Cet article important complète la partie consacrée à la simplification de la procédure pénale de ce projet de loi, dont l’essentiel des articles, hors partie cyber et rapport annexé, concernent l’investigation.
Sans faire de politique politicienne, j’avoue avoir du mal à comprendre la question philosophique portant sur le bien-fondé des amendes forfaitaires délictuelles, qui ont été instituées par d’autres gouvernements que le nôtre. Suivez mon regard… Pourquoi cette question serait-elle vérité ici et erreur au-delà ?
Regardons les choses de manière pragmatique. Les amendes forfaitaires délictuelles existent depuis longtemps en matière de sécurité routière, par exemple, et depuis quelques années seulement pour un nombre de délits assez simples tels que la consommation de stupéfiants sur la voie publique.
À cet égard, monsieur Favreau, il me semble que les conditions d’encadrement de l’amende devraient vous rassurer : la personne concernée doit avoir plus de 18 ans, être française, ne pas être récidiviste, reconnaître le délit – il y a donc bien respect du contradictoire, madame Assassi, raison pour laquelle le Conseil d’État valide cette procédure – et avoir commis un délit objectivable sans acte d’enquête. En outre, une circulaire pénale, prise parquet par paquet, doit expliquer les conditions d’application de l’amende.
Pour ces raisons, monsieur le sénateur, je n’ai pas compris votre démonstration sur la différence entre contravention et délit. Toutes les procédures d’AFD sont encadrées. Dès lors, pourquoi déposer un amendement de suppression ? Discutons plutôt de la liste des amendes forfaitaires délictuelles qui vous sembleraient ne pas reposer sur la reconnaissance de l’infraction ou sur un délit objectivable.
Les délits concernés par les AFD seront les suivants : les intrusions non autorisées dans une école, pour lesquelles il n’y a pas besoin d’acte d’enquête particulier ; les délits en matière de chiens d’attaque – ceux qui sont élus locaux le savent, ce sont des cas très complexes pour lesquels il est difficile d’obtenir des condamnations – ; les atteintes à la circulation des trains – certains, en région parisienne ou en région lyonnaise, sont en attente d’une telle mesure – ; les filouteries aux carburants, dans les hôtels, les taxis ou les restaurants. On vous proposera également tout à l’heure l’exercice illégal de l’activité d’exploitant de taxi, délit qui, pour être caractérisé, ne demande pas non plus de longues enquêtes, puisqu’il suffit de présenter sa carte de taxi !
Il s’agit donc de délits parfaitement objectivables et ne demandant pas d’investigations particulières ou complexes. Pourtant, ils « embolisent » la procédure pénale.
Reprenons la belle formule de Cesare Beccaria : ce qui compte, c’est non pas la sévérité de la peine, mais sa certitude. Ainsi, sans certitude de recevoir la peine, celle-ci ne sert à rien. Pour des délits qui nous paraissent mineurs, mais qu’il faut poursuivre – sinon, supprimons-les du code pénal, mais le législateur veut les conserver ! –, que faisons-nous face à l’absence ou à la quasi-absence de sanctions dans la vie réelle ?
J’ai pris l’exemple, à cette tribune, de la consommation de stupéfiants. Chacun le sait, personne n’était condamné à la prison ferme pour avoir consommé un joint sur la voie publique ! Pour autant, est-il souhaitable de consommer un joint sur la voie publique ? Nous avons majoritairement considéré que tel n’était pas le cas. Restait la question de la sanction ! Sinon, comme le disait ma grand-mère, autant faire quelque chose dans un violon… §Or nous sommes en recherche d’efficacité.
On ne peut pas dire, monsieur le sénateur, que les délits pour lesquels nous vous proposons la possibilité d’appliquer une amende forfaitaire délictuelle soient aujourd’hui particulièrement poursuivis et donnent lieu à des sanctions ou des actes de justice. Ils « embolisent » la vie des commissariats et des brigades de gendarmerie. Or les parquets doivent se concentrer sur les délits les plus graves, qui méritent des actes d’enquête poussés.
Le Gouvernement a accepté de boire le vin coupé par l’eau du Sénat ! Le Président de la République avait en effet évoqué la généralisation de l’AFD pour les infractions passibles d’une peine inférieure à un an de prison – c’est l’une des conclusions du Beauvau, monsieur le sénateur. Jusqu’à 3 900 délits étaient concernés par ces AFD. Le Conseil d’État a considéré qu’il fallait soit une liste d’infractions, soit des critères de sélection. MM. les rapporteurs ont préféré retenir la liste. Nous sommes ainsi passés de 3 900 cas de figure à sept…