Intervention de Gérald Darmanin

Réunion du 13 octobre 2022 à 14h30
Orientation et programmation du ministère de l'intérieur — Article 9

Gérald Darmanin :

Si j’étais dans cette situation, je ne passerais pas ce concours, car je ne prendrais pas le risque professionnel de changer de voie dans ces conditions, considérant que l’on ne me fait pas confiance. En effet, pour présenter ces épreuves, je devrais suspendre de nouveau ma vie professionnelle, et donc ma rémunération… Tout cela me paraît donc hasardeux.

Avec le garde des sceaux, car c’est avec lui que nous avons élaboré ce texte, nous avons trouvé un moyen d’atterrissage : la qualité d’OPJ ne sera pas accordée immédiatement après la sortie de l’école.

En écho à notre discussion de l’année dernière sur l’allongement de la formation des policiers et des gendarmes, je veux rappeler que le concours se passe en deux temps.

La première partie des épreuves se déroule durant la formation au sein de l’école de police ; certains réussissent, d’autres non. Ceux qui échouent restent des gardiens de la paix classiques. Mais ceux qui réussissent ne sont pas pour autant des OPJ : ils peuvent passer, juste après la formation initiale qui prévoit déjà un long stage, la deuxième partie des épreuves. Et ils doivent patienter encore trente mois – on n’est pas si loin des trois ans prévus actuellement ! –, durant lesquels on les teste et on vérifie s’ils feront de bons OPJ adjoints ou stagiaires avant d’obtenir définitivement la qualité d’OPJ.

C’est méconnaître le texte que je vous propose que de dire, comme je l’ai entendu à l’instant, que l’on veut nommer les élèves directement OPJ à leur sortie de l’école. Ils doivent patienter trente mois ! Dans quelle autre activité, relevant notamment du statut de la fonction publique, demande-t-on d’acquérir pendant trente mois une expérience professionnelle ?

Vous avez dit, monsieur Benarroche, que les OPJ avaient plein de pouvoirs. C’est à la fois juste et faux. Car ces pouvoirs, ils les exercent toujours sous l’autorité du procureur de la République.

Il arrive tous les jours, monsieur le sénateur, qu’un procureur convoque un OPJ pour lui reprocher d’avoir fait des bêtises et le menacer de lui retirer son titre d’OPJ ! Les policiers et les gendarmes ne disposent donc jamais d’un pouvoir absolu.

Ces agents doivent justifier de leurs actes. D’ailleurs, dans le cas où ils ne seraient pas dignes de cette qualité, ou si l’autorité judiciaire dont ils relèvent n’avait plus confiance en eux, la qualité d’OPJ pourrait leur être retirée sans que la police ou la gendarmerie puisse y redire quoi que ce soit.

Dans la vie politique, il faut être cohérent. Vous ne pouvez pas, à la fois, constater tous autant que vous êtes qu’il manque à peu près 5 000 OPJ en France, dénoncer la lenteur des procédures en matière de violences intrafamiliales, que la justice manque de moyens et n’est pas suffisamment à l’écoute de gens, m’écrire pour obtenir la nomination d’OPJ dans vos départements, et, lorsque je vous propose une solution structurelle qui a été discutée avec tous les syndicats de police, l’ensemble des représentants de la magistrature, qu’a rencontrés le garde des sceaux, et qui est le résultat du compromis qui a été trouvé, me dire que, finalement, les policiers étant des gens un peu limités, il faut bien vérifier s’ils ont trois ans d’expérience professionnelle et s’ils ne sont pas totalement dingues !

Ce procès, vous ne le faites pas aux magistrats !

Lorsque j’avais 22 ou 23 ans, j’aurais pu passer le concours de commissaire de police, ou celui de gardien de la paix, ou encore celui de l’École nationale de magistrature. Si j’avais réussi aux épreuves de la magistrature, après un temps de formation à peu près similaire à celui au sein de l’école de police – Marc-Philippe Daubresse l’a très bien dit hier –, j’aurais pu être nommé immédiatement substitut du procureur. Or le substitut du procureur de permanence a des pouvoirs beaucoup plus importants en matière de droits et de libertés qu’un simple OPJ ! Il n’est pourtant pas prévu dans le code de procédure pénale que les magistrats justifient de trois ans d’expérience professionnelle. En fait, si l’on suit cette démonstration, on devrait considérer que les policiers sont un peu plus « concons » que les autres… Pour ma part, je me refuse à penser cela !

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