La séance, suspendue à douze heures cinquante-cinq, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de Mme Nathalie Delattre.
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 108 est présenté par MM. Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.
L’amendement n° 167 rectifié bis est présenté par MM. Favreau, Belin, J.B. Blanc, D. Laurent, Savary et Cuypers, Mme Dumont, MM. Laménie, Gremillet et Houpert, Mme Goy-Chavent, MM. Genet et Piednoir, Mme Garriaud-Maylam, MM. Cambon, Longuet, Somon et Tabarot, Mme Schalck et M. Bonhomme.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au début de l’article 77-2 du code de procédure pénale, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :
« …. – Dans le cadre d’une convocation en vue d’une audition libre ou d’une garde à vue, le dossier, expurgé des éléments risquant de porter atteinte à l’efficacité des investigations, est mis à la disposition du suspect et de son avocat. »
La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 108.
Le présent projet de loi comporte de nombreuses modifications de la procédure pénale visant, nous annonce-t-on, à renforcer la filière investigation.
Nous estimons pour notre part que ces modifications doivent s’accompagner d’un renforcement des droits de la défense dès la garde à vue. Nous avions d’ailleurs déjà présenté un amendement dans le même sens lors de l’examen du projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire, comme n’aurait pas manqué de le relever le rapporteur Marc-Philippe Daubresse…
Cela répond aussi à un besoin de confiance envers les forces de l’ordre.
L’article du code de procédure pénale actuellement en vigueur permet au procureur de communiquer les éléments du dossier de la procédure, mais il ne consacre pas le droit pour les mis en cause et leurs avocats, à ce stade de l’enquête, de demander le dossier, même expurgé de tous les éléments présentant un risque de porter atteinte à l’efficacité des investigations.
Notre groupe souhaite donc renforcer les droits de la défense et le contradictoire dans le cadre de l’enquête préliminaire en donnant au suspect et à son avocat accès au dossier dès le stade de la garde à vue.
L’étude d’impact du projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire rappelait que dans la plupart des pays européens, « parmi les droits les plus fréquemment conférés à la personne au cours de l’enquête figurent le droit d’accès au dossier, le plus souvent au cours de la garde à vue, et le droit de demander des actes d’enquête ou de participer à des actes d’enquête et d’être informée de ses droits ».
Cet amendement a été élaboré en lien avec le Conseil national des barreaux (CNB).
La parole est à M. Gilbert Favreau, pour présenter l’amendement n° 167 rectifié bis.
Dans sa rédaction actuelle, l’article 77-2 du code de procédure pénale limite le droit d’accès au dossier de la procédure par la partie civile ou le plaignant, confiant au parquet le pouvoir d’accorder ou de refuser cet accès.
Il paraîtrait plus logique de consacrer un droit d’accès au dossier pour le plaignant dès le moment de la plainte plutôt que de le limiter de la sorte. Les avocats le souhaitent, puisque cela leur permettrait de préparer la défense de leurs clients dès la clôture de l’enquête, et donc au début de la procédure.
Nos deux collègues proposent de renforcer les droits de la défense en permettant au suspect et à son avocat d’avoir accès au dossier de la procédure dès le stade de la garde à vue ou de l’audition libre.
La loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire a récemment renforcé le contradictoire dans le cadre de l’enquête préliminaire en permettant à la personne mise en cause d’avoir accès dans certaines conditions au dossier de la procédure.
Le législateur a cependant veillé à préserver un équilibre entre les droits de la défense et l’efficacité de l’enquête, notamment dans son déroulement.
Il ne nous paraît pas justifié de rouvrir ce débat et de remettre en cause cet équilibre si peu de temps après l’adoption de la dernière réforme, et ce, alors que nos concitoyens attendent de la police et de la justice davantage d’efficacité dans l’élucidation des affaires.
L’avis est défavorable.
Je mets aux voix les amendements identiques n° 108 et 167 rectifié bis.
Les amendements ne sont pas adoptés.
L’amendement n° 10 rectifié bis, présenté par M. Bazin, Mme Eustache-Brinio, MM. Guerriau et Wattebled, Mme Belrhiti, M. Cambon, Mmes V. Boyer, Dumas, Deroche et Drexler, M. Bouchet, Mmes N. Delattre et Herzog, MM. Somon et Lévrier, Mme Duranton, MM. Buis, Bascher et Breuiller, Mme Berthet, MM. Piednoir, Laménie, Saury, Savary et Chasseing, Mme Imbert, MM. Bonhomme, Grand et Vallini, Mme Garriaud-Maylam, MM. Decool et Rapin, Mmes Dumont et Borchio Fontimp, M. Houpert et Mmes Havet, Perrot et Bellurot, est ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 222-14-3 du code pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les actes de violence, tels que définis aux articles 521-1 et 521-1-1 du présent code, commis sur un animal de compagnie détenu au sein du foyer par le conjoint ou le concubin de la victime ou son partenaire avec qui elle est liée par un pacte civil de solidarité ou, si la victime est mineure, par un ascendant ou par toute autre personne ayant autorité sur elle, sont assimilés à des violences psychologiques. »
La parole est à M. Arnaud Bazin.
Cet amendement étant le premier d’une série de cinq, je souhaite au préalable prévenir tout malentendu : les dispositions proposées ne sont pas des mesures de protection animale ; elles visent à protéger les victimes et à prévenir, dépister les faits de violences intrafamiliales et à y répondre le mieux possible.
Ces cinq amendements ne sont pas le fruit d’une opinion ou d’une thèse ; ils sont inspirés par un fait, établi par de nombreuses études scientifiques internationales, notamment statistiques, qui indiquent l’existence d’un lien fort entre les violences exercées envers un animal domestique dans le foyer et les violences exercées à l’égard du conjoint et des enfants.
Je ne vous infligerai pas la liste des références bibliographiques : je vous renvoie sur ce point à l’exposé des motifs de mes cinq amendements, où vous trouverez celles-ci.
L’animal est un révélateur du climat de violence intrafamiliale, ce que ces amendements tendent à prendre en compte, mais il constitue aussi, pour l’auteur des violences, un moyen de pression sur ses victimes, qu’il peut menacer d’exercer des violences sur les animaux domestiques pour éviter que les victimes ne dénoncent les faits de violence ou qu’elles ne quittent le foyer.
Ces amendements ont été élaborés en lien avec des professionnels, notamment des magistrats, confrontés régulièrement à ces difficultés.
J’ajoute que les ménages concernés sont nombreux, puisque environ 50 % d’entre eux possèdent un chien ou un chat.
L’amendement n° 10 rectifié bis vise à caractériser les sévices graves, les actes de cruauté et les atteintes sexuelles sur un animal de compagnie comme des violences psychologiques pour la victime de violences intrafamiliales. Une telle reconnaissance du statut de victime permettra de l’encadrer par tous les éléments de prévention prévus par la loi.
À titre liminaire, et en écho au débat de ce matin, je rappellerai que nous ne souhaitons pas introduire de dispositions excédant le périmètre initial de ce texte.
Cet amendement et les suivants n’ayant pas été déclarés irrecevables au titre de l’article 45 de la Constitution, nous en débattons. Pour autant, mon collègue rapporteur Marc-Philippe Daubresse et moi-même n’avons mené aucune audition des scientifiques que vous évoquez, mon cher collègue, et ce, pour la bonne et simple raison que le sujet excède le périmètre initial de ce texte.
Je ne remets pas en cause le bien-fondé de vos amendements non plus que celui de ce débat, mais pour ce qui est de la méthodologie, il me paraît important que les rapporteurs d’un texte disposent des informations nécessaires afin de proposer un avis aussi éclairé que possible à la commission sur des dispositions qui, comme celles-ci, modifient les codes civil ou pénal.
À ce stade, avec mon collègue Marc-Philippe Daubresse, nous estimons que nous ne disposons pas des éléments qui nous permettraient d’émettre un avis véritablement éclairé sur le fond.
C’est donc avec embarras que nous nous sommes résolus à émettre un avis défavorable. En effet, tout en comprenant vos arguments, mon cher collègue, il ne nous paraît pas opportun de modifier le code pénal.
J’ajoute qu’en termes de symbolique et de présentation, il me paraît délicat de faire figurer, dans les mêmes articles, des mentions relatives aux animaux et des mentions relatives aux victimes, que nous sommes censés protéger et qui sont des personnes humaines.
Comme nous n’avons pas eu de débat préalable et que nous n’avons pas mené d’auditions, j’attire votre attention, mon cher collègue, sur l’opportunité d’introduire de telles dispositions au sein d’un article spécifique.
Je demande le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Monsieur le sénateur, je comprends bien votre souci de prendre en compte, plus que nous ne le faisons habituellement, la spécificité des sévices graves commis à l’encontre des animaux domestiques par les auteurs de violences conjugales lorsque, comme Mme Rossignol le soulignait ce matin, ces sévices visent à nuire psychologiquement à la victime de violences conjugales, que ce soit pour la retenir ou pour s’en « venger ».
En matière de violences intrafamiliales, nous avançons de manière empirique, et nous ne cessons de prendre en considération de nouveaux éléments, comme celui dont nous débattons, qui semble prendre de plus en plus d’ampleur, notamment dans les classes les plus populaires.
Au-delà des arguments avancés par M. le rapporteur selon lesquels ces dispositions excèdent le périmètre initial de ce texte et relèvent davantage du ministère de la justice que de celui de l’intérieur, je tiens à préciser, à l’attention de nos concitoyens qui nous écoutent et qui pourraient croire que les sévices graves envers les animaux et les violences psychologiques ne sont pas réprimés, que tel n’est pas le cas, et que le code pénal comporte d’ores et déjà des dispositions en ce sens.
Je comprends que vous souhaitez que ces violences puissent constituer un élément aggravant dans le cadre des ordonnances de protection et des condamnations.
Il me semble toutefois que M. le rapporteur n’a pas tout à fait tort lorsqu’il indique qu’il ne faut pas mentionner de manière parallèle les victimes, singulièrement les femmes, et les animaux, qui, s’ils sont parfois victimes eux aussi, ne bénéficient pas dans le droit français des mêmes protections que les personnes.
Tout en étant sensible aux difficultés que vous soulevez, je vous propose donc de retirer cet amendement ainsi que les suivants dans l’attente des résultats de la mission temporaire ayant pour objet le traitement judiciaire des violences intrafamiliales qu’a confiée Mme la Première ministre notamment à l’une de vos collègues, dont le rapport pourra aborder à la fois la question d’une juridiction spécialisée et les violences commises envers les animaux domestiques dans le cadre de séparations ou de violences conjugales.
Ces dernières heures, j’ai eu l’occasion d’échanger avec le garde des sceaux à ce sujet.
Retrait, sinon avis défavorable.
J’ai eu l’occasion ce matin d’évoquer cet amendement et les suivants à l’appui de mes démonstrations sur l’ordonnance de protection, et en ce qui me concerne, je les voterai.
L’amendement n° 10 rectifié bis vise non pas à faire entrer la condition animale dans le code civil, mais à mieux définir ce que sont les violences psychologiques.
Nous ne disposons que de définitions faites par des professionnels ou bien jurisprudentielles des violences psychologiques, mais il suffit de s’intéresser à l’actualité pour comprendre que de nombreux éléments qui relèvent de violences psychologiques ne sont pas encore clairement identifiés comme tels.
Par cet amendement, notre collègue souhaite que soit pris en compte – je parle sous votre contrôle, monsieur Bazin – que les violences commises envers un animal domestique peuvent constituer des faits de violence psychologique exercés, non pas sur l’animal, mais sur les autres membres du foyer, c’est-à-dire le plus souvent la femme et les enfants.
Dans le cadre de la lutte contre la radicalisation – un domaine que vous connaissez bien, monsieur le ministre –, nous savons qu’il existe des signaux faibles. Eh bien, les violences contre les animaux constituent des signaux faibles en matière de violences intrafamiliales !
Le fil conducteur des amendements de notre collègue Bazin est juste, et le présent amendement a toute sa place dans ce texte.
Je reviendrai ultérieurement sur les difficultés que nous rencontrons à exercer notre droit d’amendement en séance, car cela devient impossible…
Je n’ai l’intention de contrarier ni le ministre ni le rapporteur, mais je tiens à exprimer ma position.
Comme l’a bien expliqué – et bien compris – notre collègue Rossignol, il s’agit simplement de reconnaître que des violences physiques commises sur un animal domestique représentent des violences psychologiques pour les personnes vivant dans le foyer. Tel est l’objet de l’amendement.
Il me semble que la reconnaissance de ces violences psychologiques dont les enfants ou le conjoint peuvent être victimes permettra de doter les juges d’un cadre plus solide pour apprécier les faits.
Si je peux comprendre qu’il est difficile pour la commission et le rapporteur d’émettre un avis sur un sujet qui n’a pas été expertisé au fond, je rappelle qu’un amendement présenté ce matin par notre collègue Savin a été voté…
… alors même que les dispositions qu’il tendait à introduire emportent des difficultés d’appréciation bien plus grandes.
Au-delà du sort qui sera réservé à cet amendement et aux suivants, il me paraît important que nous débattions de ce sujet important, car la prise en compte des violences commises envers les animaux domestiques permettra de progresser dans leur prévention et leur traitement. Il ne s’agit nullement de mettre sur le même plan les violences envers les animaux et les violences envers les personnes.
Nous le rappelions ce matin, la commission des lois est attentive à la rédaction du code pénal et du droit en général. L’adoption de cet amendement entraînerait une modification du code pénal, et ce, alors que nous examinons un projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur et en dépit de mes observations, de celles du ministre et de celles que j’avais déjà formulées devant la commission.
L’article 222-14-3 du code pénal est ainsi rédigé : « Les violences prévues par les dispositions de la présente section sont réprimées quelle que soit leur nature, y compris s’il s’agit de violences psychologiques. » Vous souhaitez introduire à sa suite, c’est-à-dire au sein d’un chapitre général, le cas particulier que vous évoquez.
Autrement dit, les violences commises envers des animaux seront mentionnées au sein même de l’article qui mentionne les violences commises envers les personnes, constituant même un facteur aggravant !
Cela pose une difficulté de fond sur laquelle je souhaite vous alerter, mon cher collègue. Comme je l’ai indiqué, le fait que je n’ai pas pu auditionner les scientifiques que vous avez mentionnés pose également une difficulté de méthode.
De surcroît, en faire un facteur aggravant de faits de violences sur personne, cela me paraît de nature à compromettre le bon déroulement des travaux du Sénat et le sérieux de la commission des lois. J’ai évoqué ces difficultés à deux reprises lors des travaux en commission, mais je tenais à les évoquer également en séance publique.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 11 rectifié bis, présenté par M. Bazin, Mme Eustache-Brinio, MM. Guerriau et Wattebled, Mme Belrhiti, M. Cambon, Mmes V. Boyer, Dumas, Deroche et Drexler, M. Bouchet, Mmes N. Delattre et Herzog, MM. Somon et Lévrier, Mme Duranton, MM. Buis, Bascher et Breuiller, Mme Berthet, MM. Piednoir, Laménie, Saury, Savary et Chasseing, Mme Imbert, MM. Bonhomme, Grand et Vallini, Mme Garriaud-Maylam, MM. Decool et Rapin, Mmes Dumont et Borchio Fontimp, M. Houpert et Mmes Havet, Perrot et Bellurot, est ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le deuxième alinéa de l’article 222-33-2-1 du code pénal, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’infraction est également constituée par des propos ou comportements à l’encontre d’un animal de compagnie détenu au sein du foyer ayant pour objet ou pour effet de créer à l’encontre du conjoint, du partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou du concubin une situation intimidante, hostile ou offensante. »
La parole est à M. Arnaud Bazin.
Madame la présidente, si vous le permettez, je défendrai également l’amendement de repli n° 12 rectifié bis.
J’appelle donc en discussion l’amendement n° 12 rectifié bis, présenté par M. Bazin, Mme Eustache-Brinio, MM. Guerriau et Wattebled, Mme Belrhiti, M. Cambon, Mmes V. Boyer, Dumas, Deroche et Drexler, M. Bouchet, Mmes N. Delattre et Herzog, MM. Somon et Lévrier, Mme Duranton, MM. Buis, Bascher et Breuiller, Mme Berthet, MM. Piednoir, Laménie, Saury, Savary et Chasseing, Mme Imbert, MM. Bonhomme, Grand et Vallini, Mme Garriaud-Maylam, MM. Decool et Rapin, Mmes Dumont et Borchio Fontimp, M. Houpert et Mmes Havet, Perrot et Bellurot, et ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le deuxième alinéa de l’article 222-33-2-1 du code pénal, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’infraction est également constituée lorsque ces comportements mettent en danger un animal de compagnie détenu au sein du foyer. »
Veuillez poursuivre, cher collègue.
Par l’amendement n° 11 rectifié bis, je propose que soient considérés comme constitutifs de harcèlement « les propos ou comportements à l’encontre d’un animal de compagnie détenu au sein du foyer ayant pour objet ou pour effet de créer à l’encontre du conjoint, du partenaire lié par pacte civil de solidarité ou du concubin, une situation intimidante, hostile ou offensante ».
Par l’amendement de repli n° 12 rectifié bis, je propose de considérer que l’infraction n’est constituée que lorsque ces comportements mettent l’animal en danger.
L’adoption de l’amendement n° 11 rectifié bis rendrait plus simple la constatation du délit de harcèlement moral du conjoint lorsque le harcèlement vise un animal plutôt que lorsque ce harcèlement vise le conjoint lui-même.
En effet, pour que le délit de harcèlement moral soit constitué, il faut que le conjoint soit victime de « propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de vie se traduisant par une altération de sa santé physique ou mentale ». Les conditions à réunir sont assez strictes.
Mais si votre amendement était adopté, mon cher collègue, il suffirait que le harcèlement de l’animal crée une situation intimidante, hostile ou offensante pour le conjoint harcelé pour que le harcèlement moral soit constitué.
Il deviendrait plus facile de punir le harcèlement d’un animal que celui d’une épouse, ce qui nous paraît d’une cohérence tout à fait relative.
L’avis est défavorable.
Cher collègue Bazin, quel que soit le sort que notre assemblée réservera à ces amendements, je m’engage à ce que la commission des lois étudie le sujet que vous soulevez.
Nous sommes à peu près tous d’accord sur le constat que vous faites et les faits que vous dénoncez. La difficulté est formelle, juridique, et si le droit n’est qu’un moyen, il faut tout de même adopter des dispositions susceptibles de répondre effectivement à votre préoccupation.
C’est pourquoi je m’engage devant vous et devant nos collègues à engager ce travail au sein de la commission des lois.
Je vous remercie pour vos propos et pour votre engagement, dont je prends acte, monsieur le président de la commission.
J’ai entendu les arguments du rapporteur, et je reconnais que les adjectifs choisis pour rédiger la disposition soulèvent une difficulté. Nous devrons retravailler ce point. Pour l’heure, je retire ces deux amendements.
Monsieur le rapporteur, permettez-moi toutefois de remarquer que pour le coup, c’est vous qui mettez l’homme et l’animal sur le même plan, puisque seul le harcèlement de la personne est pris en compte au travers des sévices ou actes inappropriés perpétrés sur l’animal. Ce dernier n’est qu’un révélateur, et, en tout état de cause, il n’est pas du tout placé au même niveau que la personne.
Il faudra veiller à conserver cette distinction lorsque nous retravaillerons ces dispositions.
Les amendements n° 11 rectifié bis et 12 rectifié bis sont retirés.
L’amendement n° 1 rectifié, présenté par M. Bazin, Mme Eustache-Brinio, M. Karoutchi, Mme Thomas, MM. Bouchet et Courtial, Mme V. Boyer, M. Pellevat, Mmes Bellurot et Garriaud-Maylam, M. Le Gleut, Mmes Deroche, M. Mercier, Richer, Sollogoub, Berthet et Belrhiti, M. Chatillon, Mmes Dumont et Imbert, M. Paccaud, Mme Lassarade, MM. B. Fournier et Laménie, Mme Drexler, MM. Charon, Lefèvre, Bonnus et P. Martin, Mme Jacquemet, M. Savary, Mme Dumas, MM. Saury, Klinger et Somon, Mmes Herzog, Muller-Bronn et N. Delattre, M. Guerriau, Mme L. Darcos, MM. Meignen, Bascher, Cambon, Belin, Longeot et Wattebled, Mme Malet, MM. Frassa, Brisson, Tabarot, Chasseing, Babary et Bouloux, Mmes Devésa et Borchio Fontimp et MM. Vallini et Rapin, est ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À l’article 515-9 du code civil, après le mot : « enfants », sont insérés les mots : « ou les animaux de compagnie détenus au sein du foyer ».
La parole est à M. Arnaud Bazin.
Cet amendement vise à prendre en compte dans le code civil les violences commises envers les animaux de compagnie détenus au sein du foyer parmi les conditions de déclenchement des ordonnances de protection des victimes de violences intrafamiliales.
En effet, cette ordonnance de protection du juge civil n’est pas conditionnée à l’existence d’une plainte pénale.
Or, comme je l’ai indiqué précédemment, un comportement violent s’applique de façon globale à ceux qui entourent son auteur, d’autant plus aisément que les victimes sont vulnérables.
Mal connue en France, cette violence unique qui peut exister au sein d’un foyer est mieux connue à l’étranger – les études que j’évoquais sont d’ailleurs pour la plupart anglo-saxonnes.
Dans un contexte d’augmentation des violences conjugales depuis plusieurs années, et ce, en dépit des mesures déployées depuis le Grenelle qui leur a été consacré, il serait incompréhensible de se priver d’un tel indicateur, dont la validation n’emporte par ailleurs aucun effet délétère.
Cet amendement vise donc à considérer le sort de l’animal comme un révélateur du climat de violence, en permettant au juge de prendre en compte les violences commises envers l’animal par un des conjoints pour prononcer une ordonnance de protection.
Par cet amendement, vous proposez, mon cher collègue, d’insérer, à l’article 515-9 du code civil, après le mot « enfants », les mots « ou les animaux de compagnie détenus au sein du foyer ». Imaginez la réaction qui peut être la mienne quand je lis cela…
Je comprends que, de manière statistique et empirique, les violences commises sur l’animal sont souvent un révélateur de violences sur le conjoint.
Mais ce n’est pas moi qui mets les enfants et les animaux sur le même plan, en employant la préposition « ou » entre leurs mentions respectives.
L’avis est donc défavorable pour cette raison, mais aussi par cohérence avec les arguments que j’ai développés ce matin dans mon avis sur les amendements de Mme Rossignol visant à modifier les dispositions encadrant l’ordonnance de protection.
Celle-ci est un dispositif complexe, que la commission des lois a choisi de ne pas modifier par le présent texte. Je note que ce matin, elle a été suivie par nos collègues, qui n’ont pas voté ces amendements.
Les travaux de la mission Chandler-Vérien sont en cours. Ils seront l’occasion de mener un certain nombre d’auditions. Si le sujet mérite d’être examiné, j’estime que l’ordonnance de protection est un objet juridique suffisamment sensible pour qu’on le réforme, non pas d’une main tremblante, mais au terme de travaux éclairés.
Du reste, j’estime qu’une disposition propre, séparée des dispositions relatives aux personnes qui figurent dans le code civil, serait plus opportune.
Je m’efforcerai de soutenir cet amendement de manière à ne pas froisser certains de mes collègues qui sont particulièrement sensibles et qui sont toujours très affectés par mes menaces et mes chantages…
Chers collègues, ce qu’il y a de plus sensible est non pas l’idée que l’on peut se faire de l’effet que produirait l’introduction dans le code civil de cette disposition, mais bien la somme des violences commises dans les foyers contre les femmes et les enfants.
Comme je l’ai indiqué ce matin, lorsqu’un homme menace une femme de tuer ou de voler son chat ou son chien, cela devrait justifier une ordonnance de protection.
Je suis absolument convaincue, pour cette raison, que ces amendements sont nécessaires, et je n’ai aucun problème pour l’expliquer à l’extérieur. Ce qu’il en est de l’effet produit ? Quand on explique aux gens que les violences sur les animaux constituent une violence psychologique pesant sur l’ensemble du foyer et faisant peser, de surcroît, un risque accru de violences sur les membres du foyer, ils le comprennent très bien !
Par ailleurs, mes chers collègues de la commission des lois, quelque chose m’échappe : vous disposez, comme moi, des amendements depuis huit jours, puisqu’ils ont été déposés en commission par Arnaud Bazin ; ils m’ont en effet été transmis à l’issue de la réunion de la commission, pour avis. J’ai donc eu le temps de les étudier pendant huit jours.
Or vous dites que, pour votre part, vous n’avez pas pu examiner et faire expertiser ces amendements. Ce point pose un problème : cela signifie que tout amendement déposé en commission qui ne serait pas adopté par celle-ci, ou bien qui serait examiné en séance, ne pourrait pas être discuté de façon sérieuse et valide au motif que la commission des lois ne l’aurait pas expertisé et validé précédemment. Cela porte tout de même légèrement atteinte au droit d’amendement de chaque parlementaire, lequel droit s’applique de manière égale sur tous les textes, quelle que soit la commission dont on est membre !
Je souhaite faire deux observations, à la suite des propos de M. le rapporteur.
Tout d’abord, ce n’est pas parce que l’on met deux mots dans une même phrase que l’on considère nécessairement que les choses désignées par ces mots se situent sur le même plan ! Sinon, il faudra faire un peu d’expertise et ce sera compliqué de faire tenir droit tous les textes…
Ensuite, je ne vois pas comment on pourrait introduire cette disposition dans un autre texte. En effet, le cœur de cette mesure consiste à prendre en compte l’élément révélateur que sont les maltraitances commises sur l’animal domestique, afin que soit prise une ordonnance de protection. Où introduire une telle disposition sinon dans un texte relatif à l’ordonnance de protection ? Peut-être y a-t-il des solutions pour les amendements précédents, mais sur ce point précis, monsieur le rapporteur, j’ai du mal à suivre…
C’est pourquoi, par cohérence et par conviction, je maintiens l’amendement et j’essaie de faire vivre ce sujet au sein de notre assemblée.
Pardon de vous contredire, mon cher collègue, mais votre amendement tendant à insérer un article additionnel après l’article 8 prévoit d’introduire, après le mot « enfants », les mots : « ou les animaux de compagnie détenus au sein du foyer ». Et cela ne reviendrait pas à mettre ces deux termes sur le même plan ?…
En français – et non pas en droit –, le fait d’ajouter, après les mots « un ou plusieurs enfants », les mots « ou les animaux de compagnie » signifie qu’on met les deux sur le même plan ! Voilà pourquoi je suis – c’est le moins que l’on puisse dire – très réservé sur vos amendements.
Par ailleurs, madame Rossignol, nous n’avons jamais interdit à l’un de nos collègues de déposer un amendement ! Concernant ce texte, des avis favorables ont été émis sur des amendements issus de tous les groupes de notre assemblée. Nous avons simplement estimé que, concernant le champ de l’ordonnance de protection, nous n’avions pas eu le temps de mener, en une semaine, les auditions nécessaires. Nous avons fait ce choix, sachant que, en outre – je le répète –, d’autres travaux parlementaires sont en cours.
J’entends bien, car c’est évident qu’un animal de compagnie peut être un objet transactionnel : en s’attaquant à un animal, on s’attaque directement à son propriétaire.
Si mon mari menaçait de laisser tomber ma chienne du cinquième étage en me disant : « Si tu n’es pas gentille, je la lâche », j’imagine qu’en effet je ferai preuve d’une grande gentillesse pour la récupérer…
Pour autant, c’est la première fois que l’on évoque ce sujet. Tout en comprenant l’intention, j’entends aussi que l’amendement pose un problème rédactionnel et qu’il faudrait le retravailler. Mais, pour ma part, je mets ce point sur la liste des sujets à étudier dans le cadre de notre mission sur les violences intrafamiliales.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 2 rectifié, présenté par M. Bazin, Mme Eustache-Brinio, M. Karoutchi, Mme Thomas, MM. Bouchet et Courtial, Mme V. Boyer, M. Pellevat, Mmes Bellurot et Garriaud-Maylam, M. Le Gleut, Mmes Deroche, M. Mercier, Richer, Sollogoub, Berthet et Belrhiti, M. Chatillon, Mmes Dumont et Imbert, M. Paccaud, Mme Lassarade, MM. B. Fournier et Laménie, Mme Drexler, MM. Charon, Lefèvre, Bonnus et P. Martin, Mme Jacquemet, M. Savary, Mme Dumas, MM. Saury, Klinger et Somon, Mmes Herzog, Muller-Bronn et N. Delattre, M. Guerriau, Mme L. Darcos, MM. Meignen, Bascher, Cambon, Belin, Longeot et Wattebled, Mme Malet, MM. Frassa, Brisson, Tabarot, Chasseing, Babary et Bouloux, Mmes Devésa et Borchio Fontimp et MM. Vallini et Rapin, est ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 515-11 du code civil est ainsi modifié :
1° À la première phrase du premier alinéa, les mots : « ou un ou plusieurs enfants » sont remplacés par les mots : «, un ou plusieurs enfants ou les animaux de compagnie détenus au sein du foyer » ;
2° Après le 3°, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° Statuer sur le sort des animaux de compagnie détenus au sein du foyer ; ».
La parole est à M. Arnaud Bazin.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous rassure : c’est le dernier !
Cet amendement, qui concerne également l’ordonnance de protection, vise à permettre au juge de statuer sur le sort des animaux de compagnie détenus au sein du foyer, non parce qu’on les considérerait comme étant les égaux des membres dudit foyer, mais parce que, selon plusieurs études, pour près de 50 % des cas dans lesquels l’épouse a dû quitter le foyer – c’est le cas le plus fréquent –, celle-ci a retardé son départ en considérant le sort de son animal domestique ; il s’agit du moyen de pression que j’évoquais précédemment.
En donnant la possibilité au juge de statuer en urgence sur la garde – et non sur la propriété, qui est un autre sujet – et en permettant à l’épouse de partir avec l’animal pour le soustraire aux violences éventuellement perpétrées par son conjoint maltraitant et pervers, qui cherche à maîtriser la situation et à garder le contrôle, on permet à ladite conjointe de se mettre en sécurité plus rapidement.
Je veux rappeler à notre collègue que la meilleure des solutions est normalement l’éviction du conjoint violent, et non le départ de la personne victime de violences.
L’avis est donc défavorable.
Mme Laurence Rossignol. Cela ne se passe pas comme ça dans la vraie vie !
Mme Nassimah Dindar opine.
M. Gérald Darmanin, ministre. Ce que vient de dire M. le rapporteur est très juste, mais je comprends également les réactions de l’hémicycle…
M. le rapporteur sourit.
Trop souvent, nous considérons tous – services de police et de gendarmerie, autorité judiciaire, élus locaux qui mettent à disposition des logements – qu’il faut sortir la dame – cela peut concerner parfois un homme, mais ce n’est pas fréquent – de son lieu d’habitation.
Vous avez évoqué les animaux domestiques, monsieur le sénateur. Pour ma part, j’évoquerai le cas, que j’ai connu lorsque j’étais maire, de femmes ayant obtenu l’agrément du conseil départemental pour exercer leur métier d’assistante maternelle dans l’appartement ou la maison qu’elles habitaient, et qui avaient un conjoint violent, mais ne pouvaient pas partir, ou retardaient leur départ, de crainte de perdre leur métier en même temps – pardon de le dire comme cela – que leur couple.
Beaucoup d’éléments peuvent nous donner l’occasion de réfléchir à ce problème et de nous demander ce qui est le plus important : éloigner le conjoint violent ou éloigner la personne victime de violences ? On peut avoir cette réflexion à propos des animaux, comme vous l’avez dit, du métier exercé par la victime, des objets auxquels elle tient, de son voisinage, de sa maman qui n’habite pas loin… De nombreuses raisons peuvent freiner une femme qui souhaite se séparer de son conjoint violent.
Par ailleurs, autre raison, il n’y a pas assez de logements d’urgence.
Enfin, il existe un tabou dans notre société : que fait-on du conjoint violent et, notamment, quelles sanctions doit-on lui infliger, indépendamment des sanctions pénales ?
Je livre ce sujet à votre réflexion, dans la perspective de vos futurs travaux – je m’adresse en particulier à Mme Vérien – : savoir qui doit rester dans le lieu d’habitation est une question très importante. Ainsi, comment fait-on pour que le conjoint violent n’y revienne pas ?
Il m’a semblé, au cours de ma vie d’élu local, que le manque d’habitat spécifique permettant d’accueillir les conjoints violents était la cause principale de non-effectivité des mesures d’éloignement les concernant. L’absence de mesures d’éloignement s’explique donc non pas par un quelconque vide juridique, mais, comme cela vient d’être dit, parce que, dans le monde réel, les choses se passent différemment.
Je ne sous-estime pas le sujet des animaux domestiques, mais on pourrait imaginer bien d’autres cas expliquant que l’on éloigne non pas le conjoint violent, mais sa victime, laquelle retarde son départ pour l’une ou l’autre de ces raisons.
J’émets donc un avis défavorable, dans la mesure où un travail pourrait être mené sur ce sujet ultérieurement. Pour autant, je trouve que c’est une très bonne question.
J’entends vos propos, monsieur le ministre.
Tout d’abord, je ne voudrais surtout pas que l’on pense que nous nous sommes intéressés au seul sort des animaux domestiques… Au cours de ce débat, on s’est préoccupé du sort des personnes victimes de violences, et l’on s’est demandé s’il était pertinent de considérer les animaux domestiques comme des révélateurs de ces violences, lesquels doivent être pris en compte à ce titre. Il s’agit donc de prendre des mesures pour faciliter la protection des personnes par le biais des animaux domestiques.
Ensuite, nous sommes tous d’accord : le conjoint violent doit, dans la mesure du possible, être éloigné en priorité. Mais, y compris dans ce cadre, se pose le problème de la garde et de la détention de l’animal, lequel peut faire l’objet de menaces, voire de violences.
Même lorsque le conjoint violent fait l’objet d’une mesure d’éloignement, il demeure pertinent de prendre en compte cet élément en vue de la décision d’ordonnance de protection.
J’ai écouté tout ce qui s’est dit avec beaucoup d’intérêt. Le présent amendement, comme les précédents, ne sera probablement pas adopté ; pour autant, il est indispensable que tous ces sujets soient retravaillés, comme l’engagement en a été pris.
Je tiens à préciser, en m’adressant surtout aux réseaux sociaux, que nous n’avons pas cherché à instaurer une ordonnance de protection pour les animaux !
L’ordonnance de protection est toujours prise pour protéger le conjoint qui en fait la demande.
Cette ordonnance protège également les enfants. À cet égard, notre collègue Arnaud Bazin a bien expliqué à quel point les animaux pouvaient être soit un objet de chantage, soit un objet de souffrance et de pression.
Dans les divorces, on statue sur les animaux lorsqu’on décide qui garde les animaux domestiques. Il n’est pas absurde de statuer aussi sur ce sujet dans le cadre de l’ordonnance de protection. Mais j’ai bien compris que l’on ne réformerait pas celle-ci aujourd’hui… J’espère cependant qu’il n’y sera pas procédé dans trop longtemps, comme je l’ai dit ce matin.
Enfin, j’entends souvent dire que le principe, c’est l’éviction du conjoint violent. Mais quand celui-ci, après avoir passé quarante-huit heures en garde à vue – c’est le mieux que l’on puisse obtenir… – ou en cellule de dégrisement, ressort et rôde toute la nuit autour du domicile, où sont toujours l’épouse et les enfants, et les harcèle, alors son épouse vient demander un logement d’urgence ainsi que l’anonymisation du lieu de résidence – ce point, qui n’est pas non plus prévu par l’ordonnance de protection, fait l’objet de plusieurs de mes amendements et figure parmi les sujets que j’espère voir traiter.
Puisque l’on parle, au sein de ce débat très important, du monde réel, je veux évoquer une difficulté qui se pose pour les bailleurs sociaux.
Une personne qui est propriétaire de sa maison ou de son appartement, ce qui arrive aussi dans les classes populaires, là où s’accumulent les difficultés sociales, ne peut pas obtenir de logement social, même lorsqu’elle est victime de violences conjugales. Ce point énerve à peu près tous les élus de France, et il faut avoir été maire ou élu local très implanté pour le savoir…
Mme Éliane Assassi opine.
Ce sujet ne relève pas de ma compétence. Mais puisque j’ai le bonheur de pouvoir parler dans cet hémicycle, ce que ne peut faire l’immense majorité des citoyens français, je tiens à dire ceci devant le Parlement : il faut absolument trouver des moyens dans les textes législatifs relatifs au logement ou, peut-être, à la justice en matière de violences conjugales, pour faire bénéficier rapidement une personne d’un logement social adapté à sa vie familiale, et notamment au nombre de ses enfants, sans qu’il soit besoin d’attendre un jugement définitif qui condamne le conjoint violent de cette personne – cela peut prendre du temps –, et surtout sans avoir besoin de demander la vente du bien immobilier dont elle propriétaire. En effet, en l’absence de cette mesure, le conjoint violent peut, usant de violences psychologiques, utiliser le divorce et la vente dudit bien pour refaire sa vie. On en revient au cycle du retour de la victime vers son agresseur.
Madame Rossignol, vous le savez, il y a un autre frein : notre politique de logement est tout à fait incongrue par rapport à la politique que l’on essaie de mettre en place en matière de violences intraconjugales.
Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n ’ adopte pas l ’ amendement.
TITRE IV
DISPOSITIONS VISANT À ANTICIPER LES MENACES ET CRISES
Chapitre Ier
Renforcer la filière investigation
L’article 16 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Au 2°, les mots : « comptant au moins trois ans de service dans la gendarmerie, » sont supprimés ;
2° Au 4°, les mots : « comptant au moins trois ans de services dans ce corps, » sont supprimés ;
3° Au neuvième alinéa, les mots : « fonctionnaires visés au 4° ne peuvent recevoir l’habilitation prévue à l’alinéa précédent que » sont remplacés par les mots : « gendarmes mentionnés au 2° et les fonctionnaires mentionnés au 4° ne peuvent recevoir l’habilitation prévue au huitième alinéa que s’ils comptent au moins trente mois de services à compter de leur entrée en formation initiale, dont au moins six mois effectués sur un emploi comportant l’exercice des attributions attachées à la qualité d’agent de police judiciaire, et ».
Je suis saisie de quatre amendements identiques.
L’amendement n° 35 est présenté par M. Durain, Mme de La Gontrie, M. Bourgi, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur et Gillé, Mme G. Jourda, M. Jacquin, Mmes Carlotti, Conconne et Artigalas, MM. Cardon et Cozic, Mmes Le Houerou, Meunier, Monier et Rossignol, MM. Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 57 est présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon, Mme M. Vogel et les membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.
L’amendement n° 168 rectifié bis est présenté par MM. Favreau, Belin, J.B. Blanc, D. Laurent, Cuypers et Savary, Mme Dumont, MM. Laménie, Gremillet et Houpert, Mme Goy-Chavent, MM. Cadec, Panunzi, Genet et Piednoir, Mme Garriaud-Maylam et MM. Cambon, Longuet, Somon, Tabarot et Bonhomme.
L’amendement n° 192 est présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jérôme Durain, pour présenter l’amendement n° 35.
L’article 9 s’inscrit dans le chapitre Ier, intitulé « Renforcer la filière investigation ». Le mot « renforcer » nous inquiète…
Déposer cet amendement de suppression est certes quelque peu radical, mais cela traduit une très profonde inquiétude, que nous ne sommes pas les seuls à manifester. Il nous semble en effet que le fait de procéder aux actes de police judiciaire nécessaires au bon déroulement et à la qualité des enquêtes est essentiel.
Vous souhaitez, au travers de cet article 9, tirer les conséquences de la réforme de la formation d’OPJ en intégrant, dans la formation initiale des gendarmes et des gardiens de la paix, la suppression de la carence de trois années. Vous vous êtes exprimé très longuement, monsieur le ministre, sur la nécessité de nourrir les filières investigation. Or, selon nous, une telle mesure n’est pas forcément de nature à renforcer ces filières.
En réduisant les exigences de pratique et d’expérience requises pour devenir OPJ, on risque réellement d’affecter, à terme, la qualité des actes de police judiciaire, de fragiliser les enquêtes, et de pénaliser ainsi la manifestation de la vérité et la protection des victimes. Cette accélération de l’entrée dans le métier d’OPJ est peut-être de nature à affaiblir la fonction.
Je vais compléter les propos de Jérôme Durain, que je partage totalement.
Au travers du présent amendement, nous nous opposons à la suppression de la durée minimale de trois années d’expérience des gendarmes et des policiers, condition pour être habilité en qualité d’OPJ. Nous pensons que cette mesure reviendra à supprimer de l’expérience en service, de l’expérience sur le terrain, et à réduire considérablement l’expérience en qualité d’APJ des jeunes recrues.
Nous ne sommes pas les seuls à le dire ; d’autres, vous le savez, parmi les policiers et les avocats, ont exprimé des inquiétudes quant à l’amoindrissement inéluctable des compétences et de la qualité des futurs OPJ du fait d’une telle réforme de leur formation.
Les OPJ ont un certain nombre de pouvoirs coercitifs – placements en garde à vue, demandes de réquisition et de perquisition, visites domiciliaires –, ce qui suppose de leur dispenser une formation de la meilleure qualité possible. La condition d’ancienneté de trois années en tant qu’APJ nous apparaît également primordiale et nécessaire pour acquérir l’expérience et la maturité exigées pour ce type de poste.
Selon nous, cette réforme consiste en quelque sorte à baisser le niveau d’exigence dans la formation des OPJ, ce qui, à terme, ne peut que porter atteinte à la qualité des enquêtes. Voilà pourquoi nous demandons la suppression de cet article.
La parole est à M. Gilbert Favreau, pour présenter l’amendement n° 168 rectifié bis.
Les arguments développés par nos deux collègues sont parfaitement pertinents.
Cette réforme tend à s’inscrire dans une vague de déclassement d’un certain nombre de professions aujourd’hui, en France. Je ne citerai pas l’ensemble des domaines pour lesquels on peut quelquefois se poser des questions, mais j’évoquerai l’éducation et le monde de la santé.
Il faut, dans ce domaine d’une particulière importance, que les OPJ gardent les compétences qui sont les leurs actuellement.
La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l’amendement n° 192.
Par cet amendement identique, nous nous opposons à la suppression de la durée minimale d’expérience de trois ans des gendarmes et des policiers, exigée pour l’habilitation en qualité d’OPJ.
Mon groupe a auditionné très longuement des magistrats, des avocats et des policiers. Tous se disent opposés à l’article 9. Je rejoins donc les arguments développés par mes trois collègues, et je confirme notre volonté de supprimer cet article.
La possibilité pour les policiers et les gendarmes de passer l’examen d’OPJ à l’issue de leur formation initiale se traduit surtout par un enrichissement de cette formation. Comme l’ont indiqué le directeur général de la police nationale et le directeur général de la gendarmerie nationale, le niveau de l’examen ne changera pas, et si les élèves n’ont pas le niveau, ils ne réussiront pas aux épreuves.
Par ailleurs, ces gardiens de la paix ne pourront obtenir la qualité d’OPJ qu’au bout de trente mois de service, dont au moins six en tant qu’APJ.
Il paraît, dès lors, utile de laisser sa chance à cette réforme, qui peut être positive pour toutes les nouvelles recrues, mieux formées à la procédure pénale, et pour la police judiciaire.
L’avis est donc défavorable.
Je vais prendre un peu de temps, madame la présidente.
Je ne comprends pas les propos de M. Durain, et ce d’autant moins qu’il a participé au Beauvau de la sécurité. Mais je ne voudrais pas vous compromettre, monsieur le sénateur…
Sourires sur les travées des groupes SER et CRCE.
Tout d’abord, messieurs Durain, Benarroche, Favreau, et madame Assassi, il ne s’agit en aucun cas, au travers de cet article, parce que nous avons tous des difficultés à trouver des OPJ pour faire en sorte que le code de procédure pénale s’applique à tous – et c’est heureux –, de dégrader la formation d’OPJ ; grosso modo, si je vous entends bien, on dégraderait la qualité pour avoir la quantité, ou l’on baisserait le taux pour augmenter la base, pour parler comme un ancien ministre des comptes publics…
Sourires.
Ce n’est pas du tout l’objet de cet article !
Je le dis à M. Benarroche, qui vient de défendre à peu près l’idée que je viens de résumer : nous ne touchons ni au concours, ni à ses modalités, ni au contenu des épreuves, ni au jury, qui est composé de magistrats.
L’objet de l’article est de permettre à des gardiens de la paix et à des gendarmes sortant d’école et ayant achevé leurs stages de passer les épreuves du concours d’OPJ, sans attendre les trois années d’exercice en tant qu’APJ prévues actuellement.
Ces trois années d’exercice en tant qu’APJ suffisent-elles pour garantir une certaine expérience ? Si l’on est assez honnête pour admettre que les épreuves du concours ne seront pas allégées, je dirai, mesdames, messieurs les sénateurs, qu’« aux âmes bien nées, la valeur n’attend point le nombre des années ». On peut avoir dix ans d’expérience dans la police et être un mauvais procédurier…
J’ai déjà pris l’exemple de personnes titulaires d’une licence ou d’un master de droit – il y a même des avocats – qui ont passé le concours de la police nationale : après douze mois d’école – au lieu de huit auparavant, soit dit en passant –, elles doivent attendre trois ans pour pouvoir passer le concours d’OPJ !
L’âge ne fait rien à l’affaire, comme disait Georges Brassens : quand on n’est pas bon OPJ, on n’est pas bon OPJ !
Sourires.
Il faut rester raisonnable ! Nombre de gens aimeraient passer les concours de la police et de la gendarmerie. Notre objectif – et peut-être est-ce aussi ce que vous souhaitez – est de diversifier les profils. Certains candidats à ces métiers souhaitent non pas s’occuper de sécurité publique, mais réfléchir à la procédure ; or, en défendant votre position, vous les empêchez de le faire !
Imaginons la situation suivante : je décide, demain, de passer un concours de la police nationale. Cela peut arriver à chacune et à chacun, d’autant plus que j’ai fait sauter les limites d’âge et que l’on peut donc désormais passer ces épreuves à n’importe quel âge.
Sourires.
Mêmes mouvements.
Donc, imaginons que je réussisse au concours. J’ai une – petite – expérience de la vie professionnelle, j’ai notamment été maire de ma commune – d’où ma connaissance de la police judiciaire – et je suis titulaire d’un diplôme de droit. Une fois ma formation achevée, il me faudra attendre trois ans dans un commissariat en tant qu’APJ pour pouvoir éventuellement passer le concours ! J’ai actuellement 40 ans ; une fois passés le concours et les douze mois de formation, j’en aurai 42, et je vais dire à ma femme que je passerai le concours d’OPJ dans trois ans et suspendrai, pour ce faire, ma vie professionnelle…
M. Gérald Darmanin, ministre. En l’occurrence, madame Rossignol, je suis un homme ; je peux faire beaucoup de choses pour vous plaire, mais, à ce point de notre discussion, je vais rester dans mon genre…
Sourires.
Si j’étais dans cette situation, je ne passerais pas ce concours, car je ne prendrais pas le risque professionnel de changer de voie dans ces conditions, considérant que l’on ne me fait pas confiance. En effet, pour présenter ces épreuves, je devrais suspendre de nouveau ma vie professionnelle, et donc ma rémunération… Tout cela me paraît donc hasardeux.
Avec le garde des sceaux, car c’est avec lui que nous avons élaboré ce texte, nous avons trouvé un moyen d’atterrissage : la qualité d’OPJ ne sera pas accordée immédiatement après la sortie de l’école.
En écho à notre discussion de l’année dernière sur l’allongement de la formation des policiers et des gendarmes, je veux rappeler que le concours se passe en deux temps.
La première partie des épreuves se déroule durant la formation au sein de l’école de police ; certains réussissent, d’autres non. Ceux qui échouent restent des gardiens de la paix classiques. Mais ceux qui réussissent ne sont pas pour autant des OPJ : ils peuvent passer, juste après la formation initiale qui prévoit déjà un long stage, la deuxième partie des épreuves. Et ils doivent patienter encore trente mois – on n’est pas si loin des trois ans prévus actuellement ! –, durant lesquels on les teste et on vérifie s’ils feront de bons OPJ adjoints ou stagiaires avant d’obtenir définitivement la qualité d’OPJ.
C’est méconnaître le texte que je vous propose que de dire, comme je l’ai entendu à l’instant, que l’on veut nommer les élèves directement OPJ à leur sortie de l’école. Ils doivent patienter trente mois ! Dans quelle autre activité, relevant notamment du statut de la fonction publique, demande-t-on d’acquérir pendant trente mois une expérience professionnelle ?
Vous avez dit, monsieur Benarroche, que les OPJ avaient plein de pouvoirs. C’est à la fois juste et faux. Car ces pouvoirs, ils les exercent toujours sous l’autorité du procureur de la République.
Il arrive tous les jours, monsieur le sénateur, qu’un procureur convoque un OPJ pour lui reprocher d’avoir fait des bêtises et le menacer de lui retirer son titre d’OPJ ! Les policiers et les gendarmes ne disposent donc jamais d’un pouvoir absolu.
Ces agents doivent justifier de leurs actes. D’ailleurs, dans le cas où ils ne seraient pas dignes de cette qualité, ou si l’autorité judiciaire dont ils relèvent n’avait plus confiance en eux, la qualité d’OPJ pourrait leur être retirée sans que la police ou la gendarmerie puisse y redire quoi que ce soit.
Dans la vie politique, il faut être cohérent. Vous ne pouvez pas, à la fois, constater tous autant que vous êtes qu’il manque à peu près 5 000 OPJ en France, dénoncer la lenteur des procédures en matière de violences intrafamiliales, que la justice manque de moyens et n’est pas suffisamment à l’écoute de gens, m’écrire pour obtenir la nomination d’OPJ dans vos départements, et, lorsque je vous propose une solution structurelle qui a été discutée avec tous les syndicats de police, l’ensemble des représentants de la magistrature, qu’a rencontrés le garde des sceaux, et qui est le résultat du compromis qui a été trouvé, me dire que, finalement, les policiers étant des gens un peu limités, il faut bien vérifier s’ils ont trois ans d’expérience professionnelle et s’ils ne sont pas totalement dingues !
Ce procès, vous ne le faites pas aux magistrats !
Lorsque j’avais 22 ou 23 ans, j’aurais pu passer le concours de commissaire de police, ou celui de gardien de la paix, ou encore celui de l’École nationale de magistrature. Si j’avais réussi aux épreuves de la magistrature, après un temps de formation à peu près similaire à celui au sein de l’école de police – Marc-Philippe Daubresse l’a très bien dit hier –, j’aurais pu être nommé immédiatement substitut du procureur. Or le substitut du procureur de permanence a des pouvoirs beaucoup plus importants en matière de droits et de libertés qu’un simple OPJ ! Il n’est pourtant pas prévu dans le code de procédure pénale que les magistrats justifient de trois ans d’expérience professionnelle. En fait, si l’on suit cette démonstration, on devrait considérer que les policiers sont un peu plus « concons » que les autres… Pour ma part, je me refuse à penser cela !
Je ne vais pas défendre une nouvelle fois ces amendements sur le fond.
Monsieur le ministre, plutôt que de faire une loi d’exception qui vous permettrait de devenir OPJ, si vous en aviez la velléité, je pense que vous feriez un très bon conteur d’histoires !
Sourires sur les travées des groupes GEST et SER.
Ne voyez aucune velléité de polémique dans mon propos, mais je dois dire que c’est extraordinaire : après que nous avons développé nos arguments – et ce n’est pas la première fois sur ce texte ; MM. Bazin et Durain, ainsi que Mme Rossignol et d’autres, l’ont fait aussi –, vous répondez, parfaitement bien, à d’autres arguments que les nôtres ! Vous bâtissez une histoire à partir de conclusions que vous tirez de nos arguments.
Nous n’avons jamais dit que les policiers étaient plus « concons » que les autres… C’est vous qui le dites, pas moi !
C’est votre expression !
Vous dites que nous n’avons pas de ligne politique cohérente. Nous pensons, quant à nous, que notre ligne politique est aussi cohérente que la vôtre, que je ne critique d’ailleurs pas ; puissiez-vous faire de même !
Je pourrais citer d’autres formules que vous avez utilisées ; j’ai pris des notes !
Sourires sur les travées du groupe GEST.
Je mets aux voix les amendements identiques n° 35, 57, 168 rectifié bis et 192.
Les amendements ne sont pas adoptés.
L ’ article 9 est adopté.
I. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° L’article 15 est ainsi modifié :
a) Le 3° devient le 4° ;
b) Le 3° est ainsi rétabli :
« 3° Les assistants d’enquête de la police nationale et de la gendarmerie nationale ; »
2° La section 4 du chapitre Ier du titre Ier du livre Ier devient une section 5, et la section 4 est ainsi rétablie :
« Section 4
« Des assistants d’enquête
« Art. 21 -3. – Les assistants d’enquête sont recrutés parmi les militaires du corps de soutien technique et administratif de la gendarmerie nationale et les personnels administratifs de catégorie B de la police et de la gendarmerie nationales, ayant satisfait à une formation sanctionnée par un examen certifiant leur aptitude à assurer les missions que la loi leur confie.
« Les assistants d’enquête ont pour mission de seconder, dans l’exercice de leurs fonctions, les officiers et agents de police judiciaire de la police et de la gendarmerie nationales, aux seules fins d’effectuer, à la demande expresse et sous le contrôle de l’officier de police judiciaire ou, lorsqu’il est compétent, de l’agent de police judiciaire, les actes suivants et d’en établir les procès-verbaux :
« 1° Procéder à la convocation de toute personne devant être entendue par un officier ou agent de police judiciaire, et contacter le cas échéant l’interprète nécessaire à ces auditions ;
« 2° Procéder à la notification de leurs droits aux victimes en application de l’article 10-2 ;
« 3° Procéder, avec l’autorisation préalable du procureur de la République ou du juge des libertés et de la détention lorsque celle-ci est prévue, aux réquisitions prévues aux articles 60, 60-3, 77-1, 99-5, et celles prévues aux articles 60-1 et 77-1-1 lorsqu’elles concernent des enregistrements issus de systèmes de vidéoprotection ;
« 4° Informer par téléphone de la garde à vue les personnes mentionnées à l’article 63-2 ;
« 5° Procéder aux diligences prévues à l’article 63-3 ;
« 6° Informer l’avocat désigné ou commis d’office de la nature et de la date présumée de l’infraction sur laquelle porte l’enquête en application de l’article 63-3-1 ;
« 7° Procéder aux convocations prévues à l’article 390-1 ;
« 8° Procéder aux transcriptions des enregistrements prévus à l’article 100-5 et au troisième alinéa de l’article 706-95-18 préalablement identifiés comme nécessaires à la manifestation de la vérité par les officiers de police judiciaire ou les agents de police judiciaire.
« En cas de difficulté rencontrée dans l’exécution de ces missions et notamment d’impossibilité de prévenir ou de contacter les personnes mentionnées aux 1° et 4° à 6° du présent article, l’officier ou l’agent de police judiciaire en est immédiatement avisé.
« Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent article, notamment les modalités de l’affectation des assistants d’enquête, celles selon lesquelles ils prêtent serment à l’occasion de cette affectation, ainsi que celles selon lesquelles ils procèdent aux transcriptions des enregistrements prévus à l’article 100-5 et au troisième alinéa de l’article 706-95-18. » ;
3° Au premier alinéa de l’article 10-2, après le mot : « judiciaire », sont insérés les mots : « ou, sous leur contrôle, les assistants d’enquête » ;
4° Le chapitre Ier du titre II du livre Ier est ainsi modifié :
a) Aux premier et dernier alinéas de l’article 60, après les mots : « agent de police judiciaire », sont insérés les mots : « ou l’assistant d’enquête » ;
b) À la première phrase du premier alinéa de l’article 60-1, après les mots : « agent de police judiciaire, », sont insérés les mots : « ou, dans le cas prévu au 3° de l’article 21-3, l’assistant d’enquête » ;
c) À la première phrase de l’article 60-3, après les mots : « agent de police judiciaire », sont insérés les mots : « ou l’assistant d’enquête » ;
d) Au deuxième alinéa du I de l’article 63-2, après le mot : « enquêteurs », sont insérés les mots : « ou, sous leur contrôle, aux assistants d’enquête » ;
e) À l’avant-dernière phrase du premier alinéa de l’article 63-3, après le mot : « enquêteurs », sont insérés les mots : « ou, sous leur contrôle, aux assistants d’enquête » ;
f) Au quatrième alinéa de l’article 63-3-1, après les mots : « agent de police judiciaire », sont insérés les mots : « ou un assistant d’enquête » ;
5° Le chapitre II du même titre II est ainsi modifié :
a) L’article 77-1 est ainsi modifié :
– au premier alinéa, après le mot : « judiciaire », sont insérés les mots : « ou, sous le contrôle de ces derniers, l’assistant d’enquête » ;
– à la première phrase du troisième alinéa, après le mot : « judiciaire », sont insérés les mots : « ou, sous leur contrôle, les assistants d’enquête » ;
b) À la première phrase du premier alinéa de l’article 77-1-1, après le mot : « judiciaire », sont insérés les mots : « ou, dans le cas prévu au 3° de l’article 21-3 et sous le contrôle de ces derniers, l’assistant d’enquête » ;
6° La section 3 du chapitre Ier du titre III du même livre Ier est ainsi modifiée :
a) À l’article 99-5, après le mot : « judiciaire », sont insérés les mots : « ou, sous le contrôle de ce dernier, l’agent de police judiciaire ou l’assistant d’enquête » ;
b) La première phrase de l’article 100-5 est ainsi rédigée : « Le juge d’instruction, l’officier de police judiciaire commis par lui ou l’agent de police judiciaire ou l’assistant d’enquête agissant sous le contrôle de cet officier, transcrit la correspondance utile à la manifestation de la vérité. » ;
7° À l’article 230, après le mot : « adjoints », sont insérés les mots : «, aux assistants d’enquête de la police nationale et de la gendarmerie nationale » ;
8° Au premier alinéa de l’article 390-1, après le mot : « judiciaire, », sont insérés les mots : « un assistant d’enquête agissant sous le contrôle de l’officier ou de l’agent de police judiciaire, » ;
9° À la première phrase du troisième alinéa de l’article 706-95-18, après les mots : « agissant sous sa responsabilité », sont insérés les mots : « ou l’assistant d’enquête agissant sous le contrôle de l’officier de police judiciaire ».
II
J’ai été très satisfaite de découvrir que ce projet de loi instituait des assistants d’enquête aux côtés de nos fonctionnaires de police, qui sont souvent submergés de travail, notamment administratif.
Toutefois, en interrogeant des membres tant du parquet que de la police, j’ai ressenti une certaine réserve chez ces professionnels : qui seront ces personnes ? Quel sera leur niveau professionnel et d’expertise ? Il y en a même un qui m’a dit, en forme de boutade, qu’il espérait qu’il ne s’agirait pas de petits stagiaires chargés de faire des photocopies et du café…
J’aimerais donc que vous puissiez me rassurer, monsieur le ministre, sur cette fonction d’assistant d’enquête, qui me semble, a priori, constituer une bonne idée. En d’autres temps, en tant que maire adjoint chargé de la sécurité, j’ai eu l’occasion de fréquenter à de nombreuses reprises les commissariats et j’ai pu constater à quel point ces professionnels étaient submergés de travail, d’intendance ; ils devaient courir partout, recueillir des preuves, faire des copies, téléphoner…
Si quelqu’un peut les aider, cela me semble une bonne idée de le permettre, mais pouvez-vous nous rassurer sur le niveau d’expertise et de qualification de ces assistants ?
Oui, la procédure pénale est très complexe dans notre pays ; oui, l’accomplissement des tâches qui en découlent est fastidieux ; oui, la formalité de certaines d’entre elles peut pousser à l’exaspération ; oui, la procédure pénale est, par conséquent, chronophage pour les officiers de police judiciaire.
Néanmoins, non, l’intention des réformes successives ne fut pas de rendre leur travail plus dur ; non, la mission de ces officiers ne se cantonne pas à l’exécution de démarches formelles ; et, non, l’investigation ne doit pas souffrir d’un manque de temps.
L’efficacité d’une enquête ne peut être mesurée à l’aune du seul décompte du nombre d’heures passées sur une opération, que cela concerne le fond ou la forme. Or c’est l’intention qui sous-tend cet article.
En effet, vous proposez, monsieur le ministre, de décharger les officiers de police judiciaire d’une partie de leurs missions au profit d’assistants d’enquête, mais certaines de ces missions nécessitent une appréciation particulière. C’est le cas par exemple de l’interception de la correspondance, qui exige, comme le remarque le Conseil d’État, que seuls soient retranscrits les éléments utiles à la manifestation de la vérité. Les officiers de police judiciaire ont une fonction importante dans cette procédure et nous ne devrions pas la déléguer à des assistants, qui n’ont pas la même formation.
Je suis saisie de trois amendements identiques.
L’amendement n° 59 est présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.
L’amendement n° 169 rectifié est présenté par MM. Favreau, Belin, J.B. Blanc, D. Laurent, Cuypers et Savary, Mme Dumont, MM. Laménie, Gremillet et Houpert, Mme Goy-Chavent, MM. Cadec, Genet et Piednoir, Mme Garriaud-Maylam et MM. Cambon, Longuet, Somon et Tabarot.
L’amendement n° 193 est présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 59.
Le présent amendement a pour objet de supprimer la nouvelle fonction d’assistant d’enquête de la police judiciaire ; il risque, lui aussi, de ne pas rencontrer le succès…
Techniquement, cette nouvelle fonction implique le déploiement d’agents juridiquement formés, mais elle suscite des questions sur leur rôle ainsi que sur la nature et l’ampleur du contrôle qui s’exercera sur leur activité. Telle est notre interrogation.
Le professeur de droit Olivier Cahn a exprimé des inquiétudes – il n’est pas le seul ! – quant à la création de cette nouvelle fonction : « Le risque est que ce “greffier” de police se transforme en “régularisateur” a posteriori des procédures menées sur le terrain par les agents. Il y a un risque que la sincérité » – je ne parle pas ici de volonté délibérée – « des procès-verbaux de police diminue. Quels seront les moyens octroyés aux juridictions et à la défense pour s’assurer que tel n’est pas le cas ? Qui habilitera les greffiers et à quelle autorité seront-ils soumis ? Quelle sera la responsabilité des greffiers à raison de leurs actes ? »
La régularité des actes de procédure de ces agents soulève également des interrogations du Conseil national des barreaux, qui craint une forte augmentation des procédures en nullité des actes d’enquêtes réalisés par ces nouveaux assistants, ce qui irait serait l’inverse de l’objectif.
La création d’un poste nouveau, occupé par des personnes moins rémunérées, ayant un statut inférieur à celui des agents des forces de l’ordre, mais devant fournir un travail tout aussi exigeant que celui des OPJ et des APJ, ne nous paraît pas constituer la solution adéquate pour remédier au manque d’effectifs au sein de la police judiciaire.
Enfin, cette nouvelle fonction, au statut flou, ne nous semble pas offrir toutes les garanties de conscience et d’explication de la procédure qui semblent nécessaires lorsqu’il s’agit de convoquer une personne à un entretien en vue d’une audition. La sous-traitance de missions et d’actes essentiels au bon déroulement de la procédure d’enquête n’est pas acceptable.
En l’absence de précisions et d’expérimentation de ces assistants d’enquête, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires demande la suppression de cette mesure.
La parole est à M. Gilbert Favreau, pour présenter l’amendement n° 169 rectifié.
J’ai brassé pas mal de procédures au cours de ma carrière et je sais à quel point la qualité de ces documents est essentielle pour la suite des procédures, que l’on retrouve généralement au tribunal.
Avec cette disposition, je crains que l’on ne décrédibilise le travail de la police, dont la réputation n’est plus à faire, en soumettant au juge des procédures qui peuvent présenter des carences.
D’ailleurs, le Conseil d’État a exprimé de vives réserves quant au champ d’intervention de ces assistants d’enquête dans les avis qu’il a rendus en mars et en septembre 2022.
C’est la raison pour laquelle je demande la suppression de cet amendement.
La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l’amendement n° 193.
J’irai dans le même sens.
Au travers de cet amendement, je veux me faire la porte-parole du CNB, qui a exprimé des inquiétudes, que je partage.
Pour cette profession, la notion d’assistant d’enquête est un facteur de dégradation de la qualité de l’enquête. Cet assistant ne peut présenter toutes les garanties d’un OPJ en matière de respect des droits de la défense et de la procédure ou encore d’explications au plaignant ou à la victime. Cette nouvelle fonction, ce nouveau « corps intermédiaire », ajoutera une énième lourdeur administrative.
Le CNB souligne en outre, à l’instar de notre collègue Favreau, que le Conseil d’État a fait part de ses réserves sur le sujet dans ses avis d’avril et de septembre 2022.
Le Conseil d’État a effectivement pointé la nécessité que les transcriptions d’enregistrement restent complètement sous la responsabilité des officiers et des agents de police judiciaire.
Pour tenir compte de cette critique, la commission a adopté l’amendement de notre collègue Alain Richard visant à mieux encadrer cette procédure, dont le dispositif de l’article et l’étude d’impact détaillent déjà les modalités.
En outre, nous avons prévu qu’il sera mené, dans les trois ans, une évaluation de cette réforme, laquelle permettra d’en mesurer l’intérêt et les éventuelles limites, afin d’y apporter, si nécessaire, les correctifs nécessaires.
Dès lors, la commission ne souhaitant pas la suppression de cet article, elle a émis un avis défavorable sur ces amendements.
Je peux comprendre les questions que vous vous posez, même si le sujet a été longuement abordé lors de l’examen du rapport annexé au projet de loi.
Je développerai trois points.
En premier lieu, monsieur Favreau, si le Conseil d’État a effectivement émis des critiques et des réserves, il n’a néanmoins pas souhaité disjoindre cette disposition, la considérant donc comme conforme à la Constitution et à l’État de droit. Il a seulement demandé que l’on y apporte des précisions. Pour ce faire, le texte prévoit que tous les décrets y afférents seront pris en Conseil d’État ; il n’y aura pas de décret simple. Je tiens à ce que le Parlement en soit informé : tout ce qui concerne les assistants d’enquête, s’agissant de procédure pénale, sera donc vu et, si nécessaire, censuré par le Conseil d’État. Cela me semble de nature à rassurer certains d’entre vous.
En deuxième lieu, il ne s’agit pas, monsieur Benarroche, de faire faire n’importe quoi à ces assistants, qui auraient vocation à remplacer les OPJ. J’ai bien compris que vous n’étiez pas hostile à l’esprit de cette mesure, mais que vous auriez des réserves à l’égard de son application, si celle-ci conduisait des personnes à agir différemment de ce que voudrait le législateur.
Nous avons donc énuméré, dans un article assez long, mais nécessaire, tout ce que pourra faire cet assistant d’enquête. Listons ensemble ces tâches, si vous le voulez bien : appeler un avocat pour le prévenir d’une garde à vue, informer le gardé à vue des personnes qu’il peut consulter, procéder aux transcriptions des enregistrements prévus au code de procédure pénale, procéder aux réquisitions des images de vidéoprotection, ou encore « procéder à la convocation de toute personne devant être entendue par un officier ou agent de police judiciaire, et contacter le cas échéant l’interprète ».
Bref, que fera cet assistant d’enquête ? Il fera le greffier, comme vous l’avez bien dit, madame Assassi, il s’occupera des formes, non du fond, de l’enquête. En effet – faisons, une fois encore, le parallèle avec la magistrature –, personne ne s’inquiète qu’il existe des greffiers dans les tribunaux, pour appeler les avocats, faire des photocopies, rappeler des dispositions ou encore demander l’ampliation de dossiers. Ce n’est pas pour autant le greffier qui interroge les personnes ; il s’occupe de la forme, le juge d’instruction prenant en charge le fond. Pour autant, il a un rôle très important et il est assujetti à un statut et à une formation. Il faut donc examiner, comme l’a indiqué M. le rapporteur, la formation et le statut de ces assistants d’enquête.
En troisième lieu, enfin, si nous sommes tous sensibles aux remarques du CNB – je les considère moi-même avec beaucoup d’intérêt –, je pense que le début de l’article devrait également vous faire plaisir, madame Assassi. Aussi, puisque je suis le seul, apparemment, à m’inquiéter du statut des « ouvriers de la sécurité », pour reprendre l’expression de votre candidat à l’élection présidentielle, pour lequel j’ai beaucoup d’estime, je vais me mettre dans la peau d’une sénatrice communiste
Sourires.
En effet, en vertu de l’alinéa 9 du présent article, les « assistants d’enquête sont recrutés parmi les militaires du corps de soutien technique et administratif de la gendarmerie nationale et les personnels administratifs de catégorie B de la police et de la gendarmerie nationales, ayant satisfait » – ça, c’est pour vous, monsieur Benarroche – « à une formation sanctionnée par un examen certifiant leur aptitude à assurer les missions que la loi leur confie ».
Ainsi, au travers de cette disposition, nous nous adressons à l’« armée » du personnel administratif, technique et scientifique de la maison « police et gendarmerie ». Ces agents ont très longtemps été considérés comme la cinquième roue du carrosse, ils ont vu leur rémunération baisser, ils appartiennent à la catégorie B, ils éprouvent de très fortes difficultés pour se faire entendre de la communauté de la gendarmerie et de la police nationales et ils ne sont jamais mis en avant alors qu’ils accomplissent chaque jour des choses très importantes au sein des commissariats et des brigades de gendarmerie.
C’est pourquoi je propose de puiser chez ces hommes et femmes de bonne volonté, qui ne sont jamais reconnus dans la fonction publique, afin de leur permettre de s’élever, par méritocratie, vers des fonctions de catégorie A, sans recourir jamais à des contractuels ni à je ne sais quelle autre facétie dont on pourrait m’accuser. Grâce à une formation prise en charge par le ministère de l’intérieur, ces agents monteront en compétence pour accéder à cette belle fonction, celle d’assistant d’enquête.
Finalement, j’ai un peu l’impression de faire ce dont vous rêviez, madame la sénatrice…
Mme Éliane Assassi s ’ esclaffe.
Monsieur le ministre, je connais désormais votre humour, mais je me réjouis tout de même que vous soyez si attentif au statut de la fonction publique.
Néanmoins, je n’oppose pas le statut de la fonction publique aux autres professions de la fonction publique, d’État ou hospitalière. Je suis pour la modernisation et le développement de ces statuts, mais surtout pour la hausse des salaires de ces agents.
Je mets aux voix les amendements identiques n° 59, 169 rectifié et 193.
Les amendements ne sont pas adoptés.
Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 36, présenté par M. Durain, Mme de La Gontrie, M. Bourgi, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur et Gillé, Mme G. Jourda, M. Jacquin, Mmes Carlotti, Conconne et Artigalas, MM. Cardon et Cozic, Mmes Le Houerou, Meunier, Monier et Rossignol, MM. Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 18, 36 et 39
Supprimer ces alinéas.
II. – Alinéa 20
Supprimer les mots :
, ainsi que celles selon lesquelles ils procèdent aux transcriptions des enregistrements prévus à l’article 100-5 et au troisième alinéa de l’article 706-95-18
La parole est à M. Jérôme Durain.
M. Jérôme Durain. Pour ma part, même si je n’ai jamais rêvé d’être une sénatrice communiste
Sourires.
Comme nous n’arrivons pas à faire adopter nos amendements de suppression, nous avons décidé de procéder autrement, en entrant dans le détail.
Vous avez souligné que les assistants d’enquête auraient une longue liste de tâches possibles, monsieur le ministre, et le texte énonce huit missions. Comme cela leur fera beaucoup de travail, nous vous proposons, au travers de cet amendement, d’en supprimer une, la huitième, qui apparaît à l’alinéa 18 de l’article. De quoi s’agit-il ? De la transcription des enregistrements prévus à l’article 100-5 et au troisième alinéa de l’article 706-95-18 du code de procédure pénale.
Pourquoi nous interrogeons-nous sur ces enregistrements ? Il est mentionné que ne doivent être retranscrits que les éléments « nécessaires à la manifestation de la vérité ». On comprend bien que vous souhaitiez confier à ces « greffiers de police », ces assistants d’enquête, des tâches permettant de dégager du temps de travail pour les OPJ, mais quelle sera la part de ces transcriptions relevant de l’enquête et quelle part relèvera d’une tâche purement formelle ? Du reste, peut-on distinguer finement entre ce qui est utile à la manifestation de la vérité et ce qui n’est que la transcription mécanique d’éléments de contenu ?
Cela nous paraît délicat, c’est pourquoi il serait plus prudent de ne pas leur confier cette tâche.
L’amendement n° 58, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon, Mme M. Vogel et les membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, est ainsi libellé :
Alinéas 36 et 39
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. J’ai essayé de suivre le raisonnement de Jérôme Durain, car, si je ne rêve ni d’être une sénatrice communiste ni d’être un sénateur socialiste, je tente juste d’être un sénateur écologiste…
Sourires.
Vu le contexte, essayons d’aller un peu moins loin, c’est-à-dire d’accentuer notre repli par rapport aux amendements de suppression. Ainsi, je ne propose de supprimer que deux alinéas et non trois, comme le fait mon collègue Jérôme Durain, mais il s’agit exactement du même sujet que celui qui vient d’être exposé : les procédures de transcription des enregistrements, prévues par les articles 100-5 et 706-95-18 du code précité.
Le Conseil d’État est très critique sur ce point. Vous y avez fait allusion précédemment, monsieur le ministre, en précisant que les décrets en tiendraient compte, mais nous demandons que les transcriptions de ces enregistrements restent de la compétence des OPJ ou des APJ.
Cet amendement de repli a minima a peut-être une légère chance de recueillir l’assentiment de la commission…
Le Conseil d’État a effectivement souligné la nécessité que les transcriptions d’enregistrement restent sous la responsabilité des OPJ ou des APJ, qui indiqueront précisément ce qui, dans l’audition, est intéressant et mérite d’être retranscrit.
La commission a adopté l’amendement de notre collègue Alain Richard afin de mieux encadrer ce point, dont le dispositif lui-même et l’étude d’impact détaillent déjà les modalités.
Dès lors il nous semble que le risque soulevé par le Conseil d’État est écarté et que la rédaction proposée par la commission des lois apporte des garanties suffisantes.
À quelle difficulté collective sommes-nous confrontés ? Les transcriptions d’audition prennent beaucoup de temps, alors que, sauf dans les cas de violences sexuelles impliquant un mineur, il s’agit toujours d’une synthèse des réponses. Je ne sais si vous avez déjà eu l’occasion d’être entendu par des services de police, mais la transcription de l’audition ne contient jamais l’intégralité de vos propos, y compris quand elle est faite par l’officier de police judiciaire assis en face de vous. D’ailleurs, c’est tellement vrai qu’on fait relire à la personne entendue, et éventuellement à son avocat, la transcription de ses propos, qu’elle a le droit de modifier ; puis c’est l’OPJ qui signe. Ces transcriptions relèvent donc déjà de la synthèse.
En outre, je tiens à vous rassurer – cette mention rendra peut-être votre amendement superfétatoire –, c’est bien l’OPJ et non l’assistant d’enquête qui signera l’audition. Ce dernier non seulement ne conduira pas l’audition, mais il ne la signera pas non plus. Il sera l’assistant de l’enquêteur.
Il en est de même avec le juge d’instruction, qui seul pose les questions ; son greffier transcrit l’audition sur son ordinateur et le juge d’instruction voit en temps réel la transcription à l’écran. À la fin de l’audition, c’est le juge d’instruction qui signe, même si le greffier peut également le faire, car les formes diffèrent de celles de la police ou de la gendarmerie nationales.
En tout cas, je peux vous rassurer : non seulement cela existe déjà, mais en outre, seul l’OPJ pourra signer.
Par ailleurs, monsieur Durain, cela a été dit lors du Beauvau de la sécurité : à quoi souhaite-t-on aboutir ? Demain, il y aura, et c’est heureux, des retranscriptions automatiques des propos tenus, et les assistants vocaux permettront de faire gagner beaucoup de temps. Le policier posera sa question, la personne entendue répondra et il y aura une retranscription automatique, à l’instar de ce que fait Siri sur votre smartphone, mais de façon beaucoup plus efficace. C’est d’ailleurs déjà largement utilisé dans nombre de champs de la vie économique et administrative.
Bien entendu, il faudra corriger un certain nombre de fautes, notamment de syntaxe, et formaliser certains éléments, afin qu’ils soient en lien avec l’interrogatoire qui vient d’être mené. Aussi, ce que fera l’assistant d’enquête demain – on ne va pas changer de loi tous les jours – consistera à suivre la retranscription automatique, à retoucher la ponctuation, à corriger l’orthographe, à synthétiser et à soumettre le document à son OPJ, qui, seul, relira et signera l’acte.
Je tiens donc à vous rassurer : il ne s’agit nullement de remplacer l’OPJ par l’assistant d’enquête, qui pourrait retranscrire puis signer lui-même les auditions, sans que l’enquêteur endosse la procédure. Il s’agit d’instituer un assistant d’enquête, qui ne fait donc qu’assister sans jamais être responsable de la procédure.
Le Gouvernement a donc émis un avis défavorable sur ces amendements.
Je veux compléter les propos tenus en insistant sur le sujet de la retranscription des écoutes.
Personnellement, je n’ai jamais lu la moindre retranscription ni n’en ai entendu le son, mais j’ai rencontré un certain nombre de personnes qui m’en ont parlé. La transcription d’une écoute est un travail assez fin, parce que les gens qui se parlent et dont on recueille la discussion s’expriment suivant des habitudes de langage qui ne sont pas celles de la procédure pénale – emploi de l’argot, passage éventuel dans une langue étrangère ou encore silences –, ce qui rend le travail d’interprétation important.
Ces amendements m’incitent à apporter ma toute petite pierre à la préparation du décret en Conseil d’État relatif à cette disposition : il est évident que, quand il s’agira d’encadrer les missions de ces assistants pour ce qui concerne la transcription des écoutes, ceux-ci ne pourront que préparer un « brut », en quelque sorte, c’est-à-dire transcrire l’ensemble des mots et des sons. Il reviendra bien à l’officier de police judiciaire de faire une synthèse ou une « mise en français » ayant le caractère d’un document probant, parce qu’il s’agit là d’une véritable matière pénale, pouvant contenir des éléments incriminants.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 228, présenté par MM. L. Hervé et Daubresse, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 39
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… – Au premier alinéa de l’article L. 522-3 du code de la sécurité intérieure, la référence : « 3° » est remplacée par la référence : « 4° ».
La parole est à M. le rapporteur.
L ’ amendement est adopté.
L ’ article 10 est adopté.
Les deux premiers alinéas de l’article 20 du code de procédure pénale sont ainsi rédigés :
« Sous réserve des dispositions de l’article 20-1, sont agents de police judiciaire :
« 1° Les militaires de la gendarmerie nationale autres que les volontaires, n’ayant pas la qualité d’officier de police judiciaire ; ». –
Adopté.
Chapitre II
Renforcer la fonction investigation
Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° A
« L’officier de police judiciaire peut également procéder, ou faire procéder sous son contrôle, aux opérations permettant l’enregistrement, la comparaison et l’identification des résultats des opérations de relevés signalétiques au sein des fichiers mentionnés au deuxième alinéa, selon les règles propres à chacun de ces fichiers. » ;
1° L’article 60 est ainsi modifié :
a) Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu’ils sont sollicités à cet effet par l’officier de police judiciaire ou, sous le contrôle de ce dernier, par l’agent de police judiciaire, les services ou organismes de police technique et scientifique mentionnés à l’article 157-2 peuvent directement procéder à des constatations et examens techniques ou scientifiques relevant de leur compétence sans qu’il soit nécessaire d’établir une réquisition à cette fin. » ;
b)
1° bis
a) Les mots : « à l’article 157 » sont remplacés par les mots : « aux articles 157 ou 157-2 » ;
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu’ils sont sollicités à cet effet par le procureur de la République ou l’officier de police judiciaire ou, sous le contrôle de ce dernier, par l’agent de police judiciaire, les services ou organismes de police technique et scientifique mentionnés à l’article 157-2 peuvent procéder à l’ouverture des scellés pour réaliser une ou plusieurs copies de ces données, afin de permettre leur exploitation sans porter atteinte à leur intégrité, sans qu’il soit nécessaire d’établir une réquisition à cette fin. Ils font mention des opérations effectuées dans un rapport établi conformément aux articles 163 et 166. » ;
1° ter
2° Le deuxième alinéa de l’article 77-1 est ainsi rédigé :
« Les deuxième à dernier alinéas de l’article 60 sont applicables. » ;
2° bis
3° À l’article 99-5, le mot : « réquisitions » est remplacé par le mot : « sollicitations » ;
4°
5°
a) Le début du deuxième alinéa est ainsi rédigé : « L’analyse mentionnée au premier alinéa du présent I est réalisée par les services ou organismes de police technique et scientifique mentionnés à l’article 157-2 à la demande de l’officier de police judiciaire ou, sous son contrôle, par l’agent de police judiciaire. Ces derniers peuvent également requérir pour y procéder toute…
le reste sans changement
b) À la seconde phrase du deuxième alinéa, le mot : « réquisitions » est remplacé par les mots : « demandes d’analyse » ;
c) Au troisième alinéa, les mots : « personnes requises » sont remplacés par les mots : « services, organismes ou personnes appelées à réaliser les analyses ».
L’amendement n° 194, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Je serai brève.
Ce qui me gêne le plus avec l’article 11, dont je demande la suppression, c’est le fait qu’il modifie l’article 60 du code de procédure pénale, en prévoyant que les OPJ puissent procéder à des constatations et à des examens techniques ou scientifiques sans qu’une réquisition à cette fin soit nécessaire. Cela éloigne donc les enquêteurs du contrôle en temps réel du parquet ou du juge d’instruction pendant l’enquête.
Il m’est difficile d’accepter l’idée que la police technique et scientifique puisse s’autosaisir. La disposition est floue et ne précise pas l’encadrement primordial de la procédure de réquisition pour les nécessités de l’enquête. La validité de la procédure risque d’en pâtir.
L’article 11 du texte supprime, dans le cadre des enquêtes préliminaires ou de flagrance, l’obligation actuellement faite aux services chargés de l’enquête de procéder à une réquisition judiciaire pour solliciter les agents de police technique et scientifique, afin que ceux-ci effectuent des investigations techniques et scientifiques ou une copie des données informatiques sur un support placé sous scellés.
La commission a complété cet article en clarifiant les procédures de recours à la police technique et scientifique, en particulier pour ce qui concerne les analyses réalisées à l’issue de prélèvements génétiques ou papillaires.
Il s’agit d’un article très attendu par les services de police technique et scientifique, qui va dans le bon sens, celui d’une meilleure efficacité sans affaiblissement des garanties offertes aux droits et libertés.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement de suppression.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 229, présenté par MM. L. Hervé et Daubresse, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
… À la première phrase du dernier alinéa du même article 55-1, le mot : « troisième » est remplacé par le mot : « quatrième » ;
II. – Après l’alinéa 12
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
… Au second alinéa du même article 76-2, les mots : «, troisième et » sont remplacés par le mot : « à » ;
III. – Après l’alinéa 17
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
… À la deuxième phrase du premier alinéa de l’article 167, le mot : « quatrième » est remplacé par le mot : « dernier » ;
… À la seconde phrase du deuxième alinéa de l’article 230-1, le mot : « deuxième » est remplacé par le mot : « troisième » ;
IV. – Après l’alinéa 19
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…) À la première phrase du deuxième alinéa, le mot : « deuxième » est remplacé par le mot : « troisième » ;
V. – Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – À la première phrase du b du 2° de l’article L. 423-4 du code de la justice pénale des mineurs, le mot : « troisième » est remplacé par le mot : « quatrième ».
La parole est à M. le rapporteur.
L ’ amendement est adopté.
L ’ article 11 est adopté.
I. – La section 1 du chapitre Ier du titre Ier du livre Ier du code de procédure pénale est complétée par un article 15-5 ainsi rédigé :
« Art. 15 -5. – Seuls les personnels spécialement et individuellement habilités à cet effet peuvent procéder à la consultation de traitements au cours d’une enquête ou d’une instruction.
« La réalité de cette habilitation spéciale et individuelle peut être contrôlée à tout moment par un magistrat, à son initiative ou à la demande d’une personne intéressée. L’absence de la mention de cette habilitation sur les différentes pièces de procédure résultant de la consultation de ces traitements n’emporte pas, par elle-même, nullité de la procédure. »
II. – Après l’article 55 bis du code des douanes, il est inséré un article 55 ter ainsi rédigé :
« Art. 55 ter. – Seuls les agents des douanes, spécialement et individuellement habilités à cet effet, peuvent procéder à la consultation de traitements au cours d’une enquête ou d’un contrôle.
« La réalité de cette habilitation spéciale et individuelle peut être contrôlée à tout moment par un magistrat, à son initiative ou à la demande d’une personne intéressée. L’absence de la mention de cette habilitation sur les différentes pièces de procédure résultant de la consultation de ces traitements n’emporte pas, par elle-même, nullité de la procédure. »
L’amendement n° 195, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Le présent amendement vise à supprimer l’article 12 du projet de loi, lequel institue, sous prétexte d’une simplification procédurale, une présomption d’habilitation à la consultation des fichiers de police.
Il nous paraît dangereux que la loi crée une cause d’exonération de nullité, même issue d’une absence de mention d’habilitation, qui est pourtant une garantie de la fiabilité d’une procédure. On ne saurait admettre l’idée qu’un agent non habilité puisse agir sans que cette action affecte la validité de la procédure. Cette brèche juridique dans les règles applicables en matière de nullité, avec ou sans texte, représente une atteinte excessive aux principes fondamentaux. La loi actuelle prévoit une cause de nullité, ce qui suffit, selon nous, à répondre à l’objectif de sécurité juridique de cette disposition.
M. Loïc Hervé, rapporteur. Vous le savez, ma chère collègue, la question des fichiers relève parfois chez moi du trouble obsessionnel compulsif.
Sourires.
Nouveaux sourires.
Sérieusement, je suis très sensible à ces questions.
Néanmoins, cette simplification est la bienvenue. En effet, il s’agit d’alléger des obligations purement formelles qui n’apportent pas de véritables garanties en soi, le juge ayant toujours la possibilité de vérifier la réalité de l’habilitation de l’agent concerné. Or je crois ne pas me tromper en affirmant que, parfois, le simple fait de ne pas préciser cette habilitation peut faire capoter la procédure. Bref, c’est extrêmement formel.
C’est la raison pour laquelle, malgré mon trouble obsessionnel compulsif, je suis favorable au maintien de cet article.
Je comprends très bien les questions relatives à la consultation des fichiers et l’encadrement proposé par le Parlement est bienvenu. En outre, les propos du rapporteur Hervé, membre de la Commission nationale de l’informatique et des libertés et favorable à cette disposition, doivent être de nature à vous rassurer.
Je vais néanmoins vous indiquer pourquoi nous proposons cette évolution.
Au ministère de l’intérieur, la consultation des fichiers passe par une plateforme, Cheops, qui est elle-même sécurisée. Les agents de mon ministère ne peuvent donc pas consulter cette plateforme s’ils n’ont pas inséré leur badge et saisi leur numéro identifiant. Ainsi, une personne non habilitée ne peut consulter ces fichiers, sauf à se rendre coupable d’un délit très grave qui sera évidemment poursuivi.
Pour autant, nous déplorons de nombreux cas de nullité de procédure prononcée quand une personne habilitée n’a pas fourni formellement son habilitation, qui est de droit.
Il nous semble dommage de faire tomber des procédures visant à mettre en prison des criminels en raison de cas de nullité que des avocats extrêmement compétents remarquent, mais qui ne touchent en rien à la protection des individus.
Objectivement, madame Assassi, je crois que la consultation des fichiers fait l’objet de toutes les garanties nécessaires. Il s’agit plutôt ici de permettre aux procédures d’aller à leur terme.
Avis défavorable.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 37 est présenté par M. Durain, Mme de La Gontrie, M. Bourgi, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur et Gillé, Mme G. Jourda, M. Jacquin, Mmes Carlotti, Conconne et Artigalas, MM. Cardon et Cozic, Mmes Le Houerou, Meunier, Monier et Rossignol, MM. Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 67 est présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon, Mme M. Vogel et les membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéas 3 et 6, seconde phrase
Supprimer cette phrase.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour présenter l’amendement n° 37.
J’ai bien entendu les explications de M. le rapporteur et de M. le ministre. Les auteurs de cet amendement se bornent à demander la suppression d’une phrase, mais une phrase importante.
Monsieur le ministre, je veux bien croire que ce nouveau dispositif va permettre de simplifier les choses. Toutefois, la création d’une présomption d’habilitation, au motif d’une simplification procédurale, contourne de manière explicite le principe selon lequel l’habilitation des agents à accéder aux fichiers de police constitue une garantie pour la protection des libertés individuelles et ne peut donc être présumée.
Je vois bien l’intérêt des badges de toute nature. Aujourd’hui, tout le monde est badgé, constamment et à tout propos, et parfois même hors de propos. Mais il s’agit ici de procédures judiciaires pour la mise en œuvre desquelles des garanties sont exigées. Je crois qu’il convient de rester extrêmement vigilant sur ces questions.
La règle fondée sur le contrôle de l’habilitation constitue en effet, avec celles qui sont relatives à l’authentification et à la traçabilité, un élément essentiel de la sécurité des données personnelles. Elle permet d’écarter toutes les consultations irrégulières. C’est la raison pour laquelle le fait, pour un agent, de consulter un fichier de police sans y avoir été expressément habilité conformément aux prescriptions de l’acte réglementaire autorisant la création de ce fichier entache la procédure d’une nullité d’ordre public.
Et si, monsieur le ministre, vous avez raison de dire qu’il y a des avocats intelligents, vigilants et sourcilleux, je sais qu’il y a aussi un grand nombre de policiers intelligents, vigilants et sourcilleux.
Certaines règles de formalisme ne sont pas superflues : il s’agit souvent de garanties de droit. Chercher à simplifier les choses sous le seul prisme de l’accélération n’est pas forcément bénéfique.
La commission est également défavorable à ces deux amendements identiques.
Je prête toujours attention et aux propos de M. Sueur et à ceux de M. Richard, qui m’a interpellé.
Dans son avis du 10 mars 2022, le Conseil d’État, qui a disjoint l’article consacré aux amendes forfaitaires délictuelles (AFD), que nous allons examiner dans quelques instants, n’a rien trouvé à redire sur la suppression de l’habilitation, ce qui devrait nous donner à réfléchir.
Il énonce ainsi, à propos de cette dispense, que « le projet de loi insère dans le code de procédure pénale un article 15-5 nouveau qui, d’une part, rappelle que “seuls les personnels spécialement et individuellement habilités à cet effet peuvent procéder à la consultation de traitements au cours d’une enquête ou d’une instruction” et, d’autre part, dispose que “la réalité de cette habilitation spéciale et individuelle peut-être contrôlée à tout moment par un magistrat à son initiative ou à la demande d’un particulier. L’absence de la mention de cette habilitation sur les différentes pièces de procédure résultant de la consultation de ces traitements ne saurait emporter, par elle-même, nullité de la procédure”. Les mêmes règles sont introduites dans le code des douanes.
« L’objet de la mesure est de dispenser ces agents de l’obligation de produire, dans la procédure d’enquête ou d’information, une fiche relative à leur habilitation pour chaque consultation d’un traitement, comme l’exige la jurisprudence à peine de nullité de la procédure » – le Conseil d’État cite l’arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 19 février 2019.
Le Conseil d’État poursuit : « L’accès des données personnelles contenues dans ces fichiers aux seules personnes régulièrement autorisées est au nombre des garanties exigées par la directive (UE) 2016/680 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel par les autorités compétentes à des fins de prévention et de détection des infractions pénales, d’enquêtes et de poursuites en la matière ou d’exécution de sanctions pénales, et à la libre circulation de ces données […]. »
Il conclut : « Si l’absence de l’habilitation versée au dossier ne pourra plus, en vertu du projet, être à elle seule, une cause de nullité de la procédure, l’absence d’habilitation de l’agent ayant consulté les données - comme le rappelle le projet - demeure quant à elle une cause de nullité qu’il appartient aux personnes concernées, et le cas échéant aux juridictions compétentes, de soulever dans les conditions prévues par le code de procédure pénale […]. »
Nous supprimons bien l’habilitation générale, mais l’absence d’habilitation particulière reste une cause de nullité. C’est sans doute la raison pour laquelle le Conseil d’État est moins sourcilleux que vous, monsieur le président Sueur.
Le Gouvernement est défavorable à ces deux amendements identiques.
Les amendements ne sont pas adoptés.
L ’ article 12 est adopté.
Le dernier alinéa de l’article 77-1-1 du code de procédure pénale est remplacé par sept alinéas ainsi rédigés :
« Sans préjudice des instructions et autorisations particulières pouvant être données pour une procédure déterminée, les réquisitions prévues au présent article peuvent faire l’objet d’autorisations du procureur de la République résultant d’instructions générales prises en application de l’article 39-3 et concernant des crimes ou délits punis d’une peine d’emprisonnement, limitativement énumérés par ce magistrat, lorsqu’elles sont nécessaires à la manifestation de la vérité et ont pour objet :
« 1° La remise d’enregistrements issus d’un système de vidéoprotection concernant les lieux dans lesquels l’infraction a été commise ou les lieux dans lesquels seraient susceptibles de se trouver ou de s’être trouvées les personnes contre lesquelles il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elles ont commis ou tenté de commettre ladite infraction ;
« 2° La recherche des comptes bancaires dont est titulaire une personne contre laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis l’infraction, ainsi que le solde de ces comptes ;
« 3° La fourniture de listes de salariés, collaborateurs, personnels, prestataires de service de sociétés de droit privé ou public, à la condition que l’enquête porte sur les délits prévus aux articles L. 8224-1 et L. 8224-2 du code du travail ;
« 4° La remise de données relatives à l’état-civil, aux documents d’identité, et aux titres de séjour concernant la personne contre laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre l’infraction ;
« 5° La remise de données relatives à la lecture automatisée de plaques d’immatriculation, lorsque l’infraction a été commise en utilisant un véhicule et que ces données sont susceptibles de permettre de localiser une personne contre laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre l’infraction.
« Ces instructions générales précisent les réquisitions autorisées selon les infractions retenues, au regard de leur nature ou de leur gravité. Leur durée ne peut excéder six mois. Le procureur de la République peut les renouveler pour une même durée, ou les modifier ou y mettre fin avant leur terme. Il est immédiatement avisé de la délivrance des réquisitions réalisées en application de ses instructions générales. Cet avis précise les infractions pour lesquelles la réquisition a été établie. Le procureur de la République peut ordonner que cette réquisition soit rapportée. »
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 66 est présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon, Mme M. Vogel et les membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.
L’amendement n° 196 est présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 66.
Les instructions générales permettent de requérir des données sans contrôle préalable d’aucune entité que ce soit, même du procureur de la République. Or les auteurs du présent amendement estiment que de telles autorisations générales posent problème, et ce à plusieurs égards.
D’abord, au regard de l’absence de contrôle préalable de ces réquisitions : le droit européen exige déjà, en ce qui concerne les réquisitions de données de connexion, un contrôle préalable par une juridiction ou une entité administrative indépendante. Bien que cet article ne concerne que des données de contenu, ces réquisitions demeurent attentatoires à la vie privée et nécessitent, a minima, le contrôle systématique du procureur de la République ou, au mieux, d’une juridiction ou d’une entité administrative indépendante, comme le juge des libertés et de la détention (JLD).
Là encore, une simplification sous le seul prisme de l’accélération de la procédure n’est pas forcément bénéfique.
Ensuite, au regard du caractère encore trop général des données visées par cet article, qui ne distingue pas suffisamment les infractions selon leur gravité.
En effet, les données concernées pourront être requises sur le fondement d’une instruction du parquet, dès lors que l’infraction est punie d’une peine de prison. Ce seuil apparaît encore trop peu exigeant.
Enfin, les autorisations générales de réquisition de données relatives à la lecture automatisée des plaques d’immatriculation apparaissent particulièrement attentatoires à la vie privée, car elles permettent la localisation d’une personne, au même titre que les données de connexion.
Au demeurant, il apparaît aux auteurs de cet amendement qu’une telle mesure relative aux réquisitions de données devrait figurer non pas dans un projet de loi de programmation, mais plutôt dans une réforme plus générale des réquisitions de données, qui devra intervenir au plus vite, au regard de l’arrêt de la Cour de cassation du 12 juillet dernier.
La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l’amendement n° 196.
Cet amendement vise également à s’opposer à l’extension de la faculté donnée au procureur de la République d’adresser des instructions générales aux enquêteurs à de nouvelles catégories d’actes.
Ces deux amendements visent à supprimer cet article.
Les auditions que nous avons menées ont souligné que cette mesure était attendue par les acteurs concernés. Les différents services de police, de gendarmerie et les magistrats considèrent en effet que l’extension proposée permet de supprimer des demandes chronophages, parfois même déjà utilisées en pratique, et permet une simplification de la procédure pénale, qui est l’un des objectifs de ce projet de loi.
Afin de préserver le pouvoir de contrôle du magistrat parquetier sur les enquêtes, une première modification a été apportée par la loi du 24 décembre 2020 relative au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée. Les actes pour lesquels les réquisitions générales seront autorisées sont désormais limitativement énumérés dans le texte. Par ailleurs, le procureur de la République sera informé de l’ensemble des réquisitions afin de pouvoir exercer effectivement son pouvoir de contrôle de police judiciaire.
Pour ces raisons, la commission est défavorable à ces deux amendements identiques.
Les amendements ne sont pas adoptés.
L’amendement n° 38, présenté par M. Durain, Mme de La Gontrie, M. Bourgi, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur et Gillé, Mme G. Jourda, M. Jacquin, Mmes Carlotti, Conconne et Artigalas, MM. Cardon et Cozic, Mmes Le Houerou, Meunier, Monier et Rossignol, MM. Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Dans les dix-huit mois au plus tard après la publication de la présente loi, il est procédé à une évaluation de la mise en œuvre des réquisitions prévues au présent article portant notamment sur l’intérêt pratique et le gain réel de temps apportés par la possibilité de délivrance d’autorisations générales de réquisitions a priori, dès lors que le parquet doit être informé sans délai, au cas par cas, de la délivrance de ces réquisitions et être mis en mesure de les contrôler.
La parole est à M. Jérôme Durain.
Nous nous interrogeons sur l’intérêt pratique et le gain réel de temps induits par la possibilité de délivrance d’autorisations générales de réquisitions a priori, dès lors que le parquet doit être informé sans délai, au cas par cas, de la délivrance de ces réquisitions et être mis en mesure de les contrôler.
Nous aimerions donc pouvoir évaluer ce dispositif dans les dix-huit mois suivant la publication de la loi.
M. Loïc Hervé, rapporteur. Il s’agit d’une demande de rapport d’« évaluation ». Ce dernier terme a sans doute une portée stratégique…
Sourires.
Toutefois, considérant la portée réduite de cet article au regard de la pratique existante et de l’extension qu’il opère, il nous semble peu opportun d’envisager un rapport d’évaluation sur un objet aussi restreint.
De surcroît, les auditions menées par vos rapporteurs ont montré que cet article recueillait l’assentiment général des différents services de police, de gendarmerie et des magistrats, qui, de concert, considèrent que cette mesure supprime des demandes chronophages qui pèsent inutilement sur leur temps d’investigation et que les autorisations générales déjà existantes permettent une simplification de la procédure pénale et un gain de temps significatif.
Nous avons parfaitement les moyens de procéder nous-mêmes à cette évaluation en organisant des auditions ou en demandant des chiffres au ministre, lequel ne manquera pas de nous les communiquer.
Pour ces raisons, la commission est défavorable à cet amendement.
L ’ article 13 est adopté.
I. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Au cinquième alinéa de l’article 57-1, après le mot : « judiciaire », sont insérés les mots : « ou, sous leur contrôle, les agents de police judiciaire » ;
2° L’article 74 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, après le mot : « avisé », sont insérés les mots : « ou, sous son contrôle, l’agent de police judiciaire, » ;
b) Au deuxième alinéa, après le mot : « choix », sont insérés les mots : « ou, sous le contrôle de ce dernier, un agent de police judiciaire de son choix » ;
3° Au premier alinéa de l’article 74-1, les mots : «, assistés le cas échéant des agents de police judiciaire, » sont remplacés par les mots : « ou, sous leur contrôle, les agents de police judiciaire » ;
4° Le premier alinéa de l’article 78-3 est ainsi modifié :
a) À la troisième phrase, le mot : « celui-ci » est remplacé par les mots : « l’officier de police judiciaire ou, sous le contrôle de celui-ci, par un agent de police judiciaire » ;
b) À la dernière phrase, après le mot : « judiciaire », sont insérés les mots : « ou, sous le contrôle de celui-ci, l’agent de police judiciaire » ;
5° À l’article 97-1, après le mot : « judiciaire », sont insérés les mots : « ou, sous le contrôle de celui-ci, l’agent de police judiciaire » ;
6° Au deuxième alinéa de l’article 99-4, après le mot : « police », sont insérés les mots : « judiciaire ou, sous le contrôle de celui-ci, l’agent de police judiciaire » ;
7° À l’article 99-5, après le mot : « judiciaire », sont insérés les mots : « ou, sous le contrôle de ce dernier, l’agent de police judiciaire » ;
8° À l’article 100-3 ainsi qu’au premier alinéa des articles 100-4 et 100-5, après le mot : « lui », sont insérés les mots : « ou, sous le contrôle de ce dernier, l’agent de police judiciaire » ;
9° Au troisième alinéa du I de l’article 706-56, les mots : « ou du juge d’instruction » sont remplacés par les mots : «, du juge d’instruction ou, sous le contrôle de l’officier de police judiciaire, de l’agent de police judiciaire ».
II. – Au premier alinéa de l’article L. 813-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, après le mot : « informé », sont insérés les mots : « par l’officier de police judiciaire ou, sous le contrôle de celui-ci, par l’agent de police judiciaire ».
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 44 est présenté par M. Durain, Mme de La Gontrie, M. Bourgi, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche, Leconte, Marie et Sueur, Mme Meunier, M. Cardon, Mme Monier, M. Cozic, Mmes Carlotti, Artigalas, Rossignol et Conconne, M. Gillé, Mme Le Houerou, MM. Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 65 est présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon, Mme M. Vogel et les membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jérôme Durain, pour présenter l’amendement n° 44.
L’article 13 bis, inséré dans le texte sur l’initiative des rapporteurs de la commission des lois, vise à étendre les prérogatives des agents de police judiciaire.
Cette disposition s’inscrit dans une démarche continue d’extension des attributions des APJ, adoptée depuis plusieurs années et ayant essentiellement deux objectifs : d’une part, la revalorisation du travail des agents de police judiciaire dans le cadre de l’enquête de flagrance ou de l’enquête préliminaire, d’autre part, la simplification de la conduite des enquêtes, en permettant aux officiers de police judiciaire de s’appuyer davantage sur les agents, ce qui devrait être facteur de fluidité dans la réalisation des investigations.
Continuer d’étendre les pouvoirs d’enquête des APJ dans le sens souhaité par l’article 13 bis, en leur permettant d’effectuer davantage de réquisitions, d’actes matériels de constatation et de notification sans procéder à une nette amélioration de leurs conditions de formation de bon niveau préalable nous pose problème. Nous nous interrogeons sur les garanties apportées, dans le droit fil des mêmes interrogations que nous formulons sur les procédures d’investigation.
Pour résumer les propos de M. Durain, les agents de police judiciaire ont moins d’expérience et moins de formation : ne les confondons pas avec les officiers de police judiciaire sur ce point précis.
En voulant supprimer cet article, MM. Durain et Benarroche s’opposent à l’extension des prérogatives des agents de police judiciaire introduite en commission.
Nous avons prévu que l’ensemble des actes réalisés par les APJ seront effectués sous le contrôle des OPJ. En augmentant leurs prérogatives, nous permettons une organisation des investigations plus souple et plus efficace.
La commission est défavorable à ces amendements.
Les amendements ne sont pas adoptés.
L’amendement n° 230, présenté par MM. L. Hervé et Daubresse, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 13
Remplacer les mots :
des articles 100-4 et 100-5
par les mots :
de l’article 100-4
La parole est à M. le rapporteur.
L ’ amendement est adopté.
L ’ article 13 bis est adopté.
L’amendement n° 135 rectifié, présenté par Mmes Gacquerre et Thomas, M. Bonneau, Mmes Billon et Loisier, MM. Laugier, Delahaye, Détraigne et Guerriau, Mme V. Boyer, M. Wattebled, Mme Benbassa, MM. Decool, Moga et Verzelen, Mme Morin-Desailly, M. Henno, Mme N. Delattre, M. Bouchet, Mme Férat, MM. Laménie, Guérini, Chasseing et Somon, Mme Phinera-Horth, MM. Grand, S. Demilly et Gremillet et Mme Létard, est ainsi libellé :
Avant l’article 14
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 40-1 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Sous réserve des conditions prévues au premier alinéa du présent article, lorsque les faits portés à sa connaissance en application des dispositions de l’article 40 ont été commis par l’une des personnes visées à l’article 132-80 du code pénal, le procureur de la République prend sa décision dans un délai de six semaines. »
La parole est à Mme Annick Billon.
Cet amendement, proposé par notre collègue Amel Gacquerre, vise à améliorer la prise en charge des victimes en posant un délai maximal de six semaines entre le dépôt de plainte et les suites données par le parquet, qu’il s’agisse d’un renvoi devant le tribunal correctionnel, d’une mesure alternative aux poursuites ou d’un classement sans suite.
Trop souvent, les victimes sont confrontées à une attente de plusieurs mois, qui les place dans une situation de danger maximal. Les violences d’un mari ou d’un concubin violent apparaissent ou réapparaissent après le dépôt de plainte de la victime.
Cet amendement est intéressant. Tout comme ceux de Mme Rossignol ou de M. Bazin précédemment, il pose question au rapporteur que je suis.
Toutefois, je ne suis pas persuadé que la réponse apportée par ses auteurs soit opportune. En outre, à ce moment de la discussion, nous n’avons la capacité ni d’en évaluer la portée ni d’entendre les personnes éventuellement concernées – je pense notamment aux procureurs de la République, qui se verraient imposer de nouvelles obligations en termes de délais.
Les auteurs de cet amendement posent la question de la motivation de la décision et de la célérité de la justice. Encore une fois, je regrette que nous n’ayons pu auditionner les procureurs de la République, même si je m’interroge sur le véhicule législatif approprié. Les parlementaires en mission pourront sans doute se saisir de ces questions.
Nous devons assigner aux magistrats des objectifs tenables. Mme Gacquerre proposait quinze jours en commission ; désormais, elle propose six semaines. Ce délai serait-il tenable dans les parquets ?
Par ailleurs, il me semble que l’absence de dispositif coercitif rend ce délai tout à fait théorique : si le délai n’est pas tenu, il n’y aura aucune sanction – et s’il devait y en avoir une, quelle en serait la nature ?
Pour ces raisons, la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle y sera défavorable.
Après avoir entendu les explications du rapporteur, je vais retirer cet amendement.
Mme Vérien me confirme qu’elle examinera cette question, avec sa collègue députée, dans le cadre de la mission sur le traitement judiciaire des violences intrafamiliales.
I. – Le code pénal est ainsi modifié :
1° L’article 313-5 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour l’infraction visée au 3°, l’action publique peut être éteinte, dans les conditions prévues aux articles 495-17 à 495-25 du code de procédure pénale, par le versement d’une amende forfaitaire d’un montant de 300 euros. Le montant de l’amende forfaitaire minorée est de 250 euros et le montant de l’amende forfaitaire majorée est de 600 euros. » ;
2° L’article 322-1 est ainsi modifié :
a) Au début des premier et second alinéas, sont ajoutées respectivement les mentions : « I » et « II » ;
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« L’action publique peut être éteinte, dans les conditions prévues aux articles 495-17 à 495-25 du code de procédure pénale, par le versement d’une amende forfaitaire d’un montant de 200 euros. Le montant de l’amende forfaitaire minorée est de 150 euros et le montant de l’amende forfaitaire majorée est de 450 euros. » ;
3° L’article 431-22 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L’action publique peut être éteinte, dans les conditions prévues aux articles 495-17 à 495-25 du code de procédure pénale, par le versement d’une amende forfaitaire d’un montant de 500 euros. Le montant de l’amende forfaitaire minorée est de 400 euros et le montant de l’amende forfaitaire majorée est de 1 000 euros. »
II
1° L’article L. 2242-4 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L’action publique peut être éteinte, dans les conditions prévues aux articles 495-17 à 495-25 du code de procédure pénale, par le versement d’une amende forfaitaire d’un montant de 300 euros. Le montant de l’amende forfaitaire minorée est de 250 euros et le montant de l’amende forfaitaire majorée est de 600 euros. » ;
2° L’article L. 3315-4 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L’action publique peut être éteinte, dans les conditions prévues aux articles 495-17 à 495-25 du code de procédure pénale, par le versement d’une amende forfaitaire d’un montant de 500 euros. Le montant de l’amende forfaitaire minorée est de 400 euros et le montant de l’amende forfaitaire majorée est de 1 000 euros. »
III
1° L’article L. 215-2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L’action publique peut être éteinte, dans les conditions prévues aux articles 495-17 à 495-25 du code de procédure pénale, par le versement d’une amende forfaitaire d’un montant de 200 euros. Le montant de l’amende forfaitaire minorée est de 150 euros et le montant de l’amende forfaitaire majorée est de 450 euros. » ;
2° Le I de l’article L. 215-2-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L’action publique peut être éteinte, dans les conditions prévues aux articles 495-17 à 495-25 du code de procédure pénale, par le versement d’une amende forfaitaire d’un montant de 300 euros. Le montant de l’amende forfaitaire minorée est de 250 euros et le montant de l’amende forfaitaire majorée est de 600 euros. »
Je suis saisie de quatre amendements identiques.
L’amendement n° 39 est présenté par M. Durain, Mme de La Gontrie, M. Bourgi, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur et Gillé, Mme G. Jourda, M. Jacquin, Mmes Carlotti, Conconne et Artigalas, MM. Cardon et Cozic, Mmes Le Houerou, Meunier, Monier et Rossignol, MM. Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 53 est présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon, Mme M. Vogel et les membres du groupe Écologiste –Solidarité et Territoires.
L’amendement n° 170 rectifié est présenté par MM. Favreau, Belin, J.B. Blanc, D. Laurent, Cuypers et Savary, Mme Dumont, MM. Laménie, Gremillet et Houpert, Mme Goy-Chavent, M. Genet, Mme Garriaud-Maylam et MM. Cambon, Longuet et Somon.
L’amendement n° 197 est présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jérôme Durain, pour présenter l’amendement n° 39.
Les amendes forfaitaires délictuelles (AFD) sont un sujet important. Leur généralisation pose des questions de principe. Pour connaître, comme d’autres, le retour des acteurs de terrain, nul ne conteste qu’elles rendent bien des services à certains policiers. Pour autant, on ne peut ignorer que leurs taux de recouvrement ne sont pas très probants.
Les questions de principe posées par ces amendes poussent un certain nombre d’organismes ou d’institutions sérieuses comme la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) à émettre des critiques sur le dispositif, susceptible de mettre à mal le principe d’égalité devant la justice, de priver le justiciable de garanties assez fondamentales telles que le respect du contradictoire, l’individualisation de la peine, qui permet de tenir compte de la personnalité de l’auteur de l’infraction, de sa situation sociale et économique, le recours éventuel à des mesures alternatives par le procureur de la République et d’exposer les justiciables à un réel risque d’arbitraire.
Nous apprécions le travail des rapporteurs, qui ont restreint le champ initial du texte. Le Gouvernement a présenté hier, en commission, un amendement visant à proposer une série complémentaire de délits éligibles aux AFD.
Cet amendement d’appel, qui tend à demander la suppression de cet article, vise à faire écho à certaines interrogations d’acteurs de terrain, qui nous ont vivement incités à ne pas vous suivre dans cette voie.
L’article 14 a pour objet d’étendre l’amende forfaitaire délictuelle à certaines infractions. Si nos rapporteurs se sont opposés, en commission, à la généralisation de l’AFD, l’extension de ce dispositif, même limitée à des infractions clairement identifiées, pose question.
Tout d’abord, cette extension relève d’une justice de moins en moins individualisée.
Dans son avis du 10 mars 2022, le Conseil d’État regrette l’absence de toute évaluation préalable à la mise en place de l’AFD en France. Il s’agit pourtant d’un sujet important.
Je comprends que le Gouvernement souhaite aller vite, mais le pragmatisme et la célérité ne peuvent justifier l’absence d’évaluation des politiques publiques avant leur généralisation, d’autant plus que cette situation devient de plus en plus fréquente et donc gênante.
S’agissant, par exemple, des contentieux relatifs à l’usage de stupéfiants, M. le ministre nous a donné quelques chiffres. Cela étant dit, la question se pose de savoir si ce dispositif a un effet sur la prévention, sur la pratique des consommateurs de stupéfiants, ce qui entraînerait, de facto, un effet sur le trafic. Or les études semblent montrer que ce ne soit pas le cas. Ce manque d’évaluation complique les choses…
Par ailleurs, ce mécanisme très particulier fait courir un risque d’arbitraire et d’inégalité. Les agents verbalisateurs devront seuls s’assurer que les conditions pour verbaliser sont remplies et apprécier l’opportunité de verbaliser : il y a donc un fort risque de discrimination, de rupture du principe d’égalité devant la justice et de rupture d’équité entre les justiciables dans la constatation et la poursuite des infractions pénales.
Il ne faut pas oublier que c’est au procureur qu’il revient de juger de l’opportunité des poursuites en matière pénale, selon les dispositions de l’article 40-1 du code de procédure pénale.
Pour l’ensemble de ces raisons, nous demandons la suppression de cet article.
La parole est à M. Gilbert Favreau, pour présenter l’amendement n° 170 rectifié.
Je fais miens les différents arguments qui viennent d’être développés pour demander la suppression de cet article.
J’ajouterai que ce dernier présente un vice majeur : on parle ici d’une « amende forfaitaire délictuelle » et ce qui permet de distinguer, en droit pénal, une contravention d’une amende, c’est l’élément intentionnel. L’intention n’est pas à prouver pour dresser une contravention ; en matière délictuelle, c’est nécessaire. Or, à la lecture des infractions listées dans cet article, je vois mal comment l’élément intentionnel sera établi et donc comment il sera possible de condamner. C’est surtout pour cette raison que je considère que cet article ne doit pas prospérer.
La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l’amendement n° 197.
Notre amendement vise également à s’opposer à la généralisation de l’amende forfaitaire délictuelle à l’ensemble des délits simples punis d’une peine d’amende ou d’un an d’emprisonnement.
Dans son avis du 10 mars dernier, le Conseil d’État s’est opposé à la généralisation de l’AFD au nom de l’égalité devant la justice. Le Conseil a ainsi mis en exergue que le choix de recourir ou non à l’amende forfaitaire reposera sur l’appréciation des agents verbalisateurs. Il en résultera inévitablement, en l’absence d’encadrement, un risque d’arbitraire et de disparités de traitement contraire au principe d’égalité devant la justice.
Pour autant, le Gouvernement n’a pas supprimé cette disposition.
Selon nous, la procédure d’amende forfaitaire délictuelle comporte un risque de discrimination. La CNCDH a ainsi récemment souligné que l’AFD privait les justiciables des garanties fondamentales qu’offre la procédure judiciaire en déléguant aux agents de police une fonction qui relève en principe de l’autorité judiciaire. Dès lors, le justiciable ne bénéficie plus des garanties fondamentales telles que le respect du principe du contradictoire, l’individualisation de la peine – pour tenir compte de la personnalité de l’auteur de l’infraction et de sa situation sociale et économique – ou encore le recours à des mesures alternatives par le procureur de la République. Ainsi, l’amende forfaitaire fait fi du principe d’opportunité de la peine.
Il s’agit d’une procédure de masse, systématisée, qui ne fonctionne déjà pas pour la régularisation des délits.
Madame la présidente Assassi, nous pourrions tenir un débat sur le principe même des amendes forfaitaires délictuelles, mais entendre que l’adoption de ce projet de loi risquerait d’entraîner la généralisation de ce dispositif ne me paraît pas correspondre à la réalité.
Le droit positif compte aujourd’hui une dizaine d’AFD : certaines fonctionnent très bien, d’autres posent de vraies difficultés opérationnelles – nous y reviendrons plus tard à l’occasion de l’examen d’un amendement de notre collègue Sylviane Noël.
Il est prévu de faire passer le nombre d’infractions concernées à vingt-quatre : la commission en propose sept nouvelles, un amendement du Gouvernement en ajoute sept autres. Ce n’est pas ce que j’appelle une généralisation, sachant que, dans sa rédaction initiale, le texte portait sur les quelque 3 400 infractions sanctionnées d’au moins un an de prison ferme ! Le Parlement aurait alors perdu sa capacité de décider quelles infractions précises peuvent donner lieu à une éventuelle amende forfaitaire délictuelle, qui reste sous le contrôle des parquets. À cet égard, les droits des personnes mises en cause sont totalement garantis.
Ce dispositif nous a semblé, à Marc-Philippe Daubresse et à moi-même, parfaitement proportionné. À l’avenir, il nous sera possible, en fonction de l’expérience du terrain, de retirer ou d’ajouter de nouvelles amendes forfaitaires délictuelles.
L’AFD qui fonctionne le mieux concerne la consommation de stupéfiants : 260 000 par an ! Il est heureux que nos tribunaux ne soient pas engorgés par ces procédures, ce qui permet de soulager concrètement la justice de notre pays.
La commission est défavorable à ces amendements de suppression.
Cet article important complète la partie consacrée à la simplification de la procédure pénale de ce projet de loi, dont l’essentiel des articles, hors partie cyber et rapport annexé, concernent l’investigation.
Sans faire de politique politicienne, j’avoue avoir du mal à comprendre la question philosophique portant sur le bien-fondé des amendes forfaitaires délictuelles, qui ont été instituées par d’autres gouvernements que le nôtre. Suivez mon regard… Pourquoi cette question serait-elle vérité ici et erreur au-delà ?
Regardons les choses de manière pragmatique. Les amendes forfaitaires délictuelles existent depuis longtemps en matière de sécurité routière, par exemple, et depuis quelques années seulement pour un nombre de délits assez simples tels que la consommation de stupéfiants sur la voie publique.
À cet égard, monsieur Favreau, il me semble que les conditions d’encadrement de l’amende devraient vous rassurer : la personne concernée doit avoir plus de 18 ans, être française, ne pas être récidiviste, reconnaître le délit – il y a donc bien respect du contradictoire, madame Assassi, raison pour laquelle le Conseil d’État valide cette procédure – et avoir commis un délit objectivable sans acte d’enquête. En outre, une circulaire pénale, prise parquet par paquet, doit expliquer les conditions d’application de l’amende.
Pour ces raisons, monsieur le sénateur, je n’ai pas compris votre démonstration sur la différence entre contravention et délit. Toutes les procédures d’AFD sont encadrées. Dès lors, pourquoi déposer un amendement de suppression ? Discutons plutôt de la liste des amendes forfaitaires délictuelles qui vous sembleraient ne pas reposer sur la reconnaissance de l’infraction ou sur un délit objectivable.
Les délits concernés par les AFD seront les suivants : les intrusions non autorisées dans une école, pour lesquelles il n’y a pas besoin d’acte d’enquête particulier ; les délits en matière de chiens d’attaque – ceux qui sont élus locaux le savent, ce sont des cas très complexes pour lesquels il est difficile d’obtenir des condamnations – ; les atteintes à la circulation des trains – certains, en région parisienne ou en région lyonnaise, sont en attente d’une telle mesure – ; les filouteries aux carburants, dans les hôtels, les taxis ou les restaurants. On vous proposera également tout à l’heure l’exercice illégal de l’activité d’exploitant de taxi, délit qui, pour être caractérisé, ne demande pas non plus de longues enquêtes, puisqu’il suffit de présenter sa carte de taxi !
Il s’agit donc de délits parfaitement objectivables et ne demandant pas d’investigations particulières ou complexes. Pourtant, ils « embolisent » la procédure pénale.
Reprenons la belle formule de Cesare Beccaria : ce qui compte, c’est non pas la sévérité de la peine, mais sa certitude. Ainsi, sans certitude de recevoir la peine, celle-ci ne sert à rien. Pour des délits qui nous paraissent mineurs, mais qu’il faut poursuivre – sinon, supprimons-les du code pénal, mais le législateur veut les conserver ! –, que faisons-nous face à l’absence ou à la quasi-absence de sanctions dans la vie réelle ?
J’ai pris l’exemple, à cette tribune, de la consommation de stupéfiants. Chacun le sait, personne n’était condamné à la prison ferme pour avoir consommé un joint sur la voie publique ! Pour autant, est-il souhaitable de consommer un joint sur la voie publique ? Nous avons majoritairement considéré que tel n’était pas le cas. Restait la question de la sanction ! Sinon, comme le disait ma grand-mère, autant faire quelque chose dans un violon… §Or nous sommes en recherche d’efficacité.
On ne peut pas dire, monsieur le sénateur, que les délits pour lesquels nous vous proposons la possibilité d’appliquer une amende forfaitaire délictuelle soient aujourd’hui particulièrement poursuivis et donnent lieu à des sanctions ou des actes de justice. Ils « embolisent » la vie des commissariats et des brigades de gendarmerie. Or les parquets doivent se concentrer sur les délits les plus graves, qui méritent des actes d’enquête poussés.
Le Gouvernement a accepté de boire le vin coupé par l’eau du Sénat ! Le Président de la République avait en effet évoqué la généralisation de l’AFD pour les infractions passibles d’une peine inférieure à un an de prison – c’est l’une des conclusions du Beauvau, monsieur le sénateur. Jusqu’à 3 900 délits étaient concernés par ces AFD. Le Conseil d’État a considéré qu’il fallait soit une liste d’infractions, soit des critères de sélection. MM. les rapporteurs ont préféré retenir la liste. Nous sommes ainsi passés de 3 900 cas de figure à sept…
Nous sommes vraiment là dans le détail ! Nous proposons quelques cas supplémentaires, et le débat fera sans doute naître d’autres propositions, par exemple à l’Assemblée nationale. En passant à une vingtaine d’AFD, on ne peut pas dire qu’on généralise ! Nous procédons plutôt à une non-généralisation !
La grande question est la suivante : ces AFD fonctionnent-elles ? La réponse est « oui » pour ce qui concerne la sécurité routière. Plus un seul policier ou gendarme ne voudrait revenir à la situation antérieure aux AFD en la matière ! Elles fonctionnent également dans le domaine de la consommation de stupéfiants, avec 260 000 AFD infligées chaque année.
Ces AFD fonctionnent différemment selon le type d’infraction. Comme j’ai eu l’occasion de le dire à M. le rapporteur Loïc Hervé, l’AFD que vous avez prévue dans le cadre de la loi de réforme de la justice défendue par Mme Belloubet, pour ce qui concerne l’occupation illicite d’un terrain par un certain nombre de véhicules motorisés – je ne veux pas citer uniquement les gens du voyage, qui étaient visés par le législateur –, fonctionne très moyennement, dans la mesure où il faut reconnaître l’infraction. Or il est rare que la personne qui installe un campement illégal le reconnaisse.
Que dit le policier ou le gendarme : « Si vous ne reconnaissez pas l’infraction, nous vous présenterons devant le procureur de la République. » C’est complètement différent de la situation suivante : « Vous ne reconnaissez pas l’infraction, je ne peux rien faire, et je me tourne vers les élus en leur disant qu’ils devront prendre leur mal en patience ou bien engager une longue procédure, à moins que les caravanes n’aient entre-temps quitté les lieux. »
L’AFD est un outil permettant le contradictoire, ainsi qu’une amende pénale s’inscrivant au TAJ, le traitement d’antécédents judiciaires, ce qui peut permettre de découvrir un certain nombre de choses. Par exemple, pour ce qui concerne la consommation de cannabis ou de cocaïne, le nombre des AFD peut permettre de constater que la personne souffre d’une addiction particulière et n’est pas un simple consommateur. Le juge peut ainsi estimer que celle-ci doit engager des soins.
Je relève également un manque de connaissance du fonctionnement de l’AFD. Après son adoption, nous demanderons à l’Antai, l’Agence nationale de traitement automatisé des infractions, de la mettre en place. Si les policiers constatent que vous exploitez illégalement un taxi et que vous reconnaissez l’infraction, vous préférerez, le plus souvent, payer l’amende plutôt que d’aller 24 heures ou 48 heures en garde à vue. Vous pourrez bien évidemment contester cette amende.
Surtout, il existe un deuxième contrôle. Nous avons construit l’AFD en fonction de la procédure pénale du procureur du territoire, qui peut d’ailleurs la territorialiser en fonction du danger. Il est certain que l’exercice illégal de l’activité de chauffeur de taxi, sans vouloir entrer dans la politique pénale des procureurs de la République, est plus grave à Paris qu’il ne l’est à Tourcoing ! Car on ne peut pas dire que la filouterie à l’exercice illégal de l’activité de taxi soit le danger premier de la délinquance tourquennoise. Une telle territorialisation me paraît constituer une politique pénale intelligente.
Par ailleurs, le procureur de la République de Rennes, qui reçoit toutes les AFD envoyées par les forces de l’ordre, vérifie que ces dernières sont conformes à la circulaire et à la volonté du législateur. Par conséquent, un certain nombre d’AFD « sautent », une fois transmises au parquet numérique de Rennes.
Ainsi, contrairement à d’autres procédures, deux procureurs vérifient ce qui se passe : celui qui fait la circulaire pénale et celui qui vérifie que les policiers et les gendarmes ont respecté le cadre de l’amende, dans le respect des règles de l’art.
Toutes vos critiques sur les AFD, selon moi, ne tiennent pas. En revanche, on peut constater, comme je vais le faire dans le cadre d’un amendement que je m’apprête à présenter, que tel ou tel délit ne doit pas entrer dans ce champ, parce que vous considérez soit qu’il n’est pas facilement objectivable, ce que l’on peut entendre, soit qu’il ne faut pas passer en amende forfaitaire quelque chose relevant de la réponse pénale classique.
M. le rapporteur et moi-même avons débattu de la question suivante : convient-il d’intégrer le port d’armes blanches, de couteaux, aux amendes pénales ? On le sait tous, les couteaux pullulent aujourd’hui, mais il est bien évidemment impossible d’en interdire – ce qui serait absurde – la vente. Faut-il, pour permettre aux policiers et aux gendarmes de réguler le nombre de couteaux circulant sur la voie publique, intégrer son port aux amendes délictuelles ou bien faire traiter les cas par un OPJ et un enquêteur, même si, il faut bien l’avouer, il y a très peu de réponses pénales concernant les porteurs de couteaux n’ayant commis aucun acte ? On peut avoir oublié de ranger son couteau de cuisine quand on se balade dans la rue !
Ce n’est pas trahir un secret, monsieur le rapporteur, que de dire que vous n’étiez pas très favorable à ce que nous vous proposions une AFD en la matière. C’est un débat intéressant ! Car c’est non pas l’outil AFD qu’il faut combattre, mais les différents délits.
Telles sont les raisons pour lesquelles, madame la présidente, j’émets un avis défavorable sur ces quatre amendements. Nous pourrons ensuite entrer dans le vif du sujet, à savoir la liste des délits pouvant faire l’objet d’une AFD – je vous renvoie à l’amendement n° 233 du Gouvernement.
Monsieur le ministre, je prends le pari que, devant tous les tribunaux de France et de Navarre, vous aurez des problèmes avec ces amendes forfaitaires. Vous parlez de délit : celui qui déclarera qu’il a acheté un chien d’attaque dans une animalerie sans aucune intention délictuelle ne sera pas condamné par le tribunal, et l’amende forfaitaire sera contestable.
C’est un excellent exemple, monsieur le sénateur.
Si j’ai un chien d’attaque et qu’un policier, en vertu de la loi qui sera votée par le Parlement, me met une amende forfaitaire délictuelle, je peux lui dire qu’il a raison, que je reconnais l’infraction et que j’accepte l’amende. Je peux également contester les faits. Dès lors, le policier ne peut pas me mettre une AFD, car cela n’est possible que si je reconnais l’infraction. Ensuite, soit le policier me laisse partir avec mon chien d’attaque, soit il me demande de le suivre au commissariat, pour me placer en garde à vue, après avoir consulté le procureur de la République pour que je puisse appeler mon avocat et contester devant le tribunal.
L’AFD ne pose donc de problème à personne ! C’est une forme de peine « alternative », quand je reconnais l’infraction. Si je ne la reconnais pas, cela se transforme en contentieux avec l’administration, et je fais valoir mes droits devant le tribunal.
Il me semble donc que votre argument vient renforcer le mien.
Je mets aux voix les amendements identiques n° 39, 53, 170 rectifié et 197.
Les amendements ne sont pas adoptés.
L’amendement n° 233, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 3
Supprimer les mots :
Pour l’infraction visée au 3°,
II. – Après l’alinéa 12
Insérer six alinéas ainsi rédigés :
…° Le II de l’article L. 3124-4 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L’action publique peut être éteinte, dans les conditions prévues aux articles 495-17 à 495-25 du code de procédure pénale, par le versement d’une amende forfaitaire d’un montant de 500 euros. Le montant de l’amende forfaitaire minorée est de 400 euros et le montant de l’amende forfaitaire majorée est de 1 000 euros. » ;
…° Le III de l’article L. 3124-7 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L’action publique peut être éteinte, dans les conditions prévues aux articles 495-17 à 495-25 du code de procédure pénale, par le versement d’une amende forfaitaire d’un montant de 500 euros. Le montant de l’amende forfaitaire minorée est de 400 euros et le montant de l’amende forfaitaire majorée est de 1 000 euros. » ;
…° Le III de l’article L. 3124-12 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L’action publique peut être éteinte, dans les conditions prévues aux articles 495-17 à 495-25 du code de procédure pénale, par le versement d’une amende forfaitaire d’un montant de 500 euros. Le montant de l’amende forfaitaire minorée est de 400 euros et le montant de l’amende forfaitaire majorée est de 1 000 euros. » ;
III. – Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
…. – Le code de la route est ainsi modifié :
1° L’article L. 233-2 est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« …. – Pour l’infraction mentionnée au I., l’action publique peut être éteinte, dans les conditions prévues aux articles 495-17 à 495-25 du code de procédure pénale, par le versement d’une amende forfaitaire d’un montant de 250 euros. Le montant de l’amende forfaitaire minorée est de 300 euros et le montant de l’amende forfaitaire majorée est de 600 euros. » ;
2° L’article L. 318-3 est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« …. – Pour l’infraction mentionnée au I, l’action publique peut être éteinte, dans les conditions prévues aux articles 495-17 à 495-25 du code de procédure pénale, par le versement d’une amende forfaitaire d’un montant de 150 euros. Le montant de l’amende forfaitaire minorée est de 200 euros et le montant de l’amende forfaitaire majorée est de 450 euros. »
…. – L’article L. 332-5 du code du sport est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L’action publique peut être éteinte, dans les conditions prévues aux articles 495-17 à 495-25 du code de procédure pénale, par le versement d’une amende forfaitaire d’un montant de 500 euros. Le montant de l’amende forfaitaire minorée est de 400 euros et le montant de l’amende forfaitaire majorée est de 1 000 euros. »
La parole est à M. le ministre, à moins qu’il ne considère que cet amendement a déjà été largement défendu…
M. Gérald Darmanin, ministr e. Si je comprends bien, madame la présidente, vous m’appelez à la concision ; à défaut, j’encours une AFD présidentielle !
Sourires.
Le présent amendement complète la liste de délits pouvant faire l’objet de la procédure de l’amende forfaitaire.
Ainsi, aux délits retenus par la commission des lois – filouterie de carburant, filouterie d’hôtel, de taxi et de restaurant, violation des règles au chronotachygraphe, atteinte à la circulation des trains, intrusion non autorisée dans une école, délit en matière de chien d’attaque –, je propose d’ajouter l’exercice illégal de l’activité d’exploitant de taxi – nos amis taxis, qui font un travail très important, rencontrent une concurrence pour le moins malhonnête, et il convient de répondre à leurs demandes –, l’exploitation de voiture de transport avec chauffeur sans inscription au registre, qui crée également, en matière de circulation routière, une concurrence illégale et insécurise les personnes, la prise en charge d’un client sur la voie publique pour une prestation de transport sans justification de réservation préalable par une personne n’ayant pas la qualité de taxi, le refus de se soumettre aux vérifications relatives au véhicule ou au conducteur, la transformation d’un véhicule portant atteinte aux dispositifs antipollution et l’entrée par force et en état d’ivresse dans une enceinte sportive lors d’une manifestation sportive, cas de plus en plus fréquents, notamment pour certains sports.
M. le rapporteur avait également évoqué la dégradation légère, dont les tags – ils pourrissent la vie de nos concitoyens, sans qu’il y ait jamais de vraies sanctions –, avec circonstances aggravantes.
Je veux bien l’avouer devant le Sénat, le refus de se soumettre aux vérifications relatives au véhicule et au conducteur peut faire l’objet de discussions, puisque c’est sans doute celui pour lequel il est le moins facile de ne pas reconnaître l’infraction. Si je refuse de présenter mes papiers, il faut que je reconnaisse devant les gendarmes que je refuse de leur donner mes papiers. C’est sans doute l’AFD la moins efficace, si je me réfère à l’argument avancé par M. Favreau. Quoi qu’il en soit, je la maintiens en l’état. Nous pouvons en débattre ici, avec l’Assemblée nationale ou en commission mixte paritaire.
Sans surprise, la commission des lois est favorable à cet amendement du Gouvernement. La commission des lois a débattu hier matin de ces dispositions, après le dépôt de l’amendement par le Gouvernement.
Dix amendes forfaitaires délictuelles dans le droit positif, sept dans le texte de la commission et sept introduites dans le cadre de cet amendement : avec ces vingt-quatre amendes forfaitaires délictuelles, nous pourrons avoir une analyse et un suivi concrets et opérationnels, ce qui permettra, le cas échéant, d’avoir un avis sur le développement modéré et raisonnable de ce type de sanction dans les mois qui viennent.
Bien évidemment, la navette, monsieur le ministre, fera son œuvre. J’imagine que les députés auront peut-être des idées complémentaires ou souhaiteront soustraire de cette liste certains délits. Au demeurant, le travail mené avec le Gouvernement, pour resserrer les AFD sur les délits pour lesquelles elles seraient le plus opérationnelles, me paraît de bon aloi.
J’émets donc un avis favorable sur cet amendement.
L ’ amendement est adopté.
L’amendement n° 55, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon, Mme M. Vogel et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires, est ainsi libellé :
Alinéas 3, 7, 9, 12, 14, 17 et 19
Compléter ces alinéas par une phrase ainsi rédigée :
L’agent informe systématiquement des droits de recours de l’amende forfaitaire délictuelle.
La parole est à M. Guy Benarroche.
Par cet amendement, il s’agit de prévoir, M. le ministre l’a bien expliqué, que la personne accepte ou non l’amende forfaitaire.
Vous savez très bien comment les choses peuvent se passer – et il m’est arrivé de me retrouver dans ce genre de situation. Chacun a naturellement tendance à accepter l’amende. Toutefois, je comprends que certains puissent rencontrer des difficultés, estimant qu’ils n’ont pas d’autre moyen pour échapper à la gendarmerie ou au poste de police, et être ainsi immobilisés un certain nombre d’heures, que d’accepter l’amende, même s’ils ne le veulent pas en réalité.
Il faut donc simplement faire en sorte que les policiers ou les gendarmes préviennent systématiquement les intéressés qu’ils peuvent contester ces amendes devant le tribunal de police.
Puisque M. Benarroche nous invite à être dans le réel, je lui réponds qu’un avis d’amende mentionne, par écrit, les voies de recours possibles.
Vous l’avez dit en commission, mon cher collègue, vous le répétez aujourd’hui : d’après vous, cela ne se passe pas comme cela dans la vraie vie. Or, dans la vraie vie, cette précision existe déjà sur l’avis d’amende.
À mes yeux, cet amendement est totalement satisfait par la réalité de terrain et j’émets donc un avis défavorable.
M. Gérald Darmanin, ministre. Comment les choses se passent-elles ? Quand on vous met une AFD – je ne sais pas si cela vous est arrivé récemment, monsieur le sénateur, ni pour quelle raison, le cas échéant
Sourires.
Je vous invite donc à vous rapprocher de vos forces de police ou de gendarmerie. Ils pourront vous montrer comment cela se passe !
Très bien, la mention apparaît dans un petit carré, sur un écran.
Monsieur le ministre, il ne vous échappera pas que, pour un certain nombre de personnes, l’écriture n’est pas l’oralité. Elles peuvent ne pas comprendre ni même lire ce qui est écrit en français. Je ne vois pas en quoi le fait de prévenir oralement la personne poserait un problème !
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 231, présenté par MM. L. Hervé et Daubresse, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 7
Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :
…° Le premier alinéa des articles 322-2 et 322-3 est ainsi modifié :
a) Les mots : « premier alinéa » sont remplacés par la référence : « I » ;
b) Les mots : « deuxième alinéa » sont remplacés par les mots : « premier alinéa du II » ;
…° Au 7° du I de l’article 322-15, les mots : « premier alinéa » sont remplacés par la référence « I » ;
II. – Alinéa 16
Remplacer les mots :
L’article
par les mots :
Le I de l’article
III. – Alinéa 18
Remplacer les mots :
Le I de l’article
par les mots :
L’article
IV. – Après l’alinéa 19
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – À l’article L. 554-12 du code de l’environnement, les mots : « premier alinéa » sont remplacés par la référence : « I ».
La parole est à M. le rapporteur.
L ’ amendement est adopté.
L’amendement n° 209, présenté par MM. Richard, Patriat, Mohamed Soilihi, Théophile et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
….- L’article L. 317-8 du code de la sécurité intérieure est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour le délit prévu au 3° du présent article, l’action publique peut être éteinte, dans les conditions prévues aux articles 495-17 à 495-25 du code de procédure pénale, par le versement d’une amende forfaitaire d’un montant de 500 euros. Le montant de l’amende forfaitaire minorée est de 400 euros et le montant de l’amende forfaitaire majorée est de 1 000 euros. »
La parole est à M. Alain Richard.
Madame la présidente, j’ai pleinement approuvé la démarche de la commission, puis celle du Gouvernement, qui a déposé un nouvel amendement, tendant à recadrer le nouveau recours aux amendes forfaitaires. Je souhaite simplement compléter la liste des AFD, qui comporterait non plus 24 points, mais 25 points, en mentionnant, parmi les faits justiciables d’une amende forfaitaire, le port d’une arme de catégorie D, à savoir un poignard, une matraque, un poing électrique ou une carabine à air comprimé.
M. le ministre l’a dit tout à l’heure, c’est un phénomène en extension, qui porte par lui-même des dangers et est assez souvent le vecteur d’attitudes de menace ou de pression dans la vie interpersonnelle.
Selon moi, cette proposition reste dans la cohérence de la démarche de la commission et du Sénat dans ses votes antérieurs, en limitant l’usage de cette procédure particulière à des faits aisément objectivables et présentant une atteinte à la sécurité ou à l’ordre public.
J’insiste donc pour que nous incluions le port de ces armes dans les actes justiciables de l’amende forfaitaire.
Les auteurs de cet amendement, en particulier M. Richard, soulignent que le délit de port illicite d’armes de catégorie D fait le plus souvent l’objet d’un rappel à la loi, lequel disparaîtra à la fin de l’année au profit d’un nouveau dispositif.
Au regard de la recrudescence des attaques à l’arme blanche, il convient de s’interroger sur le caractère adéquat de la réponse pénale.
La commission est plutôt défavorable à l’extension de l’AFD au port des armes de catégorie D.
Je le disais tout à l’heure, je suis favorable à l’amendement de M. Richard. Certes, j’en conviens, ce point peut faire l’objet d’une discussion. Pour autant, on ne peut pas mettre tous ceux qui portent sur eux un couteau ou une matraque en garde à vue ou ouvrir une procédure pénale.
Je le rappelle, les derniers attentats terroristes ont tous été commis avec ce genre d’armes. Je suis donc favorable à cet amendement.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 210, présenté par MM. Richard, Patriat, Mohamed Soilihi, Théophile et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Après l’article 495-24-1 du code de procédure pénale, il est inséré un article 495-24-… ainsi rédigé :
« Art. 495 -24 -…. – Lorsque l’action publique concernant un délit ayant causé un préjudice à une victime est éteinte par le paiement d’une amende forfaitaire délictuelle, la victime peut toutefois demander au procureur de la République de citer l’auteur des faits à une audience devant le tribunal pour lui permettre de se constituer partie civile. Le tribunal, composé d’un seul magistrat exerçant les pouvoirs conférés au président, ne statue alors que sur les seuls intérêts civils, au vu du dossier de la procédure qui est versé au débat. »
La parole est à M. Alain Richard.
Il s’agit d’une mesure de procédure favorable aux victimes.
L’acceptation par l’auteur des faits de l’amende forfaitaire éteint la procédure pénale. Or il peut y avoir eu un dommage à l’égard d’une tierce personne commis par l’auteur des faits.
Par cet amendement, il s’agit de compléter sur un point le code de procédure pénale, en précisant que, lorsque le délit a donné lieu à une amende forfaitaire, cela ne prive pas la victime de la possibilité de demander au procureur de la République de citer l’auteur devant le tribunal, pour qu’il soit statué sur les intérêts civils, c’est-à-dire sur son préjudice.
Cette mesure, qui préserve les droits des parties civiles, nous est apparue totalement opportune.
La commission est donc favorable à cet amendement.
L ’ amendement est adopté.
L’amendement n° 213 rectifié, présenté par Mme Joseph, M. Pellevat, Mmes L. Darcos, Thomas et Dumont, M. Charon, Mme Micouleau, M. Moga, Mme Demas, M. Lefèvre, Mme Garriaud-Maylam, M. Laménie, Mmes Puissat, Goy-Chavent, Garnier, Billon et de La Provôté, MM. Burgoa, Savin, Détraigne et Mouiller, Mme Schalck, MM. Babary, Anglars, Paccaud et Courtial, Mme Guidez, M. J.B. Blanc, Mmes Létard et Gruny, MM. Belin et Genet, Mme Lassarade, M. Bouchet et Mmes Lavarde et Lopez, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Après le quatrième alinéa de l’article L. 480-1 du code de l’urbanisme, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Pour toutes les infractions mentionnées au quatrième alinéa, l’action publique est éteinte par le paiement d’une amende forfaitaire dans les conditions prévues par les articles 495-17 à 495-25 du code de procédure pénale. »
La parole est à Mme Laure Darcos.
Cet amendement, dont l’initiative revient à ma collègue Else Joseph, a été signé par nombre d’entre nous.
Il a pour objet de reprendre le dispositif de la proposition de loi qu’elle avait déposée le 30 mars 2022, afin de mieux lutter contre les infractions en matière d’urbanisme par le biais d’une amende forfaitaire.
En effet, pour améliorer l’efficacité des procès-verbaux dressés par les maires ou les présidents d’établissement public de coopération intercommunale, la proposition de loi prévoit d’instituer la possibilité de prononcer une amende forfaitaire délictuelle pour tout procès-verbal qui infligerait une amende dont le montant pourrait aller jusqu’à 3 000 euros dans les infractions mentionnées au troisième alinéa de l’article L. 480-1 du code de l’urbanisme, c’est-à-dire celles qui sont prévues par les articles L. 480-4 et L. 610-1 dudit code.
Il s’agit des travaux effectués en méconnaissance des articles L. 421-1 à L. 421-5 du code de l’urbanisme. Cela vise les constructions sans permis de construire, les travaux, installations et aménagements sans permis d’aménager, ainsi que les démolitions de constructions existantes sans permis de démolir.
En effet, les infractions au code de l’urbanisme consistent surtout en délits. Un certain nombre de ces délits pourraient donc être punis d’une amende allant jusqu’à 3 000 euros. Il est ainsi proposé de prévoir l’application de ces dispositions du code de procédure pénale, qui rendent possible le recours à l’amende forfaitaire.
Conformément à ces dispositions, qui renvoient à l’article 131-13 du code pénal, l’amende forfaitaire délictuelle ne peut excéder un montant de 3 000 euros. Il sera donc possible d’infliger une amende forfaitaire pour tout délit pouvant donner lieu à une amende de 3 000 euros.
Pour ce faire, l’alinéa 4 de l’article L. 480-1 du code de l’urbanisme serait complété par une phrase qui renvoie aux dispositions des articles 495-17 à 495-25 du code de procédure pénale, en indiquant que l’action publique est éteinte par le paiement d’une amende forfaitaire. Le paiement de l’amende forfaitaire mettrait fin à l’action publique, donc à la procédure pénale, par un procédé qui serait non seulement répressif, mais dissuasif.
Vous êtes ici au Sénat, dans la chambre qui représente les collectivités locales, et notamment les maires.
Sur le fond, cet amendement pose une vraie difficulté législative légistique. En effet, il fixe non pas un montant forfaitaire, mais un plafond. Cela ne correspond pas aux 24 autres AFD votées, les 10 qui existent d’ores et déjà et les 14 adoptées par le Sénat, ce qui est problématique.
Permettez-moi d’attirer votre attention, mes chers collègues, sur une autre dimension. Le maire est un OPJ. Il délivre, au titre de son pouvoir de police administrative, des autorisations d’urbanisme. Or, si un certain nombre de constructions sont considérées comme illégales, c’est parce qu’elles ne sont pas conformes à ces autorisations d’urbanisme. Et donner à la même autorité la possibilité de délivrer des autorisations d’urbanisme et d’exercer un pouvoir de police judiciaire revient à créer une sorte de conflit d’intérêts, ou plutôt de missions.
Si nous sommes tous pour le renforcement des pouvoirs des maires et si nous considérons tous qu’il s’agit de problèmes lourds – j’ai été maire pendant dix ans, je sais de quoi je parle, j’ai vu des choses très concrètes, comme nombre d’entre nous –, nous ne sommes pas prêts à donner au maire un carnet à souches ou un terminal mobile pour délivrer des AFD concernant des constructions illicites allant à l’encontre d’autorisations données, ou non, par le maire lui-même. On s’aventurerait là sur un terrain extrêmement glissant. Ne donnons pas des pouvoirs de shérif à nos maires, sauf à les placer devant de vraies difficultés sur un plan juridictionnel.
Je vous demande donc, madame la sénatrice, de bien vouloir retirer cet amendement, qui pourra peut-être être retravaillé dans un autre cadre.
Je veux dire à ma collègue qui a défendu cet amendement et à celle qui l’a élaboré qu’il aurait fallu aller juste un tout petit peu plus loin dans le code.
En effet, nous avons adopté voilà plusieurs années un article L. 481-1, qui prévoit, pour le maire, dans la continuité de son pouvoir de délivrance des permis, des moyens de pression administrative : il peut imposer une consignation à la personne qui est en infraction par rapport au permis, pour qu’elle fasse les travaux de remise en état. Il peut également lui imposer une astreinte.
Simplement, au moment de la liquidation de l’astreinte, cela se fera sous le contrôle du tribunal.
L’amendement n° 213 rectifié est retiré.
L’amendement n° 54, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon, Mme M. Vogel et les membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Dans les trois ans à compter de la publication de la présente loi, il est procédé à une évaluation de l’amende forfaitaire délictuelle, portant notamment sur le respect des principes d’équité entre les justiciables, l’effectivité des recours et le respect des droits de la défense.
La parole est à M. Guy Benarroche.
Il s’agit d’un simple amendement de repli soft…
Le Conseil d’État, nous l’avons dit, a souligné l’absence d’évaluation préalable à la mise en place de l’AFD en France.
S’agissant des contentieux relatifs à l’usage de stupéfiants, on aurait pu considérer comme utile une évaluation a posteriori.
Aussi, des syndicats et associations de professionnels de la justice se sont inquiétés d’une évaluation de la réforme dans les trois ans qui suivront sa mise en œuvre. Nous relayons cette idée, en proposant de fixer dans la loi la date limite à laquelle elle devra être évaluée.
Nous avons refusé la généralisation, ce qui signifie que l’évaluation proposée par notre collègue Guy Benarroche porte sur 24 infractions pénales.
J’ai la certitude, et même la garantie – je le crois – de la part de M. le ministre, qu’à chaque fois qu’un parlementaire demandera la communication des chiffres sur ces 24 infractions le Gouvernement lui répondra favorablement.
Non seulement la réforme proposée n’est pas du tout de l’ampleur de celle qui avait été envisagée au départ, mais, de surcroît, chaque question posée portera non pas sur l’ensemble de ces 24 infractions, mais seulement sur l’une ou l’autre de ces infractions – et le ministère de l’intérieur ou le ministère de la justice répondra, ce qui permettra d’éclairer les travaux parlementaires.
Inutile d’alourdir le texte par une demande d’évaluation ; avis défavorable.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ article 14 est adopté.
L’amendement n° 160 rectifié, présenté par MM. Maurey, Canévet et Capo-Canellas, Mme Vermeillet, MM. Delahaye, Henno, Lafon et J.M. Arnaud, Mme Billon, MM. Bonneau, Delcros et S. Demilly, Mme Guidez, M. Duffourg, Mme Herzog, M. Kern, Mme de La Provôté, MM. Le Nay, Louault et P. Martin, Mme Saint-Pé, MM. Chatillon et Reichardt, Mme Ventalon, MM. Lefèvre et B. Fournier, Mme Micouleau, M. Belin, Mme Deroche, MM. C. Vial, Pellevat, D. Laurent et Courtial, Mmes Schalck et Joseph, M. Genet, Mme Lassarade, M. Bonhomme, Mmes Dumont et Puissat, MM. Bouchet, J.P. Vogel et E. Blanc, Mmes Garriaud-Maylam, Pluchet et Muller-Bronn, MM. Burgoa, de Nicolaÿ et Laménie, Mme Richer, MM. Brisson et Paccaud, Mme Demas, MM. Chaize, Tabarot, Verzelen, Pointereau et Savary, Mmes Drexler et Noël et MM. J.M. Boyer, Chasseing, Wattebled, Menonville et Decool, est ainsi libellé :
Après l’article 14
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 495-17 du code de procédure pénale, il est inséré un article 495-… ainsi rédigé :
« Art. 495-….– Les maires sont habilités à dresser procès-verbal des infractions susceptibles de donner lieu au paiement d’une amende forfaitaire.
« La liste de ces infractions ainsi que la liste des prestataires auprès desquels ils peuvent se procurer les supports nécessaires à cette verbalisation, y compris ceux nécessaires à une verbalisation électronique, est communiquée après le renouvellement général des conseils municipaux aux maires par le représentant de l’État dans le département. »
La parole est à M. Laurent Lafon.
Cet amendement, que je défends au nom de notre collègue Hervé Maurey, a pour objet d’améliorer l’information du maire sur ses pouvoirs de verbalisation et ainsi de renforcer la réponse pénale apportée à certaines infractions.
Le maire et ses adjoints ont le pouvoir de constater et de verbaliser eux-mêmes les contraventions susceptibles d’être sanctionnées par le système de l’amende forfaitaire.
Le recours à ce dispositif est toutefois rare, car les maires n’ont bien souvent connaissance ni de cette possibilité, ni de la liste des différentes infractions qui peuvent être sanctionnées, ni de la procédure à suivre.
Par ailleurs, cette procédure se heurte à un obstacle pratique, l’approvisionnement en carnets à souches n’étant pas, semble-t-il, sans difficulté – nombre d’imprimeries n’en produisent plus. Les communes ne disposent malheureusement pas toujours non plus des outils permettant le relevé de l’amende forfaitaire par procès-verbal électronique ; le coût de tels outils n’est pas négligeable pour les plus petites d’entre elles, alors que ce dispositif se généralise.
En l’absence de police municipale, et compte tenu de la disparition des gardes champêtres, certains maires souhaiteraient pouvoir recourir à ce dispositif.
Il conviendrait d’améliorer l’information des maires et de leurs adjoints sur les pouvoirs qui sont les leurs en matière de verbalisation, sur les infractions concernées et sur les modalités d’exercice de ces attributions.
Le présent amendement tend également à expliciter dans la loi ce pouvoir de verbalisation des maires.
La discussion de cet amendement de notre collègue Hervé Maurey nous offre l’occasion d’un débat très intéressant sur les pouvoirs de police du maire.
Nos collègues maires, sur le terrain, dans les 35 000 communes de France, doivent avoir bien conscience de l’étendue de leurs pouvoirs de police administrative et de l’étendue de leurs pouvoirs de police judiciaire, étant précisé que la question de savoir si les prérogatives personnelles du maire en tant qu’OPJ ne relèvent pas de la quasi-fiction juridique. Elle mériterait en elle-même l’organisation d’un colloque…
Je lis que certains maires « souhaiteraient pouvoir » faire usage de ce pouvoir attaché à leurs fonctions. Or je rappelle que ce pouvoir ne peut être délégué à la police municipale : les maires doivent l’exercer en propre et, le cas échéant, encourent évidemment toute la responsabilité que cela recouvre.
Nous avons longuement parlé de la formation des OPJ en début d’après-midi. Dans l’hypothèse ici envisagée, il faudrait que les maires se soumettent à la même formation que les OPJ policiers nationaux ou gendarmes, afin d’être capables, sur le terrain, de délivrer ces amendes forfaitaires délictuelles.
L’enjeu est donc de taille. La proposition formulée par Hervé Maurey permet d’ouvrir un débat ; je ne suis pas sûr, en revanche, que la réponse qu’il nous soumet soit tout à fait idoine. Pour cette raison, la commission des lois a souhaité connaître l’avis du Gouvernement sur cette question ô combien sensible de l’étendue réelle des pouvoirs de police judiciaire du maire tels qu’ils peuvent s’exercer actuellement sur le terrain.
Je suis défavorable à cet amendement, mais pour d’autres raisons que celles qui viennent d’être exposées.
Le maire étant un officier de police judiciaire, certes d’un type original, il me semble qu’il peut dresser des contraventions, et même infliger des amendes forfaitaires délictuelles, dès lors qu’un certain nombre de règles de droit qui sont propres aux élus sont respectées. Les maires exercent bien souvent cette attribution par l’intermédiaire de leurs services municipaux, notamment leur police municipale, mais ils peuvent aussi le faire directement – cela m’est arrivé lorsque j’étais moi-même maire.
Il est évident néanmoins que ce droit doit être mieux encadré, et notamment rendu plus lisible pour les élus locaux. Je veux bien admettre que les maires des plus petites communes de France sont souvent un peu ignorants de la façon dont ils peuvent dresser une contravention. Je pense en particulier à ceux qui ne peuvent compter sur des gardes champêtres ou des policiers municipaux, habituellement délégataires de ce pouvoir du maire.
Je remarque par ailleurs que les procureurs ne suivent pas toujours les avis de contravention et les demandes formulées par les maires en tant qu’OPJ.
Il me semble en tout cas que le présent texte n’est pas l’outil adéquat pour revoir le pouvoir d’OPJ du maire, qui pose bien d’autres questions – je citerai celle de la chaîne pénale et celle des pouvoirs propres que confère au maire le code général des collectivités territoriales.
Un sénateur de ma région, Stéphane Demilly, que je connais depuis très longtemps, a envoyé voilà quelques jours à l’ensemble des maires de son département un petit document contenant quelques pages sur les pouvoirs d’OPJ du maire, expliquant notamment comment verbaliser. Ayant essayé de lire cette présentation simplifiée et pleine de bon sens du droit en vigueur, je dois avouer qu’à la place des maires je me serais posé davantage de questions en fin de lecture qu’en début…
Je sais que, dans les communes rurales, les gendarmes essaient souvent, dans la mesure du possible, d’organiser des formations spécifiques ; il est vrai que les policiers ne le font pas – et le département de M. Lafon ne relève pas entièrement de la gendarmerie nationale… C’est un problème : les mêmes difficultés peuvent se poser en zone urbaine.
En tout état de cause, une partie de la direction générale des collectivités locales (DGCL) étant désormais sous ma responsabilité, je suis prêt à travailler très rapidement avec vous, en parfaite intelligence, à clarifier les pouvoirs d’OPJ du maire, qui ne sont pas toujours bien compris, y compris par les services de l’État. Nous pourrions le faire dans le cadre d’un projet de loi relevant du garde des sceaux ou d’un texte spécifiquement consacré aux questions de sécurité – vous serez saisis très bientôt d’un nouveau texte en la matière –, ou encore d’une proposition de loi sénatoriale.
J’incline donc à demander le retrait de cet amendement.
À la lumière des informations et des éléments de réflexion apportés par M. le ministre, nous nous rangeons à l’avis du Gouvernement et demandons le retrait de cet amendement.
Compte tenu des arguments avancés par M. le ministre et surtout de cette ouverture au dialogue sur ce thème important pour nos maires, je le retire, madame la présidente.
L’article 222-17 du code pénal est ainsi rédigé :
« Art. 222 -17. – La menace de commettre un crime ou un délit par quelque moyen que ce soit contre les personnes dont la tentative est punissable, est punie de six mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende.
« La peine est portée à trois ans d’emprisonnement et à 45 000 euros d’amende s’il s’agit d’une menace de mort. »
Une dizaine de nos amendements ont été déclarés irrecevables, dont cinq portant sur les articles 14 bis et 15. Je ne doute pas qu’ils l’aient été à juste raison, mais nous peinons à comprendre la cohérence des décisions prises.
Je regrette, entre autres, que nous n’ayons pas pu débattre du port d’arme des policiers hors service dans les établissements recevant du public (ERP).
Nous aurions pu en rediscuter dans le cadre de l’examen du présent projet de loi…
Que nous dit, à raison, M. le ministre ? Que le ministère doit nouer des liens avec la recherche. Or, monsieur le ministre, les études semblent montrer – mais peut-être en disposez-vous d’autres – que l’augmentation du port d’arme, y compris non ostensible, est corrélée à une augmentation des violences de près de 15 %, ou encore qu’on a déjoué davantage d’attaques armées sans l’aide d’une riposte armée qu’avec une telle aide.
Il existe sans doute d’autres chiffres et d’autres études aux conclusions différentes, mais le débat est ouvert. L’ouvrage mérite donc d’être remis une nouvelle fois sur le métier.
Nous aurions aimé pouvoir discuter de mesures dont nous pensons qu’elles n’ont pas été adoptées dans le cadre d’une réflexion apaisée. Nous souhaitons par ailleurs pointer un certain manque de cohérence de la part de nos rapporteurs et de notre assemblée. On nous oppose souvent que tel ou tel débat a déjà eu lieu et a été tranché ; faut-il comprendre qu’une nouvelle règle s’applique en vertu de laquelle il est interdit de discuter deux fois du même sujet dès lors qu’une décision a été prise ? Je m’adresse non pas à vous, monsieur le ministre, mais à mes collègues…
Une telle règle n’existe pas, et pour cause ; pourquoi, dès lors, traiter de la réforme du directeur départemental de la police nationale (DDPN) avant la publication du rapport ? D’ailleurs, M. le rapporteur Daubresse nous a dit à propos de plusieurs sujets qu’il n’était pas question de les traiter maintenant au motif qu’un rapport était en cours d’écriture. Où est la cohérence ? On traite deux fois du même sujet ?… On attend que le rapport soit disponible pour en discuter ?…
Cette façon de faire la loi nous a un peu perturbés.
L’amendement n° 40, présenté par M. Durain, Mme de La Gontrie, M. Bourgi, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur et Gillé, Mme G. Jourda, M. Jacquin, Mmes Carlotti, Conconne et Artigalas, MM. Cardon et Cozic, Mmes Le Houerou, Meunier, Monier et Rossignol, MM. Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
L ’ article 14 bis est adopté.
L’amendement n° 127 rectifié quater, présenté par Mme Noël, MM. Laménie, Karoutchi et J.B. Blanc, Mmes V. Boyer et Lopez, MM. Chaize et Calvet, Mme L. Darcos, MM. Pellevat et Reichardt, Mmes Thomas et Micouleau, MM. D. Laurent et Cambon, Mmes Garriaud-Maylam et Muller-Bronn, MM. Allizard et Anglars, Mmes Dumont et Borchio Fontimp, M. Pointereau, Mme Schalck, MM. Bouchet, B. Fournier et Chatillon, Mmes Pluchet et Joseph, MM. Longuet et Charon, Mmes Drexler et Deroche, M. Sol, Mme Goy-Chavent, MM. Duplomb, J.M. Boyer, Savin, Belin et Genet, Mme Bellurot, M. Bonhomme, Mme de Cidrac, M. Bouloux et Mmes Raimond-Pavero et Devésa, est ainsi libellé :
Après l’article 14 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 322-4-1 du code pénal, il est inséré un article 322-4-… ainsi rédigé :
« Art. 322 -4 -… – I. – Par dérogation, tout groupe de personnes auteur d’une installation illicite telle que prévue à l’article 322-4-1, reconnu coupable de délits ou d’infractions relevant de destructions, dégradations, détériorations ne présentant pas de danger pour les personnes, sur un terrain appartenant soit à une commune soit à tout autre propriétaire, ne peut se prévaloir des dispositions de protections conférées par la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage.
« II. – Par dérogation au même article 322-4-1, lorsqu’un groupe de personnes est reconnu coupable de délits ou d’infractions relevant de destructions, dégradations, détériorations ne présentant pas de danger pour les personnes, sur un terrain public ou privé occupé de manière illicite, les dispositions prévues à l’article 495-17 du code de procédure pénale ne s’appliquent pas. »
La parole est à Mme Sylviane Noël.
Nous sommes nombreux, dans cet hémicycle, à subir les occupations illicites de gens du voyage ; mon département, la Haute-Savoie, est particulièrement concerné par cette question.
Mais je vais vous parler à présent d’un tout autre phénomène. Par cet amendement, mes chers collègues, je souhaite vous rendre sensibles au problème des agissements répétés de groupes dont les membres peuvent difficilement être qualifiés de « gens du voyage », tant ils ne voyagent plus ou très peu – ils s’apparentent davantage à des voyous sans foi ni loi, ne respectant rien, se moquant de tout, laissant à chacun de leurs passages une désolation et une colère immenses.
Aires saccagées, champs détériorés, activités entravées, délits en tout genre, etc. Chaque année, de telles situations se répètent, suscitant l’exaspération des élus et de nos concitoyens.
Pourtant, malgré ces méfaits, ces communautés peuvent continuer de se prévaloir des dispositions de la loi Besson, qui privent la collectivité du bénéfice de la procédure d’expulsion par la voie administrative, la plus rapide, la moins coûteuse et la plus efficace, dans l’hypothèse où ladite collectivité n’aurait pas complètement rempli ses obligations au regard du schéma départemental d’accueil des gens du voyage, schéma toujours plus exigeant et coûteux et dont les prescriptions ne sont plus tenables pour les élus.
La situation qui prévaut actuellement n’est plus admissible. La loi Besson montre chaque jour ses limites et ses failles – beaucoup de droits pour certains, beaucoup d’obligations pour d’autres –, qui conduisent à de telles dérives.
Lorsqu’une commune ne remplit pas totalement ses obligations, elle n’a d’autre choix que de recourir à une procédure judiciaire fastidieuse, longue et coûteuse ; il arrive qu’elle doive attendre plusieurs semaines avant l’exécution de la décision par la force publique, ce qui laisse à ces groupes tout le loisir de prolonger leur séjour irrégulier sans être inquiétés, et ce parfois pendant plusieurs mois.
Le déséquilibre entre les droits et les devoirs de chacun est patent. Je vous propose donc de corriger cette injustice au bénéfice de nos collectivités locales et de nos concitoyens, qui ne peuvent plus tolérer de tels agissements.
L’objet de mon amendement est de faire en sorte que les communautés qui se seraient rendues coupables d’agissements délictueux ne puissent plus se prévaloir des dispositions de la loi Besson et qu’il soit possible dans tous les cas de mettre en œuvre la procédure administrative pour les expulser.
Mme Noël, comme les nombreux collègues signataires de cet amendement, sait combien je partage sa préoccupation concernant les installations illicites de gens du voyage.
Je note néanmoins deux difficultés.
Premièrement, l’adoption de cet amendement reviendrait à supprimer une amende forfaitaire délictuelle qui n’est entrée en vigueur qu’au mois de janvier 2022, bien que le Sénat l’ait votée à la fin de l’année 2018. Nous avons bataillé pour obtenir, de haute lutte, que cette AFD soit mise en place. Sur le terrain, elle pose de très grandes difficultés, puisqu’elle suppose la reconnaissance de l’infraction par la personne qui est mise en cause – en réalité, une telle reconnaissance n’intervient quasiment jamais.
Dans la mesure où cette AFD ne peut être mise en œuvre en l’absence de reconnaissance de l’infraction, il faudrait que des consignes très claires soient données aux forces de police et de gendarmerie afin de permettre malgré tout une prise en charge au titre de la flagrance ou de la gravité du délit commis. Ainsi une réponse pénale pourrait-elle être apportée rapidement sur le terrain, indépendamment, d’ailleurs, des questions de conformité au schéma départemental, tant ledit schéma est difficile à appliquer dans un territoire frontalier comme le nôtre, et ce nonobstant la bonne volonté des élus.
Cette AFD est de surcroît mise en œuvre de façon différenciée suivant les parquets ; il est donc nécessaire qu’en la matière une doctrine soit édictée, monsieur le ministre…
Deuxièmement, ma chère collègue, le problème que vous soulevez a trait à l’application de la loi Besson, ce qui dépasse de beaucoup le périmètre du présent projet de loi. Marc-Philippe Daubresse et moi-même n’avons mené aucune audition sur la question des gens du voyage ; je ne botte pas en touche – sur ces sujets, il faut vraiment que nous avancions –, mais je ne suis pas sûr que ce texte soit, en la matière, le véhicule approprié.
Demande de retrait.
Vous ne remettez pas en cause la loi Besson en elle-même, madame la sénatrice – j’ai bien compris néanmoins que vous vous posiez des questions quant à sa légitimité, en tout cas quant à son application. Vous proposez qu’un groupe occupant un terrain public, s’il a commis des infractions, ne puisse plus se prévaloir du droit de s’y installer quand bien même la commune concernée ne se serait pas conformée aux obligations lui incombant en vertu du schéma approuvé par l’organe délibératif du département.
Cette disposition me paraît intéressante : la philosophie de la loi Besson, c’est l’accueil des gens du voyage, pas l’accueil inconditionnel de toutes les personnes, y compris celles qui commettent des actes délictuels ou violents et dégradent le bien public sans jamais payer de réparations. Ayant été maire, je vois parfaitement ce que vous voulez dire.
Si j’en approuve le principe, votre amendement pose néanmoins une difficulté : vous évoquez un « groupe ». Or, en tant que ministre de l’intérieur, je ne vois pas comment, sauf à se faire un petit plaisir démagogique, on pourrait inscrire dans le code pénal la mention d’un tel « groupe » sans davantage de précisions… La composition des « groupes » que vous visez est évolutive : leurs quinze ou vingt membres peuvent ne pas toujours être les mêmes.
À coup sûr, le Conseil constitutionnel censurerait une telle disposition, car il n’y a pas de responsabilité pénale du fait d’autrui. Par ailleurs, les procédures ouvertes sur ce fondement seraient sans doute très largement remises en cause par la partie défenderesse : quinze des vingt personnes qui sont de retour sur le terrain occupé ont certes été reconnues coupables des dégradations constatées, plaidera-t-on par exemple, mais les cinq autres, étant nouvelles, peuvent continuer de se prévaloir de leurs droits…
Si je comprends votre proposition, madame la sénatrice, je pense que ce dispositif ne « vole » pas, comme disent les techniciens du droit, au sens où l’adoption de cet amendement ne saurait produire les effets escomptés – c’est tout à fait normal s’agissant d’un amendement qui n’a pas été examiné par la commission des lois : le droit est complexe…
Ce qui est certain, monsieur le rapporteur, madame la sénatrice, c’est que les occupations de caravanes posent un triple problème – et je m’adresse à deux sénateurs de la Haute-Savoie.
Premièrement, il appartient au conseil départemental d’élaborer un schéma. Ayant été moi-même conseiller départemental, je suis bien placé pour savoir qu’il faut parfois prendre ses responsabilités. Ces schémas peuvent tenir compte de différents paramètres : ici trop d’urbanisation, là une frontière, là un fleuve, là encore des difficultés d’application de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU). Lorsque des communes sont privées du concours de la force publique au motif qu’elles ne se sont pas conformées au schéma départemental, il doit être possible, avant d’envisager la modification de la loi ou l’intervention du préfet, de demander aux élus départementaux d’élaborer un autre schéma.
C’est ainsi que j’ai moi-même procédé dans mon département… Je ne dis pas que tout est absolument parfait dans le département du Nord, qui voit lui aussi passer beaucoup de gens du voyage dans des conditions qui peuvent s’avérer difficiles tant pour eux que pour la puissance publique. Mais les choses s’y sont beaucoup calmées depuis que, par exemple, la faculté a été accordée aux communes de mutualiser une aire d’accueil des gens du voyage. C’est ce qui s’est passé dans ma propre commune, qui s’est rapprochée de communes voisines se trouvant dans une situation analogue ; j’avais préalablement obtenu, avec la majorité départementale, une modification du schéma.
Je connais un peu la situation de la Haute-Savoie – je lis la presse et j’ai visité votre département il y a peu. La première des choses à faire serait d’obtenir du conseil départemental, dont je salue le président, M. Saddier, qu’il revoie le schéma d’accueil. Les services de la préfecture de Haute-Savoie sont à votre disposition pour vous accompagner dans ce travail.
Deuxièmement, la question se pose de l’applicabilité des lois Besson et surtout Besson II, compte tenu des autres contraintes qui s’imposent aux élus locaux – je pense notamment à l’article 55 de la loi SRU.
Cette question ne relève pas de ma compétence de ministre de l’intérieur, mais c’est bien malgré tout ledit ministre que les collectivités viennent chercher pour expulser des personnes avec le concours de la force publique ; or, à titre personnel, il me semble inopérant de dire à une commune qui se trouve avoir peu de foncier qu’elle doit à la fois respecter la loi SRU et les obligations de mise à disposition d’une aire d’accueil des gens du voyage.
Je sais que le Gouvernement n’a pas répondu très favorablement aux demandes qui lui ont été adressées, mais la Haute Assemblée pourrait le pousser à agir en ce sens : je suis pour que les communes qui mettent une aire d’accueil à la disposition des gens du voyage puissent voir diminuer d’autant les obligations qui leur incombent en application de la loi SRU. En effet, il y a bien là, en un sens, une forme de logement social : il faut organiser la scolarisation des enfants, le ramassage des ordures, le raccordement au réseau électrique, etc.
À supposer qu’un tel principe puisse prévaloir, les schémas départementaux seraient plus faciles à élaborer, vous les respecteriez davantage, vous seriez donc plus fondés à adresser au préfet une demande d’expulsion et celui-ci vous accorderait plus aisément le concours de la force publique.
Troisièmement, je veux aussi souligner la grande difficulté que peuvent poser les questions de propriété, publique ou privée, des terrains concernés. Prenons l’exemple d’un terrain privé dont le propriétaire ne porte pas plainte, voire reste introuvable – dans ma propre commune, le cas s’est présenté de terrains industriels dont on ne savait même plus à qui ils appartenaient après trente ou quarante ans d’abandon… Tant que le propriétaire de ce terrain ne porte pas plainte, sachant qu’on ne peut pas porter plainte à sa place, toute la population de la commune continue de subir les désagréments – terrain privé, désagréments publics.
Il faut sans doute, monsieur le rapporteur, que le législateur se penche sur cette question pour permettre par exemple à la puissance publique, un certain délai étant échu, de se substituer propriétaire si celui-ci ne porte pas plainte.
Il m’est aussi arrivé de constater que plusieurs terrains publics coexistaient sur la parcelle occupée. Si le département, le syndicat intercommunal et la commune n’arrivent pas à tomber d’accord, il devient impossible d’expulser les personnes.
Lorsque le préfet refuse d’accorder le concours de la force publique – on m’interpelle souvent sur ce thème –, c’est parfois qu’il a simplement oublié de consulter sa boîte mail ou de répondre à son téléphone
Sourires.
L’exercice consistant à élaborer un schéma départemental d’accueil des gens du voyage peut s’avérer très complexe, je veux bien l’admettre, surtout à la veille des sénatoriales ou des municipales… §Mais, pour l’avoir fait, je peux vous dire qu’on finit par s’en sortir plutôt bien. Surtout, il est toujours préférable, à tous égards, qu’une commune se conforme à la loi. Je veux aussi préciser que nombre de gens du voyage s’installent légalement, vivent du fruit de leur travail, élèvent leurs enfants. La République a reconnu qu’ils avaient le droit de vivre ainsi ; il faut désormais, pour enrayer les difficultés constatées, essayer d’encadrer nos pratiques plutôt que de crier au loup – ce que vous n’avez pas fait, madame la sénatrice : je vous l’ai dit, sur le principe, je suis d’accord avec vous.
Demande de retrait.
M. Loïc Hervé, rapporteur. Je remercie Sylviane Noël d’avoir pris l’initiative de cet amendement ; c’est l’occasion pour nous d’avoir avec le ministre de l’intérieur un débat important. Ce débat, d’ailleurs, concerne non seulement la Haute-Savoie, mais aussi bien d’autres départements sur le territoire national ; sur le terrain, il préoccupe beaucoup les élus.
Mme Annick Billon le confirme.
Monsieur le ministre, vous avez raison : le président du conseil départemental a un rôle à jouer. Reste qu’en la matière la signature est double : le préfet doit cosigner.
Dans des départements qui, par exemple, sont à mi-parcours de leur schéma départemental, il pourrait être intéressant d’en prescrire la révision…
… afin que les objectifs qui y figurent soient soutenables.
Je ne parle absolument pas de réduire l’ambition des schémas départementaux, mais il faudrait simplement les rendre soutenables. On demande à Annemasse, agglomération située aux frontières de Genève, de créer quarante-cinq logements de sédentarisation ; imaginez ce qu’un tel projet représente pour une commune de cette taille !
Le Président de la République est venu récemment dans notre département ; il a pris devant les parlementaires de la Haute-Savoie l’engagement qu’un nouveau texte serait étudié par le Parlement. Vous avez confirmé cette intention. J’ai presque envie, avec la permission de Sylviane Noël, de saisir la balle au bond : nous pourrions compléter les propositions déjà formulées par le Sénat au gré de ses travaux et, assez vite, présenter un nouveau texte de loi dans le cadre d’une niche de la majorité sénatoriale. Il faut aller de l’avant, corriger, s’il y a lieu, ce dispositif de l’amende forfaitaire délictuelle et, en tout cas, apporter des réponses très concrètes aux élus, qui n’en peuvent plus de cette situation.
Merci, monsieur le ministre, pour votre écoute. Je maintiens la demande de retrait adressée à Mme Noël.
J’ai cosigné l’amendement de ma collègue.
Je ne stigmatise pas les gens du voyage : certains sont bien établis et respectent les lieux où ils sont accueillis.
Au-delà de la question des expulsions, soyons attentifs à l’« après », c’est-à-dire à tout ce qui reste sur les terrains une fois les occupants partis. Dans mon département de l’Essonne, où des gens du voyage sont très souvent de passage, certaines communes se retrouvent encombrées de tas d’immondices épouvantables. La petite ville de Champlan a connu jusqu’à vingt-deux camps illicites sur son territoire ; elle ne sait pas quoi faire des détritus, qui ne sont pas de simples ordures et contiennent y compris des substances très dangereuses, et l’État est lui aussi démuni devant ce phénomène.
On parle beaucoup actuellement de développement durable, mais cette question-là n’est pas assez traitée dans les textes. À mon tour, après Loïc Hervé, de saisir la balle au bond : au-delà même du sujet de l’occupation des terrains, c’est toute la question de l’« après » qui mérite réflexion : la charge pour les communes est épouvantable, et les habitants n’en peuvent plus.
Monsieur le ministre, j’ai bien compris que mon amendement était imparfait d’un point de vue juridique ; je vais donc le retirer. Je suis heureuse néanmoins que nous ayons ce débat.
Comme l’a rappelé mon collègue Loïc Hervé, il s’agit d’un problème majeur. Les élus sont en la matière extrêmement démunis ; ils y perdent leur crédibilité auprès de la population, qui ne comprend pas comment des groupes commettant de tels actes peuvent demeurer pendant des semaines sur des terrains de leur commune sans être inquiétés.
Les procédures sont trop longues… Il faut que nous réussissions à ajuster notre réglementation. Je réitère l’invitation de mon collègue : venez en Haute-Savoie rencontrer les élus, monsieur le ministre ; nous vous exposerons précisément les difficultés que nous rencontrons au quotidien. Ainsi pourrons-nous envisager une évolution de la loi Besson.
Quant à l’idée de décompter les aires d’accueil des obligations de la loi SRU, sachez que nous en avons formulé à plusieurs reprises la demande, systématiquement rejetée par votre gouvernement. J’espère qu’un jour nous trouverons un compromis s’agissant d’une question sur laquelle nous sommes très attendus.
L’amendement n° 127 rectifié quater est retiré.
L’amendement n° 78, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon, Mme M. Vogel et les membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, est ainsi libellé :
Après l’article 14 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le Gouvernement présente au Parlement, dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport sur l’usage des générateurs d’aérosols lacrymogènes ou incapacitants par les forces de l’ordre lors des manifestations et événements sportifs.
II. – Ce rapport peut faire l’objet d’un débat en commission permanente ou en séance publique.
La parole est à M. Guy Benarroche.
Depuis quelques années, les forces de l’ordre font un usage répété et accru des bombes lacrymogènes lors de manifestations, voire d’événements sportifs. On connaît les effets d’un tel usage sur la santé des personnes présentes dans la zone où les gaz sont dispersés. Songez à la gestion des incidents survenus aux abords du Stade de France le 28 mai 2022 à Saint-Denis : nous n’en ignorons rien, le Sénat ayant rédigé sur ces questions relatives au maintien de l’ordre un important rapport d’information, après avoir entendu, entre autres, le préfet Lallement. Il a été démontré qu’à cette occasion un mauvais usage avait été fait des grenades lacrymogènes.
Venant de Marseille, il me faut citer aussi ce fait divers dramatique qui a vu le décès, en décembre 2018, d’une octogénaire frappée à la tête par un tir de grenade alors qu’elle se trouvait à la fenêtre de son appartement dans le centre-ville, où se déroulait une manifestation de « gilets jaunes ».
Il s’agit non pas de dire que tout va mal, mais qu’il y a là, dans ces pratiques aléatoires et disproportionnées au regard de la réalité du terrain, une vision du maintien de l’ordre très particulière, qui n’est pas la seule possible et qui porte atteinte, nous semble-t-il, à l’État de droit.
Il faut mener une réflexion sur cette doctrine ; par cet amendement, nous demandons au Gouvernement de dresser un bilan de l’usage des aérosols lacrymogènes ou incapacitants lors des manifestations et des événements sportifs.
Le prochain examen d’un texte spécifique portant sur l’organisation des jeux Olympiques nous permettra de rediscuter de la sécurité des événements sportifs.
Avis défavorable sur cette demande de rapport.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
Le code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :
1° Le chapitre V du titre Ier du livre Ier est abrogé ;
2° À la première phrase du dernier alinéa de l’article L. 742-1, après le mot : « actions », sont insérés les mots : « ou de décisions » ;
3° Après l’article L. 742-2, il est inséré un article L. 742-2-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 742 -2 -1. – Lorsqu’interviennent des événements de nature à entraîner un danger grave et imminent pour la sécurité, l’ordre ou la santé publics, la préservation de l’environnement, l’approvisionnement en biens de première nécessité ou la satisfaction des besoins prioritaires de la population définis à l’article L. 732-1, le représentant de l’État dans le département du siège de la zone de défense et de sécurité peut, si le représentant de l’État dans le département l’estime nécessaire pour assurer le rétablissement de l’ordre public et mettre en œuvre les actions mentionnées au troisième alinéa de l’article L. 742-1 et le sollicite, l’autoriser, à ces seules fins, à diriger l’action de l’ensemble des services et établissements publics de l’État ayant un champ d’action territorial, alors placés pour emploi sous son autorité. Le représentant de l’État dans le département prend les décisions visant à rétablir l’ordre public ou à mettre en œuvre les actions mentionnées au même troisième alinéa après avis de l’autorité compétente de l’établissement public.
« La décision du représentant de l’État dans le département du siège de la zone de défense et de sécurité est prise pour une durée maximale d’un mois. Elle détermine la ou les circonscriptions territoriales à l’intérieur desquelles elle entre en vigueur. Elle peut être renouvelée, dans les mêmes formes, par période d’un mois au plus, si les conditions l’ayant motivée continuent d’être réunies. Il y est mis fin sans délai dès que les circonstances qui l’ont justifiée ont cessé. »
L’amendement n° 198, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
L’article 15 renforce l’autorité fonctionnelle exercée par le préfet sur les services déconcentrés de l’État et sur les établissements publics couvrant un large champ de l’action publique.
Nous considérons que le régime actuel de l’état d’urgence permet déjà d’octroyer des prérogatives exorbitantes du droit commun aux préfets ; il n’est pas nécessaire de prévoir une disposition spécifique pour les zones départementales. Cet article nous semble donc superfétatoire.
D’où l’expression que j’ai utilisée dans la discussion générale : la Lopmi serait l’antichambre de la réforme à venir portant départementalisation de la police judiciaire.
Nous serons évidemment très attentifs à l’évolution des textes comme aux travaux de la mission d’information que la commission des lois du Sénat vient de créer sur cette question. Mais, pour l’heure, nous demandons la suppression de cet article.
Le présent article, dont Mme Assassi demande la suppression, renforce les prérogatives des préfets de département en cas d’événement d’une particulière gravité, en plaçant sous leur autorité les services et les établissements publics de l’État ayant un champ d’action territorial.
En commission, nous avons même adopté – et c’est une bonne chose – un amendement visant à placer également l’agence régionale de santé sous l’autorité du préfet.
De fait, je ne partage pas les craintes que vous avez évoquées. Alors que nous venons de traverser une intense période de crise, nous devons profiter de l’examen de ce projet de loi pour renforcer nos capacités en la matière et réaliser une forme d’unité de commandement autour du préfet. Il s’agit là d’un article tout à fait opportun.
Le Sénat a d’ailleurs rédigé, dès 2020, sous la direction de Philippe Bas, un rapport d’information afin de mieux organiser la Nation en temps de crise.
L’avis de la commission est donc défavorable.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 69, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon, Mme M. Vogel et les membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, est ainsi libellé :
I – Alinéa 5, première phrase
Supprimer les mots :
la sécurité, l’ordre ou la santé publics,
II – Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Cette disposition n’est pas applicable à l’établissement public mentionné à l’article L. 1435-1 du code de la santé publique, lorsque la situation dans le département justifie la mise en œuvre des dispositions de l’article L. 3131-1 du même code pour les mesures qu’elles prévoient et qui relèvent de la compétence de cet établissement. »
La parole est à M. Guy Benarroche.
Les sénateurs de notre groupe reconnaissent la nécessité de pouvoir assurer, au niveau départemental, une unité de commandement en temps de crise, permettant de garantir la rapidité, l’efficacité et l’intelligibilité des décisions à prendre.
Néanmoins, nous considérons que la liste des crises à l’occasion desquelles le préfet est habilité à diriger l’action de l’ensemble des services et établissements de l’État est trop large. L’amendement vise donc à recentrer l’habilitation préfectorale sur les événements résultant de la crise climatique, qui doivent concentrer toute l’attention de l’appareil d’État.
Le projet de texte inclut en effet « des événements de nature à entraîner un danger grave et imminent pour la sécurité, l’ordre et la santé publics », formulation qui nous paraît bien trop large et qui permet d’appliquer ces dispositions lors de périodes de manifestations et de mouvements sociaux d’ampleur et, par conséquent, de renforcer une certaine forme de réponse de l’État, par la main du préfet.
L’attention disproportionnée que le Gouvernement porte aux menaces à l’ordre public et à la sécurité reflète, me semble-t-il, une politique du tout-sécuritaire que nous avons dénoncée au cours des débats sur ce projet de loi d’orientation, qui n’est pas la nôtre puisque nous ne considérons pas la population comme une possible menace.
Par ailleurs, les auteurs de cet amendement soulignent que les menaces sécuritaires et sanitaires font – ou ont déjà fait – l’objet de régimes dérogatoires du droit commun, au travers des états d’urgence sécuritaire et sanitaire.
Enfin, les auteurs de l’amendement considèrent que l’extension des pouvoirs du préfet doit être recentrée sur les menaces climatiques, qui vont s’accentuer ces prochaines années et décennies. Ils font d’ailleurs remarquer que l’exposé des motifs du projet de loi indique que « tous les scénarios anticipant les crises de demain convergent vers leur augmentation, du fait a minima de phénomènes climatiques extrêmes », ce qui montre que l’objet premier de cette disposition est la crise climatique et ses conséquences – feux de forêts, épisodes météorologiques extrêmes, pénurie de denrées alimentaires, sécheresse. L’été que nous venons de traverser, durant lequel sont survenus une tempête meurtrière en Corse et des feux de forêt dévastateurs de mai à septembre, doit concentrer toutes les attentions de l’État.
Je ne peux pas soutenir l’amendement de notre collègue Guy Benarroche. En effet, cette réflexion sur les pouvoirs du préfet s’applique à tous les types de crises ; il ne faut pas les limiter aux crises environnementales – ce qui pourrait d’ailleurs soulever des questions d’interprétation s’agissant de la définition d’une crise environnementale, en tout cas liée au changement climatique, comme vous l’avez évoqué.
Le préfet de département doit être le patron des services quand tout va bien, et doit être aussi – et surtout – le patron de tous les services lorsque la cohésion sociale est affectée, et pas seulement en cas de crise environnementale.
Nous sortons de plusieurs crises ; nous savons donc ce que cela représente. Ces dernières heures, les préfets ont encore pris des décisions, soulignant ainsi que le pouvoir préfectoral dans le département est le pouvoir légitime de l’État ; il représente l’État, détenteur du pouvoir exécutif, et doit pouvoir prendre des décisions rapides. La commission des lois considère que c’est le bon échelon.
L’avis de la commission est donc défavorable.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 41, présenté par M. Durain, Mme de La Gontrie, M. Bourgi, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur et Gillé, Mme G. Jourda, M. Jacquin, Mmes Carlotti, Conconne et Artigalas, MM. Cardon et Cozic, Mmes Le Houerou, Meunier, Monier et Rossignol, MM. Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 6, première phrase
Avant le mot :
prise
insérer les mots :
motivée et rendue publique. Elle est
La parole est à M. Jérôme Durain.
L’objet de l’amendement concerne de nouveau le renforcement de la compétence de l’autorité fonctionnelle du préfet sur les services déconcentrés de l’État. Il nous semblerait utile que les conditions qui président à ce renforcement soient motivées et publiques.
Madame la présidente, je voudrais faire part à Jérôme Durain d’une observation que j’ai déjà faite en commission et qui ne le surprendra pas.
Lors d’une crise importante – et nous avons tous vécu des crises compliquées sur le terrain –, on ne va pas demander en plus aux services du préfet de zone de rendre publiques les raisons ayant motivé le placement sous l’autorité du préfet de département de l’ensemble des services et établissements publics de l’État concernés ! Le risque serait alors d’aboutir à la publication, par ses services, d’un arrêté type commençant par ces mots : « Étant donné la gravité de la situation, … », qui détaillerait ensuite les pouvoirs confiés au préfet de département.
Je comprends l’esprit de cet amendement. Néanmoins, sur un plan opérationnel, les dispositions qu’il prévoit n’ont aucun intérêt et alourdissent la charge de travail des services dans une période où le préfet de zone, le préfet de région et le préfet de département auront d’autres chats à fouetter que de produire des arrêtés – même si je sais que l’on ne doit pas fouetter les chats !
Sourires.
L ’ article 15 est adopté.
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 42 est présenté par MM. Bourgi et Durain, Mmes de La Gontrie et Harribey, MM. Kanner, Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur et Gillé, Mme G. Jourda, M. Jacquin, Mmes Carlotti, Conconne et Artigalas, MM. Cardon et Cozic, Mmes Le Houerou, Meunier, Monier et Rossignol, MM. Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 68 est présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon, Mme M. Vogel et les membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
A. – Après l’article 15
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :
1° L’article L. 411-1 est ainsi rédigé :
« Art. L. 411 -1. – Sans préjudice des attributions de l’autorité judiciaire, la police nationale relève de l’autorité du ministre de l’intérieur. » ;
2° Après l’article L. 411-1, sont insérés deux articles L. 411-1-2 et L. 411-1-3 ainsi rédigés :
« Art. L. 411 -1 -2. – L’organisation administrative et territoriale des services de la police nationale qui sont en charge de missions de police judiciaire veille à permettre à l’autorité judiciaire de diriger et de contrôler la police judiciaire et assure également à ce titre la spécificité de services de la police nationale dédiés à des missions de police judiciaire, tant à l’échelon national que territorial.
« Art. L. 411 -1 -3. – L’organisation administrative et territoriale des services de la police nationale en charge de missions de police judiciaire est fixée par décret en Conseil d’État. Ce décret est pris après avis préalable de la Cour de cassation lequel est transmis au Conseil d’État dans le cadre de son examen du projet de décret. L’avis de la Cour de cassation est également recueilli pour tout arrêté ou texte d’application dudit décret.
« L’avis de la Cour de cassation, prévu par le présent article, est rendu par l’assemblée générale des magistrats du siège et du parquet de la Cour de cassation après étude préalable du projet de texte par le bureau de la Cour de cassation. Il est rendu public lors de la publication du texte sur lequel il a été rendu. » ;
3° Après l’article L. 421-2, sont insérés deux articles L. 421-2-1 et L. 421-2-2 ainsi rédigés :
« Art. L. 421 -2 -1. – L’organisation administrative et territoriale des services de la gendarmerie nationale qui sont chargés de missions de police judiciaire veille à permettre à l’autorité judiciaire de diriger et de contrôler la police judiciaire et assure également à ce titre la spécificité de services de la gendarmerie nationale dédiés à des missions de police judiciaire, tant à l’échelon national que territorial.
« Art. L. 421 -2 -2. – L’organisation administrative et territoriale des services de la gendarmerie nationale en charge de missions de police judiciaire est fixée par décret en Conseil d’État. Ce décret est pris après avis préalable de la Cour de cassation lequel est transmis au Conseil d’État dans le cadre de son examen du projet de décret. L’avis de la Cour de cassation est également recueilli pour tout arrêté ou texte d’application dudit décret.
« L’avis de la Cour de cassation, prévu par le présent article, est rendu par l’assemblée générale des magistrats du siège et du parquet de la Cour de cassation après étude préalable du projet de texte par le bureau de la Cour de cassation. Il est rendu public lors de la publication du texte sur lequel il a été rendu. »
II. – Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi et selon les modalités prévues par le dernier alinéa des articles L. 411-1-3 et L. 421-2-2 du code de la sécurité intérieure, la Cour de cassation délivre un avis, rendu public par ses soins, relativement aux textes réglementaires en vigueur, régissant l’organisation administrative et territoriale des services de la police nationale et de la gendarmerie nationale en charge de missions de police judiciaire, et qui n’auraient pas encore fait l’objet d’un tel avis.
III. – L’article 12-1 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :
« Art. 12 -1. – Le procureur de la République, le juge d’instruction ou les autorités judiciaires compétentes ont le libre choix des officiers de police judiciaire territorialement compétents ou des services ou des formations auxquelles appartiennent les officiers de police judiciaire territorialement compétents et qui seront chargés de l’exécution de leurs réquisitions ou commissions rogatoires. »
B. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :
Chapitre …
Réaffirmer la direction et le contrôle de la police judiciaire par l’autorité judiciaire
La parole est à M. Jérôme Durain, pour présenter l’amendement n° 42.
Il s’agit d’un amendement dont le premier signataire est notre collègue Hussein Bourgi.
Dans son avis du 10 mars 2022 portant sur la première version de la Lopmi, le Conseil d’État a mis en garde sur l’existence d’une certaine érosion des pouvoirs de direction et de contrôle des enquêtes par le parquet, et donc par l’autorité judiciaire. Il nous semble – et à l’auteur de cet amendement –, qu’un mécanisme de consultation pour avis pourrait être utilement créé afin que toute réforme à venir, y compris par voie réglementaire, concernant l’organisation des services de police ou de gendarmerie en charge de missions de police judiciaire, soit soumise à l’avis simple de la Cour de cassation.
En harmonisant les règles applicables à la police nationale et à la gendarmerie nationale, nous voulons que le principe de la spécificité de services de police nationale et de la gendarmerie nationale dédiés à des missions de police judiciaire demeure assurer, tant à l’échelon national qu’à l’échelon territorial.
Dans une décision récente, le Conseil constitutionnel a rappelé qu’il résulte de l’article 66 de la Constitution que la police judiciaire doit être placée sous la direction et le contrôle de l’autorité judiciaire.
Le rapport final du comité des États généraux de la justice a souligné son attachement à ce que la police judiciaire continue d’exercer directement ses activités sous la direction des magistrats du parquet ou, le cas échéant, des juges d’instruction.
Jérôme Durain a, quant à lui, évoqué la position du Conseil d’État.
Le présent amendement vise tout d’abord à inscrire plus clairement l’exigence constitutionnelle, rappelée par le Conseil constitutionnel, dans la partie législative du code de la sécurité intérieure et à lui donner un sens plus concret en fixant des principes fondamentaux pour l’organisation administrative et territoriale des services en charge de missions de police judiciaire au sein de la police nationale ou de la gendarmerie nationale, et en permettant de prendre en compte l’avis de l’autorité judiciaire sur cette organisation.
L’amendement harmonise les règles applicables à la police nationale et à la gendarmerie nationale.
Il pose le principe selon lequel doit demeurer assurée la spécificité des services de la police nationale et de la gendarmerie nationale dédiés à des missions de police judiciaire, tant à l’échelon national qu’à l’échelon territorial.
Enfin, cet amendement vise aussi à garantir le libre choix des officiers de police judiciaire ou des services auxquels ils appartiennent, par l’autorité judiciaire compétente. En effet, cette liberté de choix est indispensable pour que cette dernière puisse décider, selon le contexte, quels seront les destinataires les plus pertinents de ses instructions ou réquisitions. L’indépendance des enquêtes judiciaires dépend de ce principe de libre choix des enquêteurs.
Cet amendement a aussi été proposé par l’Union syndicale des magistrats.
Cet amendement est l’un des derniers que nous examinons sur ce texte ; il nous paraît néanmoins s’agir d’un point important.
Ces amendements tendent à affirmer les principes de direction et de contrôle de la police judiciaire par l’autorité judiciaire. Ceux-ci ne sont pas remis en cause, sur le plan juridique, par la réforme de la police judiciaire telle qu’elle est envisagée. Ce sont en tout cas les assurances que le Gouvernement tend à nous donner.
Les conséquences pratiques de cette réforme seront examinées par la mission d’information de la commission des lois, qui a été confiée à notre collègue Nadine Bellurot et à vous, cher Jérôme Durain. Dès lors, la réaffirmation de ces principes ne nous semble pas nécessaire dans le cadre de ce projet de loi.
Par ailleurs, la procédure envisagée pour l’organisation de la police judiciaire paraît particulièrement lourde et complexe, puisqu’elle prévoit un avis systématique de la Cour de cassation sur un décret, ce qui me semble contraire à la séparation des pouvoirs.
Avis défavorable.
Les amendements ne sont pas adoptés.
I
II
III
1° L’article L. 765-1 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, la référence : « n° 2021-1520 du 25 novembre 2021 visant à consolider notre modèle de sécurité civile et valoriser le volontariat des sapeurs-pompiers et les sapeurs-pompiers professionnels » est remplacée par la référence : « n° … du … d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur » ;
b) Au 4°, après le mot : « publique », est insérée la référence : «, L. 742-2-1, » ;
2° Après le 23° de l’article L. 765-2, il est inséré un 23° bis ainsi rédigé :
« 23° bis L’article L. 742-2-1 est ainsi rédigé :
« “Art. L. 742-2-1. – Lorsqu’interviennent des événements de nature à entraîner un danger grave et imminent pour la sécurité, l’ordre ou la santé publics, la préservation de l’environnement, l’approvisionnement en biens de première nécessité ou la satisfaction des besoins prioritaires de la population définis à l’article L. 732-1, le haut-commissaire de la République en Polynésie française peut, pour assurer le rétablissement de l’ordre public et mettre en œuvre les actions mentionnées au troisième alinéa de l’article L. 742-1, diriger l’action de l’ensemble des services et établissements publics de l’État ayant un champ d’action territorial, alors placés pour emploi sous son autorité. Le haut-commissaire de la République en Polynésie française prend les décisions visant à prévenir et limiter les conséquences de ces événements, après avis de l’autorité compétente de l’établissement public.
« “La décision du haut-commissaire de la République en Polynésie française est prise pour une durée maximale d’un mois. Elle détermine la ou les circonscriptions territoriales à l’intérieur desquelles elle entre en vigueur. Elle peut être renouvelée, dans les mêmes formes, par période d’un mois au plus, si les conditions l’ayant motivée continuent d’être réunies. Il y est mis fin sans délai dès que les circonstances qui l’ont justifiée ont cessé.” » ;
3° Au premier alinéa de l’article L. 766-1, la référence : « n° 2021-1520 du 25 novembre 2021 visant à consolider notre modèle de sécurité civile et valoriser le volontariat des sapeurs-pompiers et les sapeurs-pompiers professionnels » est remplacée par la référence : « n° … du … d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur » ;
4° Après le 24° de l’article L. 766-2, il est inséré un 24° bis ainsi rédigé :
« 24° bis L’article L. 742-2-1 est ainsi rédigé :
« “Art. L. 742-2-1. – Lorsqu’interviennent des événements de nature à entraîner un danger grave et imminent pour la sécurité, l’ordre ou la santé publics, la préservation de l’environnement, l’approvisionnement en biens de première nécessité ou la satisfaction des besoins prioritaires de la population définis à l’article L. 732-1, le haut-commissaire, en charge de la zone de défense et de sécurité « Nouvelle-Calédonie » peut, pour assurer le rétablissement de l’ordre public et mettre en œuvre les actions mentionnées au troisième alinéa de l’article L. 742-1, diriger l’action de l’ensemble des services et établissements publics de l’État ayant un champ d’action territorial, alors placés pour emploi sous son autorité. Le haut-commissaire prend les décisions visant à prévenir et limiter les conséquences de ces événements, après avis de l’autorité compétente de l’établissement public.
« “La décision du haut-commissaire, en charge de la zone de défense et de sécurité « Nouvelle-Calédonie » est prise pour une durée maximale d’un mois. Elle détermine la ou les circonscriptions territoriales à l’intérieur desquelles elle entre en vigueur. Elle peut être renouvelée, dans les mêmes formes, par période d’un mois au plus, si les conditions l’ayant motivée continuent d’être réunies. Il y est mis fin sans délai dès que les circonstances qui l’ont justifiée ont cessé.” » ;
5° L’article L. 767-1 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, la référence : « n° 2021-1520 du 25 novembre 2021 visant à consolider notre modèle de sécurité civile et valoriser le volontariat des sapeurs-pompiers et les sapeurs-pompiers professionnels » est remplacée par la référence : « n° … du … d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur » ;
b) Au 3°, après la référence : « L. 742-1, », est insérée la référence : « L. 742-2-1, » ;
6° L’article L. 768-1 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, la référence : « n° 2021-1520 du 25 novembre 2021 visant à consolider notre modèle de sécurité civile et valoriser le volontariat des sapeurs-pompiers et les sapeurs-pompiers professionnels » est remplacée par la référence : « n° … du … d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur » ;
b) Au 3°, après la référence : « L. 742-1 », est insérée la référence : « L. 742-2-1, ».
IV
« L’article 12-10-1 est applicable dans les îles Wallis et Futuna dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur. »
V
VI. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est habilité à prendre par voie d’ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi, nécessaires à l’adaptation et à l’extension dans les collectivités qui relèvent des articles 73 et 74 de la Constitution et en Nouvelle-Calédonie de la présente loi.
Cette ordonnance est prise dans un délai de dix-huit mois à compter de la promulgation de la présente loi.
Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance.
Nous arrivons au terme de ce débat et j’ai l’honneur de quasiment le clôturer avec la présentation de mon amendement. Nous allons donc évoquer quelques éléments de fond afin de nous en souvenir.
J’ai eu le bonheur d’entendre hier M. le ministre nous dire que le Sénat n’aimait pas les ordonnances… J’espère donc que l’amendement que je m’apprête à vous soumettre sera voté à l’unanimité afin de donner du sens à cette déclaration !
Cela se passe toujours ainsi à la fin de l’examen d’un texte : on ajoute un petit « truc » sur l’outre-mer, en précisant qu’on procédera par la suite par ordonnance.
Monsieur le ministre, vous êtes saisi par plusieurs présidents d’exécutif, qui souhaitent que la donne change réellement dans les relations avec l’État au profit d’une méthode plus démocratique, plus libre, mieux construite, voire coconstruite.
Cette redondance d’ordonnances est gênante. Je sais que vous partagez mon avis ; nous en avons déjà parlé et, je le répète, vous l’avez dit encore hier.
Compte tenu des problèmes de sécurité très spécifiques que nous connaissons – plaque tournante de drogue –, des problèmes aux frontières, qui sont difficiles à contrôler et qui demandent beaucoup de matériel – vous en êtes conscient et je vous ai d’ailleurs remercié pour les nombreuses décisions extrêmement concrètes et pragmatiques que vous avez prises en live, et qui devraient donner des résultats très rapidement –, il est nécessaire d’ouvrir une nouvelle ère dans nos relations avec l’État qui ne serait plus synonyme d’abondance d’ordonnances, lesquelles nous privent de tout débat démocratique.
Il doit être possible de prévoir des articles et des mentions spécifiques destinées à des territoires spécifiques afin de répondre à des situations spécifiques.
M. Jean-Pierre Sueur applaudit.
Madame la sénatrice, vous avez parfaitement raison : j’invite donc le Sénat à voter, dans quelques instants, votre amendement tendant à supprimer l’habilitation à légiférer par ordonnance !
Je voudrais expliquer pourquoi nous en sommes là. Certaines dispositions doivent être adaptées à l’outre-mer, qui est régi par des articles de la Constitution différents selon le type de collectivité. La réponse que m’ont adressée les services est que l’entité chargée de ces questions au sein de la direction générale… ne nous a pas répondu ! De fait, vous n’avez pas, en tant que parlementaire, à subir ce que l’exécutif fait mal.
Je le répète, j’invite donc le Sénat à voter votre amendement. J’espère que, par la suite, cela forcera les uns et les autres à travailler pour présenter devant l’Assemblée nationale des dispositions « en dur ».
L’amendement n° 232, présenté par MM. L. Hervé et Daubresse, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 23
Remplacer la référence :
par la référence :
L. 129-2
La parole est à M. le rapporteur.
L ’ amendement est adopté.
L’amendement n° 50 rectifié, présenté par Mme Conconne, M. Durain, Mme de La Gontrie, MM. Kanner et Bourgi, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Le Houerou, MM. Sueur, Leconte et Marie, Mme G. Jourda, M. Gillé, Mmes Artigalas et Carlotti, M. Cozic, Mme Meunier, MM. Cardon et Jacquin, Mmes Monier et Rossignol, MM. Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéas 25 à 27
Supprimer ces alinéas
Cet amendement a déjà été défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
La commission suit l’avis favorable du ministre, exprimé à l’instant, d’autant plus que nous avions supprimé l’habilitation à légiférer par ordonnance et avions inscrit l’ensemble de ces dispositions « en dur » dans le texte. La navette parlementaire permettra de régler la question.
M. le ministre a déjà indiqué que son avis était favorable.
La parole est à Mme Catherine Conconne, pour explication de vote.
Je ne peux que saluer le vote unanime du Sénat qui se profile et le soutien tant de la commission que du ministre de l’intérieur.
Je pense qu’aujourd’hui une nouvelle ère s’ouvre.
Je voudrais simplement m’associer à cet amendement, féliciter ma collègue, remercier le ministre de son avis favorable et notre assemblée pour son probable vote d’approbation. Vous avez bien compris la difficulté.
Les récentes crises nous ont permis de comprendre les véritables enjeux et nos discussions permettent de répondre à ces préoccupations.
L ’ amendement est adopté.
C’est une belle unanimité. Bravo !
Je mets aux voix l’article 16, modifié.
L ’ article 16 est adopté.
Quelques mots pour vous remercier, madame la présidente, ainsi que M. le président de la commission des lois, MM. les rapporteurs et l’ensemble des orateurs qui sont intervenus lors de l’examen de ce texte important.
J’espère que tout le monde aura compris l’esprit dans lequel le Gouvernement est venu devant cet hémicycle.
Je voudrais remercier la commission des lois pour son travail, qui nous a éclairés – je crois que nous avons pris en compte les sujets qu’elle défendait.
Je souhaiterais terminer en disant à Mme la sénatrice Catherine Conconne que je suis très sensible à l’argument selon lequel, à la fin de l’examen d’un texte, est toujours ajoutée une disposition concernant l’outre-mer, couplée à une habilitation à légiférer par ordonnance, sans que les sujets soient véritablement abordés. Vous avez effectivement le droit de parler de tous les sujets concernant les outre-mer, qui sont très importants. À cet égard, que le ministre de l’intérieur soit aussi ministre des outre-mer est sans doute une bonne chose…
Mes chers collègues, nous avons achevé l’examen des articles du projet de loi, dans le texte de la commission.
Je vous rappelle que les explications de vote et le vote par scrutin public solennel sur l’ensemble se dérouleront le mardi 18 octobre prochain, à quatorze heures trente.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 18 octobre 2022 :
À quatorze heures trente et le soir :
Explications de vote des groupes puis scrutin public solennel sur le projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (procédure accélérée ; texte de la commission n° 20, 2022-2023) ;
Proposition de loi visant à la consolidation et à la professionnalisation de la formation des internes en médecine générale afin de lutter contre « les déserts médicaux », présentée par M. Bruno Retailleau et plusieurs de ses collègues (texte de la commission n° 11, 2022-2023) ;
Débat sur les finances locales ;
Proposition de loi encadrant l’intervention des cabinets de conseil privés dans les politiques publiques, présentée par Mme Éliane Assassi, M. Arnaud Bazin et plusieurs de leurs collègues (texte de la commission n° 39, 2022-2023).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
La séance est levée à dix-sept heures quarante-cinq.