi que M. Durain évoquerait les rodéos urbains : il m’a interpellé à ce sujet lors de notre rencontre.

Le ministère de l’intérieur est ouvert à tout le monde. Peut-être pourrions-nous collectivement améliorer notre méthode de travail en matière législative, y compris avec votre groupe politique. Je suis prêt à apporter ma pierre à l’édifice. Mais n’y a pas d’un côté les méchants et de l’autre les gentils.

Mme Rossignol l’a souligné avec raison : les questions que vous évoquez doivent être traitées de manière rapide, car un certain nombre de faits continuent de se produire. Mais, par définition, le temps de la loi est un temps long.

Mme Laurence Rossignol acquiesce.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Je l’entends volontiers, mais, je vous en prie, ne faites pas de politique politicienne ici. Je sais en faire moi aussi – je ne vous apprends rien

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Savoldelli

M. Pascal Savoldelli. Je me contenterai de formuler trois remarques, de manière très respectueuse et tranquille.

Sourires sur les travées du groupe CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Savoldelli

Tout d’abord, la procédure accélérée n’est pas le fait des auteurs de ces amendements : nous sommes tous d’accord sur ce point.

Ensuite, personne n’entend remettre en cause le droit d’amendement en séance. On pourrait décider, un jour, de ne traiter dans l’hémicycle que des amendements examinés en commission : c’est la responsabilité, non du ministre, mais du Sénat. À mon sens, nous devons préserver une certaine souplesse entre l’expertise des commissions, dont chacun salue la qualité, et le droit d’initiative de tous les parlementaires.

Enfin, avec ces trois amendements, nous examinons des questions importantes : la non-applicabilité de l’ordonnance de protection en cas de dissimulation de l’adresse ; l’allongement, de six mois à un an, de la durée d’application de ladite ordonnance ; enfin, les conditions d’accès à cette prolongation pour une femme non mariée ou sans enfant. Ce sont là autant de questions graves, qui méritent d’être tranchées par un vote.

Pour leur part, les membres de notre groupe soutiennent ces trois amendements. J’y insiste, il faut laisser une certaine souplesse à l’initiative parlementaire.

M. Roger Karoutchi proteste.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Monsieur Buffet, avec tout le respect que je vous dois pour votre travail à la tête de notre commission, nous traitons ces sujets graves dans la sérénité.

Les questions que soulève Mme Rossignol nous sont familières, et il n’y a pas lieu de s’offusquer de ses propos. Elle n’a pas voulu se livrer à un quelconque chantage, loin de là.

Cela étant, il ne faut pas nous prendre pour des enfants de chœur. Nous ne serions là que pour faire du droit : je m’en étonne ! Nous faisons aussi de la politique.

Mme Rossignol défend certains droits et certaines causes, que je respecte bien entendu, tout en faisant de la politique. Je défends aussi le travail de notre commission, mais il ne faudrait pas tomber dans la sensiblerie.

Revenons-en à l’essentiel : j’invite les uns et les autres à poursuivre l’examen de ce texte dans la bonne humeur.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Nous servons nos concitoyens par nos discussions intellectuelles, et ces derniers aiment aussi nous entendre nous opposer. Il n’y a rien de grave à cela.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Je ne suis pas membre de la commission des lois et je ne m’estime pas spécialement compétent en la matière ; mais, M. Bourgi ayant fait allusion aux propos que j’ai tenus lors de la discussion générale, je me dois d’intervenir.

J’ai proposé – follement !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Madame Rossignol, je suis quelque peu gêné par l’inversion des termes de notre débat. Un ministre représente l’entièreté du Gouvernement : c’est la règle. Mais il peut difficilement prendre des décisions, accepter des votes ou émettre une opinion sur des amendements quand il ne s’agit pas de son secteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

M. Roger Karoutchi. Au temps glorieux où j’étais, au sein du Gouvernement, chargé des relations avec le Parlement, le Président de la République prenait soin de me répéter ce que je devais moi-même rappeler à chaque ministre : « Restez dans votre secteur et n’empiétez pas sur celui des autres. Vous pourriez commettre des erreurs ou donner des réponses que le ministre compétent trouverait techniquement insuffisantes. »

Mme Marie Mercier acquiesce.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Sur le fond, les dispositions proposées par Mme Rossignol ne me dérangent absolument pas. Si nous débattions d’un texte relatif à la justice, je les voterais sans difficulté, mais prenons garde : la loi peut devenir tellement bavarde que son contenu ne correspond même plus à son titre…

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

… et qu’elle s’en trouve fragilisée lors de son examen devant le Conseil constitutionnel – je me permets de le rappeler au passage. Cela n’a pas de sens.

On s’est engagé à travailler ces amendements dans la perspective d’un prochain texte, que doit présenter le garde des sceaux : nous devrions pouvoir nous en tenir là.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Mme Laurence Rossignol. Cette discussion est assez intéressante, même si elle est pour ainsi dire interne au Sénat. Monsieur le ministre, je vous remercie d’autant plus de bien vouloir y assister !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

En l’occurrence, le Gouvernement n’est pas en cause. Pour un ministre, je comprends qu’il soit difficile de se prononcer sur un amendement dont le contenu est du ressort de l’un de ses collègues, d’autant plus quand il s’agit de l’intérieur et de la justice. Je sais aussi que, ces amendements ayant été transmis il y a plusieurs heures au ministère de l’intérieur, vos services ont sollicité l’avis de la Chancellerie.

Mes chers collègues, dans cette assemblée, il n’y a pas, d’un côté, ceux qui ont des émotions et, de l’autre, ceux qui font du droit. Tout le monde fait du droit.

En outre, mes amendements ne sont pas bavards : ils sont extrêmement rigoureux – d’une certaine manière, ils sont même secs – et visent à résoudre un problème de droit.

Je ne suis certes pas membre de la respectée commission des lois. Mais, en tant que parlementaire, j’ai toute légitimité à déposer des amendements sur tous les textes que je veux. Pour passer un certain nombre d’heures à la place où se trouve ce matin le président Alain Richard, je puis vous l’assurer : je ne suis pas la seule à m’écarter un peu, parfois, de l’objet du texte, tout en échappant à l’article 45 de la Constitution.

Je ne crois pas m’être livrée à un chantage : de quelle nature aurait-il bien pu être ? Je ne crois pas davantage m’être montrée menaçante. Je souligne simplement que le Gouvernement n’est pas seul responsable.

Quand un drame éclate, on va chercher les responsabilités de la police et de la justice. Des inspections sont menées. Les ministres sont mis en cause au motif qu’ils sont garants du bon fonctionnement de leurs services.

Pour notre part, nous sommes responsables de nos votes, même si notre responsabilité n’est pas souvent mise en cause. En nous prononçant pour ou contre telle ou telle mesure, nous prenons part, nous aussi, au bon fonctionnement de notre pays en général et de sa justice en particulier. Nous aurons donc une responsabilité en refusant ces amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Loïc Hervé

Nous sommes tous responsables de nos votes et de nos propositions. Pour notre part, en tant que rapporteurs de ce texte, nous sommes également responsables des avis proposés à la commission des lois et votés par elle à deux reprises : nous n’avons pris personne en traître.

Mettez-vous un instant à notre place. Imaginez que nous décidions de réformer l’ordonnance de protection et de toucher au code civil sans avoir jamais pris l’attache du garde des sceaux, entendu les juges aux affaires familiales (JAF) et mené les auditions nécessaires, y compris pour entendre les représentants de la délégation sénatoriale aux droits des femmes et les différents parlementaires impliqués sur ces sujets : un tel précédent pourrait nous être reproché dans de nombreux autres domaines.

La commission a débattu de cette question à deux reprises. Sa ligne est constante, et il n’y a pas de raison qu’elle change ce matin. Un certain nombre de travaux sont en cours. Le Gouvernement a confié à deux parlementaires une mission sur ces sujets : n’anticipons pas sur leurs conclusions. Ils viendront nécessairement devant le Parlement, donc devant nous.

En responsabilité, je maintiens cette ligne.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

L’amendement n° 27, présenté par Mmes de La Gontrie, Rossignol et Meunier, MM. Kanner, Durain et Bourgi, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur et Gillé, Mme G. Jourda, M. Jacquin, Mmes Carlotti, Conconne et Artigalas, MM. Cardon et Cozic, Mmes Le Houerou et Monier, MM. Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 7

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement remet au Parlement avant le 1er décembre 2022 un rapport permettant d’évaluer les effets relatifs à la création d’une juridiction spécialisée en charge des violences sexuelles, intrafamiliales et conjugales, compétente pour juger les faits de viol, d’inceste et d’agressions sexuelles, d’outrage sexiste, de harcèlement, de recours à la prostitution, des violences physiques, sexuelles et morales commises au sein du couple ou sur un enfant de la cellule familiale.

La parole est à Mme Laurence Rossignol.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Cet amendement vise à demander un rapport traitant des juridictions spécialisées.

Plusieurs ministres ont pris des engagements à cet égard. En outre, deux parlementaires ont été chargés d’une mission, dont notre collègue Dominique Vérien. Je l’en félicite, d’autant qu’elle connaît bien ces sujets.

Ma chère collègue, nous nous inquiétons simplement des conditions dans lesquelles votre rapport sera communiqué au Parlement, donc de la manière dont nous serons associés à ce travail et des suites sur lesquelles il débouchera.

Je crois savoir que la commission demandera le retrait de cet amendement. Mais peut-être Dominique Vérien et Annick Billon peuvent-elles nous dire un mot du travail en cours ?

Debut de section - PermalienPhoto de Loïc Hervé

Suivant une position constante du Sénat, nous sommes défavorables aux demandes de rapport.

De surcroît, le Gouvernement a d’ores et déjà confié le travail dont il s’agit à deux parlementaires en mission, nommés par ses soins. Ce rapport va donc bien voir le jour !

Voilà pourquoi, je le confirme, la commission sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettrait un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

La parole est à Mme Dominique Vérien, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Vérien

C’est la première fois que je prépare un rapport pour le Gouvernement, avec notre collègue députée Émilie Chandler, qui, je le précise, est comme moi membre de la délégation aux droits des femmes et de la commission des lois de son assemblée.

C’est bien sûr avec plaisir que nous viendrons présenter nos travaux à la délégation sénatoriale aux droits des femmes, si sa présidente, Annick Billon, veut bien nous y inviter. Nos deux délégations parlementaires se penchent d’ores et déjà sur ces sujets et, à mon sens, elles doivent évidemment travailler ensemble.

Ces différentes questions relèvent plutôt du champ judiciaire. Toutefois, j’ai bien noté l’ensemble des demandes formulées au travers des amendements de Mme Rossignol. Et puisque Mme Chandler et moi-même sommes toutes deux parlementaires, nous devons travailler en étroite collaboration avec le Parlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Annick Billon

Il nous paraît indispensable d’avancer vers la création d’une juridiction spécialisée. Notre délégation a déjà eu l’occasion d’auditionner à ce sujet des magistrats espagnols, qui nous ont présenté leur organisation. Nous avons ainsi pu mesurer l’efficacité de ce dispositif.

Toutefois, et je rejoins sur ce point Marie Mercier, nous pourrons voter tous les textes que nous voudrons, nous n’avancerons pas si la société n’avance pas. C’est tout l’objet de nos débats.

Notre délégation a récemment publié un rapport intitulé Porno : l ’ enfer du décor. J’en reste persuadée : nous n’avancerons pas dans la lutte contre les violences intrafamiliales sans avancer sur ce sujet de l’industrie pornographique. Laurence Cohen, Laurence Rossignol, Alexandra Borchio Fontimp et moi-même, qui avons rédigé ce rapport, allons d’ailleurs adresser nos recommandations au Gouvernement.

Bien entendu, nous inviterons nos deux collègues parlementaires en mission au sein de la délégation.

I. – À l’article 222-14-5 du code pénal, les mots : « ou un agent de l’administration pénitentiaire » sont remplacés par les mots : «, un agent de l’administration pénitentiaire ou le titulaire d’un mandat électif public ».

II. – À l’article 721-1-2 du code de procédure pénale, après le mot : « publique », sont insérés les mots : «, ainsi que les personnes condamnées à une peine privative de liberté pour une ou plusieurs infractions mentionnées aux articles L. 233-1 et L. 233-1-1 du code de la route, ».

III. – Le code de la route est ainsi modifié :

1° À la fin du I de l’article L. 233-1, le mot : « deux » est remplacé par le mot : « trois » et le montant : « 15 000 euros » est remplacé par le montant : « 30 000 euros » ;

2° Le VI de l’article L. 236-1 est complété par les mots : « ou lorsque les faits ont été commis dans des circonstances exposant directement autrui à un risque de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente ».

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

La parole est à Mme Nathalie Delattre, sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Delattre

Partout sur notre territoire, nous assistons à une recrudescence d’incivilités et surtout d’agressions envers les élus locaux.

Monsieur le ministre, d’après les chiffres publiés par votre ministère en janvier dernier, les violences physiques contre les édiles ont augmenté de 47 % sur les onze premiers mois de 2021, par rapport à la même période de l’année précédente. Derrière ces statistiques, ce sont exactement 1 186 élus qui ont été pris pour cibles et 419 outrages qui ont été recensés.

Or seule une poignée d’agressions verbales et physiques envers les élus de la République connaissent des suites judiciaires ; et quand bien même une procédure judiciaire est enclenchée, l’on n’enregistre en réalité qu’un très faible nombre de condamnations, même en cas d’agression physique. La plupart du temps, les plaintes sont classées sans suite ou ne font l’objet d’aucune suite pénale.

C’est pourquoi j’avais déposé un amendement inspiré de la proposition de loi que j’ai consacrée à ce sujet, afin de permettre aux différentes associations d’élus de se constituer partie civile pour accompagner au pénal tout élu qui aurait préalablement donné son accord. Ces associations pourraient également intervenir en cas de dégradation d’un bien ou lorsque la victime compte parmi les proches d’un élu.

En procédant ainsi, l’on assurerait presque systématiquement des suites judiciaires et l’on réduirait au minimum le nombre des classements sans suite.

Mes chers collègues, je vous informe que nous examinerons cette proposition de loi le 16 novembre prochain dans notre hémicycle.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Delattre

Toutefois, il est dommage que nous n’ayons pu saisir l’occasion d’inscrire, dès aujourd’hui, ces dispositions dans le présent texte : en l’occurrence, le temps n’arrange rien.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 64, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon, Mme M. Vogel et les membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, est ainsi libellé :

Alinéas 2 à 5

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Guy Benarroche.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Benarroche

Cet amendement tend à supprimer quatre alinéas ajoutés en commission par notre rapporteur, M. Daubresse.

On l’a bien compris : l’article 7 bis vise à réprimer plus sévèrement les refus d’obtempérer, en alourdissant la peine encourue et en diminuant les crédits de réduction de peine auxquels peuvent prétendre, pour bonne conduite, les personnes condamnées à une peine privative de liberté après avoir commis cette infraction.

La peine encourue serait portée à trois ans d’emprisonnement et à 30 000 euros d’amende. Les crédits de réduction de peine susceptibles d’être accordés seraient quant à eux diminués d’un tiers.

En parallèle, cet article réprime spécifiquement les rodéos urbains – j’y reviendrai.

Selon nous, une diminution des crédits de réduction de peine auxquels les personnes condamnées peuvent prétendre ne peut qu’être contre-productive. Dans les faits, les professionnels de la justice et les membres de l’administration pénitentiaire utilisent ces crédits pour encourager les comportements respectueux des règles internes.

Certes, c’est plutôt dans les textes relevant du ministère de la justice que l’on traite de ces dispositions – je ne reviendrai pas sur la discussion précédente. Mais les crédits de réduction de peine concernent le prisonnier et non le délinquant. Ils sont l’un des outils de la réinsertion, qui compte aussi parmi les missions de la prison. Les services pénitentiaires d’insertion et de probation (Spip) le soulignent avec raison.

Mettre fin à ce système d’octroi ou de retrait de crédits pour tel ou tel individu revient dès lors à supprimer un moyen de sanction et de régulation des comportements de la population carcérale.

Enfin, une loi renforçant la lutte contre les rodéos motorisés a déjà été adoptée le 3 août 2018. Ses dispositions s’appliquent dès à présent et donnent des résultats satisfaisants pour sanctionner les auteurs de ces délits. Le renforcement des peines restera sans effet sur le taux d’interpellation de ces individus : il s’agit plutôt d’une mesure d’affichage.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

L’amendement n° 28, présenté par M. Durain, Mme de La Gontrie, MM. Kanner et Bourgi, Mme Carlotti, M. Kerrouche, Mme Harribey, MM. Leconte, Sueur, Gillé et Cardon, Mme Conconne, M. Cozic, Mmes G. Jourda, Artigalas et Le Houerou, M. Marie, Mmes Meunier, Monier et Rossignol, MM. Jacquin, Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéas 2 et 4

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Jérôme Durain.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Durain

Nous abordons ici un sujet très politique : cet article a d’ailleurs fait l’objet d’une demande de scrutin public.

Pour notre part, nous n’étions pas favorables à l’amendement n° 99, déposé en commission par Marc-Philippe Daubresse : il ne nous semblait pas opportun de traiter, dans un même élan, de l’aggravation du quantum de la peine pour les agresseurs – il s’agit d’aligner le dispositif applicable aux intéressés sur les mesures prévues pour d’autres dépositaires de l’autorité publique –, de la question des rodéos urbains et des refus d’obtempérer.

Nous sommes très favorables au volet relatif aux élus. La logique est imparable : ils doivent être protégés au même titre que d’autres dépositaires de l’autorité publique.

En revanche – j’y reviendrai en présentant notre amendement suivant –, pour ce qui concerne le refus d’obtempérer et les rodéos urbains, un simple durcissement des peines ne saurait, selon nous, être gage d’efficacité.

Je partage l’argumentaire que notre collègue M. Benarroche vient de développer. Nous nous prononçons en faveur de la suppression des alinéas relatifs au refus d’obtempérer et de ceux relatifs aux rodéos urbains, ce que proposent les auteurs de l’amendement suivant.

Un policier de la BAC a été traîné au sol hier à Lyon, après un refus d’obtempérer. Soyons clairs : si nous voulons supprimer ces dispositions, nous ne considérons pas que les policiers et gendarmes doivent être exposés à tous les individus refusant d’obtempérer, qui mettraient leur vie en danger.

Notre position, qui est constante, se fonde sur la nature des rapports entre la police et la population. En matière de refus d’obtempérer, la véritable difficulté relève de la concorde civile. Nous défendrons cet amendement sur ce sujet dans quelques instants.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

L’amendement n° 29, présenté par M. Durain, Mme de La Gontrie, MM. Leconte et Kanner, Mme Harribey, MM. Marie, Bourgi, Sueur, Kerrouche et Cardon, Mmes Carlotti et Conconne, MM. Cozic et Gillé, Mmes G. Jourda, Le Houerou et Meunier, M. Jacquin, Mmes Artigalas, Monier et Rossignol, MM. Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Jérôme Durain.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Durain

J’ai déjà longuement défendu cet amendement en présentant l’amendement précédent.

Les rodéos urbains sont une plaie. Nos concitoyens sont exaspérés. Cette pratique suscite un véritable sentiment d’insécurité et bien d’autres difficultés encore. Cela dit, nous avons récemment travaillé sur ce sujet : la loi du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les rodéos motorisés, en créant une nouvelle infraction, a déjà fait de ces rodéos un délit particulier.

La difficulté actuelle réside dans la caractérisation de l’infraction, qui dépend d’éléments de preuve parfois complexes à réunir. La simple augmentation de peine prévue pour ce délit ne suffira pas à résoudre les difficultés de terrain qui sont constatées dans de trop nombreux quartiers de notre pays.

Nous ne disons évidemment pas qu’il faut laisser faire et que tout va bien. Notre position n’est empreinte d’aucune naïveté, d’aucune candeur, d’aucun angélisme, mais d’un souci d’efficacité. Simplement, la disposition qui a été adoptée par voie d’amendement en commission, et dont l’objet est très large, ne nous semble pas atteindre pleinement ses objectifs.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

L’amendement n° 227, présenté par MM. Daubresse et L. Hervé, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Remplacer la référence :

VI

par la référence :

IV

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis de la commission sur les autres amendements en discussion commune.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

L’amendement n° 227 vise à corriger une erreur matérielle. Ses dispositions ne posent, à mon sens, aucune difficulté.

J’en viens à l’avis de la commission sur les amendements précédents.

Mes chers collègues, je vous ai écoutés avec intérêt. Les propos de Mme Mercier m’ont poussé à m’interroger : un parlementaire doit-il faire du droit ou de la politique ? C’est un sujet de philosophie pour M. Pap Ndiaye…

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Un parlementaire, nous le voyons tous les jours, doit faire les deux – avec rigueur et méthode, comme l’ont dit M. le président de la commission des lois et M. Hervé.

Monsieur Benarroche, à la différence de votre proposition, nous n’avons pas présenté cet amendement après que la commission a été réunie. De plus, nous avons refusé des amendements dont certains étaient certes issus des groupes d’opposition, mais dont d’autres émanaient de la majorité sénatoriale, vous en conviendrez.

M. Loïc Hervé et moi-même connaissons très bien avec le problème de la sécurité dans les transports, puisque nous avons été les rapporteurs de la proposition de loi pour une sécurité globale préservant les libertés. Je suis donc d’accord pour dire que, sur le fond, notre collègue M. Tabarot a raison. Cependant, nous n’avons pu recevoir ses amendements, eu égard au périmètre défini par le président de la commission à partir du texte du Gouvernement, qui évoque les « violences commises sur la voie publique ».

D’ailleurs, M. Retailleau a présenté un amendement qui a reçu un avis défavorable, car il ne respectait pas non plus le périmètre, et il l’a très bien compris.

Mon cher collègue, l’amendement que j’ai présenté avec M. Loïc Hervé, au nom de la commission des lois, tend pleinement à s’inscrire dans le périmètre de l’article 45 de la Constitution. Son objet est non pas de faire plaisir à telle ou telle personne, mais de faire en sorte que nous soyons le plus rigoureux possible et que nous évitions les risques d’inconstitutionnalité, desquels nous ne sommes jamais à l’abri.

Pour bien faire comprendre ce qui nous a poussés à écrire cet amendement, je vais relire le rapport de la commission : « Les auditions conduites par les rapporteurs ont montré l’urgence et l’importance d’améliorer la réponse pénale sur trois enjeux essentiels ».

Le premier enjeu est celui des « violences faites aux élus ». Mme Delattre s’est exprimée à raison à ce propos, et j’aurais aimé pouvoir adopter son amendement. Je voterai des deux mains pour sa proposition, réalisée à partir de remarquables travaux, dès qu’elle viendra en discussion. Nous sommes évidemment d’accord sur tous ces sujets – vingt ans durant, j’ai été le premier vice-président de l’association des maires du département du Nord !

D’ailleurs, le sujet des violences faites aux élus est le premier qu’évoquent les associations d’élus locaux. C’est un sujet consensuel au sein de notre assemblée, où nous sommes d’abord les représentants des élus locaux.

Les violences faites aux élus ont augmenté de 57 % en un an, comme l’a rappelé M. le ministre. Toutes les semaines, parce que nous faisons notre travail avec rigueur et méthode, nous rencontrons tous, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons, des élus qui nous parlent avant tout de ce problème. Ensuite, ils évoquent l’énergie, mais c’est un autre sujet…

Les deux autres enjeux que nous avons identifiés sont « les refus d’obtempérer » et « les rodéos urbains ».

Bien sûr, de nos auditions avec la Conférence nationale des procureurs de la République, avec le Conseil national des barreaux, etc., le premier sujet qui ressort est la réforme de la police judiciaire. Nous en avons débattu, nous ne l’avons pas esquivé, c’est le moins que l’on puisse dire !

Il y a toutefois un autre enjeu qui ressort de nos échanges avec les policiers : les refus d’obtempérer.

J’attire votre attention sur un point. J’ai auditionné toutes les institutions – c’est le rôle du rapporteur. J’ai également reçu, à titre informel, pour me faire une idée – mon père était commissaire de police, ce n’est un secret pour personne ! –, de nombreuses personnes originaires de mon bon département du Nord, après qu’elles me l’ont demandé. J’ai écouté leurs propos, sans donner mon opinion. Tous m’ont parlé en premier du refus d’obtempérer.

Je suis très content d’avoir débattu de l’article 1er. Nous aurions pu nous dire que nous perdions notre temps, car il s’agit simplement d’un rapport d’orientation dépourvu de dispositions législatives. Or, mes chers collègues, nous n’avons pas perdu notre temps !

À cet égard, je remercie de nouveau M. le ministre du temps qu’il a pris pour nous répondre – on se plaint parfois que les ministres, quel que soit le gouvernement, répondent trop rapidement – et pour nous expliquer avec pédagogie ce qu’il voulait faire et pourquoi.

Moi qui ai appartenu à un gouvernement, comme Mme Rossignol, je puis vous assurer que, lorsqu’un ministre, animé par ses convictions, souhaite proposer une grande réforme à son ministère, il prend lui-même la plume, en écoutant, bien sûr, son cabinet. M. Darmanin, malgré les reproches que l’on peut lui adresser, est personnellement convaincu par la réforme qu’il nous présente, chacun l’a bien compris.

Oui, le nombre de refus d’obtempérer m’a fortement marqué ! Monsieur Durain, j’ai beaucoup d’estime et de respect pour vous – c’est réciproque, je le sais. Nous avons réalisé ensemble un rapport d’information, durant lequel nous n’avons rencontré aucune difficulté, parce que nous n’avons pas posé les problèmes de manière partisane. Ainsi, nous partageons une vision commune sur les systèmes de traitement d’images par intelligence artificielle – M. Hervé a beaucoup travaillé sur ce sujet également –, pour laquelle il n’y a pas eu la moindre difficulté d’arbitrage.

L’amendement que vous avez présenté avant-hier soir tend à poser une question légitime : l’alourdissement des peines va-t-il permettre de mieux lutter contre les refus d’obtempérer ? Je respecte votre opinion – en quelque sorte par définition –, d’autant plus qu’elle est cohérente avec votre argumentation. D’ailleurs, je me suis également posé cette question.

Pour autant, monsieur Durain, voici le chiffre que M. le ministre nous a donné : le nombre de refus d’obtempérer a augmenté de 27 %, et non pas de 17 % comme je l’avais dit plus tôt. J’ai présenté ce chiffre, qui m’a fortement marqué, à la suite de la réunion de travail organisée par M. le ministre, place Beauvau, pour la commission des lois.

Par ailleurs, la situation s’aggrave depuis que les policiers sont davantage autorisés à faire usage de leurs armes : en 2017, pour 102 tirs de la police nationale et 52 de la gendarmerie, on compte 254 refus d’obtempérer ; en 2021, pour 157 tirs de la police nationale et 44 de la gendarmerie, on compte 201 refus d’obtempérer. Autrement dit, le nombre de refus d’obtempérer et le nombre de tirs augmentent fortement.

Imaginez les conséquences dramatiques non seulement pour les victimes d’un chauffard, mais également pour les policiers. Ne croyons pas qu’ils jouent aux cow-boys. Utiliser son arme pour un policier est un drame, oui, un drame !

M. le ministre acquiesce.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Le nombre de tirs a diminué – chacun a conscience de la gravité de la situation –, mais les refus d’obtempérer ne cessent d’augmenter.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

M. le président. Monsieur le rapporteur, pouvez-vous vous approcher du moment où vous présenterez la position de la commission ?

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Je m’en approche, monsieur le président !

Quand je siégeais au conseil régional du Nord-Pas-de-Calais, André Diligent répondait au président Josèphe : « Je m’appelle Diligent, donc je vais vite ; vous vous appelez Josèphe, donc vous êtes juste ».

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

En somme, nous pensons que l’alourdissement des peines aura un effet préventif.

Monsieur Benarroche, si vous reprenez le compte rendu de nos débats relatifs à la réduction des peines lors de l’examen de la proposition de loi pour une sécurité globale préservant les libertés, vous lirez que j’ai refusé des amendements trop excessifs à ce sujet, en reprenant, en partie, vos mêmes arguments.

Enfin, je propose de sanctionner plus lourdement non pas tous les rodéos urbains, mais uniquement ceux qui mettent en danger la vie d’autrui. Cette proposition s’inscrit bien dans le cadre des violences sur la voie urbaine.

Pour toutes ces raisons, monsieur le président, j’émets un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Cet article additionnel, qui ne figurait pas dans le texte initial du Gouvernement, est un souhait de la commission des lois.

Cela me conduit à penser que nous pouvons partager, avec MM. les rapporteurs, un certain nombre de constats de fond, même si, sur la forme, demeure la question de savoir si l’article est, ou non, un cavalier législatif – je comprends que la commission, qui l’a accepté conformément à l’article 45 de la Constitution, en discute.

Je partage une grande partie des constats dressés par le Sénat.

En premier lieu, les violences contre les élus, dont le nombre est très élevé, ont augmenté de 35 %. Le renseignement territorial a constaté 1 720 faits contre des « personnes dépositaires de l’autorité publique », dont 898 ont visé des élus locaux, soit une augmentation de 52 % pour les élus locaux et de 78 % par rapport à 2020. Sur ce point, je pense que Mme Delattre a tout à fait raison.

De plus, selon les remontées de l’ensemble des centres de veille du ministère de l’intérieur, 1 037 procédures établies impliquant un élu comme victime ont été constatées, dont 157 pour violence physique et 808 pour menace ou outrage. C’est un problème très important. À cet égard, je suis donc d’accord avec les dispositions de la commission des lois.

Nous avons supprimé les remises de peine accordées de manière automatique, mais non pas celles qui sont accordées de manière individuelle. Selon la loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire, la remise de peine peut être accordée en fonction des efforts réalisés par la personne condamnée, alors que les remises de peine automatiques n’étaient pas accordées en fonction de ces efforts.

Le débat sur les remises de peine a donc été tranché de manière générale, mais demeure le problème particulier évoqué par M. le rapporteur, dont la position est, je crois, conforme à notre loi.

S’agissant des rodéos urbains, qu’il ne faut pas confondre avec les refus d’obtempérer, nous avons constaté, depuis le 1er janvier 2022, quelque 3 808 infractions, contre 2 737 en 2021, sur la même période.

Il s’agit des rodéos constatés, par les services de police nationale et municipale et par les services de gendarmerie, à l’aide, notamment des caméras de vidéoprotection. Ils ne peuvent toutefois constater les rodéos effectués à l’abri des caméras de vidéoprotection ou hors de la vue des policiers et gendarmes.

Nous avons intensifié depuis le 15 mai dernier la mobilisation des services de l’État – mes interventions médiatiques en témoignent –, pour lutter contre ces fléaux qui, comme vous l’avez tous dit, perturbent fortement la vie de nos concitoyens. Ainsi, 75 000 opérations de lutte contre les rodéos urbains ont été mises en place, soit une augmentation des contrôles de 50 %, et quelque 3 250 véhicules ont été saisis, grâce à la loi du 3 août 2018 votée par la majorité parlementaire de l’Assemblée nationale et que vous avez bien voulu accompagner, mesdames, messieurs les sénateurs. Dans ce cadre, 5 350 interpellations ont été réalisées.

Les 3 800 infractions constatées en 2022 ont presque toutes donné lieu à des interpellations, lorsque les services de police ou de gendarmerie étaient sur place.

Au fond, la question que pose le rapporteur au travers de l’amendement tendant à créer l’article 7 bis est de savoir quelles sont les suites judiciaires données à ces nombreuses interpellations. Aujourd’hui, la police et la gendarmerie ont des moyens importants pour lutter contre les rodéos. La question est bien celle de la répression pénale.

Voici les chiffres des poursuites judiciaires pour l’année 2021. Sur 1 325 personnes mises en cause en 2021 pour des infractions liées aux rodéos urbains, 248 ont bénéficié d’un classement sans suite pour affaire non poursuivable, 22 ont bénéficié d’un classement sans suite pour inopportunité des poursuites ; 234 ont été orientées par les parquets vers une mesure alternative aux poursuites et 61 vers une composition pénale. Enfin, 760 personnes – tout de même ! –, ont fait l’objet de poursuites judiciaires et sont encore en attente d’une décision de justice, qui peut être une peine de prison ferme.

Nous constatons qu’il n’y a que 22 décisions de classement sans suite pour inopportunité des poursuites. Les parquets, en décidant de poursuivre le maximum de personnes, ont, à mon sens, compris l’intention du législateur.

Au total, en 2021, quelque 1 159 personnes ont été condamnées pour une infraction liée aux rodéos urbains.

Pour approfondir la réflexion de M. le rapporteur, il faudrait étudier le quantum de peine et analyser les résultats des décisions rendues par les juges du siège.

S’agissant maintenant des refus d’obtempérer, qui constituent un sujet distinct – même si, malheureusement, ils peuvent se transformer en refus d’obtempérer, tout étant lié –, nous comprenons l’objectif du rapporteur au travers de cet amendement.

En 2021, on dénombre 28 000 faits de refus d’obtempérer, soit un toutes les vingt minutes en zone police et en zone gendarmerie. Ils sont en augmentation constante, comme l’a souligné M. le rapporteur.

Il existe deux sortes de refus d’obtempérer, selon qu’ils mettent ou non la vie d’autrui en danger.

Les refus d’obtempérer mettant en danger la vie d’autrui sont en augmentation de 41 %. C’est une menace pour les services de police et de gendarmerie, pour les agents de la sécurité civile, ou encore les agents des autoroutes, qui subissent malheureusement parfois les conduites très dangereuses des criminels de la route qui refusent de ralentir.

Près de 20 000 faits ont été constatés au cours des neuf premiers mois de l’année 2022. Ces statistiques vont donc continuer de se dégrader.

À cause des refus d’obtempérer, plus de 9 000 policiers ou gendarmes ont été blessés en mission depuis trois ans, oui, 9 000, mesdames, messieurs les sénateurs ! C’est la première cause de blessures dans la police et la gendarmerie nationales.

Pour toutes ces raisons, monsieur le rapporteur, nous comprenons et nous approuvons l’article 7 bis, nonobstant l’éventuelle difficulté formelle liée à l’article 45 de la Constitution, mais je fais confiance, bien sûr, à votre commission des lois.

Bien sûr, nous sommes prêts à améliorer le dispositif, s’il est adopté, au cours de son examen par l’Assemblée nationale. Sur d’autres dispositifs, j’avais constaté les difficultés rencontrées par les services de police, notamment pour saisir les véhicules – motos, quads ou voitures –, qui sont officieusement prêtés, puis déclarés volés.

Le tour est le suivant : un ami me prête un véhicule avec lequel je roule de façon extrêmement dangereuse. Puis, je préviens par SMS cet ami que les services de police m’ont interpellé, et il leur déclare que je lui ai volé son véhicule, alors que, en réalité c’est lui qui me l’a prêté ! Cela permet d’éviter la saisie du véhicule. Car, désormais, nous saisissons systématiquement les véhicules.

Ainsi, nous devons être attentifs à ces petits détournements de la loi. Le Gouvernement, si l’Assemblée nationale en est d’accord, pourrait défendre des amendements en ce sens.

J’émets donc un avis de sagesse sur les amendements n° 64, 29 et 29, et un avis favorable sur l’amendement n° 227 de coordination de M. le rapporteur, qui est purement rédactionnel.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

La parole est à M. Jérôme Durain, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Durain

J’ai largement exposé ce qui nous avait déterminés à déposer ces amendements de suppression relatifs aux rodéos urbains et aux refus d’obtempérer.

D’une part, nous questionnons l’efficacité de la réponse pénale contre les rodéos urbains ; d’autre part, nous ne partageons ni la réflexion initiale ni les constats de la commission.

Notre groupe va prendre ses responsabilités. Nous sommes extrêmement attachés à la défense de l’exercice du mandat d’élu, mis en cause par des agressions verbales ou physiques. Nous en voyons des exemples dans tous les départements, notamment chez moi, en Saône-et-Loire, où un maire a récemment abandonné son mandat après avoir été agressé par un de ses concitoyens.

Nous voterons donc cet article et nous continuerons le combat sur les refus d’obtempérer, notamment au moyen de l’amendement n° 119, qui vise à insérer un article additionnel après l’article 7 bis, pour aller au bout des arguments que nous souhaitons défendre. Mais nous ne partageons pas les prémisses de la réflexion du rapporteur sur ces trois enjeux, qui nous semblent de nature différente.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Benarroche

J’aimerais revenir plus précisément sur les refus d’obtempérer, car tout a déjà été dit par mes collègues sur les autres points, et je partage l’opinion de M. Jérôme Durain sur les violences faites aux élus et sur les rodéos urbains.

Plusieurs points me gênent dans ce qui a été ajouté dans le projet de loi à propos des refus d’obtempérer, même si les chiffres que vous nous avez présentés, monsieur le ministre, et je vous en remercie, dressent un constat sur lequel il faut effectivement réfléchir. De même, il faut s’interroger sur les drames liés aux refus d’obtempérer qui arrivent aujourd’hui et dont les forces de l’ordre sont, bien entendu, les premières victimes.

Toutefois, ce qui nous choque, c’est que la seule solution proposée est d’augmenter les peines. Je me permets de dire vous dire, monsieur le rapporteur, que les auditions menées ou qui pourraient l’être dans le cadre d’autres textes de loi montrent bien que ce n’est pas ainsi que l’on résoudra le problème.

Nonobstant la question des peines, je rappelle que, dans beaucoup d’autres pays, les refus d’obtempérer, même s’ils sont importants, ne débouchent pas sur autant de drames qu’en France. Cela montre que le problème est non pas seulement la peine, mais également la formation des policiers et la façon d’utiliser les armes et de procéder à des contrôles, de sorte que ceux-ci n’aboutissent pas à des refus d’obtempérer.

Sur toutes ces questions, nous sommes d’accord pour collaborer, réaliser une mission d’information, réfléchir et auditionner. Mais il nous paraît prématuré d’introduire une solution, présentée comme la seule possible, qui risque d’occulter d’autres problèmes, et pas pour longtemps d’ailleurs, car les refus d’obtempérer continueront même si la peine est augmentée.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

L ’ amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Je mets aux voix l’article 7 bis, modifié.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 2 :

Le Sénat a adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

L’amendement n° 52 rectifié, présenté par Mme Vermeillet, M. Mizzon, Mmes Guidez, Loisier et Ract-Madoux, MM. Levi et Laugier, Mme Sollogoub, MM. Détraigne, Le Nay, Maurey et Moga, Mmes Dindar et Herzog, M. Chauvet, Mme Saint-Pé, MM. J.M. Arnaud et Capo-Canellas, Mmes Billon et Doineau et MM. S. Demilly, Duffourg, Louault et Delcros, est ainsi libellé :

Après l’article 7 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le premier alinéa de l’article 40-2 du code de procédure pénale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Préalablement à tout classement sans suite, la mesure de composition pénale prévue à l’article 41-2 est systématiquement engagée lorsque la procédure porte sur un ou plusieurs délits commis à l’encontre d’un maire ou d’un de ses adjoints dans des circonstances prévues au 4° de l’article 222-13 du code pénal, ou commis à l’encontre d’un parlementaire dans les conditions prévues à l’article 222-11 du même code, ou commis dans les circonstances prévues au second alinéa de l’article 433-5 dudit code. »

La parole est à Mme Denise Saint-Pé.

Debut de section - PermalienPhoto de Denise Saint-Pé

Partout en France, les maires sont en proie à des agressions, verbales ou physiques, dans l’exercice de leur mandat. Premiers représentants de l’État dans nos communes, ils doivent être mieux protégés dans leurs fonctions.

En réponse à l’escalade du nombre d’agressions, il appartient à la représentation nationale de contribuer à ce que leur figure d’autorité soit pleinement réintégrée dans l’esprit collectif.

Les plaintes qu’ils peuvent déposer dans ces circonstances font régulièrement l’objet de classements sans suite, qui, sans préjuger de leurs motifs profonds, conduisent à renforcer le sentiment d’abandon des maires et des élus locaux face aux violences dont ces derniers peuvent être victimes.

Cet amendement vise donc à rendre systématique la procédure de composition pénale, procédure de substitution à la poursuite prévoyant le versement d’une amende, préalablement à tout classement sans suite, dans le cadre d’une procédure d’agression physique ou verbale d’un élu dans l’exercice de son mandat.

Ainsi, aucune plainte d’élu en la matière ne resterait sans réponse.

Applaudissements sur les travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Loïc Hervé

Nous comprenons le souhait d’apporter une réponse aux violences contre les élus. Cependant, la composition pénale est prévue dans les cas où l’auteur reconnaît les faits. Imposer une composition pénale ne peut donc se faire que dans un tel cas de figure.

La portée pratique d’une telle solution est donc limitée aux cas pour lesquels le classement sans suite pourrait être envisagé.

La circulaire du garde des sceaux de septembre 2020 a marqué une étape vers une meilleure réponse pénale ; nous y contribuons aussi, dans le cadre de ce texte, en renforçant les sanctions.

Le débat sur cette question se prolongera lors de l’examen de la proposition de loi visant à permettre aux différentes associations d’élus de se constituer partie civile pour soutenir pleinement, au pénal, un édile victime d’agression, déposée par Mme Nathalie Delattre, que nous examinerons le mois prochain.

Pour ces raisons, la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis serait défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

L’amendement n° 52 rectifié est retiré.

L’amendement n° 163 rectifié, présenté par M. Gold, Mme N. Delattre, MM. Guérini et Guiol, Mme Pantel, MM. Artano, Cabanel, Corbisez et Requier, Mme M. Carrère et M. Roux, est ainsi libellé :

Après l’article 7 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article 40-1 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Par dérogation au 2° du présent article, en cas d’infraction sur une personne dépositaire de l’autorité publique, chargée d’une mission de service public ou sur une personne investie d’un mandat électif public dans l’exercice ou du fait de ses fonctions, le procureur de la République ne peut procéder au rappel prévu par le 1° de l’article 41-1 sans l’accord de la victime. Il en va de même en cas d’infraction commise sur le conjoint, un enfant, un parent, un frère ou une sœur d’une personne dépositaire de l’autorité publique, chargée d’une mission de service public ou sur une personne investie d’un mandat électif public si l’infraction était motivée par cette qualité. »

La parole est à Mme Maryse Carrère.

Debut de section - PermalienPhoto de Maryse Carrère

Dans les communes, le phénomène des agressions d’élus est bien connu des maires et des personnels municipaux. Les élus se retrouvent seuls, face à un nombre grandissant d’infractions et à des agressions, menaces, intimidations, insultes ou injures. Ces actes les touchent dans l’exercice de leurs fonctions, ou en raison de celles-ci, mais concernent également les membres de leurs familles.

Fort de ce constat, Éric Gold avait déposé en octobre 2019 une proposition de loi visant à lutter contre les incivilités, menaces et violences envers les personnes dépositaires de l’autorité publique, chargées d’une mission de service public ou investies d’un mandat électif public, afin de renforcer la réponse pénale en cas d’agressions d’élus ou de dépositaires de l’autorité publique.

Cet amendement reprend l’article 1er de cette proposition de loi et vise à interdire le simple rappel à la loi, sauf accord de la victime, en cas d’infraction commise sur une personne dépositaire de l’autorité publique ou sur un membre de sa famille.

Debut de section - PermalienPhoto de Loïc Hervé

Le rappel à la loi a souvent été considéré comme une réponse pénale insuffisante. À compter du 1er janvier 2023, il sera remplacé par l’avertissement pénal probatoire, lequel offre des garanties plus importantes aux victimes. Il nous semble préférable d’attendre les effets de cette nouvelle mesure avant de voter sa suppression.

La commission demande donc le retrait de cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Plus que trois mois !

Quel est l’avis du Gouvernement ?

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

L’amendement n° 163 rectifié est retiré.

L’amendement n° 161 rectifié, présenté par MM. Maurey, Canévet et Capo-Canellas, Mme Vermeillet, MM. Delcros, Delahaye, Lafon, Henno, J.M. Arnaud, Bonneau, S. Demilly et Duffourg, Mme Herzog, M. Kern, Mmes de La Provôté et Guidez, MM. Le Nay, Louault, P. Martin, Chatillon et Reichardt, Mme Ventalon, MM. B. Fournier et Belin, Mme Deroche, MM. C. Vial, Pellevat, D. Laurent et Courtial, Mmes Schalck et Joseph, M. Genet, Mme Lassarade, M. Bonhomme, Mmes Dumont et Puissat, MM. Bouchet, J.P. Vogel, E. Blanc et Anglars, Mmes Garriaud-Maylam, Pluchet et Muller-Bronn, MM. Burgoa, de Nicolaÿ et Laménie, Mme Richer, MM. Brisson et Paccaud, Mme Demas, MM. Chaize, Tabarot, Verzelen, Pointereau et Savary, Mmes Drexler et Noël et MM. J.M. Boyer, Chasseing, Wattebled, Médevielle et Decool, est ainsi libellé :

Après l’article 7 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au plus tard le 1er septembre, le Gouvernement remet tous les deux ans au Parlement un rapport recensant les signalements d’infraction et les plaintes déposées par les titulaires d’un mandat électif public et les suites, y compris le cas échéant les condamnations, qui leur ont été données. Le rapport formule, en tant que de besoin, des préconisations pour améliorer la réponse pénale donnée à ces infractions et à ces plaintes.

La parole est à M. Vincent Capo-Canellas.

Debut de section - PermalienPhoto de Loïc Hervé

Ainsi que je l’ai déjà rappelé, la commission est défavorable par principe aux rapports.

En l’occurrence, l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF) a mis en place un observatoire des agressions envers les élus, qui suit ce sujet de près et qui devrait être en mesure de fournir les informations dont souhaite disposer Hervé Maurey.

La commission demande donc le retrait de cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

L’amendement n° 161 rectifié est retiré.

L’amendement n° 8 rectifié bis, présenté par M. Savin, Mme Bourrat, M. Meurant, Mme Dumont, MM. Cambon, Pellevat, Calvet et Reichardt, Mme Malet, MM. Karoutchi, Somon et Bascher, Mme Puissat, MM. Panunzi et Cadec, Mme Dumas, MM. Bacci, Bonne et Laménie, Mme Demas, MM. Brisson et Hugonet, Mmes M. Mercier, Goy-Chavent, Imbert et Berthet, MM. Piednoir, H. Leroy, Pointereau, Tabarot et Meignen, Mme Garnier, M. Saury, Mme Lopez, MM. Grand et Bonhomme, Mmes Bonfanti-Dossat et F. Gerbaud, M. J.B. Blanc, Mmes Garriaud-Maylam, Thomas et Eustache-Brinio, M. Chaize, Mme Procaccia, M. Sautarel, Mme Micouleau, MM. C. Vial et Allizard, Mme Borchio Fontimp, MM. Belin, Savary, Bouchet, Houpert et Anglars, Mme Joseph, M. Regnard, Mmes Bellurot, Drexler et Gruny, MM. Duplomb, J.M. Boyer et Mouiller, Mmes de Cidrac et Deroche et M. Genet, est ainsi libellé :

Après l’article 7 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le 11° des articles 221-4, 222-8 et 222-10, après le 16° de l’article 222-12 et après le 15° de l’article 222-13 du code pénal, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« …°À la suite d’une réaction disproportionnée de l’auteur qui s’est senti offensé par la victime. »

La parole est à M. Michel Savin.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Savin

Les marches blanches organisées par les familles et la population en hommage aux victimes de violences gratuites s’enchaînent, les slogans « plus jamais ça ! » se succèdent, en vain jusqu’à maintenant.

Redoine, Adrien, Grégory, Sofiane, Kevin, Thomas ont été défigurés pour un refus de cigarette, poignardés pour avoir doublé une voiture dans une station d’essence, frappés à mort pour une place de parking…

Ces actes commis sur la voie publique choquent particulièrement en raison de la disproportion entre le degré de violence de leurs auteurs et leurs motivations, dérisoires.

Ces mobiles si légers ressemblent à des excuses pour laisser libre cours à une explosion de la violence et satisfaire un souhait d’agresser, peu importe qui en sera la victime. Les auteurs de ces faits, particulièrement dangereux et susceptibles d’agresser n’importe qui, doivent être mis hors d’état de nuire.

Cette violence gratuite est une forme de criminalité sans raison. Les agresseurs eux-mêmes sont incapables de l’expliquer : les victimes se sont trouvées au mauvais endroit, au mauvais moment.

Lors du discours de politique générale qu’il a prononcé à l’Assemblée nationale le 12 juin 2019, le Premier ministre Édouard Philippe avait réaffirmé la volonté du Gouvernement de mettre en œuvre un plan pour lutter contre ces violences gratuites. « Nous ne devons plus rien laisser passer », disait-il.

Cet amendement, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, vise donc à prendre en compte les violences gratuites qui se multiplient aujourd’hui et face auxquelles nous n’avons pas de réponse.

Debut de section - PermalienPhoto de Loïc Hervé

On ne peut rester insensible à l’argumentaire de Michel Savin, et le sujet des violences gratuites n’est pas sans lien avec notre débat.

Il s’agit cependant d’une question complexe, qui mériterait une étude à part entière. Or nous n’avons pu la mener dans le cadre de l’examen de ce texte ; cet amendement ayant été déposé tardivement, nous n’avons pas pu organiser d’auditions à ce sujet.

En première analyse, on ne peut que s’interroger sur les conséquences que l’adoption d’un tel amendement emporterait sur la tenue du procès pénal : ne risque-t-on pas d’assister à des discussions byzantines pour savoir si la réaction de l’auteur des faits était proportionnée ou pas ? Le procès ne risque-t-il pas de dériver vers une analyse du comportement de la victime, pour apprécier si celui-ci constituait ou non une provocation ?

Ces questions justifieraient que nous entendions des universitaires et des professionnels de la justice afin de bien mesurer les effets de cette exception au principe général d’indifférence des mobiles en droit pénal.

Pour ces raisons, la commission demande, à regret, le retrait de cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

La parole est à M. Michel Savin, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Savin

J’entends les arguments de M. le rapporteur, mais j’aurais aimé que M. le ministre s’exprimât sur ce point. Le sujet des violences gratuites n’est pas récent, cela fait des années qu’il est sur la table et le Premier ministre, comme je l’ai indiqué, l’avait évoqué en 2019. Depuis lors, rien ne s’est passé.

Il n’y a pas eu d’auditions, soit. J’ai déposé un amendement en commission, le délai était peut-être trop court, mais je ne peux pas rester insensible face à ces familles que nous rencontrons et qui vivent des situations dramatiques en raison de violences gratuites auxquelles elles ont été confrontées, alors que nous n’avons pas de réponses à leur apporter.

Cet amendement pourrait ouvrir la discussion et son dispositif être travaillé et amélioré au cours de la navette parlementaire. C’est une des propositions que je souhaitais vous soumettre.

Si je le retirais aujourd’hui, je suis persuadé qu’il se passerait encore des mois sans que nous discutions de ce sujet. Je le maintiens donc, en espérant que la navette permette de le perfectionner. Il faut apporter une réponse à ces familles.

Debut de section - PermalienPhoto de Loïc Hervé

La procédure parlementaire ne nous permet pas de conduire des auditions durant la navette. On peut profiter de celle-ci pour améliorer un texte sur le plan légistique, clarifier un point dont on n’est pas tout à fait certain ; en l’espèce, il s’agit d’une question de fond, réelle et sérieuse, qui doit être traitée dans le cadre des travaux de la commission des lois. Je viens d’échanger avec son président, qui m’a assuré que cela sera fait. En revanche, nous ne pouvons pas nous engager sur la navette. Avec Marc-Philippe Daubresse, nous n’organiserons pas d’auditions dans ce cadre, parce que cela n’est pas possible.

Je maintiens donc ma demande de retrait.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Je réponds bien volontiers à M. le sénateur Savin, même s’il me semblait que les explications livrées par M. le rapporteur étaient suffisantes.

La question principale que nous devons nous poser est la suivante : cet amendement risque-t-il de fragiliser les condamnations que subissent ceux qui se rendent coupables de violences envers les élus, alors même que nous les considérons déjà comme discutables, puisque nous en discutons ?

Le rapporteur a apporté un argument massue en première analyse : si, au cours du procès, on passe du temps à définir le ressenti de l’auteur des faits et son comportement pour fixer la peine, il n’est pas certain que l’on obtienne les résultats que vous appelez de vos vœux.

Par ailleurs, la rédaction de votre amendement donne l’impression qu’il y aurait deux types de violences. Or il ne me semble pas que nous devions, en droit, appréhender ainsi les choses : est-ce l’auteur et son intention qui comptent, ou bien la gravité de la violence subie, notamment, par l’élu ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Savin

Il s’agit non pas seulement des élus, mais de tous les citoyens.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

J’entends bien, nous parlons des élus, mais cela concerne les violences gratuites de manière générale.

Il importe, en définitive, de considérer les conséquences de l’acte de violence et il ne faudrait pas que la motivation de son auteur ou son comportement priment. Il convient donc ici de faire un peu de philosophie du droit pénal.

Je ne sous-estime pas du tout le problème que vous abordez, monsieur le sénateur. On parle beaucoup de tribunaux spécialisés. Je ne suis pas certain qu’il faille en créer pour chaque problème, mais il est clair que l’on parvient parfois, avec des parquets – et donc des services de police – spécialisés, à améliorer les procédures et à mieux faire condamner des personnes, en appréhendant mieux ces actes et leur multiplicité.

Nous travaillons en ce moment, avec le garde des sceaux, pour disposer de substituts spécialisés sur certaines violences que l’on pourrait qualifier de gratuites. Il est vrai que cela concernerait surtout les très grandes villes, et pas suffisamment tous les territoires de la République, mais il ne me semble pas que votre amendement permette de répondre à la question, pourtant importante, que vous soulevez.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

Je viens au secours de cet amendement, après avoir écouté les observations de M. le rapporteur et de M. le ministre, lesquelles m’apparaissent, pour autant, tout à fait raisonnables, légitimes et fondées.

J’appelle votre attention sur le nombre important de cosignataires de cet amendement : cela indique que nos collègues ont pris conscience de la réalité de ces faits, lesquels semblent connaître une augmentation exponentielle. Je ne dispose malheureusement pas de statistiques à ce sujet, mais il suffit de lire la presse pour constater combien ces actes gratuits prolifèrent à l’heure actuelle.

Je tiens donc à remercier M. Savin d’avoir pris l’initiative de cet amendement, et nous devons trouver une solution à ce problème.

J’ai bien compris qu’il n’était pas possible de faire véritablement évoluer cet amendement pendant la navette ; néanmoins, monsieur le ministre, n’y a-t-il pas lieu que vous vous empariez de ce dossier ? Si le Sénat votait aujourd’hui cette mesure, sans pour autant souhaiter que l’Assemblée nationale la reprenne en l’état, vous pourriez intervenir dans le débat, de manière que nous aboutissions à un texte correspondant à l’attente de M. Savin et des nombreux cosignataires de cet amendement.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Il me semble qu’un avis de sagesse de ma part, suivi de l’adoption de cet amendement par le Sénat, pourrait permettre de mener ce travail à l’Assemblée nationale, son rapporteur mis au fait des préoccupations exprimées par votre assemblée. Celui-ci l’examinera dans une optique compréhensive et constructive ; pour autant, ne soyez pas surpris si cette proposition est modifiée, voire supprimée.

Je change donc l’avis du Gouvernement et je m’en remets à la sagesse du Sénat, sous réserve de ce que je viens d’indiquer, avec l’espoir de ne pas vexer M. le rapporteur.

L ’ amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 7 bis.

L’amendement n° 119, présenté par M. Durain, Mme de La Gontrie, MM. Kanner et Bourgi, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Le Houerou, MM. Sueur, Leconte et Marie, Mme G. Jourda, M. Gillé, Mmes Artigalas et Carlotti, M. Cozic, Mmes Conconne et Meunier, MM. Cardon et Jacquin, Mmes Monier et Rossignol, MM. Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 7 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le 4° de l’article L. 435-1 du code de la sécurité intérieure est ainsi rédigé :

« 4° Lorsqu’ils ne peuvent immobiliser les véhicules, embarcations ou autres moyens de transport, dont les conducteurs n’obtempèrent pas à l’ordre d’arrêt, autrement que par l’usage de leurs armes, dans le but de les empêcher de perpétrer de manière imminente des atteintes à leur vie ou à leur intégrité physique ou à celles de tiers ; ».

La parole est à M. Jérôme Durain.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Durain

Cet amendement marque la suite, et peut-être la fin, de notre débat sur les refus d’obtempérer.

Je remercie M. le ministre, qui a consacré beaucoup de temps à nous répondre, qui a apporté des éléments chiffrés et qui nous a invités à une réunion de travail à l’occasion de laquelle nous avons déjà pu évoquer le sujet. Cela n’est pas toujours le cas, il fallait le dire.

Pour autant, nous ne partageons pas l’approche statistique qui nous est présentée. Les policiers et les gendarmes tirent plus que dans d’autres pays et ils tirent plus sur des véhicules.

Ces faits sont documentés par l’inspection générale de la police nationale (IGPN) : entre 2012 et 2016, celle-ci a enregistré 1 253 tirs, contre 1 584 tirs entre 2017 et 2021.

S’il est vrai que les refus d’obtempérer ont augmenté, le nombre de tirs dans ces situations a crû davantage, proportionnellement.

Jacques Toubon, alors Défenseur des droits, s’inquiétait que le projet de loi de 2017 relatif à la sécurité publique complexifie le régime juridique de l’usage des armes.

Cette loi a en effet modifié les textes en vigueur à ce sujet, et notre amendement vise à revenir à la rédaction proposée par un amendement du groupe radical de l’époque, défendu par M. Giraud, que monsieur Darmanin a bien connu au Gouvernement. D’ailleurs, il s’agit presque d’un amendement du Gouvernement, puisqu’il a été écrit par les services du ministère de l’intérieur : il vise à proposer une rédaction de l’article 431-1 du code de la sécurité intérieure comprenant la notion d’« imminence ».

Nous revenons sur ce sujet parce qu’il nous semble que la confusion qui règne dans le débat public autour de ces refus d’obtempérer est de nature à altérer très profondément le rapport entre police et population. C’est notre seule préoccupation.

Debut de section - PermalienPhoto de Loïc Hervé

Les conditions d’usage des armes en cas de refus d’obtempérer ont été précisées par le législateur au début de l’année 2017, après un dialogue nourri entre l’Assemblée nationale et le Sénat qui a abouti à une formulation équilibrée tenant compte des exigences du maintien de l’ordre, tout en limitant le recours aux armes à feu au strict nécessaire.

Le code de la sécurité intérieure prévoit que l’usage des armes est autorisé lorsque policiers et gendarmes « ne peuvent immobiliser autrement […] des véhicules, embarcations ou autres moyens de transport, dont les conducteurs n’obtempèrent pas à l’ordre d’arrêt et dont les occupants sont susceptibles de perpétrer, dans leur fuite, des atteintes à leur vie ou à leur intégrité physique ou à celles d’autrui ».

Cet amendement tend à effacer le compromis trouvé à l’époque, pour revenir à la rédaction initiale du projet de loi déposé par le Gouvernement, plus restrictive encore pour les forces de l’ordre.

Ce n’est pas la direction dans laquelle nous souhaitons nous engager ; l’avis de la commission est défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

La parole est à M. Jérôme Durain, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Durain

Allons au bout de ce débat. Notre objectif n’est pas de rendre les malfrats intouchables, non plus, ainsi que l’évoquait le ministre, que de laisser des gendarmes ou des policiers à deux heures du matin, sous la pluie, sans possibilité de réagir face à un véhicule qui leur fonce dessus.

En revanche, nous cherchons à éviter des événements qui donnent lieu à de nombreux commentaires, comme récemment à Saint-Ouen, quand des coups de feu de la police ont atteint les vitres d’un bus de la RATP où se trouvaient des familles et des enfants.

Les drames, selon le terme utilisé par notre collègue Guy Benarroche, liés à ces situations extrêmement complexes, sont nombreux et font du mal au lien entre police et population. Or il nous semble que les policiers sont des citoyens parmi les citoyens.

Dans les débats qui se déroulent sur les réseaux ou dans les commentaires d’articles, un clivage très profond, presque un match, se fait jour entre les défenseurs de la police et ceux qui l’accablent. Il importe donc, à notre sens, de rapprocher policiers et population. Tel est le sens de cet amendement.

Notre groupe prend acte, toutefois, de l’avis qui nous est opposé ; nous reviendrons sur ce sujet dès après ce vote, puisqu’un autre amendement tendra à demander un rapport au ministre.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Benarroche

Je ne peux laisser passer cet amendement et ce débat très important et très politique. Le premier amendement que nous avons défendu sur ce texte visait déjà à retisser des liens de confiance entre la population et les forces de l’ordre. Nous sommes en plein cœur du sujet.

L’article 7 bis, qui a été adopté, augmente les peines encourues en cas de refus d’obtempérer. Or cette mesure revient à considérer la question par le petit bout de la lorgnette, cependant que le reste du sujet n’est plus évoqué.

À ce titre, je remercie Jérôme Durain de nous permettre de le voir dans son ensemble et, en particulier, de relever que le problème qui va se jouer dans les mois et les années à venir sur ce thème concerne bien la relation de confiance. Les refus d’obtempérer augmentent et on refuse de modifier le traitement dont ils font l’objet, ainsi que nous le demandons, afin de permettre aux forces de l’ordre et aux citoyens de retrouver de la confiance les uns envers les autres.

Il nous semble donc fondamental que cet amendement soit voté.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

L’amendement n° 47, présenté par M. Durain, Mme de La Gontrie, M. Bourgi, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche, Leconte, Marie et Sueur, Mmes Artigalas et Le Houerou, MM. Gillé et Cardon, Mmes Meunier, Conconne et Monier, M. Cozic, Mmes Carlotti, G. Jourda et Rossignol, MM. Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 7 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Trois mois après la publication de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant les techniques d’interpellation permettant de mieux lutter contre les refus d’obtempérer. Ce rapport analyse l’augmentation importante du nombre de tirs notamment sur des véhicules en mouvement depuis ces dernières années. Il apporte des réponses en termes de formation professionnelle des personnels de sécurité intérieure. Il examine les évolutions législatives éventuelles.

La parole est à M. Jérôme Durain.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Durain

Lors de son audition devant la commission des lois, le 21 septembre dernier, M. le ministre a déclaré avoir demandé au directeur général de la gendarmerie ainsi qu’à celui de la police nationale de réfléchir aux questions qui nous occupent. Je sais que la demande de rapport n’est guère prisée ici, mais il me semble que nous devons suivre cela de près.

Nous n’avons pas modifié l’article 435-1 du code de la sécurité intérieure et nous avons un désaccord de fond sur ce sujet ; pour autant, je propose que nous le surveillions comme le lait sur le feu, parce qu’il est très sensible. Il mérite donc d’être documenté au fil de l’eau.

Debut de section - PermalienPhoto de Loïc Hervé

Il s’agit d’une nouvelle demande de rapport, et, vous le savez, nous y sommes hostiles.

De plus, les auteurs de cet amendement semblent considérer que le problème posé par les refus d’obtempérer résiderait dans la réaction des forces de l’ordre.

Ce n’est pas l’approche de la commission des lois, qui considère que la source du problème doit être cherchée du côté des automobilistes qui commettent une infraction, et qu’il convient de les en dissuader par une politique pénale d’une plus grande fermeté.

L’avis de la commission est donc défavorable.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Je souhaite, pour clore cette séance du matin, répondre aux arguments de MM. Durain et Benarroche, avant d’évoquer cet amendement, auquel je ne peux qu’être défavorable.

Le débat sur les refus d’obtempérer, ainsi que sur la manière dont les policiers et les gendarmes interpellent les personnes et dont la justice les condamne, est sain en démocratie. Les techniques de la police et de la gendarmerie doivent être sans aucun doute améliorées, à proportion de ce que la technologie permet de faire.

Il ne faudrait pas pour autant croire, comme l’a dit M. Benarroche et comme, sans vous faire de procès d’intention, vous semblez le penser, monsieur le sénateur, qu’en changeant de techniques d’interpellation, on fera baisser le nombre de refus d’obtempérer.

Ces faits se produisent parce que des gens se mettent en danger eux-mêmes, mettent en danger la vie des autres et commettent un délit, voire un crime.

Répétons-le : la première des choses à faire, c’est de s’arrêter quand un policier ou un gendarme le demande. Si l’on fait cela, on est déjà bien parti.

Or nous constatons, malheureusement, que ceux qui refusent d’obtempérer le font pour plusieurs raisons, qu’il est intéressant d’analyser afin de comprendre l’augmentation de ces faits. Cette évolution concerne toutes les sociétés occidentales comparables à la nôtre et ne semble pas être liée à l’augmentation de la violence en général.

J’ai eu l’occasion de le dire, une de ces raisons tient peut-être au fait que certains automobilistes conduisent sans permis de conduire, qu’ils ne l’aient pas ou qu’il leur ait été retiré. Il ne faut pas en sous-estimer l’importance. Ils n’ont plus de points, mais ils vont travailler, parfois faire la fête et ils ne s’arrêtent pas, car ils savent qu’ils encourent une condamnation.

Évidemment, le ministre ne saurait proposer de supprimer le permis de conduire ; mais nous devrions peut-être nous interroger sur notre manière de traiter la sécurité routière. L’équilibre est très difficile à trouver entre la condamnation de comportements provoquant des accidents extrêmement graves, qui enlèvent trop de vies sur les routes de France.

Peut-être, et je me suis déjà exprimé à ce propos, pourrions-nous imaginer une autre règle s’agissant des infractions entraînant le retrait d’un faible nombre de points. Il faudrait néanmoins maintenir une sanction envers ceux qui commettent des excès de vitesse qui ne sont pas élevés, mais qui peuvent conduire, aujourd’hui, à la suite du retrait de points, à la perte du permis de conduire. Les personnes concernées sont souvent des usagers de la route très réguliers, car nous ne sommes pas tous égaux devant le permis à points, dans nos comportements et dans nos habitudes. Je le répète, il peut être intéressant d’y réfléchir.

La plupart des individus que nous interpellons après ces refus d’obtempérer sont toutefois responsables de crimes et de délits plus graves. Ils sont parfois eux-mêmes recherchés par la police ou par la gendarmerie ; il est alors logique qu’ils ne s’arrêtent pas, parce qu’ils sont en fuite et qu’ils auraient dû être en prison ou faire l’objet de poursuites pénales. Certains d’entre eux se trouvent sous l’emprise de stupéfiants ou transportent des produits illicites, et ces faits peuvent se cumuler. La majorité des refus d’obtempérer n’est pas le fait de personnes qui n’ont rien à se reprocher.

De même que 100 % des gagnants ont tenté leur chance, 99 % des automobilistes qui refusent de s’arrêter lorsqu’un policier ou un gendarme le leur demande ne le font pas au nom de convictions politiques, ou parce que la façon dont les forces de l’ordre interviennent leur déplaît. Ils le font parce qu’ils ont des choses à se reprocher et qu’ils sont eux-mêmes les auteurs de délits ou de crimes au moment où ils tombent sur un policier ou sur un gendarme.

N’inversons pas la charge de la preuve. Que nous réfléchissions à la façon dont les choses se passent, c’est heureux, car il est toujours possible de s’améliorer ; que nous étudiions les causes de ces refus d’obtempérer, là encore, c’est heureux : il ne faut cependant pas croire que, en changeant les techniques d’interpellation, on diminuerait le nombre de refus d’obtempérer. Ce n’est pas la bonne manière de voir les choses.

L’avis du Gouvernement est défavorable.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

I. – Le second alinéa de l’article 223-15-2 du code pénal est ainsi modifié :

1° Les mots : « par le dirigeant de fait ou de droit » sont remplacés par les mots : « en bande organisée par les membres » ;

2° Le mot : « cinq » est remplacé par le mot : « sept » ;

3° Le montant : « 750 000 euros » est remplacé par le montant : « un million d’euros ».

II. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° L’article 74-2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Si les nécessités de l’enquête pour rechercher la personne en fuite l’exigent, les sections 1, 2 et 4 à 6 du chapitre II du titre XXV du livre IV sont applicables lorsque la personne concernée a fait l’objet de l’une des décisions mentionnées aux 1° à 3° et 6° du présent article pour l’une des infractions mentionnées aux articles 706-73 et 706-73- 1. » ;

2° L’article 706-73 est ainsi modifié :

a) Après le 1°, il est inséré un 1° bis ainsi rédigé :

« 1° bis Crime de meurtre commis en concours, au sens de l’article 132-2 du code pénal, avec un ou plusieurs autres meurtres ; »

b) Après le 2°, il est inséré un 2° bis ainsi rédigé :

« 2° bis Crime de viol commis en concours, au sens de l’article 132-2 du code pénal, avec un ou plusieurs autres viols commis sur d’autres victimes ; »

c) Le 20° est ainsi rétabli :

« 20° Le délit d’abus frauduleux de l’état d’ignorance ou de faiblesse commis en bande organisée prévu par le dernier alinéa de l’article 223-15- 2 du code pénal. » –

Adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à douze heures cinquante-cinq, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de Mme Nathalie Delattre.