Intervention de Richard Yung

Réunion du 23 juin 2010 à 21h30
Répression des violences faites aux femmes. - violences au sein des couples — Article additionnel après l'article 8

Photo de Richard YungRichard Yung :

Le présent amendement a pour objet d’abroger le délit de racolage passif institué par l’article 50 de la loi du 18 mars 2003. Depuis lors, le fait de racoler, activement ou passivement, est punissable de deux mois de prison et de 3 750 euros d’amende.

La création de cette infraction devait permettre de lutter contre les troubles à l’ordre public, notamment les nuisances dont les riverains se plaignaient, et d’éradiquer les réseaux étrangers de proxénétisme.

Nous partageons avec la majorité l’objectif de lutter contre ces réseaux mafieux de proxénétisme et de traite des personnes prostituées. Pour autant, nous sommes opposés au délit de racolage passif, injuste, inefficace et dangereux.

Il est injuste parce qu’il n’est pas défini, étant constitué par une simple négation, une absence d’action, qui, par ailleurs, ne cause préjudice à personne.

De plus, il soumet les personnes prostituées à un régime spécial. Or la Convention pour la répression de la traite des êtres humains et de l’exploitation de la prostitution d’autrui de 1949, ratifiée par la France, exige l’abrogation de toute disposition ou pratique conduisant à les inscrire dans les registres spéciaux ou à les soumettre à des conditions exceptionnelles de surveillance.

Une simple application du droit commun est possible. La stigmatisation des prostituées par le biais de la création d’articles spécifiques nous semble infondée. Il suffit de mettre en œuvre les dispositions existantes relatives aux atteintes à la moralité ou à la tranquillité publique – tapage nocturne, exhibition sexuelle ou trouble au bon voisinage.

Par ailleurs, le délit de racolage passif est inefficace. Il n’a en rien contribué à lutter contre le trafic d’êtres humains ou le proxénétisme. Depuis son entrée en vigueur, aucun procès pour traite des êtres humains n’a eu lieu.

Ce délit est enfin dangereux parce qu’il conduit les personnes prostituées à se rendre dans des zones de plus en plus lointaines, des zones de non-droit. Des femmes dont les camionnettes sont saisies et non restituées sont obligées de travailler dehors, dans des conditions beaucoup plus dangereuses. Elles sont ainsi fragilisées, en particulier lors la négociation, si j’ose dire, du préservatif.

La France est un pays abolitionniste dans lequel la prostitution n’est pas interdite. Or l’introduction du délit de racolage passif dans notre droit l’a fait glisser progressivement vers un régime prohibitionniste. La confusion entre la répression du racolage et celle de la prostitution s’est ainsi installée.

Le comportement des policiers s’est, par ailleurs, radicalisé – gardes à vue abusives, fouilles humiliantes ou contraventions injustifiées. Vous le savez, il faut faire du chiffre… Pour illustrer mon propos, je souhaite vous citer, mes chers collègues, le cas d’une femme prénommée Evelyne, qui a été interpelée vingt-six fois en deux mois et demi. Sa comparution immédiate a eu lieu le 30 décembre 2004 ; elle a été condamnée à trois mois de prison, mais cette condamnation a été cassée pour vice de forme.

Au mois de février dernier, lors de l’examen de la proposition de loi renforçant la protection des victimes et la prévention et la répression des violences faites aux femmes, une députée du groupe UMP Mme Chantal Brunel avait déposé un amendement similaire à celui que je vous présente. Nos motivations divergent quelque peu, mais, sur le fond, nos positions convergent.

Mme Brunel avait retiré son amendement en séance publique, Mme Morano lui ayant promis la mise en place d’un groupe de travail.

Plus de trois mois ont passé. Quid de ce groupe de travail ? S’est-il réuni ? Quelles sont ses conclusions ?

N’ayant à l’heure actuelle obtenu aucune information supplémentaire, nous souhaitons la suppression du délit de racolage passif.

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